Vos écrits
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.
-20%
Le deal à ne pas rater :
-20% Récupérateur à eau mural 300 litres (Anthracite)
79 € 99 €
Voir le deal

A moins qu'on ne choisisse les ors

2 participants

Aller en bas

A moins qu'on ne choisisse les ors Empty A moins qu'on ne choisisse les ors

Message  Ichimaru Gin Jeu 12 Nov 2009 - 12:58

Quand elle buvait, elle entrouvrait à peine les lèvres, et gardait les dents serrées, l'haute mâchoire sur la basse pesait, et l'eau s'infiltrait comme elle pouvait, où elle pouvait. Les torrents noyaient les incisives, qui prenaient ce bain avec bonne humeur, au contraire des molaires qui le subissaient, mécontentes de liquide. Si elle secouait l'eau, écumée de pâte à dentifrice, les dents rebelles s'enfonçaient en gencive, provoquaient des saignements que Mathilde regardait fuir au fond du lavabo, en des spirales rouge mêlées au bleu, oeuvre des requins de son crachat.

Et de tout cela, pensait David, pas une arrête pour moi, rien que je partagerai.

Les minutes devant sa glace, les premiers poils sur son visage qu'elle avait arrachés, pour donner à ses sourcils une route plus fine, que les corps qui s'y croiseraient ne pourraient que se blottir pour y tenir, de ça non plus, de ces minutes où les mains et les yeux possèdent le reste du corps, il ne saurait rien, jamais rien. Même en la découvrant chaque matin devant la glace, occupée à s'occuper des poils toujours prêts à éclore, fidèles fleurs qui voudraient sur son visage donner des fruits et qu'on coupait, même en l'observant depuis sa douche s'il la prenait pendant qu'elle s'occuperait de sa toilette, il demeurerait étranger à elle, à ses rites qu'il ne comprendrait pas.

Si en sortant elle jettait son oeil dont le sourcil est une source maintenant maîtrisée, aux berges de poils contenus, sur un jeune homme plus proche de son âge à elle, ou plus vieux encore que David – elle aime sûrement les vieux, cette sale fille qui aime les vieux, leur pourriture et leurs poils aux oreilles qui compensent ceux qu'elle s'arrache, avec regret – il n'en saurait rien. Et quand bien même il le remarquerait, lui en ferait la remarque, elle hausserait les épaules, accuserait sa jalousie. Et ce monde grouillait de jeunes hommes autant que d'insectes.

Elle sautillait devant lui, idiote d'innocence. Honteuse d'être idiote, elle renforçait son idiotie, pour l'épaissir, la rendre évidente par l'excès. Elle appelait l'amour au chevet de son amour. Regarde comme je suis amoureuse, amour, s'amourachait-elle. Et elle aimait son amour, l'amour de son amour.

Les insectes ne s'embellissaient pas. Leurs pattes toujours autant fines, cassables aux ongles et doigts d'enfants cruels, leur sève aussi répugnante qu'aux premiers écrasements, ils ne prenaient aucun ombrage, aucune inspiration des soufflements d'amour pur que sifflotaient les pas de Mathilde, qu'elle voulait dansants. Savait-elle, demandait David aux insectes moches et millionnaires, d'années et de nombre, savait-elle son ridicule, ma unique Thilde, aux espoirs sans résistance sous les ongles et doigts de son David cruel.

Ne savait rien et continuait. David la suivait, qui suivait le chemin où David lui avait dit de s'engager. N'allaient vers nulle part, pour respecter la fierté d'un homme qui ne s'avouerait jamais perdu devant une femme qui n'était pas encore sa femme. Des punaises de bois s'immobilisaient contre des troncs aux images fixes de luttes d'espèces, à peine contrariées par les ruissellements du vent aux reins des feuilles que des siècles de poésie écrivaient vertes, mais qui paraissaient de nulle couleur, et nullement qualifiables d'adjectifs, pour leurs locataires pucerons, araignées et molles chenilles.

Ses dents, ses méchantes dents serrées, aspiraient l'air. L'air comme de l'eau. Je nage, disait-elle. Et David effectivement la voyait nue dans l'eau de ses pensées.

Machinalement, défiant la nature, David parlait. Il paradait. Contait qu'il était fort, qu'il méprisait ses faibles congénères hommes, qu'il aimait s'en éloigner ainsi et ne plus devoir les haïr, heureusement loin. Elle admirait cet homme à qui ses congénères infligeaient tant de tortures, ou qui se torturait pour ne pas céder à ses congénères. Quel mot moche, tout de même. Courte honte d'avoir jugé ainsi un mot à lui. "Congénère" s'il te plait de le dire, mon ami amour.

Ses congénères à elle, des salopes. Elle ne les laisserait jamais s'en approcher, de son ami amour. Soudain elle réprouvait ces plantes partout présentes, qui n'hésitaient pas à dépasser en obstruant le chemin qu'on avait pourtant tracé à leur dépens. Elle eut la vision d'animaux aux coeurs de femmes qui forniquaient, ici. Elle n'avait pour illustrer cet acte que les images d'elle et de David, et de David seulement puisqu'elle n'avait pu se voir, et comment, comment d'autres qu'elles pouvaient ça faire, oh quel race de sales que toutes ces femmes qui forniquaient sans visage sous son David !

