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Une nuit en compagnie des écorchés vifs

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Une nuit en compagnie des écorchés vifs Empty Une nuit en compagnie des écorchés vifs

Message  moolek Mar 7 Avr 2009 - 0:25

Je m’étais éveillé en pleine nuit à l’hosto, la tête entre les mâchoires d’une presse hydraulique et vibrante. Des petites trémulations sur les tempes, la pression qui me donnait l’impression d’allonger mon visage vers l’avant et de sentir mes molaires gauches se moudre sur celles de droite. Cependant mon coeur battait, et mon sang s’y précipitait naturellement. La chambre, fluorescente tant ses murs réfléchissaient les néons du plafond, était animée des pièces voisines de relents de mort et d’amertume. J’y entendais la détresse d’autrui, la physique (celle que l’on guérit plus aisément que l’autre) la vie à bout de souffle, les escarres en sursis. On me soignait, du moins le semblait-on car je ne me sentais pas mieux que la veille mais des docteurs voulaient me sauver, des infirmières prenaient mon pouls et le goutte- à-goutte goutte-gouttait. Il y avait même la télévision, tout était pour le mieux. Au fond du couloir un adolescent crevait en se tordant de douleur, perdait ses cheveux mais il fallait se distraire, oublier cette charmante boutonnière qui s’étire entre le nombril et la glotte, le rédon qui ne cessait de vidanger la pourriture complotant dans son genoux. D’ailleurs pour ce qui était du jeune homme, on avait prévu de l’emmener pendant Questions pour un champion où tous seraient rivés au poste.
J’aime pas ca l’hosto, on s’y emmerde ferme et les rencontres s’éternisent généralement. Un purgatoire dans le creux de nos jours sauf que la survie ne dépend pas du grand barbu mais d’un chirurgien ou d’un simple médecin qui pioche dans l’économie de toute une vie; et il faut encore casquer en sachant que votre cas est condamné et que les vers commencent déjà à vous ronger la bidoche. Amenez l’oseille, c’est pour une bonne cause, celle de ma Mercedes SL et des cobayes qu’on élève à coups de scalpels et potions miraculeuses.
Moi, on m’avait porté ici après que ma japonaise vienne se fondre sur la portière d’une Fiat. Saut de l’ange et réception sur les cils, fracture des poignets, Bordamu le doc m’avait étalé sur le billard. Belles broderies qui se dessinaient sur ma peau, une de plus. Dangereux que ces grosses cylindrées merde, à croire que le soleil levant les fabrique pour vous réduire en pâté impérial. Encore une chute semblable et j’obtiendrais une belle pension doublée d’une putain d’infirmière qui me torcherait le cul.
Elle se nommerait Samantha et aurait des cheveux rouges jusqu’aux reins même. Jamais de mémoire de malades, nous n’aurions vu plus salope en blouse blanche.
Pourtant à l’approche d’une grosse fonctionnaire, je me réjouissais de toujours pouvoir bouger mes mimines. Une grosse avec des poils aux pattes, des tignats qui venaient se blottir dans les plis de son cou de chapon. Elle lorgnait à une dizaine de centimètres mon visage, vérifiais sûrement mon teint de peau, les points noirs aux coins de mon nez et aux joues. Enfin elle tata mon pouls, puis fit demi-tour vers le couloir illuminé (ses fesses étaient énormes comme deux grosses pêches juteuses). J’écoutais le bruit de ses sabots fuir vers une autre chambre et m’étirais de toute ma longueur. C’est à ce moment précis que je m’aperçus véritablement du ronflement de mon voisin. Un cachalot faisant rouler sa morve entre ses fanons et vidant ses poumons de tubard, songeais-je en l’écoutant. Nul besoin de vérifier si cette chose roupillant douloureusement avait passée l’arme à gauche. Juste à tendre l’oreille à travers le long couloir, bien pratique.
Je suis moi-même assez bruyant en dormant, ce qui m’ennuit dans de nombreuses circonstances tels que les transports en commun, les coucheries sans lendemain et les siestes planqué dans les chiottes du turbin. Pas moyen d’étouffer ce grognement. De plus, les jours de beuverie, la machine s’affole de plus belle jusqu’à me réveiller dans mes profonds sommeils. Une calamité pour mes voisins et mes compagnes.
