Piafs
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CROISIC
outretemps
Plotine
Yellow_Submarine
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Piafs
Un éclat blanc qui tranchait de façon incongrue sur le goudron attira son regard. Elle crut tout d’abord qu’il s’agissait d’un caillou et se pencha pour le ramasser. C’était un crâne, minuscule, celui d’un oiseau sans aucun doute, lavé et poli par la pluie qui tombait d’abondance depuis des jours. « Rien d’étonnant dans cette région ! » pensa-t-elle avec un brin de découragement que cette découverte ne fit qu’accentuer. Isabelle le glissa dans sa poche, à l’abri du regard incisif de Camille. Inutile de commencer la journée par une crise de larmes, elle viendrait bien assez tôt. « Camille, dépêche-toi ! Tu vas être en retard à l’école ! » Elle monta dans sa voiture en pensant avec exaspération à son incorrigible fille de huit ans. Impératrice d’un monde imaginaire dont elle puisait l’inspiration dans ses livres, Camille était une fillette taciturne pour qui les mots « horaire » et « ponctualité » n’avaient aucune signification. Elle vivait dans un univers parallèle où la notion de temps n’existait pas, ce qui autrefois avait donné lieu à de nombreux affrontements entre la mère et la fille. Cela s’était aggravé depuis l’année dernière et la psychiatre qu’Isabelle avait un temps consultée, lui avait conseillé de lâcher du lest. Elle aurait bien d’autres chats à fouetter.
Déjà un an qu’elles avaient toutes deux emménagé ici, en pleine campagne normande. Une année s’était écoulée depuis la mort de Fabrice dans un stupide accident de la route sur le périphérique parisien. Une année d’hébétude. Isabelle était traductrice, alors ici ou ailleurs, c’était du pareil au même. Elle avait choisi ailleurs, fui comme on hiberne pour échapper au chagrin, les prairies comme antidote à la frénésie urbaine et remède à la douleur. Ailleurs était devenu ici, un endroit où les minutes s’égrenaient au rythme des saisons, des tracteurs et des labours. Isabelle espérait qu’ici sa torpeur passerait inaperçue, qu’elle pourrait prendre la voiture sans avoir peur, le cœur en déroute et les muscles tétanisés à l’idée d’emprunter le périphérique pour conduire Camille à l’école. Camille avait déjà trop souvent manqué les cours par sa faute. Elle se disait qu’un jour, elles pourraient à nouveau habiter en ville, quand Camille aurait grandi et qu’il faudrait l’inscrire à l’université. Qu’un jour, elle pourrait revoir Paris sans frémir. En attendant…
L’immutabilité des sillons édifiait leur domaine. La routine des gestes et la succession des saisons opéraient sur leurs blessures comme un dictame. Toutefois, Isabelle s’était rendue compte que l’isolement volontaire dans lequel elle s’était recluse était néfaste à la convalescence de Camille. Elle avait donc lié connaissance avec quelques voisins, des agriculteurs au pragmatisme rassurant. En retour, ils s’étaient pris d’affection pour la gamine et ne rataient pas une occasion de l’initier aux « joies » de leur métier. Balades en tracteur, moissons, récolte des champignons et cueillette des pommes. Bientôt les veaux n’eurent plus aucun secret pour elle. Isabelle sourit à cette idée. Qui eût cru que la petite fille des villes se transformerait en fille des champs ? Qu’en aurait pensé Fabrice ?
Elles avaient emmené dans leurs bagages Minouche, une jolie chatte blanche et noire qu’Isabelle avait recueillie dans un caniveau, la patte cassée et âgée de quelques mois à peine. Au grand désespoir de Fabrice qui détestait les chats. Minouche avait grandi avec Camille et la suivait comme son ombre. Camille avait beau la traiter comme une peluche, l’habiller comme une poupée et lui faire prendre les postures les plus ridicules, jamais Minouche ne sortait les griffes. La chatte dormait avec Camille, parfois même couchée sur sa tête, s’enroulait autour de ses jambes dès son réveil. Avertie par un sixième sens, elle accourait pour l’attendre sur le pas de la porte chaque après-midi. Et la première chose que Camille faisait en rentrant de l’école, c’était de vérifier que Minouche était bien là. Elle prenait son goûter et faisait ses devoirs, le chat enroulé en boule sur ses genoux. Dans les fermes, Camille côtoyait les bovins avec la même absence d’appréhension ; peut-être était-elle rassurée par leur apparente placidité. Elle avait un don inné avec les animaux au point qu’elle avait décidé de devenir vétérinaire.
Récemment, elle s’était prise de passion pour les oiseaux. Elle avait passé la majeure partie des vacances de Pâques, accroupie au pied du mur en granit de leur maison, à observer le trou sur lequel une mésange avait jeté son dévolu pour y construire son nid. Inlassablement, soir après soir, Camille racontait à Isabelle les multiples allées venues de l’oiseau, brindille au bec. Un matin, la mésange ne sortit pas, elle nichait. Silencieuse et immobile, Camille scrutait la cavité sombre dans l’espoir de voir les œufs éclore. Un petit œil rond la fixait. Isabelle vit dans cet engouement le signe d’une amélioration et lui offrit une paire de jumelles pour son anniversaire. Le week-end, dès l’aube, elles battaient la campagne ou arpentaient les plages et Isabelle écoutait Camille lui détailler les oiseaux du littoral, sternes, mouettes et goélands. Camille promenait partout avec elle un carnet dans lequel elle décrivait ses observations ou esquissait des dessins, on y distinguait des becs et des ailes enchevêtrés. Sur sa table de chevet trônait une boîte à trésors, elle y cachait soigneusement les plumes qu’elle glanait en cachette de sa mère – Isabelle n’y voyait que des nids à microbes. Camille adorait aussi aider le voisin à soigner sa volaille. Elle passait des heures à ratisser la paille, à ramasser les œufs, à distribuer le maïs et à verser de l’eau fraîche aux poules et aux pintades. A toutes, elle leur avait trouvé un nom. Avec l’arrivée du printemps, leur petit jardin s’était transformé en volière bruyante et pépiante. Les boules de graisses que Camille avait pris l’habitude d’accrocher aux branches avaient attiré rouges-gorges et moineaux et leur pelouse semblait être devenue le terrain de jeux de prédilection des pies. Camille, la rêveuse, avait également résolu de fabriquer un nichoir de ses propres mains pour abriter ses protégés. Mais cela attendrait les prochaines vacances.
Isabelle était occupée à retranscrire la traduction d’un manuel technique qui requérait toute son attention quand elle entendit les hurlements hystériques de sa fille. Elle sortit précipitamment, craignant une chute mais fut stupéfaite de voir une Camille en pleine crise de rage lancer des pierres en direction de Minouche. La chatte avait attrapé un oiseau dont on pouvait voir l’aile pendre hors de sa gueule. Bien entendu, ni elle ni Camille ne parvinrent à l’attraper, Minouche avait grimpé dans un arbre pour mettre prudemment sa proie hors de leur portée. Camille passa sa soirée à sangloter dans sa chambre ; le lendemain, Isabelle trouva le cadavre d’une mésange sur le paillasson. Camille décréta impérativement qu’il fallait se débarrasser de Minouche, contre quoi Isabelle protestait farouchement. Minouche était leur alliée, leur réconfort. Sa fourrure avait étouffé leurs nombreux sanglots après la disparition de Fabrice. Isabelle ne comprenait pas comment Camille pouvait s’acharner à ce point. Camille admettait qu’un animal tue pour se nourrir mais pas que Minouche le fasse par jeu ou par pure cruauté. « Elle n’a pas besoin de chasser, c’est un animal domestique. » s’obstinait-elle, butée, quand sa mère s’aventurait à lui expliquer l’instinct de chasseur. Face à l’entêtement de sa mère et à son refus d’en finir avec celle qu’elle appelait désormais méchamment « le fauve », Camille décida de redoubler de vigilance. C’était devenu une véritable obsession. A peine rentrée de l’école, elle balançait son cartable à travers la pièce et arpentait le terrain pour en expulser la prédatrice. Elle chassa Minouche de son lit. Comme elle avait du mal à s’endormir, elle fouilla son coffre à jouets et y dénicha un maigre substitut, un vieux chat en peluche qu’elle frottait contre sa joue avant de sombrer dans le sommeil. Isabelle venait la border et essuyer les dernières larmes qui roulaient encore sur ses joues enfantines. Malgré toutes ses précautions, il ne se passait pas une seule journée sans que les restes d’un piaf ne fussent découverts. Chacune de ces trouvailles étaient accueillies par des pleurs redoublés. Isabelle craignait que Camille ne se renfermât davantage et elle avait pris l’habitude de lui dissimuler les preuves des forfaits perpétrés par son chat. Une guerre larvée couvait entre la mère et la fille. Minouche avait transformé l’ancien paradis en triangle des Bermudes des volatiles.
