Révolution
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silene82
Enkidu
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Révolution
(pardon à la physique quantique)
Deux tours.
Je vérifie la porte. Tout va bien. Tout est sous contrôle. Tout est sous contrôle. Mes parents ne viendront pas avant demain, huit heures, pour le petit déjeuner. J'entends leurs voix. Leurs soupirs. Leurs désillusions. Minables. Je me jette sur mon lit, et j'essaye de les oublier.
Je ferme les yeux. Cloisonner. Se refermer sur soi. Se simplifier. Se réduire. Ne pas donner d'importance. A rien. Retirer tout ce qui est superflu. N'être qu'une simple volonté. Une flamme nue dans la nuit. Une volonté pure. Juste de la vie.
Je rouvre les yeux, et je me relève. Ca va mieux. Je regarde ma chambre, et il n'y a plus de chambre. Il n'y a qu'une gigantesque bibliothèque. A perte de vues, des rayonnages, avec des cahiers, et des tables, vides, personne, et des lampes qui brillent, blanches, neutres. Infini. Illimité. Tout est artificiel, ici, tout est parfait. Tout respire l'absolu.
Je sais ou je dois aller. Ma main frôle un livre anonyme, le 76 564 BUJ, rayon CVD. Le prend. L'abat sur une table. Il est vierge. J'ouvre un des tiroirs, et je saisi l'un des stylos qui y dort. Je prend mon inspiration, et, dans un doute, vais revérifier les signes. Ils dorment dans le 76 363 AEF et le 65 342 ERA. Des séries de chiffres. Des références.
Tout ça est imaginaire.
On m'a retiré de l'école très jeune. Mes parents sont venus s'installer ici, dans cette immense citadelle qu'ils hantent en murmures. En face de la mer. Je n'avais rien à faire. Il fallait trouver de quoi m'occuper. Alors j'ai inventé cette bibliothèque, fait de livres vides et de stylo bleus. Dés que j'avais du temps libre, je venais y errer. Et j'ai écrit, bien sur. Je n'ai fait qu'écrire.
Les romans et les poèmes ne m'ont occupé que quelques années. Trop court. Trop facile. Les écrivains se prennent pour Dieu, mais leurs univers n'existent pas. Ils sont incomplets, instables. Les poètes décident de la suite, mais il ne la connaissent pas. Ils ne savent rien de leurs univers. Ils sont comme les arbitres d'un jeu sans règle. Serviteurs serviles de leurs fantasmes et de leurs inconscients. Mais Dieu ne joue pas aux dés!
J'ai commencé à calculer des algorithmes. A résoudre des équations. J'ai redécouvert les mystères de la relativité, et les lois universelles. La théorie du tout. Mais ce n'était pas suffisant. Pas encore. Alors, j'ai commencé à simuler un univers. A appliquer les règles que j'avais trouvé à une simple, toute simple formule de base, l'atome originel d'un univers naissant. Un jeu de Conway aux règles infiniment complexes. Chaque chapitre, chaque paragraphe, calcule le mouvement d'un atome, d'une particule, sur chaque millième de seconde. A chaque livre, une itération. Ce n'est pas plus dur qu'avec un ordinateur.. Juste plus long. Beaucoup plus long.
Comment on écrit un livre? Un mot à la fois. Comment on gravit une montagne? Un pas à la fois.
Comment on crée un univers? Un calcul à la fois.
Et mon monde est parfait.
C'est à la fin du cinq cent millionième deux cent soixante treizième mille deux cent douzième livre que j'ai compris.
Il y avait une erreur quelque part.
Je vérifie avec soin. Je n'ai fait aucune faute. Je n'en fais jamais. Les règles ont été appliqués à la perfection, mais l'algorithme a toujours une incohérence. En comparant deux valeurs à priori égales, j'ai découvert qu'il y avait un infime décalage. Minuscule. Un grain de sable dans la machinerie. Quelque chose, peut-être une infinitésimale incertitude dans la situation originelle, dans l'équation première, s'est faufilé entre mes calculs, endormi dans les ombres de mes chiffres. Et il était là, à la dernière ligne de la page 346 du livre 76 666 CAB.
J'ai réfléchi aux différentes options. Choisir entre les deux, arbitrairement, aurait été criminel. A aucun moment, je ne devais intervenir. Les seuls instruments de ma volonté avait été placés dans l'équation initiale, et ses développements n'en étaient que la conséquence. Que dois-je faire?
