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Les Ecureuils

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Plotine
bertrand-môgendre
conselia
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Les Ecureuils Empty Les Ecureuils

Message  conselia Sam 10 Oct 2009 - 9:00

Dans la fraîcheur inespérée de ce matin d’août, et comme à chaque lever du soleil depuis plus de trente ans, Jean-Hughes s’était assis dans une position aussi proche du lotus que la souplesse d’un homme de son âge pouvait le permettre, au beau milieu de la pelouse, apparemment insensible à la rosée comme aux insectes qui s’y ébattaient.
Face à l’Est, le visage légèrement incliné vers l’astre, le cou tendu et les épaules basses, il méditait en silence, comme le lui avait enseigné celui qui l’avait initié aux vertus du Za-Zen lors d’un séjour au Népal qu’avait inspiré un goût prononcé pour les stupéfiants plus qu’une quête de spiritualité.
Dans sa jeunesse, Jean-Hughes s’était employé à découvrir tous les états de conscience modifiée que la chimie et le bon usage des plantes pouvaient procurer, pour apaiser l’irritation permanente que lui provoquait la vue de ses semblables, tous affairés à amasser des richesses dont ils semblaient par ailleurs incapables de jouir vraiment.
Cette agitation grotesque empêchait Jean-Hughes d’approcher de ce qui dormait au fond d’eux et qui réclamait pour se révéler que tout d’abord le calme se fît.
Il s’était convaincu depuis lors que ce calme ne leur était accessible qu’à la condition expresse d’avoir consommé une substance stupéfiante et ne goûtait jamais tant leur compagnie que lorsqu’ils en étaient totalement imprégnés.
C’est dans ces dispositions qu’il avait entrepris le lointain voyage, pour y découvrir plus qu’il n’était venu chercher et qui n’aurait empli qu’un petit sac discret au fond de ses bagages. En quête de stupéfaction, il fut saisi par le calme empreint de sérénité qu’affichaient les moines qui l’accueillirent le temps d’une étape.
Prolongeant son séjour au-delà du visa, au prix de péripéties que cette histoire n’entend pas évoquer, il s’installa dans le temple comme en sa demeure et, malgré la barrière qu’aurait dû constituer la langue, apprit en quelques mois ce qui devait lui servir d’éthique pour le reste de ses jours.
Ainsi paré d’une méthode efficace à l’apaisement de son tourment perpétuel, assagi dans sa consommation et le choix des produits qui le transportaient chaque fois qu’il était indispensable vers l’état de conscience requis, il avait pu rejoindre le monde qui l’avait vu naître et y trouver la place qui serait désormais la sienne, sans acrimonie ni artifice pitoyable.
Cette contemplation matinale était l’un des piliers de cette approche alternative de l’existence et il s’y pliait, les genoux principalement, à chaque lever du jour, par tous les temps et en tous lieux.
Ainsi donc en était-il de ce matin là comme de tout autre, à ceci près que dans le calme de l’aurore, et bien qu’il eût pris soin de s’éloigner de la villa où l’avaient invités de vagues neveux, il n’était pas seul. Sur le muret qui lui faisait face, distant de quelques mètres seulement, trois écureuils s’affairaient, gambadant et sautant sans cesse. De par la taille respective de chacun d’entre eux, il conclut que ce devait être une famille, composée comme il se doit d’un père, d’une mère et de ce qu’il décida être un fils. Après quelques minutes d’observation, il lui sembla que le manège incessant des petits rongeurs avait pour origine un différent quant à l’éducation du plus jeune d’entre eux.
En effet, ce dernier s’obstinait à tenter de soulever une noix plus grosse que sa propre tête pour l’emporter dans l’arbre qui surplombait le muret. Tout aussi incapable de se saisir convenablement de son précieux butin que de grimper sans l’aide de ses pattes avant le long du crêpi, il tentait de grimper et tombait, et quand il ne tombait pas, perdait la noix en route.
Celui des écureuils qui devait à sa taille d’avoir été déclaré père par Jean-Hughes, semblait encourager son petit en se tenant alternativement au sommet du muret, comme pour signifier le but à atteindre, puis au pied de l’édifice pour pousser de son museau la noix vers les bras de son fils.
Celle qui devait donc être la mère, elle, restait immobile un instant pour fixer l’homme qui se tenait à trop courte distance de sa progéniture comme d’elle-même, puis sautait à la branche de l’arbre faisant mine de fuir, pour revenir aussitôt à sa position initiale, balayant du regard tous les protagonistes de la scène.
Des quarante-cinq minutes rituelles que durait la méditation, une bonne quinzaine fut consacrée à l’observation de ce curieux ballet. Des pelages roux flamboyant dans la lumière oblique aux panaches démesurés qui donnaient à ces modestes rongeurs une grâce exceptionnelle, du lent et majestueux mouvement des branches du noisetier sous la brise matinale au miroitement soyeux de la rosée, tout concourrait à la magie de l’instant pour l’observateur pétrifié dans sa position inconfortable, inquiet seulement de bouger ne fût-ce qu’un cil et de voir cesser inopinément la représentation unique que lui offrait la nature bienveillante.
Mais la mère écureuil, n’y tenant plus, se décida enfin à prendre la noix tombée une fois encore au sol et, l’enserrant sous sa patte, grimpa si haut qu’on ne pût rapidement plus la voir, suivie presqu’aussitôt par les deux mâles, subitement privés de l’objet même de leur jeu éducatif.
De retour à la villa pour y préparer son frugal petit déjeuner, constitué généralement d’un fruit frais accompagné d’un thé qu’aucun arôme artificiel ne venait dénaturer, Jean-Hughes ne pût se départir du sourire béat que lui avait inspiré ce moment de grâce, ce qui provoqua l’hilarité de ses neveux qui émergeaient à peine d’un sommeil agité. Impavide, il continua de goûter le nectar du fruit, regrettant seulement que rien de ce qui l’avait ému ne pût s’échapper de son âme sous une autre forme que ce sourire pour les illuminer à leur tour.
Plus tard dans la journée, il se risqua à leur conter l’aventure, mais ne put obtenir mieux que quelques remarques à peine obligeantes sur sa sensibilité exacerbée, intacte encore après tant d’années de route et d’épreuves. Il ne leur en voulut pas, mais s’en trouva conforté dans l’idée que les mots du cœur ne décriront jamais avec la minutie requise les moments d’éternité saisis par les yeux de l’âme.
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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 9:16

