Porte de Clichy (1)
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Porte de Clichy (1)
Porte de Clichy
Elle est là, s’étalant sur la banquette de moleskine rouge et lui, assis pesamment sur une chaise, face au miroir, la figure morne derrière des sourcils en broussailles . De chaque côté, le miroir est orné de vieilles réclames vantant les plaisirs de l’anisette et du calva, des nénettes aguichantes trinquant avec des gigolos. Près du bar, un perroquet en peluche se tient sagement sur son perchoir. Des mouches zigzaguent autour des lampes.
Lui, prenant un air de connaisseur, en levant les yeux au plafond, se maquille la moustache avec la mousse de sa bière pendant qu’elle le regarde d’un œil rougi et vide tout en tenant sa chope à deux mains.
D’un trait, il vide son verre et pousse un soupir de satisfaction.
- Patron ! Un autr’, siou plaît !
- Et moi alors ? s’indigna-t-elle en lampant le sien.
- Et un verre pour MÂadame, lançe-t-il, en ricanant.
Elle devient boudeuse et caresse la doublure fatiguée de son manteau.
Les rêves lourds peinent à suivre les volutes de la fumée de cigarette et les regards s’enfoncent dans l’ambre du liquide, là où l’on tire de vagues souvenirs du temps d’avant, de celui où l’on croyait bêtement au bonheur. Ils cherchent encore la couleur du bonheur. Peut-être a-t-elle celle du houblon…
Une mouche vient boire le rouge à lèvres au bord du verre tandis que le vernis écaillé de ses ongles dessine des ronds sur la table. Maintenant, elle fixe la grande aiguille de la pendule Black & White, attendant, comme chaque jour, sûrement, qu’elle ait fait le tour du cadran. Puis, d’un geste du menton :
- Tiens ! Elle promène son chien ! F’rait mieux d’ s’occuper d’ son gosse !...Elle fait l’innocente. J’suis sûre qu’elle t’a vu !
Lui, jette un œil par en dessous en direction de la vitrine.
- C’est quand qu’ tu l’as vue la dernière fois ?
Il s’ébroue et ronchonne
- Mais tu m’emmerdes ! Et, ce disant, il s’en jette une lampée dans le gosier.
Elle ramasse ses ongles sous la table et se rengorge en suivant des yeux la dame au petit chien.
- Où c’est qu’elle trouve l’argent pour avoir des bottes à talons aiguilles et du noir aux yeux ? Et sa couleur ! T’as vu sa couleur de ch’veux !...Tiens !... Tu vois qu’ tu la r’ gardes !
- Ha ! Mais tu m’emmerdes à la fin ! Et il se lève, bouscule sa chaise et se précipite vers la sortie ans même régler l’addition.
Elle ne boude plus. Ses yeux lancent des éclairs, elle enrage , fouille dans son sac, en sort un miroir et un tube de rouge qu’elle étale grassement sur ses lèvres crispées, puis, elle entreprend de gratter d’un ongle les restes de vernis qui s’éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux.
Elle est là, s’étalant sur la banquette de moleskine rouge et lui, assis pesamment sur une chaise, face au miroir, la figure morne derrière des sourcils en broussailles . De chaque côté, le miroir est orné de vieilles réclames vantant les plaisirs de l’anisette et du calva, des nénettes aguichantes trinquant avec des gigolos. Près du bar, un perroquet en peluche se tient sagement sur son perchoir. Des mouches zigzaguent autour des lampes.
Lui, prenant un air de connaisseur, en levant les yeux au plafond, se maquille la moustache avec la mousse de sa bière pendant qu’elle le regarde d’un œil rougi et vide tout en tenant sa chope à deux mains.
D’un trait, il vide son verre et pousse un soupir de satisfaction.
- Patron ! Un autr’, siou plaît !
- Et moi alors ? s’indigna-t-elle en lampant le sien.
- Et un verre pour MÂadame, lançe-t-il, en ricanant.
Elle devient boudeuse et caresse la doublure fatiguée de son manteau.
Les rêves lourds peinent à suivre les volutes de la fumée de cigarette et les regards s’enfoncent dans l’ambre du liquide, là où l’on tire de vagues souvenirs du temps d’avant, de celui où l’on croyait bêtement au bonheur. Ils cherchent encore la couleur du bonheur. Peut-être a-t-elle celle du houblon…
Une mouche vient boire le rouge à lèvres au bord du verre tandis que le vernis écaillé de ses ongles dessine des ronds sur la table. Maintenant, elle fixe la grande aiguille de la pendule Black & White, attendant, comme chaque jour, sûrement, qu’elle ait fait le tour du cadran. Puis, d’un geste du menton :
- Tiens ! Elle promène son chien ! F’rait mieux d’ s’occuper d’ son gosse !...Elle fait l’innocente. J’suis sûre qu’elle t’a vu !
Lui, jette un œil par en dessous en direction de la vitrine.
- C’est quand qu’ tu l’as vue la dernière fois ?
Il s’ébroue et ronchonne
- Mais tu m’emmerdes ! Et, ce disant, il s’en jette une lampée dans le gosier.
Elle ramasse ses ongles sous la table et se rengorge en suivant des yeux la dame au petit chien.
- Où c’est qu’elle trouve l’argent pour avoir des bottes à talons aiguilles et du noir aux yeux ? Et sa couleur ! T’as vu sa couleur de ch’veux !...Tiens !... Tu vois qu’ tu la r’ gardes !
- Ha ! Mais tu m’emmerdes à la fin ! Et il se lève, bouscule sa chaise et se précipite vers la sortie ans même régler l’addition.