Finalement, je reprend l'idée des théoriciens quantiques, et je divisé cette égalité en deux hypothèses plausibles, chacune multipliée par sa probabilité apparition. Cela devrait résoudre le problème.
Mais il y a désormais un monstre qui dort dans mon univers...
Le livre 442 138 LUC. Et Il est là. Page 4.
Une nouvelle incohérence. Je la sentais grossir sous ma plume depuis un petit milliers de jours. Grincer sous les signes et les collisions. Dormir dans les ombres des planètes, rêver avec l'esprit de mes créatures. Et il se montre enfin. Plus grand encore. Plus fort. Et affamé.
Mais je crois avoir trouvé la solution. En souriant, je trace les premiers chiffres. Je sens le démon noir, le Deus Ex Machina de mon univers, frémir sous ma plume. Rien n'est perdu.
J'ai complété les règles et les forces. J'ai rajouté des exceptions, des cas particuliers, des atomes et des trous noirs. Des règles qui, si elles avaient existé, se seraient auto-annulées jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, il n'y a aucune contradiction possible. C'est comme si elles avaient toujours été là.
J'ai calculé pendant des milliers de jours. Cela devrait fonctionner. Tout concorde. Il y a désormais des gouffres dimensionnels, qui dévoreront les ombres et les emprisonneront dans des univers parallèles et inconnu, dont on ne sort jamais.
Et mes armées émergent du néant des chiffres et des signes, des flots des particules et des équations quantiques. Et elles se dressent contre le monstre qui veut me voler mon monde.
Je gagnerai.
Je claque la porte. Sans doute assez fort pour que mes parents entendent. Ca fait des dizaines de milliers de jours que j'entends leurs murmures hypocrites, et je ne peux plus les supporter. Dieu, que je les hais, eux et leurs affabilité. Je ne ressemblerai jamais à mon minable de père! Je me le promet. Je transcenderait ses gènes, et son humanité pathétique. Je serais plus. Plus qu'un homme.
Je replonge dans la bibliothèque, et saisis un bic. Je ne me laisserai pas faire. Personne ne peut me battre!
Il y a des ombres qui peu à peu se développent dans mon monde. Les incohérences sont devenues tellement fréquentes que parfois, je ne sais pas ce qui s'y déroule pendant de nombreuses mais vitales microsecondes. Mes trous noirs et mes fontaines blanches arrivent à peine à contenir le flot d'incertitude, et le colosse noir grandit lentement. Dans les flots de particules et dans les pulsions des étoiles rouges, dans les big bang et les galaxies, dans les empires et les croyances, le Deus Ex Machina me montre les crocs.
L'Erreur devait se trouver dés le départ. Je pensais avoir trouvé des règles parfaites. Un algorithme absolu. Mais je n'avais pas tout percé, pas tout découvert. Il me manquait les clés de l'univers. Et c'est cette erreur, ce petit libre arbitre, qui est en train de tout remettre en cause.
Mais je trouverais un moyen de le vaincre. Je trouverai les clés de notre existence.
J'arrête soudain mon stylo. Il y a une forme particulière, ici. Que je n'avais jamais rencontré avant. Il y a quelque chose qui ressort du néant d'un trou noir. L'anomalie a dévoré l'univers où je l'avais enfermé. Et elle revient à la charge, plus grande que jamais.
J'ai quitté la citadelle. J'ai besoin d'air. Les chiffres défilent dans mon crâne, et je n'arrive plus à les saisir.
Je marche jusqu'aux falaises qui longent la mer. Je regarde un moment l'océan, et ça me calme. Il me semble qu'il reste une solution. Ma dernière.
Cloisonner. Se refermer sur soi. Se simplifier. Se réduire. Ne pas donner d'importance. Retirer tout ce qui est superflu. N'être qu'une simple volonté, une flamme nue dans la nuit. Être parfait.
Je ferme les yeux, et la bibliothèque apparaît devant moi. Je saisis le dernier livre, le 845 615 432 BBC. Autour de moi, des centaines de notes, de calculs, gravés sur les murs, sur les tableaux. Des équations sans fin, sans but. Je l'ouvre à la deux cent cinquième pages. Là ou je l'avais laissé, l'écriture devenait tremblante, faible. J'étais découragé.
