Ainsi soit stèle

- Alors comme ça mon jeune ami vous avez l’intention d’écrire ?
- Oui monsieur.
- Prenez un cigare et asseyez-vous.
Ils s’enfoncent dans des fauteuils pelés. Derrière les hautes fenêtres, un mur de briques rosies par un soleil rasant.
- Quelle mouche vous a donc piqué ?
- La mouche de la muse monsieur. Je me suis réveillé après avoir relu Rilke et me suis dit « voilà, je vais devenir ».
- C’est une idée comme une autre, ni pire ni meilleure, dans cette misère générale vous ne serez pas plus égoïste que la moitié du reste.
- Je ne suis pas égoïste monsieur
- Si, mais vous dressez le contraire devant vous pour continuer d’avancer. Avouez que le prétexte « Rilke » est tordant, vous auriez pu vous mettre à la page et choisir un auteur de nos jours in the wind of the world.
- Par exemple ?
- Jujube de l’Arado et sa compilation sur la désolation sphérique en trois volumes. Ou bien Altine Sans Compresso et son étude sur la vaginalité du monde.
- J’avoue que je ne supporte pas la traduction et suis bien incapable de les lire dans le texte
- Voilà un manque de culture certain jeune homme et qui va vous jouer bien des tours de passe-passe dans cet univers difficile
- Je sais monsieur, je sais. Mais le « voleur n’attend pas ».
- Joli coup garçon que de vous avatériser en Corneille mais cela vous habillera-t-il de talent ?
- Je sais ce que je vaux monsieur
- Dommage que ce « vaux » vous réduise à brouter. Excusez-moi c’est un défaut d’esprit que de tout envoyer paître…J’adore me faire rire. Pas vous ?
- Non monsieur, pas moi. Je me sans investis d’une mission hugolienne : « éclairer le monde »
- Ne craignez-vous pas que la lumière soit trop aveuglante ?
- Oh non ! Je saurai bien fournir les lunettes avec les mots.
- Quel brillant scout vous faites, et comme je me sens vieille vessie sans lanterne à porter à mes frères quand je vous regarde.
- Chacun sa place monsieur.
- Sans doute, sans doute que le service pour moi est terminé
- Vous avez eu votre heure de gloire monsieur, et je crois bien que vous en avez profité. Tout le monde aimait ce que vous écriviez.
- Est-ce à dire ?

Il se passe un certain temps de fumée. Le soir descend en pantoufles. On peut voir les deux silhouettes glisser dans le clair-obscur tandis que monte un air ancien : l’eleven bagatelles op.119 de LVB. Cet air tant oublié mais bien au chaud dans les syllepses intérieurs.
L’ombre la plus alerte se lève, se dirige vers la porte l’ouvre et la referme sans bruit.
- Alors comme ça mon jeune ami vous avez l’intention d’écrire ? Vous savez que vous pouvez me parler sans détour, si je peux vous être utile, n’est-ce pas ? Si avez besoin de conseils ? N’est-ce pas ?
N’est-ce pas ?

Correction post nocturne : "syllepses intérieures".

Lu et relu comme écrit par d'autres. Là, traité à la manière Ba, acide, acidulé avec la surprise au bout du texte.
Je me demande bien qui ils sont ces deux wannabe érudits.

Je me sans investis d’une mission hugolienne : « éclairer le monde »

j'adore le lapsus !!

Une scène intéressante... Ce vieil auteur hautain prenant son expérience et sa notoriété pour de l'or, et ce rêveur ambitieux que l'on sent de plus en plus confiant à mesure que les répliques de son interlocuteur le déçoivent. C'est comme ça que je l'ai reçu ! La chute est psychologiquement très bien vue et vient ponctuer le retournement de situation qui s'opère tout au long de la discussion : c'est le vieux qui demande à aider le débutant, c'est le débutant qui snobe le vieux...

J'ai aimé =)

Je me sans investis d’une mission hugolienne : « éclairer le monde »

Ces 2 fautes sont tellement évidentes que je me demande si elles ne sont pas volontaires... Peut-être n'ai-je pas compris ?

Dommage que ce « vaux » vous réduise à brouter
Excellent !
Comme tout le texte d'ailleurs, drôle et cinglant, à la répartie bien rythmée.

Jeux de mots amusants, qu'on est bien à l'intérieur, ça glisse remarquablement. Bravo !

bien, je sens qu'il faut que j'arrête de lire sur VE pour ce soir, sinon je vais devenir désagréable =)

Exceptionnellement commentaire sous les remarques de Kash hélas, ce sont deux fautes Hénormes " [b]je me sens investi".
Spécial marc " garde ton calme, garde ton calme ";-)
Pour les yeux adoucis une bonne soirée.

Moi...j'ai besoin de conseils! fan attitude...
Sinon plus constructif, l'idée d'un papier-réalité à l'image de ce qui existe en télé est grinçante, le coté casting au mérite avec déballage d'actes de guerre est un charmant pied de nez, la violence est coloriée de façon suffisamment vive pour souligner dans un sourire le tranchant des revendications artistiques.

- Joli coup garçon que de vous avatériser en Corneille mais cela vous habillera-t-il de talent ?
- Je sais ce que je vaux monsieur
- Dommage que ce « vaux » vous réduise à brouter. Excusez-moi c’est un défaut d’esprit que de tout envoyer paître…J’adore me faire rire. Pas vous ?
:0)

et

Le soir descend en pantoufles
J'aime beaucoup!

Drôle, j'aime bien l'usage d'expressions ou tournures un peu désuètes ou cul serré qui participent à la bonne humeur que dégage l'ensemble, bon rythme, bonnes réparties, des jeux de mots et perles distillés avec parcimonie . Juste ce qu'il faut pour ne que l'on ne sature pas. Aimé!

Je tire un peu le nez -aquilin, de surcroît, ce qui fait une ombre portée de cimeterre -. C'est du Ba, OK, ça coule, parfait, mais le traitement est mal dosé : où est passée la farfadette étincelle ? C'est presque mot pour mot les Interrogations à la Métonymie des obscurs Patanchon et Julferrix. Pour tout dire, je me suis dévissé l'oeil - qui n'est déjà pas bon de reste - pour tenter de décoder l'Hugo. Bernique dans les prés, oui. Ce sans investi ne m'a fait qu'un tour. Plus le retour de manies vieilles.
En bref, Ba, fais comme Brigitte, redeviens folle, steplé.

Drole, chargé… J’apprécie les inventions de langage et la fin « rôles-renversés ».