Il ne saurait rien jamais non plus de son intelligence. Aimer c'était perdre l'envie de la connaître. Il s'arrêta, elle ne s'en rendit compte qu'après dix-huit secondes et un virage, revint sur ses pas, je l'ai perdu, il a filé pour perdre l'idiote que je suis dans les bois, ce loup, non, il est là, mais pourquoi ne bouge-t-il plus mon loup à moi. Il répugnait à lui infliger ça. Repense aux saloperies de la clairières, dit David pour encourager David. Un mal pour un bien.

DAVID – « Mathilde, écoutez-moi bien, et elle tremblait à cause de ce vouvoiement qui la grandissait à l'estomac et la comprimait dans les poumons. Mathilde, je vous ai dit je t'aime et je ne le retirerai pas, et elle tremblait à cause de ces deux mots, une lettre et une apostrophe, qu'elle n'avait jamais entendu encore de lui, ni de personne, et qu'il feignait d'avoir déjà dit, feignait d'avoir trop répété et d'en être fatigué. »

Elle comprenait mal son monologue interrompu de narration ampoulée, et qui n'éclairait rien de ce qu'il avait à dire. Parle moi plus simplement, mon ami amour. Embrasse-moi la main avec la tienne, taisez le reste.

DAVID – « Vous êtes la première que je n'interdis pas de me tutoyer après... Ou même avant, pendant, qu'importe, rougit-il. Voilà, je vous ai assez flatté, suffit. Si vous avez de l'imagination, vous vivrez une vie de cette confidence. Il faudra que vous ayez de l'imagination, mais pour vous seulement. Je ne m'épancherai pas ainsi tous jours, et je ne jouerai pas l'épaule pour vos romances solitaires. Les couples ça s'invente, mais chacun pour soi. Voilà, je vous ai assez prévenu. Vous aurez de la prévention jusqu'à la mort, si vous ne rêvez pas trop. »

Il coupa une brindille, s'en coiffa de ridicule. Il perdait contrôle et délirait son monologue.

DAVID – « Ma Thilde, quelle Thilde ? Vous serez vieille. Flattée puis flétrie. Vous n'échapperez à rien, sous prétexte de m'aimer. Inutile donc de venir prier le mien. D'amour. A quoi bon ? Si je devais vous aimer – j'entends : vous dire que je vous aime, je t'aime – ça serait pour vous arracher au destin. Si vous êtes de celles qui veulent se faire aimer parmi les fleurs et les insectes, prostituez-vous à la prairie. Ça ne sera pas toujours moi que vous y croiserez, mais les yeux, ça se crève, comme tout le reste. Les mains aussi. On finit par ne plus distinguer quelle chair. On est mauvais boucher dans l'amour comme dans le meurtre. »

David tu t'éloignes de ton sujet. Tu vas la perdre, se disait-il. Prends-la avec violence, sans la toucher.

DAVID – « Vous ne pigez rien, lâcha-t-il. Pourtant, tantôt dans la clairière, ou tantôt tantôt dans votre lit, votre lit d'enfance, tout de suite au courant des subtilités, tout de suite clairvoyante. Mais à mes réflexions, rien. Qu'aurais-je à vivre avec une femme qui. Il n'acheva pas sa phrase, pour l'épargner. A sa merci. Elle me dira beau, me chantera beau, et je m'en fâcherai, lui ferai payer par de méchantes petites frappes son idôlatrerie de ce que je n'aime pas. Il faudrait que vous aimiez en moi ce que j'aime en vous pour que nous nous entendions. Mais si alors, vous vous aimeriez et je m'aimerai, et conséquemment plus de clairière, et votre lit toujours d'enfance, sans draps défaits. Thilde, compensez dans le silence que je vous aime trop parfaitement pour le manifester avec ceux qui ne sont répugnés ni par les punaises des bois, ni par les punaise de lits. Ma Thilde, si je vous aimais dans un lit banal, détestez mon amour, ce n'est pas celui de votre David. »

Hermétiques aux siècles de poésie, qu'elles avaient parfois inspirés, les fourmis continuaient leur longue entreprise de nettoyage ethnique, n'épargnant que le simili vivant des ordures qu'elles éliminaient. L'éradication de vers agonisants ou de mantes au ventre ouvert s'ajoutaient à leurs chariots d'aller-retours. Vivait la religion du recyclage, offerte au beau parleur et à sa cible consentante et hébétée.

DAVID – « Tu coucheras avec un autre. »

« Non » répondit-elle du tac, et vraiment elle roussit encore, remontées du sang offusqué, qui tournait en elle, en son visage, comme un prisonnier injustement enfermé dans une cellule trop exigüe. Mon David, non, car maintenant déjà, consciente d'un danger inconnue, elle s'adoucissait et lui pardonnait sa crainte, mais non son allusion. Non non non. Jamais un autre. Il essuya d'un geste de vague sa réaction.