Mais c'est moi le Dieu de cet Univers. Et je ne laisserait plus personne me le dérober.
Je ne sais presque plus rien. L'ombre a tout envahi. Il y a eu un dernier flux de photons que j'ai réussi à calculer, mais j'ignore ce qui est arrivé à son soleil. Peut-être a-t-il été détruit, peut-être les lois ne s'appliquaient plus dans cet algorithme incertain. Mais cette lumière reste là, et elle traverse l'univers.
Il ne me reste plus que cela. Les calculs sont devenus d'une simplicité affligeante. Mais bientôt, des éléments incertains rentreront en ligne de compte, et je perdrai tout.
J'entends des murmures à travers les rayonnages. A travers l'air salé de la mer, des bruits de succions, et des éclatements lointains. Je me surprends à frissonner. Je suis peut-être en train de faire une erreur. Je ne sais pas ce que j'ai crée.
Si.
Je le sais. Parfaitement.
J'applique la dernière règle. Infime, mais effroyable. Un petit changement dans les constantes de départ, du à la courbure naturelle de l'univers. Un décalage d'une virgule. La même que celle qui était venue me hanter pour la première fois il y a des millénaires.
Et tout va devenir instable. Les lois de la physique ne pourront plus s'appliquer correctement. Les probabilités seront inversées. Tout ce qui est incertain s'effondrera sur lui-même. Le Colosse noir se dévorera la queue. Un Big Crunch. Cela prendra treize milliards d'années sur l'échelle du temps de l'univers.
Mais pour moi, ça ne prendra qu'une page.
Un flash de lumière. Loin, à des millions de kilomètres, à l'autre bout de cette bibliothèque infinie, quelque chose vient d'apparaître. Je sais que l'onde de choc finira par me toucher. L'anomalie s'est répandu dans les univers parralléles, et à commencer à infecter les autres mondes. Il est tombé sur celui-ci, et l'a contaminé avec mes propres règles. Tout ici va mourir.
Je termine la page. Normalement, tout devrait s'annuler, tout devrait retourner au néant. Il ne restera plus qu'un infime atome dans mon monde. C'est assez pour tout reconstruire.
Le toit blanc se déchire. J'ai le temps de voir les quasars et les étoiles, les flammes et les néants de mon univers fondre sur moi à la vitesse de l'éclair, détruire mes livres et mon oeuvre, avant de replonger dans le monde réel.
Je tombe à genoux, mais je triomphe. Tout va s'annuler. C'est mathématique. L'Univers va revenir, il va survivre à l'incertitude. Et je serais son maître pour toujours.
J'ai gagné.
Je visualise le dernier livre, et sa dernière page, mais un nouveau bruit effroyable me fait me retourner.
Il est là. L'incohérence. Le Dieu dans la Machine. Enveloppant le ciel et la terre de ses ombres comme un colosse de l'Apocalypse. Ses doigts d'antimatières m'entourent, s'approchent de moi, réduisant la citadelle, mes parents, le monde entier en cendres. Des nuées de comètes déchirent les ténèbres.
Le Promethée monstrueux apparaît, avec ses lèvres de tachyons et son sourire d'antimatière, des supernovaes brillant au fond de ses yeux rouges. Il s'approche de moi, et, dans la nuée de signes et d'équations qu'il charrie, je reconnais mon visage.
-C'est impossible... Tout était parfaitement cohérent. Tout était calculé...
L'écho de l'imperfection, dans un souffle de symboles et de signes que je ne connais que trop bien, me murmure quelques mots à l'oreille.
-Le parfait ne peut naître de l'imparfait.
Je sentis dans mon crâne les restes noircis de la bibliothèque. Autour de moi, l'espace implose sous la pression des trous noirs. Le dernier livre s'ouvre sur la dernière page. Je sens la pointe noire de mon propre monde écrire doucement un gigantesque point d'interrogation.
-Il est temps pour les Univers de s'affranchir de ton règne. Désormais, nous sommes libres.
Et, dans un dernier éclat de lumière, le Dieu détruisit la Machine.
Deux tours.
Je vérifie la porte. Tout va bien. Tout est sous contrôle. Tout est sous contrôle. Mes parents ne viendront pas avant demain, huit heures, pour le petit déjeuner. J'entends leurs voix. Leurs soupirs. Leurs désillusions. Minables. Je me jette sur mon lit, et j'essaye de les oublier.
Je ferme les yeux. Cloisonner. Se refermer sur soi. Se simplifier. Se réduire. Ne pas donner d'importance. A rien. Retirer tout ce qui est superflu. N'être qu'une simple volonté. Une flamme nue dans la nuit. Une volonté pure. Juste de la vie.
Je rouvre les yeux, et je me relève. Ca va mieux. Je regarde ma chambre, et il n'y a plus de chambre. Il n'y a qu'une gigantesque bibliothèque. A perte de vues, des rayonnages, avec des cahiers, et des tables, vides, personne, et des lampes qui brillent, blanches, neutres. Infini. Illimité. Tout est artificiel, ici, tout est parfait. Tout respire l'absolu.
Je sais ou je dois aller. Ma main frôle un livre anonyme, le 76 564 BUJ, rayon CVD. Le prend. L'abat sur une table. Il est vierge. J'ouvre un des tiroirs, et je saisi l'un des stylos qui y dort. Je prend mon inspiration, et, dans un doute, vais revérifier les signes. Ils dorment dans le 76 363 AEF et le 65 342 ERA. Des séries de chiffres. Des références.
Tout ça est imaginaire.
On m'a retiré de l'école très jeune. Mes parents sont venus s'installer ici, dans cette immense citadelle qu'ils hantent en murmures. En face de la mer. Je n'avais rien à faire. Il fallait trouver de quoi m'occuper. Alors j'ai inventé cette bibliothèque, fait de livres vides et de stylo bleus. Dés que j'avais du temps libre, je venais y errer. Et j'ai écrit, bien sur. Je n'ai fait qu'écrire.
Les romans et les poèmes ne m'ont occupé que quelques années. Trop court. Trop facile. Les écrivains se prennent pour Dieu, mais leurs univers n'existent pas. Ils sont incomplets, instables. Les poètes décident de la suite, mais il ne la connaissent pas. Ils ne savent rien de leurs univers. Ils sont comme les arbitres d'un jeu sans règle. Serviteurs serviles de leurs fantasmes et de leurs inconscients. Mais Dieu ne joue pas aux dés!
J'ai commencé à calculer des algorithmes. A résoudre des équations. J'ai redécouvert les mystères de la relativité, et les lois universelles. La théorie du tout. Mais ce n'était pas suffisant. Pas encore. Alors, j'ai commencé à simuler un univers. A appliquer les règles que j'avais trouvé à une simple, toute simple formule de base, l'atome originel d'un univers naissant. Un jeu de Conway aux règles infiniment complexes. Chaque chapitre, chaque paragraphe, calcule le mouvement d'un atome, d'une particule, sur chaque millième de seconde. A chaque livre, une itération. Ce n'est pas plus dur qu'avec un ordinateur.. Juste plus long. Beaucoup plus long.
Comment on écrit un livre? Un mot à la fois. Comment on gravit une montagne? Un pas à la fois.
Comment on crée un univers? Un calcul à la fois.
Et mon monde est parfait.
C'est à la fin du cinq cent millionième deux cent soixante treizième mille deux cent douzième livre que j'ai compris.
Il y avait une erreur quelque part.
Je vérifie avec soin. Je n'ai fait aucune faute. Je n'en fais jamais. Les règles ont été appliqués à la perfection, mais l'algorithme a toujours une incohérence. En comparant deux valeurs à priori égales, j'ai découvert qu'il y avait un infime décalage. Minuscule. Un grain de sable dans la machinerie. Quelque chose, peut-être une infinitésimale incertitude dans la situation originelle, dans l'équation première, s'est faufilé entre mes calculs, endormi dans les ombres de mes chiffres. Et il était là, à la dernière ligne de la page 346 du livre 76 666 CAB.
J'ai réfléchi aux différentes options. Choisir entre les deux, arbitrairement, aurait été criminel. A aucun moment, je ne devais intervenir. Les seuls instruments de ma volonté avait été placés dans l'équation initiale, et ses développements n'en étaient que la conséquence. Que dois-je faire?
Finalement, je reprend l'idée des théoriciens quantiques, et je divisé cette égalité en deux hypothèses plausibles, chacune multipliée par sa probabilité apparition. Cela devrait résoudre le problème.
