Flash avant le Black Out

Dans la voiture. Nous devant et lui, derrière. Et avec lui, sa mère. Cette vieille folle. Elle est calme, elle ne parle pas. Pas pour le moment. Et lui non plus, il ne dit rien.

On savait qu'il était dangereux – enfin, on ne le savait pas vraiment. Mais on sentait une sorte de malaise en sa présence, quelque chose de bizarre, de palpable et pourtant d'inexplicable. C'était dès le début une sensation étrange, un mélange de fascination, de rejet et d'horreur. Mais c'était trop flou, trop inexact, trop vague. En d'autres circonstances, on aurait senti le danger, on se serait sauvé. Là – on ne pouvait plus, pris au piège on était.

Il fait nuit et nous roulons dans le silence vers une destination inconnue. C'est lui qui commande et qui nous dit quand il faut tourner à gauche, à droite. Mais tant que nous roulons, ça va encore.
Nous savons qu'il va nous tuer. Nous savons que nous allons souffrir. Nous allons souffrir quand il nous demandera de nous arrêter. Personne ne nous l'a dit, mais nous le savons. C'est fou à quel point on devient lucide dans certaines situations.

Nous ne parlons pas. Nous nous sentons sans paroles. C'est réconfortant. Même si ça ne changera rien. Nous échangeons un regard furtif, du coin de l'oeil. Nous sentons que ce sera la fin et nous nous sentons l'un l'autre et toutes les choses que nous aurions aimé nous dire encore. Nous ne pouvons pas. Pas devant lui, pas devant la folle. Nous n'allons pas leur faire ce plaisir.
Un autre regard, un léger plissement des yeux, complice et impalpable pour autrui. Nous sommes d'accord. Il nous tuera – mais il ne nous aura pas. Nous lui échapperons par l'intérieur, il n'aura pas de prise sur nous, peu importe de ce qu'il fera de nous.
Nous nous regardons, discrètement, et nous nous pardonnons. Il ne le sait pas encore, il se croit encore fort, invincible dans son délire.
Nous nous regardons et nous nous sourions, discrètement.

La vieille sur la banquette arrière commence à se remuer et subitement, lui aussi se redresse, contrarié, inquiet.
La corde autour de mon cou se resserre brutalement et me coupe le souffle.
J'appuie sur le frein. La voiture s'arrête. Heureusement que t'es là.

Je reste sur ma " fin ". Ce doit-être à cause de la " corde au cou ".

Mais c'est quoi ces manières de faire monter le soufflé et puis rien ?
Quelque chose m'a échappé ?

Plotine a écrit:Mais c'est quoi ces manières de faire monter le soufflé et puis rien ?

Y a pas de manières, madame, loin de moi cette intention. Habituellement, une fois mort, il n'y a effectivement plus rien. Justement. ;-)

Quelque chose m'a échappé ?

Peut-être ...

Merci quand même pour vos commentaires!
Bonne soirée,
Lennie

Mouais, je manque de sensibilité. Il est mort. Comment n'y ai-je pas pensé ?
J'ai honte.

A part la fin, peut-être pas assez précise pour les "mal comprenants", mais il faut y penser aussi ! C'est très bien.

le texte ne m'a pas touché et l'accumulation des "Nous" à la fin plombe un peu le texte je trouve. Ah oui:

Il nous tuera – mais il ne nous aura pas.

Je vois pas trop la nuance dans cette phrase si il les tue c'est qu'il les a eu non?

je suis assez d'accord, la fin, la façon de relater la fin, laisse à désirer
c'est dommage parce que le suspense est bien mené
et c'est bien écrit
il y a du potentiel

Merci à tous pour vos commentaires.

Bonne soirée,
Lennie

Même réaction que les autres, c'est bien mené, ça embarque, mais la fin...mille excuses, mais je n'y trouve pas mon compte. Volontairement ambigü? Sans doute, mais je trouve un peu dommage.

Le sens de ce texte est – je l'avoue – un peu caché en sous-couche. C'est voulu. On le trouve ou l'on ne le trouve pas....
Une situation dangereuse et énigmatique. Deux personnes en danger de mort qui réussissent, grâce à la complicité qui les unit ainsi qu'à la confiance qu'ils ont l'un envers l'autre, à surmonter la peur de la mort et qui échappent ainsi spirituellement à leur bourreau. (pour répondre à "la chèvre") Même si ce dernier les tue. Malgré la peur, malgré la proximité de la mort imminente, le couple ne cède pas à la panique et ne satisfait pas le voyeurisme sadique de ses adversaires. Certes, ils seront morts, mais c'est eux les vainqueurs, pas le tueur...