DAVID – « Qu'importe les tromperies. M'intéressent pas. Tu coucheras avec un autre, quand je te le demanderai, une fois, pour je ne sais quelle raison absurde, et donc indispensable. D'ici là je t'aimerai comme une femme et toi tu aimeras encore en petite fille. C'est l'unique amour dont sont capables les femmes. Les filles. Les femmes donc n'aiment pas, hors leurs enfants. Mais je ne suis pas ton enfant. Après ta couche, tu cesseras d'être fille, et moi je t'aimerai en fille, car c'est l'unique amour dont sont capables les hommes envers leur compagne, de l'aimer comme elle n'est plus ou comme elle n'est pas encore. Après ta coucherie, nous serons malheureux. Avant, nous ne saurons pas. »

Sans s'en rendre compte, sa garde baissée, des lacs salées gonflaient ses paupières basses, et il luttait à ne pas lâcher celles du haut afin qu'aucune larme ne déborde. Il aurait voulu interroger les punaises et les fourmis, interpeller les mantes et les chenilles, questionner les araignées, qu'ai-je dit, ai-je prononcé tout à haute voix, qu'ai-je dit dont je n'ai plus la sensation. Mathilde semblait si étrangement calme, rassurée.

DAVID – « Voilà. C'est assez pour l'amour, je vous ai assez dit l'amour. Le vouvoiement aussi, suffit les vous. Il y a la route qu'on rejoindra en coupant par là, et il montrait une direction au hasard, sûr de son sort. Tu n'as qu'à me suivre, du reste. Tu peux reprendre tes danses. C'est assez pour nous. N'en parlons plus. Suffit les nous. »
Ichimaru Gin
Ichimaru Gin

Nombre de messages : 23
Age : 38
Localisation : Lyon
Date d'inscription : 17/04/2009

Revenir en haut Aller en bas

A moins qu'on ne choisisse les ors Empty Re: A moins qu'on ne choisisse les ors

Message  Invité Jeu 12 Nov 2009 - 13:18

Une écriture tarabiscotée, trop pour moi. Difficile de pénétrer au cœur du texte, pas envie de débroussailler ; et pourtant j'ai le sentiment que ça en valait peut-être la peine, cette histoire de dents serrées m'intrigue.

Je dois aussi avouer que ma lecture a été rebutée d'emblée avec :

l'haute mâchoire
pas une arrête pour moi

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A moins qu'on ne choisisse les ors Empty Re: A moins qu'on ne choisisse les ors

Message  Invité Jeu 12 Nov 2009 - 14:28

J'aime ce côté aberrant du discours, l'angoisse qui transparaît, mais je suis d'accord avec Easter(Island) : pour moi, la narration est trop controuvée, quelque chose ne fonctionne pas. J'aurais, je crois, préféré un net contraste entre les délires des personnages et la description de ce qu'il se passe. « narration ampoulée », dis-tu à un moment... oui, c'est l'effet que ça me fait.

Sinon, j'aime beaucoup « Il essuya d'un geste de vague sa réaction. », c'est expressif.

Remarques de langue :
« la haute (je crois bien que le « h » est aspiré) mâchoire »
« œuvre des requins de son crachat » (et puis je trouve l’expression maniérée)
« pas une arête (et non « arrête ») pour moi »
« elle jetait (et non « jettait ») son [ b]œ[/b]il »
« s'il te plaît de le dire »
« d'animaux aux cœurs de femmes »
« oh quelle race de sales »
« Repense aux saloperies de la clairière (et non « clairières ») »
« ces deux mots, une lettre et une apostrophe, qu'elle n'avait jamais entendus encore de lui »
« Parle-moi plus simplement »
« je vous ai assez flattée (si j’ai bien compris à qui il parle) »
« je vous ai assez prévenue (idem) »
« les punaises de lits »
« une cellule trop exig »
« consciente d'un danger inconnu (et non « inconnue ») »
« des lacs salés (et non « salées ») »

Invité
Invité


Revenir en haut Aller en bas

A moins qu'on ne choisisse les ors Empty Re: A moins qu'on ne choisisse les ors

Message  Sahkti Ven 4 Déc 2009 - 11:15

Pas réussi à entrer pleinement dans le texte et pourtant j'ai essayé, car quelques belles tournures et des émotions bien suggérées se retrouvent ci et là, mais le tout est noyé par une manière de raconter qui m'a parue bien chargée. Je trouve qu'il n'y a pas assez de contraste entre les éléments, les personnages, les situations. Tout s'imbrique comme les composants d'une vie mais ça manque de heurts, de ruptures, tout s'écoule d'une égale façon, empêchant le texte de rebondir sur des arêtes et autres reliefs accidentés.
Dommage car malgré cela, il se dégage de ce texte une poésie riche et appréciable.
Sahkti
Sahkti

Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005

Revenir en haut Aller en bas

A moins qu'on ne choisisse les ors Empty Re: A moins qu'on ne choisisse les ors

Message  Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut

- Sujets similaires

 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum