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Exo roman : Tout un totem

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Message  Halicante Lun 30 Nov 2009 - 15:31

Tout un totem


Combien étaient-ils ? Cinq cents, six cents peut-être, rassemblés dans la salle communale, des hommes – rien que des hommes – dans la force de l’âge pour la plupart, certains encore assez jeunes, tout juste sortis de l’université. Ils étaient réunis pour la cérémonie d’admission des nouveaux membres de la Confrérie du Jour Nouveau, un mouvement (une secte, diraient certains) créé à la suite des émeutes meurtrières de l’année 2010. Les gouvernements avaient dû rendre obligatoire la vaccination des populations à la suite d’une maladie mortelle très contagieuse. Certains groupes rebelles, qui refusaient la vaccination, furent traqués par la population – déjà vaccinée, elle – qui craignait que ces opposants ne mettent un frein à l’éradication de la maladie. De nombreuses personnes, poursuivies dans la rue, parfois même jusqu’à leur domicile, furent vaccinées de force par des milices populaires autoproclamées, qui œuvraient pour la survie de l’espèce humaine. Parmi les vaccins utilisés par ces milices, certains avaient été volés aux laboratoires, d’autres fabriqués de façon artisanale grâce à des recettes approximatives qui circulaient sur Internet. Ces derniers vaccins firent beaucoup de victimes qui vinrent s’ajouter au nombre des rebelles décédés au cours des pugilats.

Face à ces violences, des groupes d’hommes issus de divers mouvements religieux s’étaient fédérés pour combattre les milices populaires. Leur seule arme était la parole de Dieu et la prière : ils tentaient de convaincre la population que seul Dieu pouvait faire justice et que les humains devaient s’en remettre à Lui pour trouver la paix. Leur discours était simple et accessible à tous. Ils avaient prêché dans les églises, dans la rue, avaient sonné chez les gens, distribué des tracts et créé un site web, utilisé la radio et la télévision en se faisant inviter à diverses émissions, publié des articles dans les journaux et fait circuler leur message par mail. Au bout d’un travail acharné de plusieurs mois, ils étaient parvenus à rassembler des milliers de membres.

Niemand faisait partie des nouveaux venus dans la Confrérie du Jour Nouveau. Pour son admission, il devait prononcer un discours devant ses Frères. Son supérieur lui avait résumé en ces termes ce que son texte devait contenir: « Où tu es né, ce que tu as fait de ta vie, cela ne nous intéresse pas : nous l’apprendrons en temps voulu. Ce que nous voulons connaître de toi, c’est comment tu en es venu à croire en Dieu, ce qui t’a mené à Lui. Et à nous. »

La cérémonie avait commencé par des chants religieux. Tous les Frères étaient placés en cercles concentriques, au centre desquels les nouveaux venus – ils étaient cinq ce jour-là – en formaient un plus petit. À genoux sur un tapis qui semblait représenter la Cène, ils se donnaient la main. Niemand ne pouvait pas bien distinguer s’il s’agissait réellement du célèbre tableau de De Vinci à cause des autres membres qui lui masquaient le reste de la peinture.

Une fois les missels rangés, on avait entonné le « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux ! », qui, dans la bouche des Frères réunis, donnait une sorte de litanie lancinante que Niemand traduisait dans sa tête comme un chant guerrier martelé : « Gloi-ra-dieu ! / au-plu-hô / dé-cieux ! », puis chacun avait été chercher une chaise au fond de la salle et s’était installé face à l’estrade.

On venait d’appeler son nom. Il se leva sous les applaudissements. Son cœur se mit à battre un peu plus vite. Ses paumes étaient humides. Il trébucha légèrement en montant sur l’estrade, se rattrapa très vite. Il éparpilla ses feuillets sur le pupitre. Ses mains tremblaient maintenant. Un raclement de gorge. Un regard craintif vers l’assistance, puis il se lança :

« Mes Frères, je suis heureux de venir à vous dans l’humilité et la foi. Frère Gestin – il regarda dans la direction de son supérieur qui avait rejoint l’assemblée – m’a demandé de vous faire part des circonstances dans lesquelles la révélation divine s’est faite à moi. »

Il prit une petite inspiration avant de poursuivre :

« Je n’étais pas croyant jusqu’au moment où deux de nos Frères se sont présentés à mon domicile. Je me souviens très bien de ce jour – il se revoyait encore, les mains pleines de terre, attrapant un chiffon pour les essuyer en allant ouvrir la porte – je venais de planter des bambous dans mon jardin quand ils ont sonné. C’était fin septembre 2010, un jour de tempête, mais il fallait que je plante les arbustes car ils étaient en train de dépérir. J’étais perturbé, pas seulement par la météo, qui rendait ma tâche difficile. J’étais également préoccupé parce que ma femme – je devrais dire feue ma bien-aimée femme… » – son débit se fit saccadé – « … avait les premiers symptômes de la maladie, et que j’avais dû la conduire au centre de quarantaine… sans pouvoir l’embrasser une dernière fois… ni même la prendre dans mes bras… »

Dieu que c’était difficile ! Il prit quelques secondes avant de se ressaisir :

« Nous n’étions pas vaccinés. Ma femme et moi n’avions pas confiance dans la médecine. Nous pensions échapper à la maladie en demeurant cloîtrés chez nous, en ayant le moins de contacts possible avec l’extérieur. Aussi, quand nos Frères sont venus chez moi, je ne leur ai ouvert que dans la crainte d’une mauvaise nouvelle. Quelqu’un aurait pu être mandaté par le centre médical pour m’annoncer... »

Sur sa feuille, il avait écrit : le décès, mais ce mot lui était trop pénible à prononcer. Il décida d’improviser. Levant les yeux, il affronta les regards qui semblaient captivés par son histoire. Il reprit :

« … Pour m’annoncer la nouvelle… et quand j’ai vu ces deux jeunes hommes dans leur costume identique, avec leur badge et leurs brochures à la main, je me suis senti soulagé. C’est pour cela que j’ai accepté de les écouter. Ils m’ont parlé de leur foi, de la paix qui habite leur cœur, et m’ont conseillé de prier Dieu le jour où j’en aurais besoin. Quand ils sont partis, j’ai refermé la porte et je suis tombé à genoux. Pour la première fois de ma vie, j’ai prié. J’ai prié le ciel, la terre, j’ai prié sans savoir vraiment quoi ou qui… »

Il se dit qu’il n’aurait jamais dû abandonner ses notes, mais il était trop tard pour retrouver la bonne feuille, alors il poursuivit :

« Je n’avais jamais cru en Dieu, mais j’avais la conviction que quelque chose ou quelqu’un – peut-être même quelques-uns – menaient la danse, que nos vies répondaient à des schémas tracés depuis longtemps dans le but de nous faire évoluer. J’avais lu « Les quatre accords toltèques » de Don Miguel Ruiz, dont j’essayais de mettre l’enseignement en pratique dans ma vie quotidienne, sans pourtant y parvenir de façon satisfaisante… Tout ce que je faisais, tout ce que je ressentais n’était dicté que par l’insatisfaction ou la peur… Et j’avais beau lire et relire ce livre, dont je vais vous citer un passage, rien ne changeait dans ma vie. »

Il saisit l’ouvrage posé à côté de ses notes, l’ouvrit à la page marquée, et lut à voix haute : « Si vous voulez connaître une existence faite de joie et de plénitude, il vous faut trouver le courage de rompre ceux de vos accords qui sont fondés sur la peur, et revendiquer votre pouvoir personnel. Les accords dérivés de la peur nous font dépenser énormément d’énergie, tandis que ceux découlant de l’amour nous aident à conserver cette énergie et même à en avoir davantage. »

Niemand reprit :

« Je pense que les Frères sont arrivés au moment où j’étais prêt à accepter la foi, à la reconnaître et à la vivre. »

Il fit une pause. Il fallait qu’il aille jusqu’au bout, sans filet maintenant que son discours était éparpillé sur le pupitre. Il était trop angoissé pour remettre les pages dans l’ordre. Il se lança comme pour une dernière ligne droite avant l’arrivée :

« Quand ma femme est tombée malade, elle était enceinte de six mois et demi. Au moment où elle est… décédée, la petite Lily vivait encore, mais les médecins étaient trop accaparés par leur travail pour se préoccuper d’une personne qui n’était pour eux qu’une victime de plus de la maladie… Mais une infirmière a pris le temps d’écouter le cœur du bébé, elle s’est rendu compte qu’on pouvait sauver l’enfant, et cette femme a convaincu les médecins de pratiquer une césarienne en urgence… »

Le silence dans la salle se faisait moins pesant. Arrivé au bout de sa confession, Niemand commençait à se sentir mieux :

« Lily a aujourd’hui trois ans et douze jours. Tous les matins à l’aube, je remercie Dieu de m’avoir gardé ma fille. Tous les matins, je prie pour la terre et pour les humains, et tous les matins je suis empli de gratitude envers mes Frères de la Confrérie du Jour Nouveau pour m’avoir montré le chemin. »

Niemand avait terminé. Les applaudissements ne se firent pas attendre. Il vit des visages émus aux larmes, des Frères debout, les bras au ciel, d’autres à genoux qui priaient. Il distingua également une silhouette vêtue de noir qui se faufilait au fond de la salle vers la sortie. Quand il eut le loisir de se repasser le film de la cérémonie, plus tard dans la soirée, il se rendit compte que cette personne, dont il ne pouvait distinguer le visage, avait une allure et un profil féminins. Chose troublante chez les Frères, qui n’admettaient aucune présence féminine au sein de la Confrérie, la femme étant la créature choisie par Dieu pour donner la vie terrestre, non pour s’occuper des affaires de l’au-delà. Seuls les hommes avaient un droit d’accès au divin message.

Debout face à la salle dont les applaudissements commençaient à se calmer, il pensa à sa fille. Il aurait voulu aller la retrouver, mais il devait encore prendre part aux agapes. Il descendit les quatre marches qui le séparaient de ses Frères.
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Message  Kilis Lun 30 Nov 2009 - 15:56

Ah! que ce début est passionnant !
J'aime beaucoup.
Rien d'autre à dire pour l'instant.
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Message  Invité Lun 30 Nov 2009 - 16:54

Je suis d'accord, un début passionnant. J'aurai un bémol sur le mode d'exposition de la situation : pouf, on balance tout sur la gueule du lecteur pour poser les choses ; pour moi, le procédé, bien pratique, est très artificiel et frustrant. En tant que lectrice, j'aime comprendre peu à peu les tenants et les aboutissants.

Mais sinon, une belle écriture au service d'une histoire qu'on pressent solide !

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Message  wald Lun 30 Nov 2009 - 17:14

Le sujet est casse gueule, les vaccins et la religion, il y a moyen de dire beaucoup de ******* là dessus, et pour l'instant vous les évitez bien.
Un petit détail, je suis lecteur de SF occasionel et j'aime avoir une cohérence complète dans les textes. Ici par exemple, je ne comprends pas la traque organisée par des gens vaccinés et qui n'ont donc à priori rien à craindre des autres malades. Je comprends que ça peut avoir un intérêt en matière de santé publique mais ça n'explique pas la folie dont ils font preuve. On pourrait imaginer des histoires d'éradication du virus pour éviter sa mutation peut être.
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Message  Invité Lun 30 Nov 2009 - 20:05

Un bsujet assez passionnant, Hali, qui accroche bien et laisse pressentir des évènements et des rebondissements palpitants.
Le bémol pour moi aussi réside dans cet xposé de la situation au début, dommage que tu ne distilles pas ça dans le cours du texte ...