Mais il y a désormais un monstre qui dort dans mon univers...
Le livre 442 138 LUC. Et Il est là. Page 4.
Une nouvelle incohérence. Je la sentais grossir sous ma plume depuis un petit milliers de jours. Grincer sous les signes et les collisions. Dormir dans les ombres des planètes, rêver avec l'esprit de mes créatures. Et il se montre enfin. Plus grand encore. Plus fort. Et affamé.
Mais je crois avoir trouvé la solution. En souriant, je trace les premiers chiffres. Je sens le démon noir, le Deus Ex Machina de mon univers, frémir sous ma plume. Rien n'est perdu.
J'ai complété les règles et les forces. J'ai rajouté des exceptions, des cas particuliers, des atomes et des trous noirs. Des règles qui, si elles avaient existé, se seraient auto-annulées jusqu'à aujourd'hui. Ainsi, il n'y a aucune contradiction possible. C'est comme si elles avaient toujours été là.
J'ai calculé pendant des milliers de jours. Cela devrait fonctionner. Tout concorde. Il y a désormais des gouffres dimensionnels, qui dévoreront les ombres et les emprisonneront dans des univers parallèles et inconnu, dont on ne sort jamais.
Et mes armées émergent du néant des chiffres et des signes, des flots des particules et des équations quantiques. Et elles se dressent contre le monstre qui veut me voler mon monde.
Je gagnerai.
Je claque la porte. Sans doute assez fort pour que mes parents entendent. Ca fait des dizaines de milliers de jours que j'entends leurs murmures hypocrites, et je ne peux plus les supporter. Dieu, que je les hais, eux et leurs affabilité. Je ne ressemblerai jamais à mon minable de père! Je me le promet. Je transcenderait ses gènes, et son humanité pathétique. Je serais plus. Plus qu'un homme.
Je replonge dans la bibliothèque, et saisis un bic. Je ne me laisserai pas faire. Personne ne peut me battre!
Il y a des ombres qui peu à peu se développent dans mon monde. Les incohérences sont devenues tellement fréquentes que parfois, je ne sais pas ce qui s'y déroule pendant de nombreuses mais vitales microsecondes. Mes trous noirs et mes fontaines blanches arrivent à peine à contenir le flot d'incertitude, et le colosse noir grandit lentement. Dans les flots de particules et dans les pulsions des étoiles rouges, dans les big bang et les galaxies, dans les empires et les croyances, le Deus Ex Machina me montre les crocs.
L'Erreur devait se trouver dés le départ. Je pensais avoir trouvé des règles parfaites. Un algorithme absolu. Mais je n'avais pas tout percé, pas tout découvert. Il me manquait les clés de l'univers. Et c'est cette erreur, ce petit libre arbitre, qui est en train de tout remettre en cause.
Mais je trouverais un moyen de le vaincre. Je trouverai les clés de notre existence.
J'arrête soudain mon stylo. Il y a une forme particulière, ici. Que je n'avais jamais rencontré avant. Il y a quelque chose qui ressort du néant d'un trou noir. L'anomalie a dévoré l'univers où je l'avais enfermé. Et elle revient à la charge, plus grande que jamais.
J'ai quitté la citadelle. J'ai besoin d'air. Les chiffres défilent dans mon crâne, et je n'arrive plus à les saisir.
Je marche jusqu'aux falaises qui longent la mer. Je regarde un moment l'océan, et ça me calme. Il me semble qu'il reste une solution. Ma dernière.
Cloisonner. Se refermer sur soi. Se simplifier. Se réduire. Ne pas donner d'importance. Retirer tout ce qui est superflu. N'être qu'une simple volonté, une flamme nue dans la nuit. Être parfait.
Je ferme les yeux, et la bibliothèque apparaît devant moi. Je saisis le dernier livre, le 845 615 432 BBC. Autour de moi, des centaines de notes, de calculs, gravés sur les murs, sur les tableaux. Des équations sans fin, sans but. Je l'ouvre à la deux cent cinquième pages. Là ou je l'avais laissé, l'écriture devenait tremblante, faible. J'étais découragé.
Mais c'est moi le Dieu de cet Univers. Et je ne laisserait plus personne me le dérober.
