Le corset rose

Au début des années 1960, une petite fille bien ''tenue'' portait un corset, lacé dans le dos, avec des baleines souples, ce qui ainsi lui assurait une allure royale dés l'adolescence, et un ventre mou et affaissé dés sa première grossesse.
L'important n'est-ce pas est de ''ferrer'' le bon mari, le reste...il n'est point de bon ton d'en parler.

Un établissement, de bonne tenue lui aussi, situé dans l'unique rue commerçante de notre ville, proposait tout un assortiment de ces corsets, qui allaient du beige au rose, avec ou sans fleurettes en incrustation. Ils étaient extraits avec délicatesse depuis de lourds tiroirs de bois, dans lesquels ils reposaient, roulés dans leur papier de soie, puis posés sur le comptoir usé, dont le bord intérieur était recouvert d'un double-mètre en cuivre, cloué à chaque extrémité. Ceci permettait aux vendeuses de débiter également du tissu au mètre avant de le couper avec les lourds ciseaux accrochés à leur ceinture.
J'adorais le bruit du tissu entaillé que l'on déchire ensuite tout du long, dans un long cri soyeux, mais je n'aimais pas du tout choisir ce carcan rose et hideux. Ma mère était intraitable sur le sujet. Le corset tenait mon corps frêle de fillette et les jarretelles devaient tenir les bas tricotés par Madame Marchand – laine grise pour l'hiver, coton blanc pour le printemps.
Le supplice continuait dans le petit salon d'essayage, où, devant ma mère et une vendeuse revêche et moustachue qui sentait sous les bras ou les pieds selon les saisons, je devais me déshabiller, ne gardant que ma culotte Petit Bateau et essayer nombre de ces hideuses innovations rosâtres. Un grand miroir un peu piqué était le troisième témoin de ma honte et de mon désespoir.

Au printemps 64, à ma grande surprise, bien que le corset soit devenu importable même avec le lacet complètement détendu, ma mère ne parlait pas de se rendre aux Ets B. pour une nouvelle acquisition. Je me gardais bien d'évoquer le sujet.

Puis, une après-midi ''citronnade'' au jardin avec ses amies, j'entendis ma mère parler à voix basse d'un sujet qui me fit tendre l'oreille avec beaucoup d'intérêt et me rapprocher du groupe, tout en maniant mon filet à papillon avec dextérité pour endormir la méfiance des bavardes.

''Oui, ce n'est pas la première fois qu'on le dit, le bruit court la ville, oui ! Mr B. des Ets B. serait....chut !
La p'tite écoute !

Oui ! Mr B. serait un ''passeur'' – comme on dit – pour l'Orient... un fournisseur de petites filles pour les harems....d'Arabie, bien sûr !

Les harems, ça les rend songeuses un moment.

Vous dites ? Pour les trottoirs du Moyen-Orient ? Oh ! Non, pas ça ?!

Si ma chère !
et sa vendeuse – sa complice bien sûr – elle sélectionne les petites filles lors des essayages, je précise, en l'absence de leurs mères, et alors, le miroir, vous savez le grand miroir... il est sans tain !
Comme j'vous l'dis ! Et Mr B. fait son choix...oui !
Et ce miroir, qui en fait est une porte, bascule sur lui-même et hop ! Les fillettes partent vers un lourd destin.

Non ! Je ne connais pas personnellement de petites filles disparues, mais...toute la ville en parle !
Moi, je vous le dis comme je le pense, y'a pas de fumée sans feu.

Et c'est ainsi que mon calvaire corseté s'acheva.

Ah ! Merveilleuse rumeur infondée, tu as jeté aux orties l'immonde corset rose, qui maintenant hante seulement l'imaginaire des vieux Messieurs libidineux et des ex-petites filles modèles.

Coucou ! Madame la Comtesse de Ségur née Sophie Rostopchine !

A Nice, il paraît que les cabines d'essayage d'un certain magasin de l'avenue J.Médecin, on pratiquait le même commerce.
Sans la Comtesse bien entendu : 0 )

C'est vrai qu'ils ne sont pas contemporains ces deux là. Les fantasmes, eux, sont intemporels.

