La ballade du maudit poète
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La ballade du maudit poète
la ballade du maudit poète
J'étais pas plus haut qu’ça,
La Muse me taxa.
D ’un petit air coquin,
Elle me dit : « gamin,
Bouille de fripon,
Soulève mon jupon ! »
Lorsqu'elle me hélait,
Comme un con je bêlais ::
« Je veux faire poète !
Tu sais, papa, c'est chouette »
« Profession peu prospère ! »
Me répondait, mon père.
« Mais, mon papa, regarde ,
De bleu le ciel se farde.
La rosée du matin sur notre vert gazon,
C'est t’y pas bien plus mieux que faire mes leçons ? »
- Va pas nous emmerder avec tes conneries !
De ton projet idiot même la bonne rit.
À mon ire prends garde ! »
- Mais, mon papa, regarde
Le bel astre du jour qui de son rayon fauve
Se complaît à jouer sur ton beau crâne chauve ! »
- Tu la veux celle-là
Sur ta joue, bien à plat ? »
- Ben si c'est comme ça, j ' m'en vais aux cabinets,
Sur le trône affûter mon grand talent inné
Et dans ma solitude, aux vécés sans tracas,
J'écrirai mon poème en faisant mon caca »
- À ta guise mon gars,
Mais fais gaffe aux dégâts
Et même si tu crois que rimer c’est sacré,
Lorsque du petit coin dans le beau soir diapré,
Tu sortiras rêvant à ta gloire demain
N'oublie pas, bon à rien, de te lave tes mains !
Après tire la chasse.
La poésie, ça passe ! »
Chez les filles plus tard, tout pareil je gueulais:
« J'suis poète , aimez-moi ! Venez dans mon palais ! » .
Au début ça marchait, après beaucoup moins bien.
Je ne parvenais pas à conserver le lien.
« Mets la moi, mets la moi ! »
Couinait tout en émoi
La belle qui fondait.
Rimant, je répondais :
« Quand je vois ta césure, ô ma belle odalisque,
Je me demande un peu ce qu'avec toi je risque » .
Mes vers la déroutait.
Dehors elle me foutait.
« Ta diérèse est foireuse, ô mon gentil connard.
Ton pied, j'en suis navrée, va le prendre autre part. »
Suis tombé chez les gueux,
Des paumés, des pouilleux.
Je n'avais plus d'amis.
J’ai pleuré, j’ai gémi.
« Bon ça, pour l'élégie , car c'est le lot de l’hère !
M'a dit en rigolant mon copain Baudelaire.
Il faut que tu en chies.
Lorsque sera franchie
L'étape des revers,
Tu feras de beaux vers !»
Puis il a continué son chemin d'infortune
Me lançant tout de go cette phrase opportune :
« Mon enfant, sois maudit ! »
J'ai dit mot, esbaudi .
J'ai rencontré les chiens.
Ils m'ont dit « allez, viens ! »
Et m'ont pris avec eux.
Je me suis senti mieux,
Bouffant dans leur gamelle,
Chassant dans les ruelles.
Quand j'étais trop haineux ,
Ils me mordaient un peu
Et le soir, bons apôtres,
Ils hurlaient « t'es des nôtres !
Tu sais pas aboyer,
Mais on va te choyer.
Pisse un coup sur le mur, t'auras ton territoire !
N'oublie pas nos odeurs aux temps aléatoires.
On a quelques vieux os, on va te les donner »
J'ai ramassé les os sans trop m'en étonner.
De mes pattes avant,
Le dos contre le vent,
Mes larmes épongées,
Longtemps les ai rongés.
S 'en furent les années,
Vinrent les jours fanés.
Mes vieux potes les chiens
Engloutis corps et biens,
Encore je les ronge,
Les pourlèche et je songe
À mes peines anciennes.
Quand je crois perdre haleine,
Me vient que je les aime
Et j’en fais des poèmes.
Ce texte publié il y a presque un an, a été retravaillé
J'étais pas plus haut qu’ça,
La Muse me taxa.
D ’un petit air coquin,
Elle me dit : « gamin,
Bouille de fripon,
Soulève mon jupon ! »
Lorsqu'elle me hélait,
Comme un con je bêlais ::
« Je veux faire poète !
Tu sais, papa, c'est chouette »
« Profession peu prospère ! »
Me répondait, mon père.
« Mais, mon papa, regarde ,
De bleu le ciel se farde.
La rosée du matin sur notre vert gazon,
C'est t’y pas bien plus mieux que faire mes leçons ? »
- Va pas nous emmerder avec tes conneries !