Donc le mec ronflait, grommelait en roucoulant de toutes ses forces. Un zinc au décollage toutes les cinq secondes à chaque fois plus terrible. Un tibétain jurerait avoir ouï le yéti des neiges. Je jurais quant à moi que le lascar m’écoutait l’injurier et prenait ses plus intenses inspirations pour que je me jette à sa gorge et lui coupe la tubulure à oxygène. Siffler il n’y rien de plus con, dix fois cinquante fois j’essayais, en vain. Je fermais les yeux mais voilà que ca redoublait d’intensité. On aurait dit que le tintamarre s’échappait par mes yeux tant il devenait accablant. Je me levais vers la fenêtre pour regarder rouler les voitures à travers la nuit. Des jets de lumière sur un tapis sombre, tantôt blancs tantôt rouges, puis de temps en temps bleus plus vifs et se muant rapidement. Il était trois heures vingt du matin et l’on allait encore chercher de nouveaux patients. Valait mieux aller se pieuter et éviter de prendre sa bagnole ou traîner les bars. La nuit, un poivrot au volant, un mauvais coup dans le buffet et l’on vous étendait sur une civière. Crever dans son page, dans mon cas et celui de mon voisin de chambre était impossible, il y aurait toujours quelqu’un pour trouver étrange que vous ne ronfliez plus et appeler SOS secours. Un système de survie en sorte, que je pense efficace, en tout cas pour celui qui ne vit pas seul.
C’était un gros mon voisin, tout en rabe de gras et de cellulite. A bouffer toutes ces sucreries qui traînaient à son chevet, je ne lui donnais pas dix ans de plus. Et puis je me suis levé, fouillé mon blouson pour y prendre mes tiges et filais vers les ascenseurs. Pas une âme qui vive, seulement le bruit des néons électriques et des diverses machines qui meublaient les chambres et y gardaient un semblant d’existence. Une nuit en compagnie des écorchés vifs, voilà le titre de cette nouvelle.
J’avais gagné l’escalier de service et pompais ma blonde tranquillement assis sur une marche. Du bout de mes doigts j’avais fait tout cela, la prise du paquet et le reste, un vrai supplice pour se noircir les poumons. Plus aucun instinct de survie dans nos villes aujourd’hui ; le mieux qui serait à faire serait de se tailler loin des fumées et des MacDo vers le premier no man’s land et y croupir d’ennui. C’est mon avis, c’est à défendre.
Donc j’aspirais mon mégot et décidais de marcher un peu, rien de mieux à faire avec cet enfoiré qui roupillait. Je décidais de vadrouiller vers un service voisin, l’ophtalmologie. La couleur des murs avaient changé, plus vive sans doute à l’attention des malvoyants. Ca ronflait dur aussi dans cet endroit, en duos ou trios suivant le nombre des occupants des chambres, énergiquement. J’écartais une porte et y jetais un oeil. Deux vieux dont un avec une large compresse scotché sur l’oeil droit. L’autre était enveloppé dans ses draps. Je me faufilais entre les vieillards et leur bandage pour me diriger vers une montre Rolex étalée près d’un gobelet où trempait un dentier jauni. Je la saisissais entre mon majeur et l’annulaire puis filais. Dans la chambre voisine, c’étaient trois femmes d’âges différents; une gamine aux cheveux blonds et une vieille les tifs bouclés, une africaine qui bavait sur son oreiller. J’y reniflais une odeur de vanille et de camomille, doux fumets qui planaient au dessus des esprits assommés. Nul sait combien de temps suis-je resté dans ces lieux à les observer lâcher de minuscules soupirs évadés d’un songe lointain et à ronronner de temps à autres. C’est ainsi que j’aimais les femmes, silencieuses et conciliantes avec pour seuls sons ce sifflement d’entre les dents. Une bouche de castor. Je matais encore le lieu et réenclenchais afin d’en visiter une autre. A l’instant même on m’interpela, une jeune femme des frisettes sur le sommet du crâne.
Rien que des femmes dans ces hôpitaux, il y a des soirs où un parfum d’érotisme doit errer dans ces longs corridors. Et puis des pieux partout à vous donner des envies de partager vos phéromones avec les infirmières. Elle m’appela une nouvelle fois collée à mes talons, je fuis, détalais pour me réfugier dans une salle de bain. Du carrelage du sol au plafond, une idée présente de la morgue avec tous ces petits pavés crayeux. Une odeur de sanisette. Je m’accroupissais dans ses chiottes et tentais d’étouffer mon souffle à travers mes doigts. Cette course d’une quinzaine de secondes avaient été suffisante pour me couper le souffle et les muscles de mes guiboles. Jamais été fortiche en athlétisme, poser mon pied devant l’autre pendant des heures à travers la verdure et se couvrir de sueur, très peu pour moi. Bref, je battais la breloque et aspirais, terré dans mon trou aseptisé à regagner mon pieu, transi de crainte. Et puis des pas vinrent vers moi, deux paires de claquettes. Je priais tous les saints à ce qu’elles ne me trouvent pas ici et me demandais si le plus intelligent pour le moment n’était pas de baisser son fut et de tenter de couler un bronze. L’alibi était parfait, j’dirais à l’inspecteur que lors du vol de la montre, je chiais déjà depuis une ou deux heures. Les garde-malades en seraient témoins, même qu’elles déclareraient que ca sentait la charogne et l’effort. Je me foutais donc en tenue d’Adam et m’écrasais le fiacre au trône. Je les entendais parfaitement papoter devant le miroir, s’esclaffer de rire et se frapper la paume des mains sur les cuisses. Ca parlait cul, fortune et famille, de la vie en définitive.