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Message  bertrand-môgendre Lun 30 Nov 2009 - 20:11

Une surabondante répétition de vaccin, vacccinations dans le premier paragraphe.
La mise en scène sonne bon l'endoctrinement. Je sens que les ficelles tendues vont activer quelques marionnettes de chiffons.
Bonne suite alors.
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Message  Lucy Mar 1 Déc 2009 - 5:36

Contente de lire cette première partie !
Vaccin et religion : quelle merveille ! On est en plein dedans. ^^ Tu te lances dans une histoire qui promet et ce début est particulièrement attractif.
Côté remarques, je ne vais pas répéter ce qui a été dit. Au sujet du titre, je m'attendais presque à une histoire humoristique. Va savoir !
En attente de la suite...
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Message  Sahkti Mar 1 Déc 2009 - 9:45

La vaccination, cruellement d'actualité...

C'est une histoire intéressante et prenante. J'ai craint à un moment que la profusion de précisions n'alourdisse le récit mais il n'en est rien, au contraire. Ces détails me paraissent indispensables pour la plupart, guidant le lecteur tout en construirant décor et atmosphère de manière efficace.

J'ai hâte de lire la suite, je sens que ça va donner quelque chose de très chouette. On te sent à l'aise dans ce registre et c'est agréable à lire, car on se faufile avec aisance dans la trame du récit.


Quelques détails:

Leur seule arme était la parole de Dieu et la prière : ils tentaient de convaincre la population que seul Dieu pouvait faire justice, la répétition seule/seule et Dieu/Dieu me paraît visible.

À genoux sur un tapis qui semblait représenter la Cène, ils se donnaient la main. Niemand ne pouvait pas bien distinguer s’il s’agissait réellement du célèbre tableau de De Vinci
Je me demande si cette précision est tout à fait utile et je crains qu'elle ne crée un parallèle avec un ouvrage bien connu, célébrissime, dans lequel la Cène a joué un rôle, ce qui serait réducteur pour ton texte qui parle de tout à fait autre chose.
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Message  Invité Jeu 3 Déc 2009 - 15:30

J'aime bien le nom du personnage principal. je suis presque timide de lire en entier. (je n'ai que lu en diagonale),un style fluide qui convient bien au texte que je devine dans l'anticipation. Je t'encourage sur cette voie.

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Message  boc21fr Jeu 3 Déc 2009 - 18:28

Voila ce que j'appelle un bon début Hali !
La situation est parfaitement exposée, le personnage n'est pas caricatural, c'est bien parti !
De la vraie anticipation, vraie de vraie, qui donne envie de lire la suite, aucun problème...
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Message  grieg Ven 4 Déc 2009 - 9:07

A l’instar du supérieur de niemand, je dirais :
« ce qui s’est passé avant cela ne nous intéresse pas encore: nous l’apprendrons en temps voulu. »

En fait, j’aurais aimé que les deux premiers paragraphes soient distillés, que les informations me parviennent plus progressivement.
De la difficulté de poster ce qui doit devenir un roman, en épisodes : on est tenté de trop en dire, trop vite, comme dans un texte court.

Sinon, le style est simple, clair, efficace, agréable.
L’histoire, classique de l’anticipation, promet d’être intéressante, portée par un personnage fort.

J’ai un peu accroché sur les répétitions successives de « nouveau »:

« étaient réunis pour la cérémonie d’admission des nouveaux membres de la Confrérie du Jour Nouveau »
Dans le premier paragraphe

« Niemand faisait partie des nouveaux venus dans la Confrérie du Jour Nouveau. »
Dans le troisième

voilà
à la semaine prochaine ou plus tard
si dieu le veut

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Message  Halicante Jeu 14 Jan 2010 - 21:12

Les réponses aux commentaires sur le premier chapitre sont là :
https://vosecrits.1fr1.net/conversations-atelier-f4/exo-roman-en-direct-chapitre-3-pour-le-10-janvier-2010-t5363-440.htm#188781

Chapitre I Modifié

Contraintes choisies :

Un jour de grand vent, des bourrasques qui décoiffent les cheveux et ce qu'il y a dessous.

La météo doit refléter l'état émotionnel du narrateur et/ou d'un personnage

Une plante verte au choix

Un des personnages (humain ou animal) a un nom de fleur.

Une référence à un auteur, peintre ou sculpteur contemporain ; un passage qui reprenne quelques lignes d'un de ses livres pour l'auteur, ou une description d'une de ses œuvres pour les autres (peintre, sculpteur) - l'œuvre en question a eu une influence sur la vie du narrateur ou du personnage principal.

Un personnage en noir, une femme de préférence


Tout un totem


Combien étaient-ils ? Cinq cents, six cents peut-être, rassemblés dans la salle communale, des hommes – rien que des hommes – dans la force de l’âge pour la plupart, certains encore assez jeunes, tout juste sortis de l’université. Ils étaient réunis pour la cérémonie d’admission des nouveaux membres de la Confrérie de la Vérité Révélée, un mouvement (une secte, diraient certains) créé à la suite des émeutes meurtrières de l’année 2010.