Le prochain texte sera peut-être un peu plus facile d'accès... Quoique.... ;-)

ah ok c'est l'inverse de seven en fait^^.

Au contraire des autres commentateurs, j'ai trouvé le texte trop facile, trop "évident". L'écriture est efficace, cela dit.

Je ne suis pas certaine d'avoir compris la fin. Ils se suicident pour éviter d'être tués, c'est ça? Ou pas du tout? Si oui, comment peuvent-ils disposer d'une corde, se la passer autour du cou, s'étrangler sans qu'aucun réaction il n'y aie? Ils n'étaient pas attachés? Pourquoi ne pas sauter de la voiture dans ce cas?
M'est avis que je suis complètement passée à côté de l'explication, d'autant plus que si c'est à quoi je pense, je trouve ça facile et pas tout le temps cohérent.

Sinon, pour ce qui est du style et de l'écriture, j'ai trouvé ça fluide, agréable à lire, avec une tension palpable que tu fais ressentir, allant crescendo.
Dommage qu'il me reste ces interrogations sur lesquelles je bute...

Lennie a écrit:réussissent, grâce à la complicité qui les unit ainsi qu'à la confiance qu'ils ont l'un envers l'autre, à surmonter la peur de la mort et qui échappent ainsi spirituellement à leur bourreau

sauf qu'à mes yeux, la subtilité de cet aspect spirituel n'apparaît pas vraiment dans ce texte, il manque dès lors quelque chose pour que l'ensemble se tienne.

Eh bien, à part l'accumulation de "nous", j'ai trouvé ce texte bien écrit et fort intéressant. J'ai apprécié le flou, le fait qu'on ne sache pas où, quand, comment, à peine qui. Flou que vient éclairer certaines indications destinées à faire monter la sauce, juste un peu :

Nous savons que nous allons souffrir. Nous allons souffrir quand il nous demandera de nous arrêter. Personne ne nous l'a dit, mais nous le savons. C'est fou à quel point on devient lucide dans certaines situations.

Nous sommes d'accord. Il nous tuera – mais il ne nous aura pas. Nous lui échapperons par l'intérieur, il n'aura pas de prise sur nous, peu importe de ce qu'il fera de nous.

Et puis, surtout j'aime bien cette idée de pacte romantico-spirituel entre les deux protagonistes :

La corde autour de mon cou se resserre brutalement et me coupe le souffle.
J'appuie sur le frein. La voiture s'arrête. Heureusement que t'es là.
("tu es" n'aurait rien gâché).

Easter tu es définitivement mon sosie en commentaires!!!

J'ai trouvé ce texte parfait dans sa concision ,dans son originalité ,dans son évidence rebelle ,dans sa beauté émotionnelle !

Je suis un bisounours ou quoi ?
J' crois pas je suis pas cruelle quand quelque chose ne me plait pas ou m'indiffère je ne commente pas !

Et là je ne comprends pas les comm
La fin ne laisse pas à mon avis d'ambiguité ni d'espoir ...
Et j'aime l'absence du désespoir

Merci encore pour vos commentaires!
Normalement, ne j'aime pas trop expliquer les sous-couches de mes textes et c'est avec plaisir que je vois que Rebecca et Easter semblent avoir compris "le fond du pourquoi de mon intention profonde".... ;-)

J'aurais pu éviter l'un ou l'autre des "nous", mais cette accumulation était en même temps voulue pour renforcer l'aspect d'union des deux protagonistes. Plus le danger approche, plus la certitude de ce "Nous" (au lieu de "toi" et "moi") devient important et les rend - en quelque sorte - invincibles.

C'est peut-être un peu vache, Sahkti, (tu sembles frustrée) je sais, mais l'essentiel du texte c'est effectivement tout ce qui n'est pas clairement écrit.
Merci de ne pas trop m'en vouloir ;-)

Lennie a écrit:Merci de ne pas trop m'en vouloir ;-)

Pourquoi t'en vouloir? Faut pas tout mélanger. Je lis qu'on parle de cruauté, de fâcherie et que sais-je... me semble que c'est transformer des propos ou donner beaucoup d'importance à des détails.
Il n'y a aucune raison de t'en vouloir. Je n'ai pas aimé, c'est tout, ça n'a rien à voir avec l'auteur, ça vient tout simplement de moi et je tente d'expliquer pourquoi comme je peux. Ni plus ni moins :-)