De ton projet idiot même la bonne rit.
À mon ire prends garde ! »
- Mais, mon papa, regarde
Le bel astre du jour qui de son rayon fauve
Se complaît à jouer sur ton beau crâne chauve ! »
- Tu la veux celle-là
Sur ta joue, bien à plat ? »
- Ben si c'est comme ça, j ' m'en vais aux cabinets,
Sur le trône affûter mon grand talent inné
Et dans ma solitude, aux vécés sans tracas,
J'écrirai mon poème en faisant mon caca »
- À ta guise mon gars,
Mais fais gaffe aux dégâts
Et même si tu crois que rimer c’est sacré,
Lorsque du petit coin dans le beau soir diapré,
Tu sortiras rêvant à ta gloire demain
N'oublie pas, bon à rien, de te lave tes mains !
Après tire la chasse.
La poésie, ça passe ! »
Chez les filles plus tard, tout pareil je gueulais:
« J'suis poète , aimez-moi ! Venez dans mon palais ! » .
Au début ça marchait, après beaucoup moins bien.
Je ne parvenais pas à conserver le lien.
« Mets la moi, mets la moi ! »
Couinait tout en émoi
La belle qui fondait.
Rimant, je répondais :
« Quand je vois ta césure, ô ma belle odalisque,
Je me demande un peu ce qu'avec toi je risque » .
Mes vers la déroutait.
Dehors elle me foutait.
« Ta diérèse est foireuse, ô mon gentil connard.
Ton pied, j'en suis navrée, va le prendre autre part. »
Suis tombé chez les gueux,
Des paumés, des pouilleux.
Je n'avais plus d'amis.
J’ai pleuré, j’ai gémi.
« Bon ça, pour l'élégie , car c'est le lot de l’hère !
M'a dit en rigolant mon copain Baudelaire.
Il faut que tu en chies.
Lorsque sera franchie
L'étape des revers,
Tu feras de beaux vers !»
Puis il a continué son chemin d'infortune
Me lançant tout de go cette phrase opportune :
« Mon enfant, sois maudit ! »
J'ai dit mot, esbaudi .
J'ai rencontré les chiens.
Ils m'ont dit « allez, viens ! »
Et m'ont pris avec eux.
Je me suis senti mieux,
Bouffant dans leur gamelle,
Chassant dans les ruelles.
Quand j'étais trop haineux ,
Ils me mordaient un peu
Et le soir, bons apôtres,
Ils hurlaient « t'es des nôtres !
Tu sais pas aboyer,
Mais on va te choyer.
Pisse un coup sur le mur, t'auras ton territoire !
N'oublie pas nos odeurs aux temps aléatoires.
On a quelques vieux os, on va te les donner »
J'ai ramassé les os sans trop m'en étonner.
De mes pattes avant,
Le dos contre le vent,
Mes larmes épongées,
Longtemps les ai rongés.
S 'en furent les années,
Vinrent les jours fanés.
Mes vieux potes les chiens
Engloutis corps et biens,
Encore je les ronge,
Les pourlèche et je songe
À mes peines anciennes.
Quand je crois perdre haleine,
Me vient que je les aime
Et j’en fais des poèmes.
Ce texte publié il y a presque un an, a été retravaillé
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: La ballade du maudit poète
Voilà ce que j'appelle tomber de Charybde en Scylla !
Hellian, j'ai relevé quelques coquilles :
N'oublie pas, bon à rien, de te laver tes mains !
Mets-la
Mes vers la déroutaient.
Hellian, j'ai relevé quelques coquilles :
N'oublie pas, bon à rien, de te laver tes mains !
Mets-la
Mes vers la déroutaient.
Invité- Invité
Re: La ballade du maudit poète
Merci Easter ! tu vois, je suis toujours aussi mauvais correcteur de mes textes avec ces yeux en peau de hyène !
En fait le vers que tu as relevé devrait être :
"N'oublie pas, bon à rien, de te laver les mains"
En fait le vers que tu as relevé devrait être :
"N'oublie pas, bon à rien, de te laver les mains"
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: La ballade du maudit poète
oui bien sûr Hellian, j'avais aussi les yeux fatigués hier soir ;-)Hellian a écrit:Merci Easter ! tu vois, je suis toujours aussi mauvais correcteur de mes textes avec ces yeux en peau de hyène !
En fait le vers que tu as relevé devrait être :
"N'oublie pas, bon à rien, de te laver les mains"
Invité- Invité
Re: La ballade du maudit poète
J'adore ! Il y a de l'énergie, des idées, du punch, des mots, du rythme !