Niemand faisait partie des nouveaux et, pour son admission, il devait prononcer un discours devant ses Frères. Son supérieur lui avait résumé en ces termes ce que son texte devait contenir :
« Où tu es né, ce que tu as fait de ta vie, cela ne nous intéresse pas : nous l’apprendrons en temps voulu. Ce que nous voulons connaître de toi, c’est comment tu en es venu à croire en Dieu, ce qui t’a mené à Lui. Et à nous »

La cérémonie avait commencé par des chants religieux. Tous les Frères étaient placés en cercles concentriques, au centre desquels les nouveaux venus – ils étaient cinq ce jour-là – en formaient un plus petit. Les bras levés, les Frères envoyaient de l’énergie aux novices, afin de les charger de positivité, selon les propres termes de Frère Gestin.

Une fois les missels rangés, on avait entonné le « Gloire à Dieu, au plus haut des cieux ! », qui, dans la bouche des Frères réunis, donnait une sorte de litanie lancinante que Niemand traduisait dans sa tête comme un chant guerrier martelé : « Gloi-ra-dieu ! / au-plu-hô / dé-cieux ! », puis chacun avait été chercher une chaise au fond de la salle et s’était installé face à l’estrade.

On venait d’appeler son nom. Il se leva sous les applaudissements. Son cœur se mit à battre un peu plus vite. Ses paumes étaient humides. Il trébucha légèrement en montant sur l’estrade, se rattrapa très vite. Il éparpilla ses feuillets sur le pupitre. Ses mains tremblaient maintenant. Un raclement de gorge. Un regard craintif vers l’assistance, puis il se lança :

« Mes Frères, je suis heureux de venir à vous dans l’humilité et la foi. Frère Gestin – il regarda dans la direction de son supérieur qui avait rejoint l’assemblée – m’a demandé de vous faire part des circonstances dans lesquelles la révélation divine s’est faite à moi. »

Il prit une petite inspiration avant de poursuivre :

« Je n’étais pas croyant jusqu’au moment où deux de nos Frères se sont présentés à mon domicile. Je me souviens très bien de ce jour : je venais de planter des bambous dans mon jardin quand ils ont sonné. C’était fin septembre 2010, un jour de tempête, mais il fallait que je plante les arbustes car ils étaient en train de dépérir. J’étais perturbé, pas seulement par la météo, qui rendait ma tâche difficile. J’étais également préoccupé parce que ma femme – je devrais dire feue ma bien-aimée femme… » – son débit se fit saccadé – « … avait les premiers symptômes de la maladie, et que j’avais dû la conduire au centre de quarantaine… sans pouvoir l’embrasser une dernière fois… ni même la prendre dans mes bras… »

Dieu que c’était difficile ! Il prit quelques secondes avant de se ressaisir :

« Nous n’étions pas vaccinés. Ma femme et moi n’avions pas confiance dans la médecine. Nous pensions échapper à la maladie en demeurant cloitrés chez nous, en ayant le moins de contacts possibles avec l’extérieur. Aussi, quand nos Frères sont venus chez moi, je ne leur ai ouvert que dans la crainte d’une mauvaise nouvelle. Quelqu’un aurait pu être mandaté par le centre médical pour m’annoncer... »

Sur sa feuille, il avait écrit : le décès, mais ce mot lui était trop pénible à prononcer. Il décida d’improviser. Levant les yeux, il affronta les regards qui semblaient captivés par son histoire. Il reprit :

« … Pour m’annoncer la nouvelle… et quand j’ai vu ces deux jeunes hommes dans leur costume identique, avec leur badge et leurs brochures à la main, je me suis senti soulagé. C’est pour cela que j’ai accepté de les écouter. Ils m’ont parlé de leur foi, de la paix qui habite leur cœur, et m’ont conseillé de prier Dieu le jour où j’en aurais besoin. Quand ils sont partis, j’ai refermé la porte et je suis tombé à genoux. Pour la première fois de ma vie, j’ai prié. J’ai prié le ciel, la terre, j’ai prié sans savoir vraiment quoi ou qui… »

Il se dit qu’il n’aurait jamais dû abandonner ses notes, mais il était trop tard pour retrouver la bonne feuille, alors il poursuivit :

« Je n’avais jamais cru en Dieu, mais j’avais la conviction que quelque chose ou quelqu’un – peut-être même quelques-uns – menaient la danse, que nos vies répondaient à des schémas tracés depuis longtemps dans le but de nous faire évoluer. J’avais lu « Les quatre accords toltèques » de Don Miguel Ruiz, dont j’essayais de mettre l’enseignement en pratique dans ma vie quotidienne, sans pourtant y parvenir de façon satisfaisante… Tout ce que je faisais, tout ce que je ressentais n’était dicté que par l’insatisfaction ou la peur… Et j’avais beau lire et relire ce livre, dont je vais vous citer un passage, rien ne changeait dans ma vie. »

Il saisit l’ouvrage posé à côté de ses notes, l’ouvrit à la page marquée, et lut à voix haute : « Si vous voulez connaître une existence faite de joie et de plénitude, il vous faut trouver le courage de rompre ceux de vos accords qui sont fondés sur la peur, et revendiquer votre pouvoir personnel. Les accords dérivés de la peur nous font dépenser énormément d’énergie, tandis que ceux découlant de l’amour nous aident à conserver cette énergie et même à en avoir davantage. »

Niemand reprit :

« Je pense que les Frères sont arrivés au moment où j’étais prêt à accepter la foi, à la reconnaître et à la vivre. »

Il fit une pause. Il fallait qu’il aille jusqu’au bout, sans filet maintenant que son discours était éparpillé sur le pupitre. Il était trop angoissé pour remettre les pages dans l’ordre. Il se lança comme pour une dernière ligne droite avant l’arrivée :

« Quand ma femme est tombée malade, elle était enceinte de six mois et demi. Au moment où elle est… décédée, la petite Lily vivait encore, mais les médecins étaient trop accaparés par leur travail pour se préoccuper d’une personne qui n’était pour eux qu’une victime de plus de la maladie… Mais une infirmière a pris le temps d’écouter le cœur du bébé, elle s’est rendu compte qu’on pouvait sauver l’enfant, et cette femme a convaincu les médecins de pratiquer une césarienne en urgence… »

Le silence dans la salle se faisait moins pesant. Arrivé au bout de sa confession, Niemand commençait à se sentir mieux :

« Lily a aujourd’hui un an et douze jours. Tous les matins à l’aube, je remercie Dieu de m’avoir gardé ma fille. Tous les matins, je prie pour la terre et pour les humains, et tous les matins je suis empli de gratitude envers mes Frères de la Confrérie de la Vérité Révélée pour m’avoir montré le chemin. »

Niemand avait terminé. Les applaudissements ne se firent pas attendre. Il vit des visages émus aux larmes, des Frères debout, les bras au ciel, d’autres à genoux qui priaient. Il distingua également une silhouette vêtue de noir qui se faufilait au fond de la salle vers la sortie. Quand il eut le loisir de se repasser le film de la cérémonie, plus tard dans la soirée, il se rendit compte que cette personne, dont il ne pouvait distinguer le visage, avait une allure et un profil féminins. Chose troublante chez les Frères, qui n’admettaient aucune présence féminine au sein de la Confrérie, la femme étant la créature choisie par Dieu pour donner la vie terrestre, non pour s’occuper des affaires de l’au-delà. Seuls les hommes avaient un droit d’accès au divin message.

Debout face à la salle dont les applaudissements commençaient à se calmer, il pensa à sa fille. Il aurait voulu aller la retrouver, mais il devait encore prendre part aux agapes. Il descendit les quatre marches qui le séparaient de ses Frères.
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Message  Halicante Jeu 14 Jan 2010 - 21:16

Chapitre II :
Contraintes choisies :

• Un mauvais souvenir ressurgit
• Une chanson passe à la radio ou à la télé et détonne complètement avec l'ambiance dans laquelle baignent les personnages.
• Quelqu’un a la nausée
• Quelqu'un parle une langue qu'on ne reconnaît pas

Contrainte supplémentaire :
Vous devrez inclure dans trois phrases consécutives (maximum), trois mots ou locutions :

une mère
"amen"
Un chat noir


Ce fut d’une facilité déconcertante. Il était toujours étonné du peu de méfiance dont les gens faisaient preuve… Ici, un volet mal attaché avait suffi pour qu’il puisse s’engouffrer sans peine dans la cave. Il était assez costaud (« une sacrée marmule », comme disait son frère), mais il put tout de même passer les jambes sans problème par la fenêtre ouverte après qu’il eut pratiqué une ouverture dans la fenêtre à l’aide d’un coupe-verre. Pour le tronc, il avait fallu qu’il pousse un peu, mais il avait finalement posé le pied sur… Quoi ? De la terre battue ? C’est dingue, ça ! Il semble pourtant avoir de quoi rénover sa maison, le nouveau venu, alors pourquoi laisser la cave quasiment à l’abandon ?
Il fit prudemment le tour du sous-sol. Une voiture était garée là. Celle de Niemand ? Comment s’était-il rendu à la cérémonie, alors ? Peut-être en avait-il deux, après tout, on gagne bien sa vie dans certains milieux… En tout cas, cet endroit-là de la cave avait été cimenté, Dieu merci ! C’était la partie réservée à la cave à vin qui était en terre battue – Gaspar revint sur ses pas, inspectant le sol. Il remarqua de l’eau qui gouttait du plafond jusqu’à terre et, juste au-dessous, quelques champignons… Ça commençait à le dégoûter, cette histoire de planque. Si au moins l’endroit avait été confortable, il aurait pu apprécier, mais là, dans l’humidité et le froid, il pouvait tomber malade !

Au-dessus de sa tête, il entendait du bruit : quelqu’un marchait là-haut, une femme, sans aucun doute, se dit Gaspar, vu le son que ses pas produisent. Elle doit porter des escarpins à talons… Comme maman, pensa-t-il, se remémorant les belles paires grises et brillantes, la seule que sa mère possédât, et qu’elle passait de longues minutes chaque soir à vernir, à polir, afin que sa tenue fût toujours impeccable… Sa mère, leur chat noir sur les genoux, qui récitait le « Notre Père » près du poêle après avoir ciré ses chaussures, et qui lui murmurait « Amen ! » dans le cou, à lui, Gaspar, son petit garçon assis près d’elle par terre. Gaspar soupira. Sa maman lui manquait.
À l’étage, une sonnerie retentit. Il entendit la femme parler à un interlocuteur dans une langue qu’il ne connaissait pas. Une langue des pays de l’est, certainement, supposa-t-il aux sonorités qui lui parvenaient. La discussion semblait animée.
Soudain, Gaspar reconnut la chanson d’Anne Sylvestre, J’ai une maison, le son était monté si fort qu’il pouvait en entendre les paroles distinctement – du coup, il n’entendait plus la conversation au téléphone, mais de toute façon ça n’avait pas d’importance, puisqu’il ne pouvait pas comprendre ce que la femme disait… Il y a quelqu’un d’autre chez monsieur Nouveau-Venu, se dit-il, tiens, tiens… Ça, c’était intéressant ! La chanson s’arrêta brusquement, au beau milieu d’un couplet. Gaspar en fut soulagé, car ce disque, il le connaissait par cœur, tellement qu’il en avait la nausée. Ça ne lui rappelait rien de bon, ces ritournelles, d’ailleurs il détestait tout ce qui avait trait à l’enfance : les peluches, les jeux, les comptines… Quel ramassis de conneries ! Il vaudrait bien mieux prévenir les enfants dès le début : le monde dans lequel vous êtes nés, c’est la jungle. Alors pas la peine de faire des simagrées ni de pleurnicher, de toute façon vous allez en chier. Voilà. Gaspar se sentit soulagé. Penser qu’aujourd’hui d’autres enfants passaient par des moments aussi douloureux que lui en son temps, cela lui faisait du bien. Une sorte de vengeance anonyme s’opérait là, et ça rééquilibrait un peu le monde. Et Anne Sylvestre avec sa maison à la con en large et en long pouvait aller se rhabiller. Sa maison à lui, Gaspar, c’avait été la rue.