Vous avez remarqué qu’il n’y a que l’homme dont la voix ne varie pas de son adolescence à son lit de mort. Pensez donc à toutes ces femmes dont les cordes vocales dés la ménopause révolue, soit environ la quarantaine se sont fendillées. Les bonnes femmes n’ont jamais assez de leur vie pour bavasser. Vous les croisez dans l’ascenseur qu’elles énumèrent avec leur voisine de palier la liste des provisions. Dans leur bagnole, c’est avec leur autoradio qu’elles semblent s’entretenir. Des moulins à paroles, c’est bien ça qu’on dit pour parler de ces pipelettes n’est ce pas? Cependant je n’insisterais de trop sur ce sujet de crainte que l’on m’afflige de misogyne. J’aime les femmes et ne tente par ces quelques lignes que de souligner leur défaut, celui qui m’exaspère tant qu’il me comble de bonheur lorsqu’il cesse. Je préciserais en outre que mes mots seraient les mêmes pour évoquer mon admiration pour les oiseaux, malgré leurs merdouilles qui n’arrêtent pas de fuser lorsque je promène mon ombre dans un parc.
Et tout devint plus sérieux, à la limite de la tragédie. A voix douces qu’elles s’adressaient l’une à l’autre en soupirant de temps à autres. Ma pauvre Sarah, comme ton corps est couvert d’hématomes, quel rustre ce mari, et ton dos, tes reins, tes seins, quel salop.... que l’une d’elle s’égosillait à répéter tristement.
Une femme battue pensais-je en sentant un air frais se frayant un sinueux passage entres mes testicules et mon anus.
L’époux s’était fait la main sur son épouse, avait même peut-être usé de ses charentaises et de sa télécommande universelle. Dans les côtes et la mâchoire, vas-y barbare tue la maintenant, d’une droite dans la tempe. De tout ton élan tu lui écrases ton poing sur le crâne, c’est d’ailleurs la seule chose que tu réussiras dans ta pauvre existence. Ton patron s’est torché sur ta paie cet après-midi et tu te venges sur celle qui a enfanté tes trois enfants, qui t’a servi tes repas depuis dix ans déjà. Ou peut-être ta maîtresse a refusé de te foutre un doigt dans le cul et jeté aux ordures ton bouquet de roses rouges. Une nuit viendra où elle se rendra dans la cuisine pour saisir un couteau afin de te couper les couilles. Rien de tel pour gommer à tout jamais ton agressivité. Le doberman de mes voisins s’est arrêté de bouffer les facteurs le lendemain de son émasculation. Cela a duré une dizaine de minutes.
Je lâchais un pet, remontais mon pyjama bleu et me glissais jusque mon antre bruyante.
L’après-midi qui suivit m’apporta un nouveau compagnon de chambre. J’avais tremblé toute la matinée. A tous moments j’imaginais voir entrer une bande de médecins pour me botter le cul et me renvoyer chez moi. J’pouvais toujours crever dehors que l’on m’aurait dit en me claquant la porte au tarin. Ce nouvel ami, c’était une tête, oui juste une caboche sans cou ni buffet, bien ronde et miraculeusement vivante qui ne se penchait que sous l’effet gyroscopique des allers-retours entre les soins et son lit. Jules qu’elle se nommait cette tête, masculine donc, malgré l’absence d’un phallus. J’avais observé dans mes adolescences nombreuses de ces têtes sans corps mais toujours elles étaient le fruit d’un jeu de glace. Et là, la voilà, cette trombine sans coeur ni jambe, à partager mon oxygène enroulée dans un bandage à la manière d’un oeuf de Pâques. Pas même un trou de bal ou un doigt pour se fouiller le blaire. Un nez superbe d’ailleurs, tout en proéminence. Une trompe presque mais pas mobile, indiscutablement rigide. Mais quelle femme s’intéresserait à un oeuf de Pâques ou à une trompe si celle ci ne dépassait pas vingt centimètres? Un homme encore pourrait s’en servir comme boule de bowling en l’empoignant de deux doigts dans les narines et du pouce entre les incisives mais une dame, qu’en ferait elle de cette bille méprisable.
Jules, l’infirmière l’avait délicatement déposé sur un oreiller entre un verre d’eau et sa paille, la page des sports d’un quotidien. Je tentais alors de fermer un oeil et n’avais osé le regarder à vrai dire. Je l’écoutais téter son eau plate et renifler, les tripes me tiraillaient. J’appellerais Barnum dès demain et m’enthousiasmerais de ma découverte. Une tête comme celle ci m’assurerait un bel avenir, sous cloche que je l’installerais ce Bon Jules, afin qu’il ne prenne pas la poussière. Tiens, je lui offrirais du coca aussi, tellement je serais plein aux as.
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Message  grieg Mar 7 Avr 2009 - 6:49

Admettons que je me sois un jour posé la question : « qu’aurait écrit bukowski s’il avait passé la nuit à lire céline en prenant cinq valium, trois tranxène - parce que boire ne suffit pas, il faut aussi du solide ? »
Alors tu m’aurais donné la réponse avec ce texte.

Je dis bravo pour l’exercice de style, la verve…

Me manque pourtant quelque chose, pour le trouver vraiment intéressant.
Aucun des personnages évoqués n’est vivant, les scènes se succèdent sans me séduire, le style est plombé par l’ennui que je ressens…

Ne prends pas mal mon commentaire, je suis presque admiratif, seulement - c’est dingue - avant même de te connaître, j’attends déjà plus de toi.

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Message  Invité Mar 7 Avr 2009 - 8:29

Le titre fait sûrement qu'on ne devrait pas attendre autre chose qu'une nuit à l'hôpital en compagnie de etc...
Et pourtant si, on aimerait autre chose, parce que ton écriture laisse pressentir que tu peux donner davantage, donner mieux que cette longue description séduisante par moments, à faire grincer les dents à d'autres...
Vrai que l'on étouffe un peu beaucoup dans cette écirture dense, mais en même temps c'est aussi ce qui la caractérise comme différente, autre, "intéressante".
Beaucoup beaucoup de style et encore du travail.
Un mélange d'admiration et de réserve.

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Message  Invité Mer 8 Avr 2009 - 21:19

Tout d'accord avec grieg ! Malgré l'ambiance gore-frappadingue et l'effort de style, j'ai eu tendance à m'emmerder...

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Message  moolek Ven 10 Avr 2009 - 1:24

j'aurais du revetir ma sortie turquoise en polaire alors
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Message  Sahkti Mar 5 Mai 2009 - 11:59

moolek a écrit:j'aurais du revetir ma sortie turquoise en polaire alors
ça aurait changé quoi plus particulièrement ? :-)
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