« Maman, je peux prendre un sac en plastique dans le tiroir ? Je vais arracher les mauvaises herbes ». Isabelle, occupée à une traduction particulièrement ardue, opina sans prêter grande attention à la requête de sa fille. Dès leur arrivée et de commun accord, bien consciente qu’Isabelle n’avait rien d’une jardinière émérite, elles avaient décidé que l’entretien du petit potager serait dévolu à Camille. Sa demande n’avait rien d’inhabituel même si cette bonne résolution lui paraissait étrange en cette période de tensions. Isabelle se dit que Camille était revenue à de meilleurs sentiments et prit cet accès de bonne volonté comme une offrande de pardon.
Ce matin-là, Isabelle sourit en ouvrant la porte d’entrée. Elle entendait les trilles d’un oiseau monter vers le ciel, les étourneaux étaient revenus et depuis quelques jours, plus aucune dépouille n’était venue altérer l’insouciance retrouvée de Camille. Ladite Camille se faisait encore attendre « Camille, dépêche-toi! Tu vas être en retard à l’école ! »
Après le départ de sa fille, le calme revenu dans la maison. Isabelle décida de s’octroyer une pause et un café avant de s’atteler aux textes du jour. Ses doigts trouvaient un certain réconfort à la chaleur de la porcelaine, elle s’était assise dans la cuisine et soufflait doucement sur son breuvage. Elle regarda la soucoupe posée sur le sol et vit avec étonnement que le lait s’était figé. Elle n’avait pas aperçu Minouche depuis plusieurs jours ; à la réflexion, depuis que les oiseaux avaient fait leur réapparition. Peut-être était-elle enfermée quelque part ? « Minouche ! » Seuls quelques pépiements lui répondirent. Isabelle continua d’appeler un moment, secoua un sac de croquettes dans l’espoir que la faim attirerait la bestiole. Résignée, elle finit par rentrer, il était temps qu’elle commence à travailler si elle voulait respecter les délais impartis. Elle referma la porte derrière elle, sans remarquer la fourrure blanche et noire qui frémissait sous la brise, couchée derrière les salades. Elle ne vit pas non plus le sac en plastique qui étranglait son cou.
Déjà un an qu’elles avaient toutes deux emménagé ici, en pleine campagne normande. Une année s’était écoulée depuis la mort de Fabrice dans un stupide accident de la route sur le périphérique parisien. Une année d’hébétude. Isabelle était traductrice, alors ici ou ailleurs, c’était du pareil au même. Elle avait choisi ailleurs, fui comme on hiberne pour échapper au chagrin, les prairies comme antidote à la frénésie urbaine et remède à la douleur. Ailleurs était devenu ici, un endroit où les minutes s’égrenaient au rythme des saisons, des tracteurs et des labours. Isabelle espérait qu’ici sa torpeur passerait inaperçue, qu’elle pourrait prendre la voiture sans avoir peur, le cœur en déroute et les muscles tétanisés à l’idée d’emprunter le périphérique pour conduire Camille à l’école. Camille avait déjà trop souvent manqué les cours par sa faute. Elle se disait qu’un jour, elles pourraient à nouveau habiter en ville, quand Camille aurait grandi et qu’il faudrait l’inscrire à l’université. Qu’un jour, elle pourrait revoir Paris sans frémir. En attendant…
L’immutabilité des sillons édifiait leur domaine. La routine des gestes et la succession des saisons opéraient sur leurs blessures comme un dictame. Toutefois, Isabelle s’était rendue compte que l’isolement volontaire dans lequel elle s’était recluse était néfaste à la convalescence de Camille. Elle avait donc lié connaissance avec quelques voisins, des agriculteurs au pragmatisme rassurant. En retour, ils s’étaient pris d’affection pour la gamine et ne rataient pas une occasion de l’initier aux « joies » de leur métier. Balades en tracteur, moissons, récolte des champignons et cueillette des pommes. Bientôt les veaux n’eurent plus aucun secret pour elle. Isabelle sourit à cette idée. Qui eût cru que la petite fille des villes se transformerait en fille des champs ? Qu’en aurait pensé Fabrice ?
