Dessin candide

J’ai dessiné longtemps des contours de visages heureux, des traits naïfs et réguliers. Toujours une petite femme frêle et fragile à l’ombre d’un joli parapluie, toujours un gentleman en haut de forme à ses côtés, toujours tous deux la nuit, sous une lune moqueuse. J’ai caché un bouquet de roses derrière l’homme au beau costume, et un sourire discret sur la frimousse de sa complice. Je les ai dessinés sur une scène de théâtre sur fond de velours rouge en acteurs fantastiques Je les ai entraînés sous la neige en nouant leurs deux écharpes pour qu’ils ne s’éloignent pas l’un de l’autre. Je les ai fait naviguer dans l’iode, seuls sur un grand voilier, tout près du phare, sur les vaguelettes. Je les ai plongés dans une soirée de juin, à l’ombre d’un peuplier, étourdis par un bon vin, autour d’une table arabesque. Je voulais qu’ils pédalent à l’unisson sur un tandem au milieu des blés et qu’ils glissent sur une luge de bois en respirant quelques flocons. Je les ai toujours bercés dans les plus hauts lieux poétiques afin qu’ils se nourrissent de l’idéal sans jamais se rassasier. J’ai parfois eu envie d’atténuer les contours de leurs visages dociles jusqu’à ce qu’ils ne soient plus, comme pour les punir de tant de bonheur. J’ai voulu tracer quelques faux plis sur leurs vêtements trop élégants, et couper tous les boutons de roses d’un geste mécanique. J’ai voulu gommer leurs sourires et leurs deux mains liées. Je les ai dessinés sur des cahiers d’école et des mouchoirs en papier, sur des vieux magazines ou sur le bois brut, sur les cartes de vœux et les paquets cadeaux, je les ai dessinés partout sans jamais raturer. Ils restent ainsi hors du monde figés sur ma feuille blanche, sans même pouvoir m’interrompre

Joli !

Je ne susi pas arrivée à décider si la répétition systématique du "je" ou "j'ai" contribuait au charme du texte ou si au contraire cette construction était un peu lassante au bout du compte. Je penche toutefois plutôt pour la première option, parce qu'au final, on a là quelque chose de très visuel, frais, naïf ; des lignes qui font du bien même si la dernière, en suspens, m'interpelle sans me convaincre tout à fait...

Il nous reste à imaginer ces dessins que tu nous racontes en de jolies lignes, précieuses d'émotion et sensibles. J'ai aimé cette poésie mélancolique.

J'aime beaucoup, la répétition m'a fait penser à Eluard et ne m'a pas génée, par contre, je ne suis pas non plus convaincu par la dernière phrase.