Porte ce Clichy (2)

Porte de Clichy (suite)

Une odeur de printemps flotte dans l’air et les visages des passants semblent moins soucieux. Les étals des primeurs renvoient de fraîches odeurs et les jonquilles s’épanouissent dans les vitrines.

Giorgio se faufile à grandes enjambées, dépassant les poussettes et les cabas. Il l’aperçoit.
- Edith ! crie –t- il par-dessus les têtes.
Fait-elle semblant de ne pas entendre ?
- J’ai sonné chez toi, hier et y’avait personne, dit-t-il tout essoufflé en arrivant à sa hauteur.
Edith a la bouche fermée, les yeux fixés sur son chien, serrant son faux léopard sur sa poitrine opulente.

Sa poitrine, il en est tombé amoureux dès le jour où il l’a aperçue tandis qu’elle se penchait pour vider son caddy à la caisse de la superette.

- Il est où, Valentin ? Y’a pas d’école aujourd’hui !
Le chien s’arrête, flairant le pied d’un réverbère.
Enfin, elle regarde Giorgio droit dans les yeux :
- Tu étais encore avec elle, j’vous ai vus dans l’bar !
- Ah ! Mais tu sais bien que s’il n’y avait que moi, j’irais au bar tout seul pour te guetter passer sur le trottoir, mais c’est qu’elle me file le train, la Rosine !
- Qu’est-ce que t’attends pour la plaquer ? Moi, je dois élever ton gosse toute seule !
- Il est chez Lulu, si tu veux tout savoir ! Heureusement que j’ai Lulu, au moins, elle me comprend !
- Mais je t’ai déjà dit cent fois que s’il n’y avait que moi, je ferais mes valises et je les porterais chez toi, mais tu sais bien que chez nous, en Italie, le mariage, c’est sacré, on n’y touche pas !
Oh oui qu’elle a entendu cette sérénade plus d’un fois ! La sempiternelle excuse !
Elle prend, cependant, un air un peu plus adouci :
- Tu sais, il encore grandi. Il lui faudrait d’autres vêtements.
- Depuis qu’il va à l’école, je n’le vois plus souvent….Tu l’as bien choisi ton manteau. Rosine en est jalouse et de tes bottes aussi. Un peu trop rouge, peut-être, la couleur de tes ch’veux…
- Ah ! Rosine, Rosine ! Même quand t’es pas avec elle, faut qu’t’en parles ! T’as l’art de gâcher les moments quand on est ensemble !

C’était pas méchant, il voulait juste lui montrer qu’à elle, il lui avait offert un manteau tandis que Rosine traîne jours sa vielle pelure.

- J’ai envie de te prendre dans mes bras, là, contre le réverbère !
- T’es fou ! Et elle lui sourit, soudain aguicheuse, ouvrant suffisamment son manteau pour qu’il plonge son regard sur les deux seins passablement dénudés.
- Puisque le p’tit est chez Lulu, on peut monter !
Il lui prend alors la laisse des mains et passe l’autre bras sur son épaule. Elle est plus grande que lui avec ses talons aiguilles.

Un petit Indien, l’air triste, promène des roses dans un panier.

L'Indien arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, peut-être que la coupure aurait dû avoir lieu juste avant.
Autrement c'est du tout bon avec l'alternance dialogues/ narration, même si j'ai eu un peu de mal à me remémorer qui est qui, qui a fait quoi (ça aurait été bien de renvoyer vers le texte précédent) ; et même si je ne suis vraiment pas fan des élisions pour faire langue parlée.

Vraiment très sympa ce texte, très vivant, un bol d'air ! Contrairement à Easter(Island), j'ai beaucoup aimé la dernière phrase sur le petit Indien, qui remet les choses en perspective.

eh bien moi non plus l'indien ne me dérange pas. ça fait zoom arrière opportun après cette scène relativement intime. Je continue d'apprécier. c'est vrai que les élisions, ça peut se discuter

Je comprends fort bien Easter et j'ai beaucoup de chance que Héllian et Socque trouve que l'Indien tombe à pic.

En fait, j'ai réalisé, un peu tard, que tout mon texte n'était pas imprimé. La suite du feuilleton paraîtra donc la semaine prochaine. Soyez patients!

Je vous remercie chacun pour votre lecture et votre commentaire agréable.

J'aime toujours autant ce monde coloré et vif, à la limite du mauvais goût. Un exercice périlleux de le décrire sans fausse note et d'en rendre les personnages attachants. J'attends la suite !

Je n'ai pas lu la première partie. Mais je suis néanmoins bien rentrée dans l'histoire. J'ai vraiment bien aimé.
Quant à l'indien, je ne sais pas. J'avais vu le premier commentaire avant de lire le texte. Du coup, je l'ai lu comme détaché du texte.

Merci à Arielle et Anne Veillac pour leurs encouragements.
Une suite est sur l'écritoire.

J'aime la présence de cette phrase avec l'indien à la fin, ça permet au texte de se remettre sur des rails narratifs qui me plaisent, ça repositionne tout ça dans un cadre plus large.
J'ai un petit bémol pour certaines parties du dialogue, que je trouve très légères ou peu naturelles, comme cette histoire de mariage en Italie.
Sinon, j'ai souri, ces personnages sont attachants.
Attention à conserver cette alternance réussie entre narration et dialogues et à faire que ceux-ci, si trop emportés, ne prennent le dessus sur tout le reste.