Elles avaient emmené dans leurs bagages Minouche, une jolie chatte blanche et noire qu’Isabelle avait recueillie dans un caniveau, la patte cassée et âgée de quelques mois à peine. Au grand désespoir de Fabrice qui détestait les chats. Minouche avait grandi avec Camille et la suivait comme son ombre. Camille avait beau la traiter comme une peluche, l’habiller comme une poupée et lui faire prendre les postures les plus ridicules, jamais Minouche ne sortait les griffes. La chatte dormait avec Camille, parfois même couchée sur sa tête, s’enroulait autour de ses jambes dès son réveil. Avertie par un sixième sens, elle accourait pour l’attendre sur le pas de la porte chaque après-midi. Et la première chose que Camille faisait en rentrant de l’école, c’était de vérifier que Minouche était bien là. Elle prenait son goûter et faisait ses devoirs, le chat enroulé en boule sur ses genoux. Dans les fermes, Camille côtoyait les bovins avec la même absence d’appréhension ; peut-être était-elle rassurée par leur apparente placidité. Elle avait un don inné avec les animaux au point qu’elle avait décidé de devenir vétérinaire.
Récemment, elle s’était prise de passion pour les oiseaux. Elle avait passé la majeure partie des vacances de Pâques, accroupie au pied du mur en granit de leur maison, à observer le trou sur lequel une mésange avait jeté son dévolu pour y construire son nid. Inlassablement, soir après soir, Camille racontait à Isabelle les multiples allées venues de l’oiseau, brindille au bec. Un matin, la mésange ne sortit pas, elle nichait. Silencieuse et immobile, Camille scrutait la cavité sombre dans l’espoir de voir les œufs éclore. Un petit œil rond la fixait. Isabelle vit dans cet engouement le signe d’une amélioration et lui offrit une paire de jumelles pour son anniversaire. Le week-end, dès l’aube, elles battaient la campagne ou arpentaient les plages et Isabelle écoutait Camille lui détailler les oiseaux du littoral, sternes, mouettes et goélands. Camille promenait partout avec elle un carnet dans lequel elle décrivait ses observations ou esquissait des dessins, on y distinguait des becs et des ailes enchevêtrés. Sur sa table de chevet trônait une boîte à trésors, elle y cachait soigneusement les plumes qu’elle glanait en cachette de sa mère – Isabelle n’y voyait que des nids à microbes. Camille adorait aussi aider le voisin à soigner sa volaille. Elle passait des heures à ratisser la paille, à ramasser les œufs, à distribuer le maïs et à verser de l’eau fraîche aux poules et aux pintades. A toutes, elle leur avait trouvé un nom. Avec l’arrivée du printemps, leur petit jardin s’était transformé en volière bruyante et pépiante. Les boules de graisses que Camille avait pris l’habitude d’accrocher aux branches avaient attiré rouges-gorges et moineaux et leur pelouse semblait être devenue le terrain de jeux de prédilection des pies. Camille, la rêveuse, avait également résolu de fabriquer un nichoir de ses propres mains pour abriter ses protégés. Mais cela attendrait les prochaines vacances.
