Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
4 participants
Page 1 sur 1
Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
Salut, amateurs de littérature,
C'est sans prétention aucune que je me suis dit qu'il serait intéressant de montrer à notre ami une version altrnative du texte "Orange Crépuscule", moins explicative. Malgré mes indications, notre ami avait semble-t-il du mal à voir ce que ça pourrait donner… Alors je me suis dit que ce serait un exercice salutaire de reprendre ce texte…
J'ai enlevé, j'ai élagué, j'ai fait appel à la capacité du lecteur de recréer les pièces manquantes. J'ai usé d'artifices permettant de, sinon supprimer complètement, du moins diminuer drastiquement cet aspect pédagogique qui nuit complètement au sentiment d'adhésion au texte.
Vous jugerez. Je ne propose que des pistes, je ne cherche pas à dire que c'était la seule option à prendre. Je ne présente pas ce texte comme un modèle ou quelque chose d'abouti. Je limite la casse au niveau des défauts sus-mentionnés. Je m'emploie à contourner l'obstacle, à "dire autrement".
Je considère que ceci est une contribution formelle pour aider notre auteur. Ce n'est pas un texte d'Ubik que je poste, cela n'a rien à voir avec ce que je produis en ce moment. Si la modération estime que je conserve le droit de proposer un texte cette semaine, alors je tâcherai de fouiller dans mes tiroirs, pour vous dénicher quelque chose de convenable. Dans le cas contraire, si cet exercice reste considéré comme ma contribution hebdomadaire, alors je me creuserai moins la nénette et passerai plus de temps à peindre.
Il va sans dire qu'à tout moment, vous pouvez mettre en œuvre d'autres stratégies pour éviter tel ou tel écueil, vous retrousser les manches et proposer du concret.
Bonne lecture et j'espère que ce sera instructif pour l'auteur de départ, qu'il en tire la substantifique moelle. Et pour ceux qui, éventuellement, mouilleraient la chemise sur cet exercice pas si simple que ça, en définitive.
Paix à tous,
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
« Lorsqu'il commença à neiger, nous fûmes tous émerveillés. Il y avait la fraîcheur de l'air, le rire des enfants et la beauté des flocons qui tombaient, doucement, un peu comme du sucre glace. Les pieds foulaient pour la première fois de l'année une fine couche de neige et crissaient à chaque pas que nous faisions. Je me souviens de cette délicieuse sensation de tassement, sous la semelle, de la plante du pied jusqu'aux orteils, brisant à jamais les fragiles cristaux de neige.
Ce délicat équilibre, si harmonieux, et sur lequel nous marchions sans égards aucun… »
La très vieille femme poussa un soupir. C'était davantage une exhalaison, comme si son être entier était contenu dans cette faible expiration.
Elle regarda la jeune enfant, devant elle, qui ne disait rien. Celle-ci l'écoutait, docile ; à peine souriante.
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quitté. La neige s'est entassée sur les trottoirs, les chaussées, les toits des voitures et des maisons, au pied des portes et dans l'esprit des gens. C'était comme si la nature nous montrait que nous pouvions bien briser son frêle équilibre, elle enverrait encore et toujours, jusqu'à l'écœurement, cette neige blanche qui, à notre contact, devenait boue noire, mélange infâme de scories polluées. Comme pour nous montrer que nous ne pouvions plus rien faire, sauf à nous terrer au plus profond de nos habitations, nos cavernes… »
Elle tourna la tête et regarda à travers la fenêtre. Elle hésitait à la nommer "hublot", car il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et au avions, mais pas aux anciennes plate-formes pétrolières de la Mer du Nord, reconverties en habitations de luxe.
Elle ricana.
Au loin, les embruns gris de la mer semblaient charrier les conséquences des actes de l'humanité. Il lui semblait les voir partout, d'ailleurs. Dans le gris foncé des nuages, dans la rouille déchiquetée du métal qui l'entourait, dans la blancheur immaculée de la neige lorsque les flocons n'arrivent pas au sol déjà noirs de suie…
Elle voulut se changer les idées et chercha des yeux la télécommande. Puis elle poussa un second soupir, plus profond, et tourna la tête vers l'appareil, qui s'alluma automatiquement. Faire défiler les chaînes par la pensée déclencha une contraction du haut de son visage, un tic passager sur sa joue.
Les images étaient toutes les mêmes. Elles oscillaient entre émissions de variété décervelées, réclames mensongères, films banals à l'émotion calibrée et informations répétitives.
De tout cet étalage de médiocrité, c'était peut-être cela qui la déprimait le plus : l'hypocrisie éternelle des chaînes d'information. Sans jamais chercher à décrire les problèmes de fond, elles se contentaient de jouer l'émotion et réduisaient l'actualité à l'étalage de la douleur humaine.
Elle suivit pourtant un reportage sur les réfugiés climatiques néerlandais. Rupture des digues, tempêtes, ressac...Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des convois de réfugiés climatiques, entassés sur les autoroutes engorgées.… Une destruction effarante.
Le reportage exposait comment ces déportés, au prix de grands sacrifices et après moult tractations diplomatiques, trouvèrent refuge dans les pays voisins. La Belgique par exemple, dont le gouvernement – flamand depuis de nombreuses années –, avait fait parvenir une requête auprès du gouvernement européen pour abroger la Wallonie, ce territoire autonome rattaché à la France depuis sa sécession. Cela n'allait bien sûr pas sans heurt ni douleur, sans compter les rapports dégradés entre flamands natifs et néerlandais réfugiés.
La vieille femme secoua la tête. Ses ancêtres avaient vaincu la mer. Ils avaient agrandi leur pays en asséchant des marais, en créant des terres là où personne ne pouvait habiter. Et maintenant…
Elle grommela : bande de nuls ! Je les connais, vos procédures ! Mesures mesquines, budgets serrés, économies de bout de chandelle, travaux d'entretiens confiés à des personnes peu formées et payées une misère, aucun contrôle de qualité, pas d'étude sérieuse sur le terrain ni relevés scientifiques… Ne vous étonnez pas si tout vous est tombé sur la gueule ! De toutes façons, vous êtes en train de la saboter, cette planète. Chacun a d'excellentes raisons de continuer son trafic, mais quand on mes tous les points en corrélation, on voit le résultat, et c'est un désastre !
Des yeux, elle chercha à nouveau la télécommande.
« Décidément », fit-elle pour elle-même.