Clic-clac !
Merde ! Quelqu’un avait ouvert les portes de la voiture garée à quelques mètres de lui ! Il fallait qu’il se planque au plus vite… Là, derrière les cageots… Bon dieu, ce que ça puait !
Clic-clac !
L’ouverture centralisée des portières fut à nouveau actionnée.
Clic-clac !
Une fois encore, puis une autre.
Clic-clac ! Clic-clac !

Gaspar commença à douter. Et si quelqu’un l’avait vu s’introduire dans la cave ? Et si on essayait de lui faire peur en lui signifiant qu’il était démasqué, là, dans son trou à rats, sans aucune possibilité de s’échapper ? Car il venait de s’en rendre compte : il était trop loin de la fenêtre pour pouvoir fuir, dans la panique il s’était déplacé sans réfléchir, oubliant d’un coup les mois d’entraînement au camp avec les Frères… Quel idiot il faisait, quel novice, quel… Non, là, ça devenait absurde, ce « Clic-clac » continu, sans que rien ni personne ne bouge pour venir le cueillir dans sa planque… Enfin il reprit ses esprit : il saisit le petit miroir qu’il portait dans sa poche et le dirigea vers l’entrée de la cave, à l’endroit où les marches montent vers le premier étage de la maison. Il ne put réprimer un « bordel de merde ! » suivi d’un rire étouffé, qui signifiait quelque chose du genre : « Elle a bien failli m’avoir, celle-là ! » en voyant la petite fille assise en haut des marches, tenant la clé de la voiture et actionnant la fermeture centralisée comme s’il s’était agi d’un jouet. Une petite gamine de rien du tout, un bébé à peine en âge de parler, pensa Gaspar, qui pourtant n’y connaissait rien aux gamins.

La voix au téléphone s’était tue. Il entendit la femme appeler « Lily ! Lily ! », puis les pas se firent entendre d’un bout à l’autre de l’étage, pour enfin se rapprocher de l’entrée de la cave : « Lily ! Mais qu’est-ce que tu fais assise sur les marches dans le froid ? Tu sais que tu n’as pas le droit d’ouvrir cette porte toute seule, allez, viens, remonte ! »

Ouf ! Elle n’était pas descendue. Gaspar, soulagé, était content : dans son rapport, il pourrait noter qu’il y avait au moins deux personnes au domicile de ce Niemand, une femme qui s’exprimait avec un accent étranger, et un bébé. Il lui fallait encore attendre la nuit avant de monter fouiller là-haut, mais il avait déjà quelques éléments à rapporter à ses supérieurs.
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Message  ubikmagic Jeu 14 Jan 2010 - 22:22

Bonjour,

Je n'ai lu que le texte du début, et très peu de commentaires.

Bon, en dehors de quelques répétitions, ce que je trouve intéressant, c'est l'idée d'un texte préparé mais non dit, et au dernier moment un texte improvisé. De la sorte, on a toute latitude pour essayer d'imaginer ce qu'il aurait pu dire s'il n'avait pas mélangé ses feuilles... Il y a un vide et un plein, et ils se répondent, dirait un Chinois. Mais ne l'étant pas, je vais me contenter de sourire au clin d'œil à Don Miguel Ruiz, marrant, je ne m'attendais pas à le retrouver au coin du bois, surtout de ce bois littéraire...

La description de la folie collective m'a fait penser aussi à Brussolo, en plus modéré toutefois.

Quand à la figure féminine, étant habitué à écrire plutôt du noir, moi je l'aurais vue plutôt comme un élément fichant tout par terre une fois que le bonhomme a mordu à l'hameçon. On est là, on se dit que finalement il a trouvé la bonne voie - tant mieux pour lui - et pof, ironie du sort, on comprend qu'il n'est que victime d'une entourloupe. Mais bon, ça, c'est ma réaction en voyant passer cette silhouette, féminine ou pas.

C'est vrai que le début est raconté plutôt que donné à comprendre, mais ça peut fonctionner dans le cadre d'une nouvelle, et participer d'une démarche visant à raccourcir le texte pour entrer directement dans l'action. Mais alors, à mon avis il faut trouver une "chute", pour que le texte reste court, et là j'en reviens à l'ironie, ou alors il faudrait faire bifurquer le tout vers quelque chose qui échapperait à toute hypothèse que le lecteur aurait pu construire. Le surprendre, le cueillir là où il ne s'y attend pas.

En tous cas, ce texte ferait un bon début de nouvelle, vu comme ça, de l'extérieur.

A suivre... et bon courage.

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Message  Halicante Ven 15 Jan 2010 - 17:52

Merci pour ton commentaire, Ubikmagic (quelque chose à voir avec Philip K. Dick, ton pseudo, j'imagine ? A moins que tu ne sois adepte des "Kakikoukas !" ? https://www.youtube.com/watch?v=V_ilyuRWtSw)

ubikmagic a écrit:Quand à la figure féminine, étant habitué à écrire plutôt du noir, moi je l'aurais vue plutôt comme un élément fichant tout par terre une fois que le bonhomme a mordu à l'hameçon. On est là, on se dit que finalement il a trouvé la bonne voie - tant mieux pour lui - et pof, ironie du sort, on comprend qu'il n'est que victime d'une entourloupe. Mais bon, ça, c'est ma réaction en voyant passer cette silhouette, féminine ou pas.
C'est effectivement l'idée, même si la "trahison" ne vient pas de la femme... C'est dans le 3e chapitre qu'on découvre le pot aux roses...

ubikmagic a écrit:C'est vrai que le début est raconté plutôt que donné à comprendre, mais ça peut fonctionner dans le cadre d'une nouvelle, et participer d'une démarche visant à raccourcir le texte pour entrer directement dans l'action. Mais alors, à mon avis il faut trouver une "chute", pour que le texte reste court, et là j'en reviens à l'ironie, ou alors il faudrait faire bifurquer le tout vers quelque chose qui échapperait à toute hypothèse que le lecteur aurait pu construire. Le surprendre, le cueillir là où il ne s'y attend pas.