Jolie parabole sur l'impuissance à dire, je trouve. Un texte frais, tendre.

Quelques remarques de langue :
« un différend]/b] » (dans cette acception seulement)
« le long du cr[b]é
pi »
« tout concourait (et non « concourrait » qui est la forme du conditionnel) à la magie de l’instant »
« grimpa si haut qu’on ne put (et non « pût » qui est la forme du subjonctif imparfait) rapidement plus la voir »
« Jean-Hughes ne put (et non « pût » qui est la forme du subkonctif imparfait) se départir »
« ce qui provoqua l’hilarité de ses neveux qui émergeaient à peine d’un sommeil agité » : « ce qui » et « qui » en succession aussi rapprochée donnent une impression de lourdeur à mon avis

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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 9:16

Je me suis mélangée dans les balises, pardon.

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Message  bertrand-môgendre Sam 10 Oct 2009 - 9:28

L'histoire est séduisante.
Dès lors qu'il sagisse de relater une observation sur le comportement animal, je reste sous le charme de celui qui par d'insignifiants détails est capable de me transmettre l'odeur d'un lieu, sa fraicheur.
Une réserve cependant sur la présence d'une noix en août ou alors c'était la fin du mois.
L'introduction me paraît laborieuse. Les longues phrases détournent trop longtemps l'attention du lecteur non initié que je suis.
J'imaginais moins de lourdeur pour un esprit désireux de connaître une élévation.
Belle écriture pour l'ensemble de tes textes que je suis bien incapable de commenter.
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Message  Plotine Sam 10 Oct 2009 - 9:29

C'est gentil mais je suis un peu comme les neveux "les allumés" m'énervent.
Je ne suis pas sûre qu'il y ait déjà des noix au mois d'août. Enfin, chez moi elles sont vertes à cette époque, mais ailleurs ... peut-être ?
Cela dit, c'est un joli conte avec une phrase finale zen à souhait, du genre de phrase qui me laisse froide.
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Message  Ba Sam 10 Oct 2009 - 10:08

Dès qu'il y a des animaux, j'arrive. Des écureuils de surcroît je cours, sans compter l'homme méditant sur le monde.
Tout bon pour moi.
Questions : la maman va-t-elle rendre les noix au petit ?
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Message  CROISIC Sam 10 Oct 2009 - 20:21

L'important est de ne jamais s'endormir sous un noyer. Il y fait un froid mortel. J'ai aimé cette histoire.
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Message  Invité Sam 10 Oct 2009 - 20:31

Question : oui mais encore ?
Réponse : rien, c'est aussi simple que ça.

Partagée.

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Message  Rebecca Sam 10 Oct 2009 - 21:59

Quelques phrases périlleuses du point de vue de la longueur en effet, que je lis avec l'impression d'être funambule, en équilibre précaire avec un peu le vertige mais j'aime beaucoup cette sensation.
L'impuissance à dire peut-être mais manifestement pas à écrire.
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Message  boc21fr Jeu 15 Oct 2009 - 12:21

que voila un texte très zen, aussi frais qu'un rosée d'automne (quoiqu'en ce moment elle soit glaciale...).
J'aime le recul du début du texte sur le parcours du personnage principal, un humour très sympa et un poil moqueur.
Décidément vous aimez les noyés/noyers, coïncidence ou non, c'est autour de ce mot que tournent ce qui fait sens (ou devrait faire sens) pour vos personnages...
A part cette remarque sans doutes superflue, j'ai apprécié votre texte, comme une sorte de Haïku géant en prose.
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Message  Sahkti Mar 27 Oct 2009 - 9:38

L'observation des écureuils, je connais ça, alors ce texte m'a fait sourire, pour tous les souvenirs revenus en surface. De bons souvenirs.

Sur la forme, je serai un peu plus réservée. Je trouve que tu uses par moments un peu trop des précisions qui n'apportent pas toutes quelque chose. Certains détails peuvent aider à planter un décor, un personnage, mais pas tout le temps, il y a des aérations qui me paraissent nécessaires et des phrases qui mériteraient d'être raccourcies.
La zénitude n'a pas besoin d'effets et celle que tu décris ici pourrait être davantage mise en valeur, je pense.
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