Isabelle était occupée à retranscrire la traduction d’un manuel technique qui requérait toute son attention quand elle entendit les hurlements hystériques de sa fille. Elle sortit précipitamment, craignant une chute mais fut stupéfaite de voir une Camille en pleine crise de rage lancer des pierres en direction de Minouche. La chatte avait attrapé un oiseau dont on pouvait voir l’aile pendre hors de sa gueule. Bien entendu, ni elle ni Camille ne parvinrent à l’attraper, Minouche avait grimpé dans un arbre pour mettre prudemment sa proie hors de leur portée. Camille passa sa soirée à sangloter dans sa chambre ; le lendemain, Isabelle trouva le cadavre d’une mésange sur le paillasson. Camille décréta impérativement qu’il fallait se débarrasser de Minouche, contre quoi Isabelle protestait farouchement. Minouche était leur alliée, leur réconfort. Sa fourrure avait étouffé leurs nombreux sanglots après la disparition de Fabrice. Isabelle ne comprenait pas comment Camille pouvait s’acharner à ce point. Camille admettait qu’un animal tue pour se nourrir mais pas que Minouche le fasse par jeu ou par pure cruauté. « Elle n’a pas besoin de chasser, c’est un animal domestique. » s’obstinait-elle, butée, quand sa mère s’aventurait à lui expliquer l’instinct de chasseur. Face à l’entêtement de sa mère et à son refus d’en finir avec celle qu’elle appelait désormais méchamment « le fauve », Camille décida de redoubler de vigilance. C’était devenu une véritable obsession. A peine rentrée de l’école, elle balançait son cartable à travers la pièce et arpentait le terrain pour en expulser la prédatrice. Elle chassa Minouche de son lit. Comme elle avait du mal à s’endormir, elle fouilla son coffre à jouets et y dénicha un maigre substitut, un vieux chat en peluche qu’elle frottait contre sa joue avant de sombrer dans le sommeil. Isabelle venait la border et essuyer les dernières larmes qui roulaient encore sur ses joues enfantines. Malgré toutes ses précautions, il ne se passait pas une seule journée sans que les restes d’un piaf ne fussent découverts. Chacune de ces trouvailles étaient accueillies par des pleurs redoublés. Isabelle craignait que Camille ne se renfermât davantage et elle avait pris l’habitude de lui dissimuler les preuves des forfaits perpétrés par son chat. Une guerre larvée couvait entre la mère et la fille. Minouche avait transformé l’ancien paradis en triangle des Bermudes des volatiles.
« Maman, je peux prendre un sac en plastique dans le tiroir ? Je vais arracher les mauvaises herbes ». Isabelle, occupée à une traduction particulièrement ardue, opina sans prêter grande attention à la requête de sa fille. Dès leur arrivée et de commun accord, bien consciente qu’Isabelle n’avait rien d’une jardinière émérite, elles avaient décidé que l’entretien du petit potager serait dévolu à Camille. Sa demande n’avait rien d’inhabituel même si cette bonne résolution lui paraissait étrange en cette période de tensions. Isabelle se dit que Camille était revenue à de meilleurs sentiments et prit cet accès de bonne volonté comme une offrande de pardon.
Ce matin-là, Isabelle sourit en ouvrant la porte d’entrée. Elle entendait les trilles d’un oiseau monter vers le ciel, les étourneaux étaient revenus et depuis quelques jours, plus aucune dépouille n’était venue altérer l’insouciance retrouvée de Camille. Ladite Camille se faisait encore attendre « Camille, dépêche-toi! Tu vas être en retard à l’école ! »
Après le départ de sa fille, le calme revenu dans la maison. Isabelle décida de s’octroyer une pause et un café avant de s’atteler aux textes du jour. Ses doigts trouvaient un certain réconfort à la chaleur de la porcelaine, elle s’était assise dans la cuisine et soufflait doucement sur son breuvage. Elle regarda la soucoupe posée sur le sol et vit avec étonnement que le lait s’était figé. Elle n’avait pas aperçu Minouche depuis plusieurs jours ; à la réflexion, depuis que les oiseaux avaient fait leur réapparition. Peut-être était-elle enfermée quelque part ? « Minouche ! » Seuls quelques pépiements lui répondirent. Isabelle continua d’appeler un moment, secoua un sac de croquettes dans l’espoir que la faim attirerait la bestiole. Résignée, elle finit par rentrer, il était temps qu’elle commence à travailler si elle voulait respecter les délais impartis. Elle referma la porte derrière elle, sans remarquer la fourrure blanche et noire qui frémissait sous la brise, couchée derrière les salades. Elle ne vit pas non plus le sac en plastique qui étranglait son cou.