Elle éteignit la télé et fit face à l'enfant. Celle-ci ne bougeait pas, ne disait rien. La petite fille était là, tout simplement. Immobile, aussi bien physiquement que mentalement. Il devait avoir cinq ou six ans, pas plus. Et la vieille femme se reconnaissait quelque peu dans ce visage… Cela l'émerveillait mais l'angoissait aussi. On lui avait proposé, lors de la livraison, d'attribuer un prénom que l'enfant apprendrait. Après beaucoup d'hésitations la vieille dame avait opté pour "Iryana", sans trop savoir d'où lui venait cette idée. Cela ne cadrait guère avec le capital génétique utilisé pour créer cet être, puisé dans sa propre famille, d'ascendance Nordique. Mais la petite avait les cheveux si noirs… Elle n'aurait peut-être pas acheté ce genre de gadget. Mais elle avait fait l'erreur de confier à son fils qu'elle se sentait souvent seule, et il s'était cru obligé de lui commander cet androïde, peut-être pour se faire pardonner ses propres absences… Il était toujours si pris, si distant par rapport à sa vieille mère… Peut-être, dans le cadre de son travail, avait-il eu un tarif promotionnel, une fin de série ? En tous cas, il avait cédé à la mode EGM et lui avait offert cette enfant, cette descendance artificielle. Les Sorensen, à l'étage au-dessus, utilisaient deux EGM typées Eurasiennes, absolument ravissantes, qu'ils faisant travailler comme des esclaves du matin au soir. Les mauvaises langues insinuaient que Bjorn Sorensen, quand sa femme s'absentait, se servait des gamines artificielles comme objets de plaisir, les obligeant à des saloperies qu'il s'empressait d'oblitérer de leurs mémoires sitôt commises.
Elle haussa les épaules. Depuis bien longtemps déjà, elle était si âgée. Ce monde n'était que dégoût, agonie, souffrance, faux-semblants. Elle avait bien tenté de se résigner, non à son âge – quoiqu'à 146 ans, elle sentait le poids des années – mais à ce nouveau traitement de longévité qu'il lui fallait suivre. La lourdeur des multiples effets secondaires finissait par l'amener à penser qu'il serait, un jour prochain, plus judicieux de rompre net avec cette escalade chimique. Ne plus rien prendre et attendre la fin, l'accident vasculaire cérébral libérateur.
Comme pour répondre à ses interrogations, deux hommes apparurent dans la pièce – du moins, leurs échos dans son univers virtuel augmenté. Ils étaient habillés sobrement, costards et cravates sombres, d'une excellente résolution. Le premier fit un pas et s'inclina :
« Madame, l'appareil d'HelveTronics™ est en phase d'atterrissage. »
L'autre prit aussitôt la parole, sans s'incliner et avec un léger accent :
« Nous sommes fiers de pouvoir vous compter bientôt parmi nous, Reine Beatrix. Nous pouvons vous assurer que tout est mis en œuvre pour… »
Elle n'écoutait déjà plus. Elle songea à son fils, ses petites-filles et le reste de sa descendance qui l'attendaient dans les Alpes bernoises. Ils avaient tout, là-bas. L'enclave suisse possédait ses propres réserves de nourriture, d'eau et d'énergie et leur disponibilité était garantie par contrat.
Mais les suisses étaient… trop, pour elle. Elle ne savait exprimer ce qui lui déplaisait dans ce peuple et ce pays. C'était peut-être simplement ce paysage montagneux qui la mettait mal à l'aise. Elle qui avait de tout temps vécu une vie faite de crêtes et d'abysses aux Pays-Bas, elle allait quitter celle-ci pour une vie terne et plate, en Suisse. La monotonie des vallées ne valait pas la beauté de la plaine…
Elle se souvint du Palais Noordeinde où elle avait travaillé si longtemps, au cœur du centre-ville de Den Haag. Elle se souvint de Huis ten Bosch, le palais de la famille royale Orange-Nassau. Elle se souvint du Haagse Bos, le bois de La Haye. Elle se souvint des dunes. Elle se souvint de l'odeur de la mer. Elle se souvint du vent, des canaux et des polders…
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Au loin, le soleil se couchait et, malgré la triste couche nuageuse, le ciel prit une teinte orangée. Cela ramena un sourire sur son visage creusé. Elle aimait cette couleur orange. Elle aimait l'idée que la couleur historique de son pays, celle de la famille royale, symbolise l'énergie. Elle aimait aussi que, dans la culture hindouiste, cette couleur représente la passion et plus encore, le feu purificateur, synonyme de libération.
Une fois seule, lorsque les deux échos furent désynchronisés, elle ouvrit une boîte de cachets et en vida le contenu dans un verre d'eau. Elle attendit quelques minutes qu'ils se désagrègent. Les vibrations de l'appareil à réacteur nucléaire lui parvenaient à travers le métal de la construction. Elle ne partirait pas ; sa décision était prise. Elle saisit le verre et l'amena aux lèvres. Elle but puis le reposa. Sa vue se troubla et, dans un dernier sursaut, avant que ses yeux ne se ferment définitivement, elle salua d'un sourire la petite fille toujours assise devant elle, silencieuse. Elle salua la parodie génétique de sa mère, la reine-mère Juliana et, dans un silence, mourut.
2184. Game over.
Vous perdez 3500 points 'K' pour suicide. Nous sommes désolés, ceci était votre dernière partie pour ce cycle de vie. Karma Games vous remercie de votre participation. N'oubliez pas, buvez du Karma Cola, le seul Cola qui améliore votre potentiel karmique !
La jeune femme se réveilla petit à petit. Elle n'était pas mécontente d'elle-même. Oh bien sûr, elle n'était pas arrivée aussi loin que d'autres joueurs. Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé. Durer aussi longtemps devenait une gageure. Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur.
Elle se désaltéra puis se rallongea sur sa couche et ferma les yeux. Qu'il était bon d'avoir une vie difficile !
[i]
C'est sans prétention aucune que je me suis dit qu'il serait intéressant de montrer à notre ami une version altrnative du texte "Orange Crépuscule", moins explicative. Malgré mes indications, notre ami avait semble-t-il du mal à voir ce que ça pourrait donner… Alors je me suis dit que ce serait un exercice salutaire de reprendre ce texte…
J'ai enlevé, j'ai élagué, j'ai fait appel à la capacité du lecteur de recréer les pièces manquantes. J'ai usé d'artifices permettant de, sinon supprimer complètement, du moins diminuer drastiquement cet aspect pédagogique qui nuit complètement au sentiment d'adhésion au texte.
Vous jugerez. Je ne propose que des pistes, je ne cherche pas à dire que c'était la seule option à prendre. Je ne présente pas ce texte comme un modèle ou quelque chose d'abouti. Je limite la casse au niveau des défauts sus-mentionnés. Je m'emploie à contourner l'obstacle, à "dire autrement".
Je considère que ceci est une contribution formelle pour aider notre auteur. Ce n'est pas un texte d'Ubik que je poste, cela n'a rien à voir avec ce que je produis en ce moment. Si la modération estime que je conserve le droit de proposer un texte cette semaine, alors je tâcherai de fouiller dans mes tiroirs, pour vous dénicher quelque chose de convenable. Dans le cas contraire, si cet exercice reste considéré comme ma contribution hebdomadaire, alors je me creuserai moins la nénette et passerai plus de temps à peindre.