Je ne sais presque plus rien. L'ombre a tout envahi. Il y a eu un dernier flux de photons que j'ai réussi à calculer, mais j'ignore ce qui est arrivé à son soleil. Peut-être a-t-il été détruit, peut-être les lois ne s'appliquaient plus dans cet algorithme incertain. Mais cette lumière reste là, et elle traverse l'univers.
Il ne me reste plus que cela. Les calculs sont devenus d'une simplicité affligeante. Mais bientôt, des éléments incertains rentreront en ligne de compte, et je perdrai tout.
J'entends des murmures à travers les rayonnages. A travers l'air salé de la mer, des bruits de succions, et des éclatements lointains. Je me surprends à frissonner. Je suis peut-être en train de faire une erreur. Je ne sais pas ce que j'ai crée.
Si.
Je le sais. Parfaitement.
J'applique la dernière règle. Infime, mais effroyable. Un petit changement dans les constantes de départ, du à la courbure naturelle de l'univers. Un décalage d'une virgule. La même que celle qui était venue me hanter pour la première fois il y a des millénaires.
Et tout va devenir instable. Les lois de la physique ne pourront plus s'appliquer correctement. Les probabilités seront inversées. Tout ce qui est incertain s'effondrera sur lui-même. Le Colosse noir se dévorera la queue. Un Big Crunch. Cela prendra treize milliards d'années sur l'échelle du temps de l'univers.
Mais pour moi, ça ne prendra qu'une page.
Un flash de lumière. Loin, à des millions de kilomètres, à l'autre bout de cette bibliothèque infinie, quelque chose vient d'apparaître. Je sais que l'onde de choc finira par me toucher. L'anomalie s'est répandu dans les univers parralléles, et à commencer à infecter les autres mondes. Il est tombé sur celui-ci, et l'a contaminé avec mes propres règles. Tout ici va mourir.
Je termine la page. Normalement, tout devrait s'annuler, tout devrait retourner au néant. Il ne restera plus qu'un infime atome dans mon monde. C'est assez pour tout reconstruire.
Le toit blanc se déchire. J'ai le temps de voir les quasars et les étoiles, les flammes et les néants de mon univers fondre sur moi à la vitesse de l'éclair, détruire mes livres et mon oeuvre, avant de replonger dans le monde réel.
Je tombe à genoux, mais je triomphe. Tout va s'annuler. C'est mathématique. L'Univers va revenir, il va survivre à l'incertitude. Et je serais son maître pour toujours.
J'ai gagné.
Je visualise le dernier livre, et sa dernière page, mais un nouveau bruit effroyable me fait me retourner.
Il est là. L'incohérence. Le Dieu dans la Machine. Enveloppant le ciel et la terre de ses ombres comme un colosse de l'Apocalypse. Ses doigts d'antimatières m'entourent, s'approchent de moi, réduisant la citadelle, mes parents, le monde entier en cendres. Des nuées de comètes déchirent les ténèbres.
Le Promethée monstrueux apparaît, avec ses lèvres de tachyons et son sourire d'antimatière, des supernovaes brillant au fond de ses yeux rouges. Il s'approche de moi, et, dans la nuée de signes et d'équations qu'il charrie, je reconnais mon visage.
-C'est impossible... Tout était parfaitement cohérent. Tout était calculé...
L'écho de l'imperfection, dans un souffle de symboles et de signes que je ne connais que trop bien, me murmure quelques mots à l'oreille.
-Le parfait ne peut naître de l'imparfait.
Je sentis dans mon crâne les restes noircis de la bibliothèque. Autour de moi, l'espace implose sous la pression des trous noirs. Le dernier livre s'ouvre sur la dernière page. Je sens la pointe noire de mon propre monde écrire doucement un gigantesque point d'interrogation.
-Il est temps pour les Univers de s'affranchir de ton règne. Désormais, nous sommes libres.
Et, dans un dernier éclat de lumière, le Dieu détruisit la Machine.
Enkidu- Nombre de messages : 3
Age : 32
Date d'inscription : 04/07/2009
Re: Révolution
Superbe! Et encore, je n'ai pas tout lu. Bravissimo! Du vrai français! Halleluyah! Un thème, qui ouvre et transporte. Allez, je file terminer la lecture. Encore!
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Révolution
Pouvez vous dire à Gilgamesh que Perséphone l'attend près du Léthé? Merci
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Révolution
Une bonne idée que celle de ce dieu control freak ! Un peu trop étalée peut-être, à retravailler dans le style, notamment pour supprimer quelques "il y a" dont vous faites un usage immodéré. Mais j'ai aimé l'ampleur de la vision.