En tous cas, ce texte ferait un bon début de nouvelle, vu comme ça, de l'extérieur.
C'est ce qui m'a été reproché de nombreuses fois, mais j'ai corrigé ma copie : le premier chapitre a été modifié en ce sens, car il s'agit d'un roman et non d'une nouvelle. Comme je suis habituée à écrire des textes courts, j'ai tendance à appliquer les mêmes méthodes, et ça se voit ! Du coup il faut que je réécrive, retravaille, re-, re-, re-... C'est beaucoup de travail mais c'est passionnant !
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Message  Halicante Ven 15 Jan 2010 - 17:58

Chapitre III :

Contraintes choisies :
un journal de la veille
un caniche abricot
Quelqu'un joue un air sur un piano droit désaccordé que des déménageurs ont déposé sur un trottoir, devant un immeuble.
Il y a des jumelles
Quelqu’un s’assied sur le capot d’une voiture


Quelle réussite, se dit Niemand, quelle réussite ! Son discours avait produit un bel effet sur les Frères, et il se félicita de sa prestation tout en enfourchant sa bicyclette. En rentrant chez lui, il eut plaisir à observer la ville : sur un trottoir, une vieille dame en chaussons et robe de chambre caressait un caniche abricot. Un peu plus loin, un jeune tout de noir vêtu s’était installé devant un piano abandonné à côté d’un camion de déménagement et jouait un air méconnaissable tant les notes sonnaient faux. Au carrefour suivant, il vit un homme s’asseoir sur le capot d’une voiture, saisir une paire de jumelles et observer ce qui se passait à l’autre bout de la rue... Niemand aimait cette ville pour ces scènes improbables, pour sa nonchalance aussi. Même si ce n’était pour lui qu’une patrie d’adoption, il avait appris à l’aimer et l’avait faite sienne.
Arrivé à la maison, il trouva sa compagne devant son jeu préféré sur l’ordinateur, le Mah Jong. Lisa était férue de jeux de patience, là où lui estimait que c’était une perte de temps. Dès qu’elle l’entendit, elle se tourna vers lui d’un air interrogateur :

« Alors ?!
- Bon dieu, ce que c'était difficile !
- Comment ça ? Ils ne t'ont pas cru ?
- Si ! Mais quel mal j'ai eu à dire que tu étais… enfin, tu vois, quoi, même là je suis incapable de le dire !
- Quoi ? Que je suis censée être morte et enterrée ?
- Tais-toi, quelle horreur ! C'est que je suis superstitieux, moi ! Et quand je dis quelque chose, il faut que ce soit vrai, sinon j’ai peur que mes paroles provoquent l’événement…
- À mon avis, tu peux dire tout ce que tu veux, ça ne changera rien à rien ! Bon, et sinon, ça s'est bien passé ?
- Mieux que je ne l’aurais pensé ! Pourtant, j’avais peur… Je déteste mentir, j’ai besoin de croire à ce que je dis, et là, je ne pouvais simplement pas y croire, tu imagines ? Demain, tu te présentes devant des centaines de personnes que tu ne connais pas, et tu leur dis : « L'homme que j'aime vient de mourir », et tu continues, l’air de rien, à parler de la foi qui te serait soi-disant tombée dessus lors de cette épreuve… Non, mais tu imagines ?

Elle rit :

- Et qu’est-ce que tu as raconté d’autre, comme énormités ?
- Euh… Que tu étais ma femme…
- Hein ? On est mariés, maintenant ?
- Il semblerait, oui, je suis désolé de te l’apprendre…
- Bon, eh bien il va bien falloir faire avec ! Alors, Môssieur Mon Mari, dit-elle sur un ton emphatique, Mademoiselle Vôtre Fille a encore fait des siennes ! cette fois-ci, c’est ta clé de voiture qu’elle a trouvée !
- Et elle est allée jusqu’où ? demanda-t-il en riant, elle sait conduire autre chose qu’un trotteur, alors ?
- En fait elle s’est contentée d’ouvrir et de fermer les portières, alors si ça ne marche plus, ne t’étonne pas…
- Et sinon, quoi de neuf ?
- Rien de spécial… Ah, si ! Comme j’ai toujours un jour de retard sur les nouvelles, j’ai lu le journal d’hier cet après-midi, il y a un article sur tes illuminés.
- Ceux de la Confrérie ? Il faut que je lise ça !
- Je te l’ai posé sur la table du salon…

L’article s’intitulait : « Les nouveaux justiciers : la Confrérie de la Vérité Révélée »

Les Frères de la Confrérie de la Vérité Révélée tiendront une séance d’intronisation des nouveaux membres demain à 18 heures à la salle communale de Lalande. La Confrérie a été formée suite aux événements violents de l’année 2010. « Nos seules armes sont la parole de Dieu et la prière, et notre unique but est de convaincre la population que seul Dieu peut faire justice et que les humains doivent s’en remettre à Lui pour trouver la paix. », souligne Frère Gestin.
Opposés à toute forme de violence, ils ont fermement condamné les émeutiers qui, l’année passée, se sont donné pour mission de vacciner de force les personnes qui s’y refusaient, et ce afin d’empêcher le virus de muter et de faire de nouvelles victimes. Les Frères invitent chacun à réfléchir aux conséquences de tels actes et à se recueillir dans la prière. « Vous êtes tous invités à nous rejoindre demain, quelle que soient vos croyances. » tient à préciser Frère Gestin.


- Mouais, quel ramassis de conneries ! s’exclama Niemand
- Et tu crois que tu trouveras quelque chose sur ceux qui ont dénoncé ton père ?
- Écoute, c’est ma seule piste pour l’instant, alors il faut que je creuse dans cette direction…
- Et si ça ne donne rien ?

Niemand s’énerva :

- Qu’est-ce que j’en sais, moi, si ça ne donne rien ! Si ça ne donne rien il ira au diable, voilà !
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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 18:11

Bon, je dois vous avouer, Halicante, que je décroche... Peut-être est-ce tout bêtement parce qu'il y a eu un délai trop important entre le premier chapitre et les autres, peut-être ne suis-je pas bien disposée, en tout cas l'ensemble me paraît décousu, je ne vois pas les fils narratifs former une trame qui me donne envie de lire la suite. Je ne crois pas suivre les prochains chapitres, désolée.

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Message  Halicante Ven 15 Jan 2010 - 19:14

Je comprends que le délai écoulé (plus d'un mois !) puisse avoir eut pour conséquence l'abandon de certains lecteurs, mais je ne peux pas écrire à un rythme plus soutenu. Pour ce qui est des fils narratifs en revanche, j'avais compris qu'il ne fallait justement pas tout dire dès le début, dans un roman, et laisser volontairement des zones d'ombre. Alors j'avoue que je suis un peu perdue dans cet exo, mais je le poursuis, même si c'est difficile. Surtout pour cette raison, d'ailleurs.
Et puis merci pour votre franchise, Socque !
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Message  Invité Ven 15 Jan 2010 - 19:17

Oui, je suis peut-être trop impatiente, je ne sais pas... Mais sans vouloir que tout soit dit d'emblée dans les premières pages, j'aime bien me sentir plus ou moins menée quelque part. Là, ce n'est pas vraiment le cas ; cela dit, c'est ma réaction, vous comprenez bien. D'autres lecteurs peuvent très bien ressentir les choses différemment.

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Message  Halicante Ven 15 Jan 2010 - 20:49

Oui, oui, je comprends bien que c'est votre sentiment et que d'autres lecteurs auront sans doute un autre avis. Cependant, ça me fait réfléchir sur la suite du texte, comment amener les choses. Je vais peut-être essayer d'avancer un peu, de déblayer le chemin pour les éventuels futurs lecteurs... Mais je vais attendre quelques avis supplémentaires avant de me lancer.
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Message  Claire d'Orée Ven 15 Jan 2010 - 21:38

Le récit d'une conversion bien mené. J'avoue avoir été moi-même tentée par la religion mais suis d'accord que la foi est réservéev aux hommes, Dieu étant masculin.
Amicalement
Claire d'Orée

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Message  abstract Dim 17 Jan 2010 - 17:31

Moi j’accroche bien à l’histoire, j’ai envie de savoir et de comprendre ce qu’est cette mystérieuse secte et l’aspect enquête m’intrigue. Je commence aussi à m’attacher au personnage de Niemand. Il y a cependant un passage qui m’a semblé assez maladroit :
En rentrant chez lui, il eut plaisir à observer la ville : sur un trottoir, une vieille dame en chaussons et robe de chambre caressait un caniche abricot. Un peu plus loin, un jeune tout de noir vêtu s’était installé devant un piano abandonné à côté d’un camion de déménagement et jouait un air méconnaissable tant les notes sonnaient faux. Au carrefour suivant, il vit un homme s’asseoir sur le capot d’une voiture, saisir une paire de jumelles et observer ce qui se passait à l’autre bout de la rue...
J’ai eu l’impression que les contraintes y étaient plaquées et n’apportaient pas grand-chose au texte.
À part ça, j’attends la suite de l’histoire avec impatience.
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Message  Lucy Lun 18 Jan 2010 - 5:11

Là, voilà, tu nous as rattrapés Halicante. ^)^
Me voilà intriguée par ce que tu vas nous concocter pour la suite. Moins convaincue par le troisième chapitre, cependant. Mais j'aimerais bien en apprendre davantage sur Gaspard. J'ai bien hâte de voir où tu vas nous mener. L'histoire se décante, tu as l'air bien dedans.
A suivre, donc !
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Message  Kilis Mar 19 Jan 2010 - 11:59

Moi aussi j'accroche bien à l'histoire et je suis curieuse de savoir où tu vas nous mener. Une note positive pour la progression du récit donc. D'autre part, je pense que l'écriture pourrait être retravaillée, on sent que tu te cherches et, comme abstract, j'ai trouvé que certaines contraintes étaient plaquées là sans grand intérêt. Les contraintes ne sont pas une obligation, elles n'ont de sens pour moi que comme tremplin à l'imaginaire de l'auteur. Si elles ne servent pas le récit à quoi bon les employer.
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Message  grieg Mar 19 Jan 2010 - 18:06

je ne sais pas trop quoi dire en fait...
j'hésite...
si j'avais en main un roman fini, je me donnerais encore vingt pages avant de décider si je poursuis ou non, si je peux être emporté ou non...

l'ensemble est bien fait

j'ai cependant eu beaucoup de mal avec les premiers dialogues du chapitre III, peu naturels

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Message  Zenati Mer 20 Jan 2010 - 21:36

Une forte imagination, un texte riche et beau...
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