Il va sans dire qu'à tout moment, vous pouvez mettre en œuvre d'autres stratégies pour éviter tel ou tel écueil, vous retrousser les manches et proposer du concret.
Bonne lecture et j'espère que ce sera instructif pour l'auteur de départ, qu'il en tire la substantifique moelle. Et pour ceux qui, éventuellement, mouilleraient la chemise sur cet exercice pas si simple que ça, en définitive.
Paix à tous,
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
« Lorsqu'il commença à neiger, nous fûmes tous émerveillés. Il y avait la fraîcheur de l'air, le rire des enfants et la beauté des flocons qui tombaient, doucement, un peu comme du sucre glace. Les pieds foulaient pour la première fois de l'année une fine couche de neige et crissaient à chaque pas que nous faisions. Je me souviens de cette délicieuse sensation de tassement, sous la semelle, de la plante du pied jusqu'aux orteils, brisant à jamais les fragiles cristaux de neige.
Ce délicat équilibre, si harmonieux, et sur lequel nous marchions sans égards aucun… »
La très vieille femme poussa un soupir. C'était davantage une exhalaison, comme si son être entier était contenu dans cette faible expiration.
Elle regarda la jeune enfant, devant elle, qui ne disait rien. Celle-ci l'écoutait, docile ; à peine souriante.
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quitté. La neige s'est entassée sur les trottoirs, les chaussées, les toits des voitures et des maisons, au pied des portes et dans l'esprit des gens. C'était comme si la nature nous montrait que nous pouvions bien briser son frêle équilibre, elle enverrait encore et toujours, jusqu'à l'écœurement, cette neige blanche qui, à notre contact, devenait boue noire, mélange infâme de scories polluées. Comme pour nous montrer que nous ne pouvions plus rien faire, sauf à nous terrer au plus profond de nos habitations, nos cavernes… »
Elle tourna la tête et regarda à travers la fenêtre. Elle hésitait à la nommer "hublot", car il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et au avions, mais pas aux anciennes plate-formes pétrolières de la Mer du Nord, reconverties en habitations de luxe.
Elle ricana.
Au loin, les embruns gris de la mer semblaient charrier les conséquences des actes de l'humanité. Il lui semblait les voir partout, d'ailleurs. Dans le gris foncé des nuages, dans la rouille déchiquetée du métal qui l'entourait, dans la blancheur immaculée de la neige lorsque les flocons n'arrivent pas au sol déjà noirs de suie…
Elle voulut se changer les idées et chercha des yeux la télécommande. Puis elle poussa un second soupir, plus profond, et tourna la tête vers l'appareil, qui s'alluma automatiquement. Faire défiler les chaînes par la pensée déclencha une contraction du haut de son visage, un tic passager sur sa joue.
Les images étaient toutes les mêmes. Elles oscillaient entre émissions de variété décervelées, réclames mensongères, films banals à l'émotion calibrée et informations répétitives.
De tout cet étalage de médiocrité, c'était peut-être cela qui la déprimait le plus : l'hypocrisie éternelle des chaînes d'information. Sans jamais chercher à décrire les problèmes de fond, elles se contentaient de jouer l'émotion et réduisaient l'actualité à l'étalage de la douleur humaine.
Elle suivit pourtant un reportage sur les réfugiés climatiques néerlandais. Rupture des digues, tempêtes, ressac...Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des convois de réfugiés climatiques, entassés sur les autoroutes engorgées.… Une destruction effarante.
Le reportage exposait comment ces déportés, au prix de grands sacrifices et après moult tractations diplomatiques, trouvèrent refuge dans les pays voisins. La Belgique par exemple, dont le gouvernement – flamand depuis de nombreuses années –, avait fait parvenir une requête auprès du gouvernement européen pour abroger la Wallonie, ce territoire autonome rattaché à la France depuis sa sécession. Cela n'allait bien sûr pas sans heurt ni douleur, sans compter les rapports dégradés entre flamands natifs et néerlandais réfugiés.
La vieille femme secoua la tête. Ses ancêtres avaient vaincu la mer. Ils avaient agrandi leur pays en asséchant des marais, en créant des terres là où personne ne pouvait habiter. Et maintenant…
Elle grommela : bande de nuls ! Je les connais, vos procédures ! Mesures mesquines, budgets serrés, économies de bout de chandelle, travaux d'entretiens confiés à des personnes peu formées et payées une misère, aucun contrôle de qualité, pas d'étude sérieuse sur le terrain ni relevés scientifiques… Ne vous étonnez pas si tout vous est tombé sur la gueule ! De toutes façons, vous êtes en train de la saboter, cette planète. Chacun a d'excellentes raisons de continuer son trafic, mais quand on mes tous les points en corrélation, on voit le résultat, et c'est un désastre !
Des yeux, elle chercha à nouveau la télécommande.
« Décidément », fit-elle pour elle-même.
Elle éteignit la télé et fit face à l'enfant. Celle-ci ne bougeait pas, ne disait rien. La petite fille était là, tout simplement. Immobile, aussi bien physiquement que mentalement. Il devait avoir cinq ou six ans, pas plus. Et la vieille femme se reconnaissait quelque peu dans ce visage… Cela l'émerveillait mais l'angoissait aussi. On lui avait proposé, lors de la livraison, d'attribuer un prénom que l'enfant apprendrait. Après beaucoup d'hésitations la vieille dame avait opté pour "Iryana", sans trop savoir d'où lui venait cette idée. Cela ne cadrait guère avec le capital génétique utilisé pour créer cet être, puisé dans sa propre famille, d'ascendance Nordique. Mais la petite avait les cheveux si noirs… Elle n'aurait peut-être pas acheté ce genre de gadget. Mais elle avait fait l'erreur de confier à son fils qu'elle se sentait souvent seule, et il s'était cru obligé de lui commander cet androïde, peut-être pour se faire pardonner ses propres absences… Il était toujours si pris, si distant par rapport à sa vieille mère… Peut-être, dans le cadre de son travail, avait-il eu un tarif promotionnel, une fin de série ? En tous cas, il avait cédé à la mode EGM et lui avait offert cette enfant, cette descendance artificielle. Les Sorensen, à l'étage au-dessus, utilisaient deux EGM typées Eurasiennes, absolument ravissantes, qu'ils faisant travailler comme des esclaves du matin au soir. Les mauvaises langues insinuaient que Bjorn Sorensen, quand sa femme s'absentait, se servait des gamines artificielles comme objets de plaisir, les obligeant à des saloperies qu'il s'empressait d'oblitérer de leurs mémoires sitôt commises.
Elle haussa les épaules. Depuis bien longtemps déjà, elle était si âgée. Ce monde n'était que dégoût, agonie, souffrance, faux-semblants. Elle avait bien tenté de se résigner, non à son âge – quoiqu'à 146 ans, elle sentait le poids des années – mais à ce nouveau traitement de longévité qu'il lui fallait suivre. La lourdeur des multiples effets secondaires finissait par l'amener à penser qu'il serait, un jour prochain, plus judicieux de rompre net avec cette escalade chimique. Ne plus rien prendre et attendre la fin, l'accident vasculaire cérébral libérateur.
Comme pour répondre à ses interrogations, deux hommes apparurent dans la pièce – du moins, leurs échos dans son univers virtuel augmenté. Ils étaient habillés sobrement, costards et cravates sombres, d'une excellente résolution. Le premier fit un pas et s'inclina :
« Madame, l'appareil d'HelveTronics™ est en phase d'atterrissage. »
L'autre prit aussitôt la parole, sans s'incliner et avec un léger accent :
« Nous sommes fiers de pouvoir vous compter bientôt parmi nous, Reine Beatrix. Nous pouvons vous assurer que tout est mis en œuvre pour… »
Elle n'écoutait déjà plus. Elle songea à son fils, ses petites-filles et le reste de sa descendance qui l'attendaient dans les Alpes bernoises. Ils avaient tout, là-bas. L'enclave suisse possédait ses propres réserves de nourriture, d'eau et d'énergie et leur disponibilité était garantie par contrat.
Mais les suisses étaient… trop, pour elle. Elle ne savait exprimer ce qui lui déplaisait dans ce peuple et ce pays. C'était peut-être simplement ce paysage montagneux qui la mettait mal à l'aise. Elle qui avait de tout temps vécu une vie faite de crêtes et d'abysses aux Pays-Bas, elle allait quitter celle-ci pour une vie terne et plate, en Suisse. La monotonie des vallées ne valait pas la beauté de la plaine…
Elle se souvint du Palais Noordeinde où elle avait travaillé si longtemps, au cœur du centre-ville de Den Haag. Elle se souvint de Huis ten Bosch, le palais de la famille royale Orange-Nassau. Elle se souvint du Haagse Bos, le bois de La Haye. Elle se souvint des dunes. Elle se souvint de l'odeur de la mer. Elle se souvint du vent, des canaux et des polders…
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Au loin, le soleil se couchait et, malgré la triste couche nuageuse, le ciel prit une teinte orangée. Cela ramena un sourire sur son visage creusé. Elle aimait cette couleur orange. Elle aimait l'idée que la couleur historique de son pays, celle de la famille royale, symbolise l'énergie. Elle aimait aussi que, dans la culture hindouiste, cette couleur représente la passion et plus encore, le feu purificateur, synonyme de libération.
Une fois seule, lorsque les deux échos furent désynchronisés, elle ouvrit une boîte de cachets et en vida le contenu dans un verre d'eau. Elle attendit quelques minutes qu'ils se désagrègent. Les vibrations de l'appareil à réacteur nucléaire lui parvenaient à travers le métal de la construction. Elle ne partirait pas ; sa décision était prise. Elle saisit le verre et l'amena aux lèvres. Elle but puis le reposa. Sa vue se troubla et, dans un dernier sursaut, avant que ses yeux ne se ferment définitivement, elle salua d'un sourire la petite fille toujours assise devant elle, silencieuse. Elle salua la parodie génétique de sa mère, la reine-mère Juliana et, dans un silence, mourut.
2184. Game over.
Vous perdez 3500 points 'K' pour suicide. Nous sommes désolés, ceci était votre dernière partie pour ce cycle de vie. Karma Games vous remercie de votre participation. N'oubliez pas, buvez du Karma Cola, le seul Cola qui améliore votre potentiel karmique !
La jeune femme se réveilla petit à petit. Elle n'était pas mécontente d'elle-même. Oh bien sûr, elle n'était pas arrivée aussi loin que d'autres joueurs. Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé. Durer aussi longtemps devenait une gageure. Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur.
Elle se désaltéra puis se rallongea sur sa couche et ferma les yeux. Qu'il était bon d'avoir une vie difficile !
[i]
Une autre version, encore moins explicative...
... Et un autre texte, où je resserre un maximum, pour éviter ce narrateur qui explique, le limiter au strict minimum :
« Lorsqu'il commença à neiger, nous fûmes tous émerveillés. Il y avait la fraîcheur de l'air, le rire des enfants et la beauté des flocons qui tombaient, doucement, un peu comme du sucre glace. Les pieds foulaient pour la première fois de l'année une fine couche de neige et crissaient à chaque pas que nous faisions. Je me souviens de cette délicieuse sensation de tassement, sous la semelle, de la plante du pied jusqu'aux orteils, brisant à jamais les fragiles cristaux de neige.
Ce délicat équilibre, si harmonieux, et sur lequel nous marchions sans égards aucun… »
La très vieille femme poussa un soupir. C'était davantage une exhalaison, comme si son être entier était contenu dans cette faible expiration.
Elle regarda la jeune enfant, devant elle, qui ne disait rien. Celle-ci l'écoutait, docile ; à peine souriante.
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quitté. La neige s'est entassée sur les trottoirs, les chaussées, les toits des voitures et des maisons, au pied des portes et dans l'esprit des gens. C'était comme si la nature nous montrait que nous pouvions bien briser son frêle équilibre, elle enverrait encore et toujours, jusqu'à l'écœurement, cette neige blanche qui, à notre contact, devenait boue noire, mélange infâme de scories polluées. Comme pour nous montrer que nous ne pouvions plus rien faire, sauf à nous terrer au plus profond de nos habitations, nos cavernes… »
Elle tourna la tête et regarda à travers la fenêtre. Elle hésitait à la nommer "hublot", car il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et au avions, mais pas aux anciennes plate-formes pétrolières de la Mer du Nord, reconverties en habitations de luxe.
Elle ricana
Au loin, les embruns gris de la mer semblaient charrier les conséquences des actes de l'humanité. Il lui semblait les voir partout, d'ailleurs. Dans le gris foncé des nuages, dans la rouille déchiquetée du métal qui l'entourait, dans la blancheur immaculée de la neige lorsque les flocons n'arrivent pas au sol déjà noirs de suie…
Elle voulut se changer les idées et chercha des yeux la télécommande. Puis elle poussa un second soupir, plus profond, et tourna la tête vers l'appareil, qui s'alluma automatiquement. Faire défiler les chaînes par la pensée déclencha une contraction du haut de son visage, un tic passager sur sa joue.
Les images étaient toutes les mêmes. Elles oscillaient entre émissions de variété décervelées, réclames mensongères, films banals à l'émotion calibrée et informations répétitives. De tout cet étalage de médiocrité, c'était peut-être cela qui la déprimait le plus : l'hypocrisie éternelle des chaînes d'information. Sans jamais chercher à décrire les problèmes de fond, elles se contentaient de jouer l'émotion et réduisaient l'actualité à l'étalage de la douleur humaine.