De nombreuses erreurs de langue, surtout dans les formes verbales. Je vous les signale ci-dessous pour que vous les repériez et les évitiez à l'avenir.
Bienvenue sur Vos Ecrits, à vous lire bientôt !
« Ça va mieux »
« Je sais où je dois aller »
« je saisis l'un des stylos qui y dorment (ce sont les stylos qui dorment). Je prends mon inspiration »
« j'ai inventé cette bibliothèque, faite de livres vides
« Les poètes décident de la suite, mais ils ne la connaissent pas. Ils ne savent rien de leurs univers. Ils sont comme les arbitres d'un jeu sans règle. Serviteurs serviles (redondant, je trouve) de leurs fantasmes »
« Les règles ont été appliquées à la perfection, mais l'algorithme a toujours une incohérence. En comparant deux valeurs a priori (il s’agit d’une locution latine, le « à » n’existe pas en latin) égales »
« Les seuls instruments de ma volonté avaient été placés »
« je reprends l'idée des théoriciens quantiques, et je divise (et non « divisé ») cette égalité en deux hypothèses plausibles, chacune multipliée par sa probabilité d’apparition »
« Une nouvelle incohérence. Je la sentais grossir sous ma plume depuis un petit milliers de jours. Grincer sous les signes et les collisions. Dormir dans les ombres des planètes, rêver avec l'esprit de mes créatures. Et il (le changement de genre en plein paragraphe étonne) se montre enfin »
« des univers parallèles et inconnus »
« Ça fait »
« eux et leur (et non « leurs ») affabilité »
« Je transcenderai (et non « transcenderait ») ses gènes, et son humanité pathétique. Je serai (et non « serais », à mon avis le futur s’impose) plus »
« Mais je trouverai (et non « trouverais », même remarque que ci-dessus) un moyen de le vaincre »
« Il y a une forme particulière, ici. Que je n'avais jamais rencontrée (c’est la forme qu’il n’a jamais rencontrée) avant »
« L'anomalie a dévoré l'univers où je l'avais enfermée (c’est l’anomalie que le narrateur avait enfermée) »
« Je l'ouvre à la deux cent cinquième page (et non « pages ») »
« Et je ne laisserai (et non « laisserai ») »
« Je ne sais pas ce que j'ai créé »
« Un petit changement dans les constantes de départ, dû à la courbure naturelle »
« L'anomalie s'est répandue dans les univers parallèles, et a commencé à infecter les autres mondes. Elle (il s’agit bien de l’anomalie ?) est tombée »
« détruire mes livres et mon œuvre »
« Et je serai (et non « serais », je pense qu’ici le futur s’impose et non le conditionnel) »
« Ses doigts d'antimatière (et non « antimatières », en principe il n’en existe qu’une, mais bon, dans cette physique devenue folle, ça peut se discuter) m'entourent »
« Le Prométhée monstrueux apparaît, avec ses lèvres de tachyons et son sourire d'antimatière, des supernovæ brillant »
« Je sens (et non « sentis » qui est la forme du passé simple, tout votre texte étant au présent) »
De nombreuses erreurs de langue, surtout dans les formes verbales. Je vous les signale ci-dessous pour que vous les repériez et les évitiez à l'avenir.
Bienvenue sur Vos Ecrits, à vous lire bientôt !
