Nouvelle

Un début flamboyant ! J'espère évidemment une suite, mais me permets un avertissement : si nouvelle il y a, où quelque chose se passe, ne vous étalez pas trop complaisamment sur les descriptions et considérations annexes, ne perdez pas de vue votre objectif. Je crois discerner cette tentation dans le texte ; ce n'est pas gênant encore, parce qu'on s'installe dans le récit, mais il ne faudrait pas que ce fût trop accentué, je pense...

Quelques remarques :
"le marchand espagnol à l’haleine inspirant des tramways barcelonais" : qu'est-ce que ça veut dire ? Le participe présent ne serait-il pas plutôt "évoquant" ?
"qui fume sa cigarette comme s’il n’y en aura pas d’autre" : la construction est très bizarre, je ne sais pas si elle est correcte ; on écrit plutôt "comme s'il ne devait pas y en avoir d'autre". (Par ailleurs, attention à la fréquence de l'expression "il y a" dans votre texte, elle est un peu trop grande à mon avis.)
"Il y a le quotidien qui vous happe (et non "happent"), qui vous filtre (et non "filtrent") comme une passoire"
"l’âme qui, jusque-là, n’était équilibrée que par lui, se perd, se sent délaissée"

Votre texte me fait l'effet d'un grand et beau panoramique, et, je ne sais pourquoi, il m'évoque irrésistiblement les plaines brûlantes de la Crau sous le pinceau du nordiste Van Gogh prenant dans les mirettes notre sud et sa lumière transfigurante.
L'évocation de la route, et les réminiscences de London et Kerouac -si c'est bien eux que vous aviez en tête- me plaisent bien aussi; mais je ne vois pour l'instant que des flashs, un décor: c'est probablement, et je l'espère, la manière que vous avez choisie de croquer les grandes masses de ce qui va suivre. Mais madame socque, avec sa pertinence coutumière, pose la vraie question: il va bien falloir que tout cela démarre et s'ordonne, et que vous nous révéliez ce que vous allez nous mettre en scène, même si vous ne le savez pas encore très bien vous même.
Je suis mauvais correcteur, et ai vu au passage quelques fautes mineures, mais n'ai pas pensé à les noter, pardonnez m'en.

Je me permets d'ajouter: la suite, la suite....

L'impression qu'il n'est pas facile de se défaire d'un "style", celui des descriptions auxquelles tu excelles à travers l'écriture généreuse et imagée qui est la tienne. En te lisant je me disais qu'on était parfois bien proche de perdre le fil du récit. Il faudra faire attention, tout en privilégiant les chemins de traverse, à ne pas s'égarer, veiller à rester ancré sur la voie principale ; c'est là à mon avis le plus gros "risque" auquel tu es confronté avec ce projet. Je ne sais pas si tu as prévu un plan, si tu sais précisément où tu vas ou si tu improvises ...
J'ai particulièrement aimé le passage qui introduit les personnages, ainsi que le tout dernier paragraphe.

En bonne fan, je suis dans l'ensemble encore une fois convaincue! Même si l'aspect un peu redondant (et moins véritable (la bouteille de whisky) que dans carnets d'avril) du souvenir m'agace un tantinet.
Et puis j'ai vraiment bloqué sur "qu’elle aura rendu son dernier soupir ".
Sinon le talent égoïste, la description de Lucas, l'ennui, le voyage... J'ai un réel attrait!

Avec la hâte,

Fabrice (hahaha)

Quelques détails:

- répétition peu heureuse de avalanche dans la première phrase
- idem pour poussière dans la première partie, d'autant plus visible que cette idée de minuscules particules est déjà bien présente avec les graines, le sable, les miettes, etc.
- le quotidien qui vous happent, qui vous filtrent : au singulier, les verbes

- Dans la partie débutant par Le Sud se déroule, je trouve que c'est trop descriptif, trop proche de l'exposé géographique, alors que ce qui précède est composé de voluptés et de digressions poétiques.

Beaucoup d'ampleur dans ton texte, ce qui n'est pas pour me déplaire dans ce format, mais je m'interroge sur l'effet donné à une nouvelle plus longue; je crains que ça lasse ou que le plaisir rencontré face à cette luxuriance d'images et de vocabulaire ne finisse par se banaliser.
Il conviendrait donc que quelque chose se produise, qu'une rupture ait lieu. Reste à savoir si celle-ci doit être amorcée en douceur ou au contraire faire brutalement irruption. Tout dépendra bien entendu de son contenu, mais c'est assez périlleux à mener me semble-t-il. Donc intéressant! :-)