Elle suivit pourtant un reportage sur les réfugiés climatiques néerlandais. Rupture des digues, tempêtes, ressac...Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des convois de réfugiés climatiques, entassés sur les autoroutes engorgées.… Une destruction effarante.
Le documentaire exposait comment ces déportés, au prix de grands sacrifices et après moult tractations diplomatiques, trouvèrent refuge dans les pays voisins. La Belgique par exemple, dont le gouvernement – flamand depuis de nombreuses années –, avait fait parvenir une requête auprès du gouvernement européen pour abroger la Wallonie, ce territoire autonome rattaché à la France depuis sa sécession. Cela n'allait bien sûr pas sans heurt ni douleur, sans compter les rapports dégradés entre flamands natifs et néerlandais réfugiés.
La vieille femme secoua la tête. Ses ancêtres avaient vaincu la mer. Ils avaient agrandi leur pays en asséchant des marais, en créant des terres là où personne ne pouvait habiter. Et maintenant…
Elle dit à la gamine :
- Tu sais quoi ? C'est une bande de nuls ! Je les connais, leurs procédures ! Mesures mesquines, budgets serrés, économies de bout de chandelle, travaux d'entretiens confiés à des personnes peu formées et payées une misère, aucun contrôle de qualité, pas d'étude sérieuse sur le terrain ni relevés scientifiques… Rien d'étonnant si tout leur est tombé sur la gueule ! Des incapables…
L'enfant ne répondit pas. Elle reprit, à mi-voix :
- De toutes façons, ils sont en train de la saboter, cette planète. Chacun a d'excellentes raisons de continuer son trafic, mais quand on mes tous les points en corrélation, on voit le résultat, et c'est un désastre !
Des yeux, elle chercha à nouveau la télécommande.
« Décidément », fit-elle pour elle-même..
Elle éteignit la télé et fit face à l'enfant. Celle-ci ne bougeait pas, ne faisait aucun commentaire. La petite fille était là, tout simplement. Immobile, aussi bien physiquement que mentalement. Il devait avoir cinq ou six ans, pas plus. Et la vieille femme se reconnaissait quelque peu dans ce visage… Cela l'émerveillait mais l'angoissait aussi.
- Tu es drôlement belle, Iryana. Je me demande pourquoi j'ai choisi ce prénom. Il m'est passé par la tête, quand on t'a livrée. Tes longs cheveux noirs, sans doute. Et pourtant, tu as été créée à partir de notre capital génétique, d'ascendance nettement Nordique. J'espère qu'il n'y a pas eu de souci à la fabrication. .
La gamine cligna des yeux, mais n'émit aucun son.
- Tu dois valoir une fortune. Will n'a pas voulu me dire combien il t'a payée. J'ai fait l'erreur de lui dire que je me sentais souvent seule, et il s'est cru obligé de te commander. Peut-être pour se faire pardonner ses absences. Toujours si pris, avec ses réunions, ses comités, ses cellules de crise… Il n'a pas le temps de venir voir sa vieille mère.
Iryana hocha la tête.
- Peut-être qu'il a eu, avec ses relations, un tarif promotionnel, une fin de série ? En tous cas, il a agi impulsivement et cédé à la mode EGM, et me voilà avec toi, ma descendance artificielle. Remarque, je n'ai pas à me plaindre, tu es gentille…
Elle poursuivit, d'un ton plus sombre :
- Les Sorensen, à l'étage au-dessus, utilisent deux EGM typées Eurasiennes, absolument ravissantes, tu as dû les détecter, même les croiser ?
La petite fit "oui" de la tête.
- Qui l'aurait dit ? Ils ont l'air de gens convenables. Et pourtant, ils les font travailler comme des esclaves du matin au soir. Les mauvaises langues disent même que Bjorn Sorensen, quand sa femme s'absente, se sert des gamines artificielles comme objets de plaisir, les obligeant à des saloperies qu'il s'empresse d'oblitérer de leurs mémoires sitôt commises. Mais je ne devrais sans doute pas en parler devant toi. Tu ne me réponds guère ?
Iryana détourna la tête, pointa son doigt vers son dos, quelque part. La vieille femme soupira, se leva péniblement, s'approcha. Docilement, la fillette pivota, présenta sa nuque. Il y avait là un grain de beauté. La femme appuya dessus. Un déclic se produisit. Une minuscule trappe de visite venait de s'ouvrir. En baissant légèrement le col de la petite, on pouvait y accéder. Elle tira le boîtier, relié à l'enfant par une sorte de câble à l'air vivant, qui la faisait toujours penser à un cordon ombilical. De l'autre côté, un écran de contrôle, sur lequel elle lut, en caractères rouges : "Speak Malfunction". Elle soupira une fois de plus.
- Encore en panne ! Je me disais bien qu'il y avait quelque chose.
Elle remit l'afficheur à sa place, pressa à nouveau le bouton. Un léger bruit de ventouse ; la trappe était maintenant dépressurisée. La gamine se retourna. Elle eut une espèce de geste d'impuissance, un sourire navré. La vieille femme retourna s'asseoir.
- Ce n'est pas grave. Je te ferai réparer dès la prochaine visite d'entretien. Mais je leur dirai ma façon de penser ! Ils se moquent un peu du monde.
Elle haussa les épaules. Depuis bien longtemps déjà, elle était si âgée. Cet univers n'était que dégoût, agonie, souffrance, faux-semblants. Elle avait bien tenté de se résigner, non à son âge – quoiqu'à 146 ans, elle sentait le poids des années – mais à ce nouveau traitement de longévité qu'il lui fallait suivre. La lourdeur des multiples effets secondaires finissait par l'amener à penser qu'il serait, un jour prochain, plus judicieux de rompre net avec cette escalade chimique. Ne plus rien prendre et attendre la fin, l'accident vasculaire cérébral libérateur.
Comme pour répondre à ses interrogations, deux hommes apparurent dans la pièce – du moins, leurs échos dans son continuum virtuel augmenté. Ils étaient habillés sobrement, costards et cravates sombres, d'une excellente résolution. Le premier fit un pas et s'inclina :
« Madame, l'appareil d'HelveTronics™ est en phase d'atterrissage. »
L'autre prit aussitôt la parole, sans s'incliner et avec un léger accent :
« Nous sommes fiers de pouvoir vous compter bientôt parmi nous, Reine Beatrix. Nous pouvons vous assurer que tout est mis en œuvre pour… »
Elle n'écoutait déjà plus. Elle songea à son fils, ses petites-filles et le reste de sa descendance qui l'attendaient dans les Alpes bernoises. Ils avaient tout, là-bas. L'enclave suisse possédait ses propres réserves de nourriture, d'eau et d'énergie et leur disponibilité était garantie par contrat.
Mais les suisses étaient… trop, pour elle. Elle ne savait exprimer ce qui lui déplaisait dans ce peuple et ce pays. C'était peut-être simplement ce relief montagneux qui la mettait mal à l'aise. Elle qui avait de tout temps vécu une vie faite de crêtes et d'abysses aux Pays-Bas, elle allait quitter celle-ci pour une vie terne et plate, en Suisse. La monotonie des vallées ne valait pas la beauté de la plaine…
Elle se souvint du Palais Noordeinde où elle avait travaillé si longtemps, au cœur du centre-ville de Den Haag. Elle se souvint de Huis ten Bosch, le palais de la famille royale Orange-Nassau. Elle se souvint du Haagse Bos, le bois de La Haye. Elle se souvint des dunes. Elle se souvint de l'odeur de la mer. Elle se souvint du vent, des canaux et des polders…
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Au loin, le soleil se couchait et, malgré la triste couche nuageuse, le ciel prit une teinte orangée. Cela ramena un sourire sur son visage creusé. Elle aimait cette couleur orange. Elle aimait l'idée que la couleur historique de son pays, celle de la famille royale, symbolise l'énergie. Elle aimait aussi que, dans la culture hindouiste, cette couleur représente la passion et plus encore, le feu purificateur, synonyme de libération.
Une fois les hommes repartis, lorsque les deux échos furent désynchronisés, elle regarda la fillette :
- Will, mes deux filles... Tous sont là-bas, dans les montagnes, avec leurs vrais enfants. Et moi je suis coincée ici, avec toi. Pendant des années, j'ai rêvé de partir. Et maintenant, je m'aperçois que je n'en ai plus la force. Je suis vidée, comme un vieux citron tout sec. Il ne reste plus une goutte de jus. Tout ça n'a pas de sens.
Elle ouvrit une boîte de cachets et en vida le contenu dans un verre d'eau. Elle attendit quelques minutes qu'ils se désagrègent. Les vibrations de l'appareil à réacteur nucléaire lui parvenaient à travers le métal de la construction. Non, rien à faire, elle ne monterait pas dans cet engin ; sa décision était prise. Elle saisit le verre et l'amena aux lèvres. Elle but puis le reposa. Sa vue se troubla et, dans un dernier sursaut, avant que ses yeux ne se ferment définitivement, elle salua d'un sourire la petite fille toujours assise devant elle, silencieuse. Elle salua la parodie génétique de sa mère, la reine-mère Juliana et, dans un silence, mourut.
*
2184. Game over.
Vous perdez 3500 points 'K' pour suicide. Nous sommes désolés, ceci était votre dernière partie pour ce cycle de vie. Karma Games vous remercie de votre participation. N'oubliez pas, buvez du Karma Cola, le seul Cola qui améliore votre potentiel karmique !
La jeune femme se réveilla petit à petit. Elle n'était pas mécontente d'elle-même. Oh bien sûr, elle n'était pas arrivée aussi loin que d'autres joueurs. Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé. Durer aussi longtemps devenait une gageure. Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur.
Elle se désaltéra puis se rallongea sur sa couche et ferma les yeux. Qu'il était bon d'avoir une vie difficile !
« Lorsqu'il commença à neiger, nous fûmes tous émerveillés. Il y avait la fraîcheur de l'air, le rire des enfants et la beauté des flocons qui tombaient, doucement, un peu comme du sucre glace. Les pieds foulaient pour la première fois de l'année une fine couche de neige et crissaient à chaque pas que nous faisions. Je me souviens de cette délicieuse sensation de tassement, sous la semelle, de la plante du pied jusqu'aux orteils, brisant à jamais les fragiles cristaux de neige.
Ce délicat équilibre, si harmonieux, et sur lequel nous marchions sans égards aucun… »
La très vieille femme poussa un soupir. C'était davantage une exhalaison, comme si son être entier était contenu dans cette faible expiration.
Elle regarda la jeune enfant, devant elle, qui ne disait rien. Celle-ci l'écoutait, docile ; à peine souriante.
« Le froid s'est installé durablement et ne nous a jamais quitté. La neige s'est entassée sur les trottoirs, les chaussées, les toits des voitures et des maisons, au pied des portes et dans l'esprit des gens. C'était comme si la nature nous montrait que nous pouvions bien briser son frêle équilibre, elle enverrait encore et toujours, jusqu'à l'écœurement, cette neige blanche qui, à notre contact, devenait boue noire, mélange infâme de scories polluées. Comme pour nous montrer que nous ne pouvions plus rien faire, sauf à nous terrer au plus profond de nos habitations, nos cavernes… »
Elle tourna la tête et regarda à travers la fenêtre. Elle hésitait à la nommer "hublot", car il lui semblait que le terme s'appliquait aux navires et au avions, mais pas aux anciennes plate-formes pétrolières de la Mer du Nord, reconverties en habitations de luxe.
Elle ricana
Au loin, les embruns gris de la mer semblaient charrier les conséquences des actes de l'humanité. Il lui semblait les voir partout, d'ailleurs. Dans le gris foncé des nuages, dans la rouille déchiquetée du métal qui l'entourait, dans la blancheur immaculée de la neige lorsque les flocons n'arrivent pas au sol déjà noirs de suie…
Elle voulut se changer les idées et chercha des yeux la télécommande. Puis elle poussa un second soupir, plus profond, et tourna la tête vers l'appareil, qui s'alluma automatiquement. Faire défiler les chaînes par la pensée déclencha une contraction du haut de son visage, un tic passager sur sa joue.
Les images étaient toutes les mêmes. Elles oscillaient entre émissions de variété décervelées, réclames mensongères, films banals à l'émotion calibrée et informations répétitives. De tout cet étalage de médiocrité, c'était peut-être cela qui la déprimait le plus : l'hypocrisie éternelle des chaînes d'information. Sans jamais chercher à décrire les problèmes de fond, elles se contentaient de jouer l'émotion et réduisaient l'actualité à l'étalage de la douleur humaine.
Elle suivit pourtant un reportage sur les réfugiés climatiques néerlandais. Rupture des digues, tempêtes, ressac...Des centaines de milliers de morts, des millions de disparus, des convois de réfugiés climatiques, entassés sur les autoroutes engorgées.… Une destruction effarante.
Le documentaire exposait comment ces déportés, au prix de grands sacrifices et après moult tractations diplomatiques, trouvèrent refuge dans les pays voisins. La Belgique par exemple, dont le gouvernement – flamand depuis de nombreuses années –, avait fait parvenir une requête auprès du gouvernement européen pour abroger la Wallonie, ce territoire autonome rattaché à la France depuis sa sécession. Cela n'allait bien sûr pas sans heurt ni douleur, sans compter les rapports dégradés entre flamands natifs et néerlandais réfugiés.