Yellow_Submarine- Nombre de messages : 278
Age : 53
Localisation : Fougères
Date d'inscription : 08/01/2010
Re: Piafs
C'est un très beau texte parce que très bien écrit et parce qu'il sonne vrai. Les personnages sont très bien campés, de la mère submergée par le chagrin à la petite fille qui s'est réfugiée dans une sorte d'autisme.
La progression des évènements est menée de main de maître.
La progression des évènements est menée de main de maître.
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 82
Date d'inscription : 01/08/2009
A Yellow
bonjour, tellow !
Après un flirt avec l'inceste, que je viens de lire, la perversité, maintenant !
Journée de la femme?
Fort bien mené en tous cas, ce triangle de félinités. Bien qu'un peu devinable sur la fin à cause du "sac en plastique" .
Elle aurait pris "quelque chose" aurait moins donné à prévoir!
Après un flirt avec l'inceste, que je viens de lire, la perversité, maintenant !
Journée de la femme?
Fort bien mené en tous cas, ce triangle de félinités. Bien qu'un peu devinable sur la fin à cause du "sac en plastique" .
Elle aurait pris "quelque chose" aurait moins donné à prévoir!
bermude des volailles", serait suffisant et plus léger peut-être.Minouche avait transformé l’ancien paradis en triangle des Bermudes des volatiles
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Piafs
Yellow, bien sûr, pardon.
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Piafs
Comme d'habitude, une narration parfaitement maîtrisée, criante de vérité, et dans ce cas précis, je sais de quoi je parle. Peut-être est-ce pour cela que j'ai compris très vite la tournure qu'allaient prendre les évènements ?
Invité- Invité
Re: Piafs
J'ai compris la fin lorsque la jeune fille a demandé à sa mère le sac en plastique ! Sans doute que je commence à connaître ton mode de narration : des récits toujours sombres qui se terminent dans la plus grande cruauté.
Mon commentaire n'est pas utile, mais à nouveau : rien à reprocher à ce texte, très bien mené comme toujours, toujours.
Les thèmes que tu abordes ne me déçoivent jamais, jamais, du reste.
Mon commentaire n'est pas utile, mais à nouveau : rien à reprocher à ce texte, très bien mené comme toujours, toujours.
Les thèmes que tu abordes ne me déçoivent jamais, jamais, du reste.
Invité- Invité
Re: Piafs
Tout me plait dans ce texte. La chronologie des évènements, la maîtrise de la narration, la cruauté finale et attendue.
Re: Piafs
Pour moi ton texte serait excellentissime si tu retirais carrément ce passage qui gâche la fin
« Maman, je peux prendre un sac en plastique dans le tiroir ? Je vais arracher les mauvaises herbes ». Isabelle, occupée à une traduction particulièrement ardue, opina sans prêter grande attention à la requête de sa fille. Dès leur arrivée et de commun accord, bien consciente qu’Isabelle n’avait rien d’une jardinière émérite, elles avaient décidé que l’entretien du petit potager serait dévolu à Camille. Sa demande n’avait rien d’inhabituel même si cette bonne résolution lui paraissait étrange en cette période de tensions. Isabelle se dit que Camille était revenue à de meilleurs sentiments et prit cet accès de bonne volonté comme une offrande de pardon.
Ce matin-là, Isabelle sourit en ouvrant la porte d’entrée. Elle entendait les trilles d’un oiseau monter vers le ciel, les étourneaux étaient revenus et depuis quelques jours, plus aucune dépouille n’était venue altérer l’insouciance retrouvée de Camille. Ladite Camille se faisait encore attendre « Camille, dépêche-toi! Tu vas être en retard à l’école ! »
Alors ne resterait que les dernières lignes implacables car là tout ne nous aurait pas été donné pour connaitre le dénouement avant même que de le découvrir ce qui retire dés lors tout intérêt à la fin de la lecture et pire m'a fait sortir mentalement du texte et de l'intrigue.
Il me semble qu'en retirant ce passage alors le texte va crescendo et à la fin tu portes une vraie estocade, la mère découvre le cadavre alors qu'on ne s'y attend pas ,qu'elle vient de prendre son petit dej tranquille et que tout est bucolique ! Et qu'aucun sac plastique cousu de fil blanc n'a été introduit à l'avance avec ses gros sabots!
