Variations en D. mineur - Ter repetita

Tout a commencé par un « chiche ».
C’était un jeudi et la pluie laissait d’épaisses trainées noires sur les vitres. D., elle trouvait que ça donnait aux carreaux des airs de barreaux de prison.
C’est triste la pluie. Triste et moche.
Elle a dit ça entre deux longs silences. Ça, et puis :
Je t’en ai voulu tu sais !
Cela appelait sans doute deux trois mots de ma part. Mots qui ne me sont pas venus. Sa main était dans la mienne et j’étais conscient que si je continuais à me taire, elle la retirerait. Ce qu’elle fit.
Chiche, elle a répété
On s’est levés du banc sur lequel nous étions assis depuis un moment déjà.
Près de la Grand Place, les bus passaient, reflétant nos visages dans leur carreaux, puis s’en allaient ailleurs, loin ailleurs.
On marchait.
Je pensais : c’est bien que les bus s’en aillent, parce que D. la réflexion, c’est pas son truc.
Chiche, elle a répété encore
Vraiment pas son truc.
Je ne sais pas au juste pourquoi elle m’en a voulu. Elle a dû me le dire sans doute. Et sans doute qu’elle m’a aussi dit quelque chose avant « chiche ».
Mais quoi ?
D., elle a un décolleté qu’invite à ne pas se poser de questions. Alors j’ai dit :
OK, chiche !






Bon, si on regarde les choses en face et si on les regarde de derrière la vitre, il y a deux-trois manèges qui, sans enfant, tournent en rond et dans le froid. Puis il y a toi, peut encore plus froide que les manèges sans enfant.
— Je…
— Tu quoi ?
— Je rien !
Je laisse le silence se promener dans la pièce, puis s’installer sur une chaise à coté de nous.
Il nous accompagne ainsi un petit moment.
Tu reprends :
— Je crois que je ne viendrais pas.
Et les manèges cessent de tourner.
Tu ne lèves pas les yeux. Tu suis le trajet de ton doigt lissant le bord de la table.
J’aurais bien deux-trois idées pour te faire changer d’avis.
Je me ravie, deux-trois idées c’est trois fois rien.
Pas davantage en tous cas que trois tours de manège de table du bout du doigt.






Mon stylo écrit mieux que moi.
Encore une phrase en l’air qui veut rien dire, elle a dit
Là-dessus, elle a plié quelques fringues, les a rangées dans un sac, peut-être une valise. Un truc avec une poignée et des roulettes en tout cas.
Ça m’amusais pas.
Vraisemblablement, elle non plus.
Ça nous amusait pas.
Sauf qu’elle gardait le sourire.
Moi pas.
J’ai écrit ça sur mon petit carnet : « moi pas ». Je l’ai écrit des tas de fois : « moi pas », « moi pas », « moi pas »…
Pour combler le vide des pages, pour meubler l’absence. Pour pas penser à sa valise, à son sourire.
Et quand elle a dit :
Je suis désolée, tu sais
J’ai naturellement répondu :
 Moi pas.
Elle est partie avec le « moi ». Je suis restée avec l’écho de ses « pas » dans le couloir.
Depuis, mon stylo n’a plus écrit une ligne. Il se pourrait qu’il fasse une sorte de dépression.

Bien vu ! Une bonne ambiance je trouve. J'ai pensé à la chanson de Brassens : "Une jolie fleur dans une peau de vache"...

Excellent :
"Je pensais : c’est bien que les bus s’en aillent, parce que D. la réflexion, c’est pas son truc.
Chiche, elle a répété encore
Vraiment pas son truc."
...et la fin (d'ailleurs le troisième fragment est mon préféré).

Préféré le 1 et le 3, le 2 me faisant l'effet d'être un petit peu forcé. N'empêche, 3 instantanés bien agréables à lire, la brièveté des phrases est vraiment efficace.

Loin de vouloir D.ranger ces textes de leur tiroir, il serait interressant de nous poster la suite, histoire de sympathiser avec le D.Corps.

Tiens, j'ai un concurrent sérieux pour les confettis!!!
Bienvenue, concurrent sérieux !( moi pas trop sérieuse)

c'est marrant, le style me rappelle celui de Yali
bon, j'espère que je fais pas une gaffe et que je vais pas vexer à mort l'un ou l'autre ou les deux ! :-)))
j'aime beaucoup
justement, le style

tiens, si le "petit carnet" avait été un "moleskine", j'aurais dit que c'était Yali masqué :-)))

Un bien beau style en effet.

J'aime surtout le premier, les autres me semblent un peu faciles.

N'empêche que c'est bien agréable à lire.

Mignon tout plein...

C'est personnel mais je n'arrive pas à trouver un intérêt à ce genre de texte.

Un amuse-gueule ne nourrit pas les affamés.

La faute à mon décalage horaire, social et mental, je n’ai que rarement le temps de passer par ici mais parfois mes yeux s’arrêtent sur un texte, dont celui-ci.
Comme dirait l’autre, «  il mérite ! », par son originalité, le ton décalé, etc…

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LePagnolBreton ou une écriture me semble-t-il déjà bien connue sous un autre nom, non?