La vieille femme secoua la tête. Ses ancêtres avaient vaincu la mer. Ils avaient agrandi leur pays en asséchant des marais, en créant des terres là où personne ne pouvait habiter. Et maintenant…
Elle dit à la gamine :
- Tu sais quoi ? C'est une bande de nuls ! Je les connais, leurs procédures ! Mesures mesquines, budgets serrés, économies de bout de chandelle, travaux d'entretiens confiés à des personnes peu formées et payées une misère, aucun contrôle de qualité, pas d'étude sérieuse sur le terrain ni relevés scientifiques… Rien d'étonnant si tout leur est tombé sur la gueule ! Des incapables…
L'enfant ne répondit pas. Elle reprit, à mi-voix :
- De toutes façons, ils sont en train de la saboter, cette planète. Chacun a d'excellentes raisons de continuer son trafic, mais quand on mes tous les points en corrélation, on voit le résultat, et c'est un désastre !
Des yeux, elle chercha à nouveau la télécommande.
« Décidément », fit-elle pour elle-même..
Elle éteignit la télé et fit face à l'enfant. Celle-ci ne bougeait pas, ne faisait aucun commentaire. La petite fille était là, tout simplement. Immobile, aussi bien physiquement que mentalement. Il devait avoir cinq ou six ans, pas plus. Et la vieille femme se reconnaissait quelque peu dans ce visage… Cela l'émerveillait mais l'angoissait aussi.
- Tu es drôlement belle, Iryana. Je me demande pourquoi j'ai choisi ce prénom. Il m'est passé par la tête, quand on t'a livrée. Tes longs cheveux noirs, sans doute. Et pourtant, tu as été créée à partir de notre capital génétique, d'ascendance nettement Nordique. J'espère qu'il n'y a pas eu de souci à la fabrication. .
La gamine cligna des yeux, mais n'émit aucun son.
- Tu dois valoir une fortune. Will n'a pas voulu me dire combien il t'a payée. J'ai fait l'erreur de lui dire que je me sentais souvent seule, et il s'est cru obligé de te commander. Peut-être pour se faire pardonner ses absences. Toujours si pris, avec ses réunions, ses comités, ses cellules de crise… Il n'a pas le temps de venir voir sa vieille mère.
Iryana hocha la tête.
- Peut-être qu'il a eu, avec ses relations, un tarif promotionnel, une fin de série ? En tous cas, il a agi impulsivement et cédé à la mode EGM, et me voilà avec toi, ma descendance artificielle. Remarque, je n'ai pas à me plaindre, tu es gentille…
Elle poursuivit, d'un ton plus sombre :
- Les Sorensen, à l'étage au-dessus, utilisent deux EGM typées Eurasiennes, absolument ravissantes, tu as dû les détecter, même les croiser ?
La petite fit "oui" de la tête.
- Qui l'aurait dit ? Ils ont l'air de gens convenables. Et pourtant, ils les font travailler comme des esclaves du matin au soir. Les mauvaises langues disent même que Bjorn Sorensen, quand sa femme s'absente, se sert des gamines artificielles comme objets de plaisir, les obligeant à des saloperies qu'il s'empresse d'oblitérer de leurs mémoires sitôt commises. Mais je ne devrais sans doute pas en parler devant toi. Tu ne me réponds guère ?
Iryana détourna la tête, pointa son doigt vers son dos, quelque part. La vieille femme soupira, se leva péniblement, s'approcha. Docilement, la fillette pivota, présenta sa nuque. Il y avait là un grain de beauté. La femme appuya dessus. Un déclic se produisit. Une minuscule trappe de visite venait de s'ouvrir. En baissant légèrement le col de la petite, on pouvait y accéder. Elle tira le boîtier, relié à l'enfant par une sorte de câble à l'air vivant, qui la faisait toujours penser à un cordon ombilical. De l'autre côté, un écran de contrôle, sur lequel elle lut, en caractères rouges : "Speak Malfunction". Elle soupira une fois de plus.
- Encore en panne ! Je me disais bien qu'il y avait quelque chose.
Elle remit l'afficheur à sa place, pressa à nouveau le bouton. Un léger bruit de ventouse ; la trappe était maintenant dépressurisée. La gamine se retourna. Elle eut une espèce de geste d'impuissance, un sourire navré. La vieille femme retourna s'asseoir.
- Ce n'est pas grave. Je te ferai réparer dès la prochaine visite d'entretien. Mais je leur dirai ma façon de penser ! Ils se moquent un peu du monde.
Elle haussa les épaules. Depuis bien longtemps déjà, elle était si âgée. Cet univers n'était que dégoût, agonie, souffrance, faux-semblants. Elle avait bien tenté de se résigner, non à son âge – quoiqu'à 146 ans, elle sentait le poids des années – mais à ce nouveau traitement de longévité qu'il lui fallait suivre. La lourdeur des multiples effets secondaires finissait par l'amener à penser qu'il serait, un jour prochain, plus judicieux de rompre net avec cette escalade chimique. Ne plus rien prendre et attendre la fin, l'accident vasculaire cérébral libérateur.
Comme pour répondre à ses interrogations, deux hommes apparurent dans la pièce – du moins, leurs échos dans son continuum virtuel augmenté. Ils étaient habillés sobrement, costards et cravates sombres, d'une excellente résolution. Le premier fit un pas et s'inclina :
« Madame, l'appareil d'HelveTronics™ est en phase d'atterrissage. »
L'autre prit aussitôt la parole, sans s'incliner et avec un léger accent :
« Nous sommes fiers de pouvoir vous compter bientôt parmi nous, Reine Beatrix. Nous pouvons vous assurer que tout est mis en œuvre pour… »
Elle n'écoutait déjà plus. Elle songea à son fils, ses petites-filles et le reste de sa descendance qui l'attendaient dans les Alpes bernoises. Ils avaient tout, là-bas. L'enclave suisse possédait ses propres réserves de nourriture, d'eau et d'énergie et leur disponibilité était garantie par contrat.
Mais les suisses étaient… trop, pour elle. Elle ne savait exprimer ce qui lui déplaisait dans ce peuple et ce pays. C'était peut-être simplement ce relief montagneux qui la mettait mal à l'aise. Elle qui avait de tout temps vécu une vie faite de crêtes et d'abysses aux Pays-Bas, elle allait quitter celle-ci pour une vie terne et plate, en Suisse. La monotonie des vallées ne valait pas la beauté de la plaine…
Elle se souvint du Palais Noordeinde où elle avait travaillé si longtemps, au cœur du centre-ville de Den Haag. Elle se souvint de Huis ten Bosch, le palais de la famille royale Orange-Nassau. Elle se souvint du Haagse Bos, le bois de La Haye. Elle se souvint des dunes. Elle se souvint de l'odeur de la mer. Elle se souvint du vent, des canaux et des polders…
Des larmes coulèrent sur ses joues.
Au loin, le soleil se couchait et, malgré la triste couche nuageuse, le ciel prit une teinte orangée. Cela ramena un sourire sur son visage creusé. Elle aimait cette couleur orange. Elle aimait l'idée que la couleur historique de son pays, celle de la famille royale, symbolise l'énergie. Elle aimait aussi que, dans la culture hindouiste, cette couleur représente la passion et plus encore, le feu purificateur, synonyme de libération.