Elle ne boude plus. Ses yeux lancent des éclairs, elle enrage , fouille dans son sac, en sort un miroir et un tube de rouge qu’elle étale grassement sur ses lèvres crispées, puis, elle entreprend de gratter d’un ongle les restes de vernis qui s’éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux.
Soliflore- Nombre de messages : 380
Age : 71
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Porte de Clichy (1)
Une tranche de vie bien rendue ! Peut-être un poil trop d'élisions dans les dialogues, ça fait un peu forcé. Mais j'apprécie beaucoup l'histoire habilement suggérée par ce flash.
J'aime cette formule : "Elle ramasse ses ongles sous la table", mais trouve la fin "elle entreprend de gratter d’un ongle les restes de vernis qui s’éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux" lourde, à cause des relatives successives introduites par "qui".
J'aime cette formule : "Elle ramasse ses ongles sous la table", mais trouve la fin "elle entreprend de gratter d’un ongle les restes de vernis qui s’éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux" lourde, à cause des relatives successives introduites par "qui".
Invité- Invité
Re: Porte de Clichy (1)
Une atmosphère bien rendue, des personnages croqués d'un trait elliptique, une façon d'écrire tres suggestive, j'aimerais que ça m'emmène plus loin...
Invité- Invité
Re: Porte de Clichy (1)
ça frise la caricature, mais en même temps on y croit complètement. Un chouette texte. Beaucoup aimé l'écriture.
Invité- Invité
Re: Porte de Clichy (1)
Easter(Island) a écrit:ça frise la caricature, mais en même temps on y croit complètement. Un chouette texte. Beaucoup aimé l'écriture.
Ben, moi aussi, je dois dire.
Ambiance un peu pouilleuse et glauque.
Qu'est-ce qui s'est passé ? qu'est-ce qui va se passer ?
Un peu comme ces tableaux qui fixent sur l'instant la dérivée d'un drame.
J'aime vraiment ces mini-tranches de vie qu'une écriture ciselée laisse en mémoire comme un coup de pinceau rapide et précis sur une toile.
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Porte de Clichy (1)
socque a écrit:Une tranche de vie bien rendue ! Peut-être un poil trop d'élisions dans les dialogues, ça fait un peu forcé. Mais j'apprécie beaucoup l'histoire habilement suggérée par ce flash.
J'aime cette formule : "Elle ramasse ses ongles sous la table", mais trouve la fin "elle entreprend de gratter d’un ongle les restes de vernis qui s’éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux" lourde, à cause des relatives successives introduites par "qui".
Socques, il y a effectivement une possibilité d'alléger la dernière phrase en relatifs:
Elle entreprend de gratter d'un ongle les restes de vernis. Des brisures s'éparpillent au milieu de gouttes de pluie qui tombent de ses yeux."
Merci pour ce commentaire constructif.
Soliflore- Nombre de messages : 380
Age : 71
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Porte de Clichy (1)
Tant mieux si j'ai pu vous être utile ! Je préfère en effet la fin ainsi, elle me paraît mieux couler... merci de ne plus déformer mon pseudonyme, vous l'aviez sous les yeux en me répondant.
Invité- Invité
Re: Porte de Clichy (1)
Comment aller plus loin avec un tel vélo, Coline Dé!
La suite est en cours de rédaction.
Merci pour l'appréciation.
La suite est en cours de rédaction.
Merci pour l'appréciation.
Soliflore- Nombre de messages : 380
Age : 71
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Porte de Clichy (1)
Lol, Easter, Héllian, j'espère ne pas décevoir votre attente.
Si je m'attendais au début d'un feuilleton?
Les dialogues, voilà qui est particulier à composer!
A bientôt, donc, pour un deuxième feuillet.
Si je m'attendais au début d'un feuilleton?
Les dialogues, voilà qui est particulier à composer!
A bientôt, donc, pour un deuxième feuillet.
Soliflore- Nombre de messages : 380
Age : 71
Date d'inscription : 17/02/2009
Re: Porte de Clichy (1)
J'ai trouvé ce texte bien écrit, franchement. Simple et limpide, presque facile.
Comme l'a dit un intervenant, c'est une tranche de vie. Je me contenterai de dire que je la trouve un peu trop courte. J'aurais aussi bien aimé qu'il y ait un sens plus prononcé à ce récit. Voila... :-)
Comme l'a dit un intervenant, c'est une tranche de vie. Je me contenterai de dire que je la trouve un peu trop courte. J'aurais aussi bien aimé qu'il y ait un sens plus prononcé à ce récit. Voila... :-)
Lonely- Nombre de messages : 140
Age : 47
Localisation : Perpilliéraine et montpignanaise.
Date d'inscription : 14/01/2009
Re: Porte de Clichy (1)
Le décalage entre la narration, posée, et les dialogues plus enjoués est intéressant et permet au texte de se prolonger sans s'essouffler.
Tes personnages conservent un brin de mystère, ça les rend d'autant plus sympathiques. J'ai également apprécié qu'il n'y ait pas d'effets inutiles pour cette scène de bistrot, c'est bien esquissé.
La dernière phrase corrigée me paraît meilleure comme cela, aussi.
C'est un texte qui pourrait vivre par lui-même et pourtant, il appelle à quelque chose, l'envie d'en savoir plus, de poursuivre l'aventure.
Tes personnages conservent un brin de mystère, ça les rend d'autant plus sympathiques. J'ai également apprécié qu'il n'y ait pas d'effets inutiles pour cette scène de bistrot, c'est bien esquissé.
La dernière phrase corrigée me paraît meilleure comme cela, aussi.
C'est un texte qui pourrait vivre par lui-même et pourtant, il appelle à quelque chose, l'envie d'en savoir plus, de poursuivre l'aventure.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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