Ba a écrit:A Nice, il paraît que les cabines d'essayage d'un certain magasin de l'avenue J.Médecin, on pratiquait le même commerce.
Sans la Comtesse bien entendu : 0 )

Ben tiens, comment donc, et les petites filles ne réapparaissaient jamais? Elles filaient avec Albert Spaggiari sous le Paillon, et de là étaient embarquées pour le Liban? Çà alors....

au moins elle est rigolotte celle-là: le coup du miroir qui bascule c'est à la croisée des chemins entre la caverne d'Ali-baba, l'éntrée d'Alice dans son pays des merveilles. Le texte est très agréable, peut-être trop, il ya une certaine loufoquerie qui se dégage du ton : la mère raconte peut-être n'importe quoi. Du coup , personnellement, je vois bien Alice aller se faire voir chez le libanais : ça lui fera des vacances pas chères et elle apprendra la recette du taboulé. :-)

J'adore le taboulé ! Surtout le libanais au persil.
Merci pour ton commentaire Pandaworks - je t'imagine toujours entre deux sommes, machouillant des feuilles d'eucalyptus - pas du tout laborieux !

Oui, ma bonne humeur est née aussi de ta phrase sur les bas en laine/coton, hiver/été, ça m'a rappelé que quand j'avais 4-5 ans, ma mère mettait à sécher une espèce de justaucorps avec des pinces que je me demandais vraiment c'est quoi cette idée tordue de mettre des pincettes à un maillot de corps. Puis ça a été le temps de collants, et puis ces drôles de bidules ont disparus. Tu vois j'm'y connais. :-)

j'vois ça coquin ! Maintenant les Lolita's portent des Dim up et ce ne sont pas leurs mères qui les imposent.

La célèbre rumeur d'Orléans revisitée, un peu légèrement cependant.
Des corset dans les années 60, tu y vas fort quand même !

Réponse à Silène : Vi sous le paillon avec des bottes, direction les pays étranges consommateurs de blanches, même que mes copines elles z'avaient peur du loup planqué dans les cabines.
Depuis, il paraît que c'est la grippe A qui guette les clientes...

Plotine a écrit:La célèbre rumeur d'Orléans revisitée, un peu légèrement cependant.
Des corset dans les années 60, tu y vas fort quand même !

Pour mon plus grand malheur, ma mère a 42 ans de plus que moi, donc, dans les années 60, je vivais comme avant guerre. (je parle de la dernière bien entendu)

Je vais être honnête : sur le plan littéraire ça ne m'emballe pas, je veux dire il n'y a rien à commenter dans ce sens.
Mais c'est vrai que j'aime beaucoup ces anecdotes contées comme tu sais le faire. Et puis oui, c'est plus léger que d'habitude, ça fait du bien.

CROISIC a écrit:

Plotine a écrit:La célèbre rumeur d'Orléans revisitée, un peu légèrement cependant.
Des corset dans les années 60, tu y vas fort quand même !

Pour mon plus grand malheur, ma mère a 42 ans de plus que moi, donc, dans les années 60, je vivais comme avant guerre. (je parle de la dernière bien entendu)

Je compatis.

Easter(Island) a écrit:Et puis oui, c'est plus léger que d'habitude, ça fait du bien.

Vrai que oui! La rumeur totalement infondée (attends, tu parles encore de Cognac, là?), le miroir à bascule et les destins qui changent.. Dans l'idée du panda, ça pourrait donner lieu à une suite complètement barrée!

Cette rumeur a existé dans toutes les villes en même temps ...Les gens qui ont mon âge le savent bien.Quand nous étions enfants, c'était un de nos sujets de conversation préférés: les magasins où on est enlevées pour être expédiées à l'étranger et devenir des p....(nous n'osions pas toujours dire le mot)!!!
Et on y allait de nos supputations, de nos exclamations,on y croyait , on n'y croyait pas mais si on était encore innocente, il y avait toujours une grande ( à l'époque les écoles n'étaient pas mixtes) pour nous mettre au parfum!

Chako Noir a écrit:

Easter(Island) a écrit:Et puis oui, c'est plus léger que d'habitude, ça fait du bien.