Et pourtant ce n'est d'habitude pas ce genre de poème qui m'attire au premier coup d'œil mais là... y'a indubitablement quelque chose !
Bonne continuation !
Et pourtant ce n'est d'habitude pas ce genre de poème qui m'attire au premier coup d'œil mais là... y'a indubitablement quelque chose !
Bonne continuation !
Re: La ballade du maudit poète
Chouette le lot de l'hère du copain Baudelaire et quelques autres trouvailles qui m'ont fait sourire mais pas que ... Il y a plus de profondeur et de mélancolie qu'il n'y paraît dans ce pamphlet qui m'a rappelé le ton de Tristan Corbière dans ses Amours Jaunes. Un poète que je vénère.
Re: La ballade du maudit poète
je comprends pour le théâtre
dès qu'un dialogue s'amorce, il y a cette jouissance à te lire
ces personnages campés en deux phrases à peine
cette gouaille élégante, toujours dans le vrai ton, jamais vulgaire
et ce sens inné du rebondissement
un lecteur inconditionnel, c'est comme çà
dès qu'un dialogue s'amorce, il y a cette jouissance à te lire
ces personnages campés en deux phrases à peine
cette gouaille élégante, toujours dans le vrai ton, jamais vulgaire
et ce sens inné du rebondissement
un lecteur inconditionnel, c'est comme çà
mitsouko- Nombre de messages : 560
Age : 63
Localisation : Paris
Date d'inscription : 08/11/2008
La ballade du maudit poète
J'aime assez ce poème à la Queneau, plein d'humour et de dérision et avec un très grand sens de la rime.
Amicalement
Claire d'Orée
Amicalement
Claire d'Orée
Claire d'Orée- Nombre de messages : 113
Age : 63
Localisation : PARIS
Date d'inscription : 17/12/2009
Re: La ballade du maudit poète
Excellent Hellian !
C'est vif, drôlement bien ficelé, plein de répartie et sous cet air joyeux se cachent des réflexions finaudes qui donnent à réfléchir. Tout ceci est abordé avec beaucoup d'humour et de justesse, de pertinence aussi.
J'ai particulièrement apprécié l'allégresse de l'ensemble, c'est entraînant. Merci !
PS: et ça me rappelle quelqu'un qui m'avait dit "usine à chômeurs" quand je m'étais inscrite en philo :-))
C'est vif, drôlement bien ficelé, plein de répartie et sous cet air joyeux se cachent des réflexions finaudes qui donnent à réfléchir. Tout ceci est abordé avec beaucoup d'humour et de justesse, de pertinence aussi.
J'ai particulièrement apprécié l'allégresse de l'ensemble, c'est entraînant. Merci !
PS: et ça me rappelle quelqu'un qui m'avait dit "usine à chômeurs" quand je m'étais inscrite en philo :-))
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: La ballade du maudit poète
"J'ai rencontré les chiens." un clin d'oeil a Ferré ou pas du tout ?
Très bon texte, rigolo, juste, merci
Très bon texte, rigolo, juste, merci
Re: La ballade du maudit poète
Ah, maudit poète, quel régal cette ballade !
Gouaille, esprit, dérision pour faire ressortir le noir du romantisme sous-jacent, de la belle ouvrage qui donne non seulement respect pour le boulot, mais grand plaisir, en plus !
Gouaille, esprit, dérision pour faire ressortir le noir du romantisme sous-jacent, de la belle ouvrage qui donne non seulement respect pour le boulot, mais grand plaisir, en plus !
Invité- Invité
Re: La ballade du maudit poète
Voici une version sonore du poème :
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
la ballade du poete maudit
J'ai adoré la drôlerie, l'impertinence, le déroulé de l'histoire ... un peu d'air frais dans un monde qui a aussi ses convenances
Re: La ballade du maudit poète
Bonheur de retrouver cette allégorie du poète maudit pleine d'une gouaille vigoureuse, d'une belle auto dérision et d'un brin de mélancolie !
Les inflexions de ta voix en font un sketch savoureux.
Les inflexions de ta voix en font un sketch savoureux.
Re: La ballade du maudit poète
Waouh ! J'ai aimé le texte, j'ai adoré ta lecture ! Avec une telle voix, tu dois galvaniser les foules, non ? Mais je crois que je me répète... l'âge sans aucun doute !
Savoureux, superbe, j'aime !
Merci Hellian.
Savoureux, superbe, j'aime !
Merci Hellian.
Invité- Invité
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