Une parole
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Anne Veillac
boc21fr
mentor
Loreena Ruin
andrea
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Une parole
Une parole
Je le savais depuis longtemps, un événement inouï allait arriver. Puis, un été chassant l’autre... A présent, je suis étrangement calme. Mais il faut commencer au début…
J’ai vécu à l’écart du monde. Ma mère jouait de la harpe avant que je m’endorme, ses mains étaient des mouettes, un battement d’ailes. J’apercevais la mer et la côte en échancrures, les oliviers pâles sur la terre rouge, les grenadiers en arcs en ciel sur les collines, entre lilas et sycomores. J’aimais ce dialogue des couleurs, et la course des papillons dans les senteurs fuchsia. Puis il a fallu quitter mes parents. Heureuse atmosphère de l’école, bavardages, rires, rêves, désirs. J’ai aimé cet enseignement magique, tous ces récits merveilleux, les histoires, bien réelles et la musique. La musique est le rêve devenu réalité, la beauté du monde s’y déploie, libre, convulsive, enveloppante. Ici, le temps est rarement froid - étés brûlants, ondulations du vélarium sous le vent tiède, la terre regorge de fruits délicieux et les murs épais apportent une bienfaisante fraîcheur. Etrange et sculpturale paix. J’ai lu les vieux textes, écouté les légendes, les vertigineuses épopées, les témoignages de mes ancêtres, leurs voyages merveilleux. Sur cette mer qui n’en est pas une, les nuits de lune, j’aimais glisser sur une barque et rêver, aux étoiles. Flotter sur l’onde comme un nénuphar, une fleur de lotus épanouie et détachée du monde. Mon âme et mon corps étaient un seul désir.
Etais-je différente ? Parce que je comprenais, acceptais ce que d’autres refusent, trouvant une harmonie là où règnent désordre, lâcheté, fatuité, jalousie ? Je voyais cette noirceur s’emparer des âmes, la vérité dissimulée derrière les apparences. Alors que la terre est un jardin, que l’homme a tout pour être heureux, il se précipite tête baissée dans les turpitudes et le malheur. Un voile tantôt léger ou lourd recouvre la vie. Je ne pouvais pas le supporter.
Un jour, j’ai quitté l’école. J’avais changé mais il n’était pas encore temps. Je me marierais, mais mon destin irait bien au-delà des conventions du temps. J’étais inquiète, et au contraire, cette rencontre a confirmé ma bonne étoile. La simplicité de mon mari, son humilité m’ont touchée. Je lui ai parlé de mon désir. Il m’a écouté avec attention, essayé de comprendre, pouvais-je en attendre plus ? Les jours passaient. Au fur et à mesure, ma conscience affleurait, le futur se dessinait. Rien ne serait facile. L’idée de traverser la douleur, la souffrance, d’un passage, était maintenant en moi. Et la sérénité s’installait.
Hier, le soleil s’est couché dans un crépuscule grenat. L’horizon semblait pris de folie, un trou béant dans lequel j’ai eu envie de me noyer. Ce matin, il s’est levé pâle et fuyant. Avec cette atmosphère neigeuse du début du printemps, où tout semble ouvert, où les rêves s’envolent comme la brume dans le vent, plumes légères, virevoltant et tourbillonnant, attirées par le ciel.
Quand l’ange est arrivé, je jouais de la musique et le reste de ma vie est devenu musique. Je tenais entre mes mains le monde entier. Il avait suffit d’une parole.
adieu....bakti..sakhti
Je le savais depuis longtemps, un événement inouï allait arriver. Puis, un été chassant l’autre... A présent, je suis étrangement calme. Mais il faut commencer au début…
J’ai vécu à l’écart du monde. Ma mère jouait de la harpe avant que je m’endorme, ses mains étaient des mouettes, un battement d’ailes. J’apercevais la mer et la côte en échancrures, les oliviers pâles sur la terre rouge, les grenadiers en arcs en ciel sur les collines, entre lilas et sycomores. J’aimais ce dialogue des couleurs, et la course des papillons dans les senteurs fuchsia. Puis il a fallu quitter mes parents. Heureuse atmosphère de l’école, bavardages, rires, rêves, désirs. J’ai aimé cet enseignement magique, tous ces récits merveilleux, les histoires, bien réelles et la musique. La musique est le rêve devenu réalité, la beauté du monde s’y déploie, libre, convulsive, enveloppante. Ici, le temps est rarement froid - étés brûlants, ondulations du vélarium sous le vent tiède, la terre regorge de fruits délicieux et les murs épais apportent une bienfaisante fraîcheur. Etrange et sculpturale paix. J’ai lu les vieux textes, écouté les légendes, les vertigineuses épopées, les témoignages de mes ancêtres, leurs voyages merveilleux. Sur cette mer qui n’en est pas une, les nuits de lune, j’aimais glisser sur une barque et rêver, aux étoiles. Flotter sur l’onde comme un nénuphar, une fleur de lotus épanouie et détachée du monde. Mon âme et mon corps étaient un seul désir.
Etais-je différente ? Parce que je comprenais, acceptais ce que d’autres refusent, trouvant une harmonie là où règnent désordre, lâcheté, fatuité, jalousie ? Je voyais cette noirceur s’emparer des âmes, la vérité dissimulée derrière les apparences. Alors que la terre est un jardin, que l’homme a tout pour être heureux, il se précipite tête baissée dans les turpitudes et le malheur. Un voile tantôt léger ou lourd recouvre la vie. Je ne pouvais pas le supporter.
Un jour, j’ai quitté l’école. J’avais changé mais il n’était pas encore temps. Je me marierais, mais mon destin irait bien au-delà des conventions du temps. J’étais inquiète, et au contraire, cette rencontre a confirmé ma bonne étoile. La simplicité de mon mari, son humilité m’ont touchée. Je lui ai parlé de mon désir. Il m’a écouté avec attention, essayé de comprendre, pouvais-je en attendre plus ? Les jours passaient. Au fur et à mesure, ma conscience affleurait, le futur se dessinait. Rien ne serait facile. L’idée de traverser la douleur, la souffrance, d’un passage, était maintenant en moi. Et la sérénité s’installait.
Hier, le soleil s’est couché dans un crépuscule grenat. L’horizon semblait pris de folie, un trou béant dans lequel j’ai eu envie de me noyer. Ce matin, il s’est levé pâle et fuyant. Avec cette atmosphère neigeuse du début du printemps, où tout semble ouvert, où les rêves s’envolent comme la brume dans le vent, plumes légères, virevoltant et tourbillonnant, attirées par le ciel.
Quand l’ange est arrivé, je jouais de la musique et le reste de ma vie est devenu musique. Je tenais entre mes mains le monde entier. Il avait suffit d’une parole.
adieu....bakti..sakhti
andrea- Nombre de messages : 41
Age : 51
Date d'inscription : 18/03/2009
Re: Une parole
Une très belle écriture, qui m'a touchée malgré mon indifférence a priori au sujet.
Une remarque :
"Il avait suffi d’une parole." (et non "suffit")
Une remarque :
"Il avait suffi d’une parole." (et non "suffit")
Invité- Invité
Re: Une parole
Ouahh ! Je n'ai pas de commentaire particulier à faire : c'est sensible, touchant, poétique... j'ai tout aimé et je ne trouve rien à ajouter.
Merci pour ce moment... et ces images magnifiques.
Merci pour ce moment... et ces images magnifiques.
Loreena Ruin- Nombre de messages : 1071
Age : 35
Localisation : Nancy
Date d'inscription : 05/10/2008
Re: Une parole
Oui, une belle écriture nostalgique, des bribes qui laissent la drôle d'impression d'avoir cru tenir quelque chose qui n'est plus là quand on ouvre les mains...
Invité- Invité
Re: Une parole
une écriture superbe
je crois que je n'ai pas tout compris (thème, lieux), faut que je relise à tête reposée
patite faute : "il m'a écoutéE"
beau texte
je crois que je n'ai pas tout compris (thème, lieux), faut que je relise à tête reposée
patite faute : "il m'a écoutéE"
beau texte
Re: Une parole
Une belle vision poétique du monde...
Innocence sans naïveté...
Rêve et lucidité...
Cela fait du bien de respirer un air plus pur...
Innocence sans naïveté...
Rêve et lucidité...
Cela fait du bien de respirer un air plus pur...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Une parole
J'ouvre au hasard ce premier texte aujourd'hui et je suis heureuse de mon choix. J'ai eu un vrai plaisir de lecture. J'ai trouvé ce texte très beau, très poétique, très bien écrit, avec les phrases fluides, des mots bien choisis. Pourtant, je préfère d'habitude les textes plus réalistes.
Re: Une parole
Bonjour andrea,
votre texte est frais en deux mots. Je le trouve généreux et agréable à lire.
Il a bien deux ou trois points où j'aurais fait autrement mais il faut que vous sachiez que mon écriture est souvent lourde ; en dehors de tout le reste j'ai tendance à en faire trop voire beaucoup trop (faute avouée à moitié pardonnée ?).
Néanmoins je vous les signale tout de même le but étant non pas de dénaturer votre joli récit mais d'y apporter une autre vision à quelques endroits (je vous ai pourtant prévenu, je sens déjà que j'en fait trop, désolé, te le conte de la grenouille et du scorpion, je n'y peux rien, c'est dans ma nature !).
Bon, plutôt que de m'enfoncer encore plus et assez maladroitement je me lance.
Bon... vous allez sûrement détesté et trouver que je tombe dans l'emphase mais voilà ce que j'aurais peut-être écrit : « Ses mains étaient un envol de mouettes en direction de l'océan, un gracieux battement d'ailes. »
Et enfin, après je vous laisse tranquille (il était temps me direz-vous sûrement ;-)) :
Comme promis je ne vous ennuie plus ; si j'ai passé autant de temps (si, si, ça m'en a pris pas mal) sur votre texte c'est que je l'apprécie beaucoup alors ne soyez pas trop dure envers mes remarques même si certaines sont pointilleuses, je l'avoue volontiers ;-)
votre texte est frais en deux mots. Je le trouve généreux et agréable à lire.
Il a bien deux ou trois points où j'aurais fait autrement mais il faut que vous sachiez que mon écriture est souvent lourde ; en dehors de tout le reste j'ai tendance à en faire trop voire beaucoup trop (faute avouée à moitié pardonnée ?).
Néanmoins je vous les signale tout de même le but étant non pas de dénaturer votre joli récit mais d'y apporter une autre vision à quelques endroits (je vous ai pourtant prévenu, je sens déjà que j'en fait trop, désolé, te le conte de la grenouille et du scorpion, je n'y peux rien, c'est dans ma nature !).
Bon, plutôt que de m'enfoncer encore plus et assez maladroitement je me lance.
J'aurais bien vu "depuis toujours" pour renforcer le côté inexorable de la chose même si j'imagine que "longtemps" a été choisi pour dire que la narratrice ne le savait pas à son plus jeune âge mais qu'un peu plus tard.Je le savais depuis longtemps
Je trouve qu'il manque une petite transition dans cette introduction même si les points de suspension font clairement ellipse je n'arrive pas à saisir le lien entre "un événement inouï allait arriver" et le "a présent, je suis étrangement calme". Sûrement la narratrice ne veut pas trop en dire dès le début mais je reste toutefois incertain quant à ladite introduction.Puis, un été chassant l’autre... A présent, je suis étrangement calme.
Là aussi je trouve qu'il manque un petit détail afin de donner plus de force à cette belle image poétique. Avec cette tournure je trouve que les mouettes sont réduites à un simple battement d'ailes.ses mains étaient des mouettes, un battement d’ailes.
Bon... vous allez sûrement détesté et trouver que je tombe dans l'emphase mais voilà ce que j'aurais peut-être écrit : « Ses mains étaient un envol de mouettes en direction de l'océan, un gracieux battement d'ailes. »
Je ne trouve pas la virgule entre "histoires" et "bien" utile, dans l'ensemble de la phrase il me semble qu'elle casse la mélodie.les histoires, bien réelles et la musique.
Idem, pour le rythme j'aurais peut-être écrit : « convulsive et enveloppante »la beauté du monde s’y déploie, libre, convulsive, enveloppante.
Croyez-moi, je n'ai rien contre les rêves ou les désirs, bien au contraire, mais je trouve que dans un texte cours les répétions sont peut-être légèrement (j'insiste sur légèrement et non lourdement) nuisibles.rêves, désirs... La musique est le rêve... où les rêves s’envolent... une barque et rêver... un seul désir... parlé de mon désir... Mon âme... s’emparer des âmes...
Et enfin, après je vous laisse tranquille (il était temps me direz-vous sûrement ;-)) :
Bien que l'image soit très belle je pense qu'il faudrait peut-être reformuler ce passage. Pour moi, mais ce n'est pas une certitude, le crépuscule grenat vient après le coucher du soleil ; le soleil ne peut donc théoriquement pas se coucher dans un crépuscule, enfin je crois.Hier, le soleil s’est couché dans un crépuscule grenat
Comme promis je ne vous ennuie plus ; si j'ai passé autant de temps (si, si, ça m'en a pris pas mal) sur votre texte c'est que je l'apprécie beaucoup alors ne soyez pas trop dure envers mes remarques même si certaines sont pointilleuses, je l'avoue volontiers ;-)
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
Age : 49
Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Une parole
c'est très joli, très pur et plein d'une simplicité très rafraichissante et poétique! *aimerait en faire autant*
Awenyel- Nombre de messages : 55
Age : 38
Date d'inscription : 16/05/2008
Re: Une parole
Une écriture fluide et agréable à lire sur un texte sans vanité qui dit quelque chose de très humain. Je ne sais pas exactement ce qui en est l'objet mais le ressenti d'après lecture suffit en soi.
V.
V.
Re: Une parole
oui ?andrea a écrit:adieu....bakti..sakhti
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Une parole
Sahkti a écrit:oui ?andrea a écrit:adieu....bakti..sakhti
Je pense que c'est en référence à votre "prise de tête" ici...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
Re: Une parole
http://www.vosecrits.com/forum-vos-crits-posie-f3/la-maison-de-l-enfance-t4201.htm#141626
Zut...dérapage de copier/coller...
Sorry Sahkti...
Je ne sais plus qui a écrit qu'il ne faut "jamais se brouiller par courier", et même laisser le temps aux lettres que l' estime "brulantes" de "refroidir sur un rebord de fenêtre...
Pas si bête...
Avec les forums, tout est vite chauffé à blanc...
Zut...dérapage de copier/coller...
Sorry Sahkti...
Je ne sais plus qui a écrit qu'il ne faut "jamais se brouiller par courier", et même laisser le temps aux lettres que l' estime "brulantes" de "refroidir sur un rebord de fenêtre...
Pas si bête...
Avec les forums, tout est vite chauffé à blanc...
boc21fr- Nombre de messages : 4770
Age : 54
Localisation : Grugeons, ville de culture...de vin rouge et de moutarde
Date d'inscription : 03/01/2008
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