Vrai que oui! La rumeur totalement infondée (attends, tu parles encore de Cognac, là?), le miroir à bascule et les destins qui changent.. Dans l'idée du panda, ça pourrait donner lieu à une suite complètement barrée!

déjà commencé dans le fils "insensé" ...

Ah oui, avec une mère de 42 ans de plus que toi ...
Sino, j'étais jeune et délurée à cette époque et je n'ai jamais porté de corset rose, pourtant, petite fille bien tenue. Faut dire qu'en 1960, je me dévergondais sérieux et que mes porte-jarretelles étaient choisis avec soin...par moi ! Mais gaines, corsets et soutiens-gorge n'ont jamais eu mes faveurs. Seule la guépière me faisait rêver, mais absolument impossible à supporter !

Curieuse Croisic qui nous pond des sujets épouvantables de petite fille violée - qui, je suppose que n'avait pas de culotte à boutonner sur un corset rose ... - et qui traite légèrement d'un sujet grave : l'antisémitisme d'une rumeur qui a traversé la France dans ces années là.

Curieuse Plotine...

Une petite narration très bien écrite qui nous plonge dans le passé... Merci Croisic !

Je n'aurais jamais supporté un corset, ni gaine ou porte-jartelles... Ma mère était du style chaussettes blanches et moi plutôt style nature : pieds nus, chaussettes dans le cartable ou cachées sous la haie !

En Belgique aussi ces rumeurs d'enlèvement ont couru et très longtemps ! Certains commerces ont dû fermer par manque de clients.

Qui a caché l'antisémitisme sous les buissons ?...
J'ai relu - je suis tellement distaite !- mais je n'en ai trouvé nulle trace dans ton texte, Croisic !
Plotine ????? Tu hallucines ?

Plotine a écrit: et qui traite légèrement d'un sujet grave : l'antisémitisme d'une rumeur qui a traversé la France dans ces années là.

Qu'est-ce que tu racontes? Qui plus est, qu'est-ce que c'est que cette construction incohérente, "l'antisémitisme d'une rumeur". Admettons que tu veuilles dire le caractère antisémite....Et où donc sont les sémites, je te prie?

ça bavasse à tout crin mais il y a cependant une phrase que je n'aime pas, elle se rapproche trop du conte à deux francs :

Puis, une après-midi ''citronnade'' au jardin avec ses amies, j'entendis ma mère parler à voix basse d'un sujet qui me fit tendre l'oreille avec beaucoup d'intérêt et me rapprocher du groupe, tout en maniant mon filet à papillon avec dextérité pour endormir la méfiance des bavardes.

ce puis,..une nananan "blibli" n'est vraiment pas de haute volée. un petit détail, probablement, certes, mais participe au jugement de certain qui déclarèrent : littérairement, je n'accroche pas, ou de ceux , qui n'ont pas commenté.

je pense de même dans le même coin que trois "blibli" par paragraphe, c'est un peu trop, ça me rappelle cette habitude américaine d'illustrer ses propos avec les mains qui guillemettent dans l'air.

J'adorais le bruit du tissu entaillé que l'on déchire ensuite tout du long, dans un long cri soyeux,

ça non plus n'est pas gaîtounet : la redite de Long.
De plus je me demande si ce ensuite est vraiment dans le tempo de l'imparfait.

dés s'écrit dès sauf dans coline.

ce qui ainsi lui assurait

faisons simple : ce qui lui assurait ainsi.

, et un ventre mou et affaissé dés sa première grossesse.

en syntaxe française il n'y a pas de virgule avant le

et.

de plus le double et est vraiment pas top-moumoutte en vérité.

Ils étaient extraits avec délicatesse depuis de lourds tiroirs de bois, dans lesquels ils reposaient, roulés dans leur papier de soie, puis posés sur le comptoir usé, dont le bord intérieur était recouvert d'un double-mètre en cuivre, cloué à chaque extrémité. Ceci permettait aux vendeuses de débiter également du tissu au mètre avant de le couper avec les lourds ciseaux accrochés à leur ceinture.

trop de lourd. c'est pesant.

également du tissu au mètre avant de le couper avec les lourds ciseaux accrochés à leur ceinture.
J'adorais le bruit du tissu entaillé que l'on déchire ensuite tout du long, dans un long cri soyeux

redoublette de tissu au mètre.

mais je n'aimais pas du tout choisir ce carcan rose et hideux

tu n'avais rien à choisir, puisque la mère décidait, enfin j'en suis persuadé.