Une fois les hommes repartis, lorsque les deux échos furent désynchronisés, elle regarda la fillette :
- Will, mes deux filles... Tous sont là-bas, dans les montagnes, avec leurs vrais enfants. Et moi je suis coincée ici, avec toi. Pendant des années, j'ai rêvé de partir. Et maintenant, je m'aperçois que je n'en ai plus la force. Je suis vidée, comme un vieux citron tout sec. Il ne reste plus une goutte de jus. Tout ça n'a pas de sens.
Elle ouvrit une boîte de cachets et en vida le contenu dans un verre d'eau. Elle attendit quelques minutes qu'ils se désagrègent. Les vibrations de l'appareil à réacteur nucléaire lui parvenaient à travers le métal de la construction. Non, rien à faire, elle ne monterait pas dans cet engin ; sa décision était prise. Elle saisit le verre et l'amena aux lèvres. Elle but puis le reposa. Sa vue se troubla et, dans un dernier sursaut, avant que ses yeux ne se ferment définitivement, elle salua d'un sourire la petite fille toujours assise devant elle, silencieuse. Elle salua la parodie génétique de sa mère, la reine-mère Juliana et, dans un silence, mourut.
*
2184. Game over.
Vous perdez 3500 points 'K' pour suicide. Nous sommes désolés, ceci était votre dernière partie pour ce cycle de vie. Karma Games vous remercie de votre participation. N'oubliez pas, buvez du Karma Cola, le seul Cola qui améliore votre potentiel karmique !
La jeune femme se réveilla petit à petit. Elle n'était pas mécontente d'elle-même. Oh bien sûr, elle n'était pas arrivée aussi loin que d'autres joueurs. Mais elle préférait les personnages au potentiel karmique peu élevé. Durer aussi longtemps devenait une gageure. Maintenant, elle se sentait prête à tenter un cycle de samsâra d'un niveau encore inférieur.
Elle se désaltéra puis se rallongea sur sa couche et ferma les yeux. Qu'il était bon d'avoir une vie difficile !
Re: Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
bonjour ubik,
juste une question avant de m'intéresser à cet exercice (qui personnellement me fascine) : L'auteur a-t-il donné son accord pour cela ?
si oui, je pense qu'il serait intéressant de lancer un "appel à versions" du texte, voir ce que d'autres pourraient en faire.
si non, ben, ya comme un souci
PS: je n'ai pas suivi vos échanges, ma question n'est pas polémique, j'adore trifouiller les textes d'autrui, je me dis juste que je ne peux entrer dans le jeu que si je sais que la regle a été validée par l'auteur.
juste une question avant de m'intéresser à cet exercice (qui personnellement me fascine) : L'auteur a-t-il donné son accord pour cela ?
si oui, je pense qu'il serait intéressant de lancer un "appel à versions" du texte, voir ce que d'autres pourraient en faire.
si non, ben, ya comme un souci
PS: je n'ai pas suivi vos échanges, ma question n'est pas polémique, j'adore trifouiller les textes d'autrui, je me dis juste que je ne peux entrer dans le jeu que si je sais que la regle a été validée par l'auteur.
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Ah ?
... Je n'avais pas vu la chose comme ça. Ce qui m'avait sauté à l'esprit, c'était l'intérêt de la démarche, le défi et les enseignements que ça pouvait apporter. Mais si ça froisse qui que ce soit, l'auteur en particulier, ma foi, je donne mon plein accord pour que l'ensemble soit effacé, pas de souci. C'était juste "pour voir"...
Vraiment désolé. On a beau être pétri de bonne volonté, on fait parfois des bourdes.
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
.
Vraiment désolé. On a beau être pétri de bonne volonté, on fait parfois des bourdes.
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
.
Re: Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
d'accord pour l'intérêt de la démarche, le défi...ubikmagic a écrit:... Je n'avais pas vu la chose comme ça. Ce qui m'avait sauté à l'esprit, c'était l'intérêt de la démarche, le défi et les enseignements que ça pouvait apporter. Mais si ça froisse qui que ce soit, l'auteur en particulier, ma foi, je donne mon plein accord pour que l'ensemble soit effacé, pas de souci. C'était juste "pour voir"...
Vraiment désolé. On a beau être pétri de bonne volonté, on fait parfois des bourdes.
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
.
mais oui, l'accord de l'auteur est indispensable
beaucoup n'aimeraient pas que l'on retouche leurs textes, et c'est légitime.
si, en attendant, tu veux t'amuser avec les miens, je te donne mon aval
grieg- Nombre de messages : 6156
Localisation : plus très loin
Date d'inscription : 12/12/2005
Mes excuses.
Merci, je prends note.grieg a écrit:d'accord pour l'intérêt de la démarche, le défi...ubikmagic a écrit:... Je n'avais pas vu la chose comme ça. Ce qui m'avait sauté à l'esprit, c'était l'intérêt de la démarche, le défi et les enseignements que ça pouvait apporter. Mais si ça froisse qui que ce soit, l'auteur en particulier, ma foi, je donne mon plein accord pour que l'ensemble soit effacé, pas de souci. C'était juste "pour voir"...
Vraiment désolé. On a beau être pétri de bonne volonté, on fait parfois des bourdes.
Ubik.
< Il serait opportun de ne pas reprendre le titre Orange crépuscule seul (sauf accord de l'auteur) mais de compléter par exemple par : "exercice autour de..."
La Modération >
.
mais oui, l'accord de l'auteur est indispensable
beaucoup n'aimeraient pas que l'on retouche leurs textes, et c'est légitime.
si, en attendant, tu veux t'amuser avec les miens, je te donne mon aval
Effectivement, la personne m'avait paru tellement curieuse de savoir ce qui clochait que ça m'avait paru intéressant et évident, et tout au jeu intellectuel, j'en avais oublié ces questions qui pourtant, c'est vrai, ont leur importance. Ecoutez, vous pouvez changer le titre, tout effacer, ou que sais-je encore. Je comprends après coup ( mieux que pas du tout, hein ). En fait, si on note l'heure, on verra que j'étais agité du bocal, je n'ai pas réussi à dormir cette nuit, ceci explique peut-être cela.
Mes excuses.
Ubik.
Re: Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
(et si c'est un appel à textes, ceci ne devrait-il pas trouver place dans l'atelier, plutôt ?)
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
Re: Exercice autour du texte "Orange Crépuscule"
< Pour l'instant il semble qu'il s'agisse d'un "exercice". Laissons venir.Sahkti a écrit:(et si c'est un appel à textes, ceci ne devrait-il pas trouver place dans l'atelier, plutôt ?)
La Modération >
.
Modération- Nombre de messages : 1362
Age : 18
Date d'inscription : 08/11/2008
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum