Virages alcooliques paternels

Ce n’était pas un de ces après-midi reposant pour le cœur et l’âme et dans lequel notre raison est étouffée au profit de tout notre être qui se laisse aller doucement. Au contraire, ce dimanche après-midi s’annonçait comme des plus ardus et déjà je criais au secours tout en demandant pardon à l’échafaud. Les grenouilles croassaient en écho et l’eau du lac semblait s’épancher, tout comme moi. J’avais aperçu la veille, par un petit trou dans le bas du mur, une jeune asiatique se trouvant dans une pièce contiguë à ma chambre. Et si mon bon sens n’avait pas été à vif, j’aurais parié que mon cœur, dans une de ses sautes d’humeur, aurait bondi pour me faire faux-bond, et j’aurais encore une fois couru dans tout l’hôtel en criant à tue-tête « Maudite auto-ablation ! ». Mais quelle fleur s’épanouissait si près de moi ! J’aurais défendu chaque partie de son corps contre mille chiens enragés, s’il avait fallu ! Mais je suis pas un héros à écouter les nuits danser d’amertume et ma thune n’est qu’amère car inexistante. Je l’aurais bien déçue celle-ci aussi, à ne pas me comprendre moi-même et à baragouiner sur le sens du vent. Et quand mes doigts glissent sur votre nez, c’est pas parce que je suis fou ou timide ou incompétent, mais juste que j’aime vous cueillir pétale après pétale.

Grands déserts aux chapeaux de paille pour se protéger de leur soleil. J’en ai eu marre vite de cet hôtel à grenouilles chinoises qui, le soir, me ramassent à la baguette parce que j’ai trop picolé et trop cultivé mes manques. Je m’en voulais pas comme maintenant d’avoir laissé mes gosses aux crocs acérés de leur mère, mais quand même. Je me serais bien ramené tout feu tout flammes pour lui faire un feu d’artifices, afin que les siens – artifices hypocrites, hameçons plus pointus que les dents des requins – s’effacent et qu’elle me laisse leur prendre la main. Mes phalanges sont douleur à force de trop serrer les poings, et ma tête est casse-tête à force d’être cassée.

J’ai encore trop bu hier soir, le passé et le présent s’emmêlent, et déjà au matin les torches d’alcool sont mes seules lumières. J’avais peut-être aussi les sépulcres de mes enfants qui s’illuminaient parfois, et desquels j’entr’apercevais une ou deux petites mains tordus s’élever, comme des souvenirs qui pointent le bout de leur nez-doigt pour disparaître l’instant d’après.

J’ai pris mon baluchon à six heures du matin et j’ai quitté l’hôtel. Ah, c’était peut-être ce nénuphar-là qui a rendu malade Chloé ? A moins que ce soit sur celui-ci que j’ai embrassé pour la première fois la geôlière de mes enfants… les clés n’auraient-elle pas pu tomber dans un de ces lacs ? Cette grenouille m’avait paru bizarre, peut-être qu’elle me les aurait données si je les lui avais demandées ? Je ne sais pas, je ne sais plus, je crois que je vais continuer à marcher de mes pas embués d’absinthe, ils ont beau être brumeux les brumes renferment plein de réminiscences, et peut-être cela m’amuse-t-il de les creuser et de les effleurer, une fois extraites, de mes lèvres frémissantes? Car elles m’échappent tout de suite après, se dissolvent immédiatement au contact de ma bouche, et j’ai toujours aimé le bref, le volatile, ces éphémères qu’on n’arrive jamais à attraper.

Putain, putain, putain, j’arrive plus à rien enrober de coton, et je crois que je suis définitivement perdu dans ma jungle sensorielle, et j’ai même plus la force de m’accrocher à leurs fugaces images, et j’ai même plus la force de boire pour entretenir l’espoir de l’espoir. J’ai glissé dans ses marécages, merde, ses marécages de merde. Je rouille, je suis l’humus des forêts urbaines, le géniteur génie qu’a perdu ses sculptures, et ma bouteille est vide comme moi.

Une ambiance glauque et désespérée fort bien rendue. Le texte est un peu nébuleux à mon goût, mais bien écrit je trouve, âpre...

Merci pour ton commentaire, socque.
Et aussi pour ton étonnante "fidélité" : tu as presque commenté la totalité de mes textes, jusque-là :-)

Belle écriture naissante, qui ne demande qu'à progresser.

Une écriture "bien en chair" qui bénéficierait peut-être d'un régime amaigrissant (autrement dit, je trouve le tout parfois assez indigeste, trop bavard). Quant au sens profond du texte, il me reste encore à le découvrir....

Tiens, j'aimerais bien lire l'avis de Panda sur ce texte !

Peut-être trop dense par moments, parce que fourmillant de choses à dire qui s'étalent, pas vraiment dans le désordre mais de manière déstructurée. Cela ne donne pas quelque chose d'harmonieusement hétéroclite, dommage, mais en même temps, c'est plein d'idées et de potentiel. L'écriture, affinée, sert assez bien le propos; c'est juste que ce dernier ne semble pas trop savoir où il va.

Merci pour vos commentaires !
Je suis d'accord pour dire que tout cela est assez brouillon : d'une part, c'est voulu ; d'une autre, pas vraiment, car comme avec beaucoup de mes textes, j'ai commencé celui-ci sans trop savoir où j'allais, et ai improvisé un fil conducteur au fur et à mesure que j'écrivais... une sorte d'écriture automatique, en somme.
Et dis-moi, Sahkti, pourquoi aimerais-tu bien lire l'avis de Panda sur ce texte ?

lu-k a écrit:Et dis-moi, Sahkti, pourquoi aimerais-tu bien lire l'avis de Panda sur ce texte ?

Parce que certains des éléments de ton texte font partie de l'univers littéraire et autre de Panda, il a un regard assez lucide et acéré sur tout cela.

c'est le nouveau Bukowski ? :-)))
écriture très mûre, je trouve, vu ton âge
c'est du costaud

sauf que les grenouilles ça coasse, ça croasse pas ;-)

Hop, je fait remonter pour ne pas le perdre.

Pas si vite. Hop !

c'est une superbe écriture, étonnante pour quelqu'un de 15 ans. Y'a de la virtuosité, une envie d'attraper les choses à pleines mains, même si elles s'enfuient.
Non, c'est du bon

deux petites mains tordues s’élever

énorme faute d'orthopédie, dommage. Faut que je relise encore une fois ce que tu me racontes, George Lucas. A bientôt.