Un établissement, de bonne tenue lui aussi, situé dans l'unique rue commerçante de notre ville, proposait tout un assortiment de ces corsets, qui allaient du beige au rose, avec ou sans fleurettes en incrustation. Ils étaient extraits avec délicatesse depuis de lourds tiroirs de bois, dans lesquels ils reposaient, roulés dans leur papier de soie, puis posés sur le comptoir usé, dont le bord intérieur était recouvert d'un double-mètre en cuivre, cloué à chaque extrémité. Ceci permettait aux vendeuses de débiter également du tissu au mètre avant de le couper avec les lourds ciseaux accrochés à leur ceinture.
J'adorais le bruit du tissu entaillé que l'on déchire ensuite tout du long, dans un long cri soyeux, mais je n'aimais pas du tout choisir ce carcan rose et hideux. Ma mère était intraitable sur le sujet. Le corset tenait mon corps frêle de fillette et les jarretelles devaient tenir les bas tricotés par Madame Marchand – laine grise pour l'hiver, coton blanc pour le printemps.
Le supplice continuait dans le petit salon d'essayage, où, devant ma mère et une vendeuse revêche et moustachue qui sentait sous les bras ou les pieds selon les saisons, je devais me déshabiller, ne gardant que ma culotte Petit Bateau et essayer nombre de ces hideuses innovations rosâtres. Un grand miroir un peu piqué était le troisième témoin de ma honte et de mon désespoir.

trop de roses tuent les pucerons aussi.

Au printemps 64, à ma grande surprise, bien que le corset soit devenu importable même avec le lacet complètement détendu, ma mère ne parlait pas de se rendre aux Ets B. pour une nouvelle acquisition. Je me gardais bien d'évoquer le sujet.
pour prendre tout son sens, je crois que "plus aurait été mieux adapté que "pas".

tu sais, harem n'est pas communément admis au pluriel.
d'autre part, le terme juste est "sérail" le harem est juste une partie de la maison réservée aux femmes.

Je n'ose y croire ! ANTISEMITE. Je ne m'attendais pas du tout à ce type de réaction. Mais ce n'est qu'une petite bêtise que j'ai écrit en 1/4 d'heure pour vous décoincer. Qui a lu une seule phrase antisémite dans ce truc ? Plotine ? Encore vous ? Mais vous me cherchez ma chère.
Heureusement qu'il y a encore des personnes sensées - sachant lire - et avec un minimum d'humour sur ce forum.
Merci à Dusha, Coline, Siléne, Rebecca, Easter(Island), Shako, Pandaworks, qui ont pris ce texte pour ce qu'il est. Une rigolade.
Quoique Panda....il y va avec son explication de texte.
Bon, c'est fini, on ne rigole plus. Je retourne à ma place.

Pour les trottoirs du Moyen-Orient

pareil, on ne peut pas être au harem et au troittoir , c'est excactement l'inverse.

qu'une petite bêtise que j'ai écrit en 1/4 d'heure pour vous décoincer

je les vois :-)))

Je n'eplique rien, je fais mon p'tit boulot de vélien, utile à qui voudra, surtout à moi.
;-)

Palme d'or :

Le corset tenait mon corps frêle de fillette et les jarretelles devaient tenir les bas tricotés par Madame Marchand – laine grise pour l'hiver, coton blanc pour le printemps.
Le supplice continuait dans le petit salon d'essayage, où, devant ma mère et une vendeuse revêche et moustachue qui sentait sous les bras ou les pieds selon les saisons

C'est très drôle.

pandaworks a écrit:tu sais, harem n'est pas communément admis au pluriel.
d'autre part, le terme juste est "sérail" le harem est juste une partie de la maison réservée aux femmes.

Elle fait parler des mémères pas très au fait de ces subtilités: nul sultan n'a jamais pensé à les acquérir pour le sien sérail, ni même ne les aurait prises en bonus. Les harems dans leurs bouches empâtées de madeleines, ça me semble tout à fait conforme.

je sais :-))