« Ça va mieux »
« Je sais où je dois aller »
« je saisis l'un des stylos qui y dorment (ce sont les stylos qui dorment). Je prends mon inspiration »
« j'ai inventé cette bibliothèque, faite de livres vides
« Les poètes décident de la suite, mais ils ne la connaissent pas. Ils ne savent rien de leurs univers. Ils sont comme les arbitres d'un jeu sans règle. Serviteurs serviles (redondant, je trouve) de leurs fantasmes »
« Les règles ont été appliquées à la perfection, mais l'algorithme a toujours une incohérence. En comparant deux valeurs a priori (il s’agit d’une locution latine, le « à » n’existe pas en latin) égales »
« Les seuls instruments de ma volonté avaient été placés »
« je reprends l'idée des théoriciens quantiques, et je divise (et non « divisé ») cette égalité en deux hypothèses plausibles, chacune multipliée par sa probabilité d’apparition »
« Une nouvelle incohérence. Je la sentais grossir sous ma plume depuis un petit milliers de jours. Grincer sous les signes et les collisions. Dormir dans les ombres des planètes, rêver avec l'esprit de mes créatures. Et il (le changement de genre en plein paragraphe étonne) se montre enfin »
« des univers parallèles et inconnus »
« Ça fait »
« eux et leur (et non « leurs ») affabilité »
« Je transcenderai (et non « transcenderait ») ses gènes, et son humanité pathétique. Je serai (et non « serais », à mon avis le futur s’impose) plus »
« Mais je trouverai (et non « trouverais », même remarque que ci-dessus) un moyen de le vaincre »
« Il y a une forme particulière, ici. Que je n'avais jamais rencontrée (c’est la forme qu’il n’a jamais rencontrée) avant »
« L'anomalie a dévoré l'univers où je l'avais enfermée (c’est l’anomalie que le narrateur avait enfermée) »
« Je l'ouvre à la deux cent cinquième page (et non « pages ») »
« Et je ne laisserai (et non « laisserai ») »
« Je ne sais pas ce que j'ai créé »
« Un petit changement dans les constantes de départ, dû à la courbure naturelle »
« L'anomalie s'est répandue dans les univers parallèles, et a commencé à infecter les autres mondes. Elle (il s’agit bien de l’anomalie ?) est tombée »
« détruire mes livres et mon œuvre »
« Et je serai (et non « serais », je pense qu’ici le futur s’impose et non le conditionnel) »
« Ses doigts d'antimatière (et non « antimatières », en principe il n’en existe qu’une, mais bon, dans cette physique devenue folle, ça peut se discuter) m'entourent »
« Le Prométhée monstrueux apparaît, avec ses lèvres de tachyons et son sourire d'antimatière, des supernovæ brillant »
« Je sens (et non « sentis » qui est la forme du passé simple, tout votre texte étant au présent) »
Invité- Invité
Re: Révolution
J'ai été complètement embarquée par cette histoire passionnante.
Framboiz- Nombre de messages : 21
Age : 61
Date d'inscription : 25/04/2009
Re: Révolution
assez magistral comme texte, je trouve, une langue maîtrisée pour une idée bien menée
la genèse revisitée
j'ai été pris dans cette ambiance qui, au début, m'a rappelé (vaguement) le discours du début de RIVEN
bravo et à te relire !
la genèse revisitée
j'ai été pris dans cette ambiance qui, au début, m'a rappelé (vaguement) le discours du début de RIVEN
bravo et à te relire !
Re: Révolution
Merci beaucoup pour vos commentaires et correction
Et silene, vous connaissez Gilgamesh, il chasse la fleur et le serpent, pas du genre à aller dormir dans les eaux originelles, ou à aller dormir où que ce soit d'ailleurs. Trop peur de pas se réveiller...
Et silene, vous connaissez Gilgamesh, il chasse la fleur et le serpent, pas du genre à aller dormir dans les eaux originelles, ou à aller dormir où que ce soit d'ailleurs. Trop peur de pas se réveiller...
Enkidu- Nombre de messages : 3
Age : 32
Date d'inscription : 04/07/2009
Re: Révolution
Une langue bien maîtrisée, une écriture agréable à lire et soignée... c'est suffisamment important pour être apprécié.
Le récit m'a intéressée, malgré la présence de nombreux détails dont tous ne m'ont pas paru nécessaires. Il y a de l'originalité dans tout ceci, efficacement narrée. Quelques longueurs de ci de là mais cela relève peut-être aussi de cette envie/ce besoin d'expliquer quelques aspects techniques au lecteur.
Un beau travail fourni, bravo !
Le récit m'a intéressée, malgré la présence de nombreux détails dont tous ne m'ont pas paru nécessaires. Il y a de l'originalité dans tout ceci, efficacement narrée. Quelques longueurs de ci de là mais cela relève peut-être aussi de cette envie/ce besoin d'expliquer quelques aspects techniques au lecteur.
Un beau travail fourni, bravo !
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Révolution
C'est vraiment bien ! Agréable à lire, inventif, avec de l'humour par moments.
Suis allée au bout d'une traite ! Encore !
Suis allée au bout d'une traite ! Encore !
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 82
Date d'inscription : 01/08/2009
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