Enfin c'est mon avis et je le partage ...
Sinon, trés bon
« Maman, je peux prendre un sac en plastique dans le tiroir ? Je vais arracher les mauvaises herbes ». Isabelle, occupée à une traduction particulièrement ardue, opina sans prêter grande attention à la requête de sa fille. Dès leur arrivée et de commun accord, bien consciente qu’Isabelle n’avait rien d’une jardinière émérite, elles avaient décidé que l’entretien du petit potager serait dévolu à Camille. Sa demande n’avait rien d’inhabituel même si cette bonne résolution lui paraissait étrange en cette période de tensions. Isabelle se dit que Camille était revenue à de meilleurs sentiments et prit cet accès de bonne volonté comme une offrande de pardon.
Ce matin-là, Isabelle sourit en ouvrant la porte d’entrée. Elle entendait les trilles d’un oiseau monter vers le ciel, les étourneaux étaient revenus et depuis quelques jours, plus aucune dépouille n’était venue altérer l’insouciance retrouvée de Camille. Ladite Camille se faisait encore attendre « Camille, dépêche-toi! Tu vas être en retard à l’école ! »
Alors ne resterait que les dernières lignes implacables car là tout ne nous aurait pas été donné pour connaitre le dénouement avant même que de le découvrir ce qui retire dés lors tout intérêt à la fin de la lecture et pire m'a fait sortir mentalement du texte et de l'intrigue.
Il me semble qu'en retirant ce passage alors le texte va crescendo et à la fin tu portes une vraie estocade, la mère découvre le cadavre alors qu'on ne s'y attend pas ,qu'elle vient de prendre son petit dej tranquille et que tout est bucolique ! Et qu'aucun sac plastique cousu de fil blanc n'a été introduit à l'avance avec ses gros sabots!
Enfin c'est mon avis et je le partage ...
Sinon, trés bon
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
De souffre et de foin.
Once again, un travail d'artiste. Finement ciselé, avec noirceur et patience. Une orfèvrerie maligne, inspirée, sentant le souffre et le foin.
Bravo !
Ubik.
Bravo !
Ubik.
Re: Piafs
J'ai bien aimé cette histoire, toutefois j'aurai une réserve sur la fin qui me paraît exagérée, brisant un équilibre. Les personnages étaient très plausibles tout du long, et on comprenait bien que la gamine était abîmée, mais avec cette fin qui bascule dans l'horreur, on quitte la chronique psychologique pour entrer dans le fait-divers, l'exceptionnel. J'ai l'impression que le texte serait plus convaincant si la petite se contentait de massacrer le chat et que vous nous fassiez comprendre par un détail qu'elle a définitivement basculé... Avec l'assassinat de la mère, on entre dans autre chose, de trop grossier selon moi par rapport au ton général du texte. Un peu comme si, dans une aquarelle, vous foutiez soudain une grosse tache vermillon de peinture à l'huile.
Belle écriture, sinon, à mon avis.
Belle écriture, sinon, à mon avis.
Invité- Invité
Re: Piafs
Quel dommage effectivement d'avoir défloré le dénouement, qui nous laisse frustrés.
Mais sinon, agréable, bien écrit, d'une lisibilité parfaite, c'est un bon texte, avec sa narration progressive et construite.
Maintenant, l'horreur relevée par certains...soyons sérieux ; le prédateur a été puni, so what ?
Mais sinon, agréable, bien écrit, d'une lisibilité parfaite, c'est un bon texte, avec sa narration progressive et construite.
Maintenant, l'horreur relevée par certains...soyons sérieux ; le prédateur a été puni, so what ?
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Piafs
Ah, silene82, je crois que tu as raison : le sac en plastique qui étrangle le cou, c'est celui du chat ! J'avais compris que la petite étranglait sa mère, qui ne voit pas sa mort arriver... Mais ce serait absurde, la fille n'en aurait pas la force.
Toutes mes excuses, alors, Yellow_Submarine, j'avais mal compris. La fin, dans ce cas, me convient très bien.
Toutes mes excuses, alors, Yellow_Submarine, j'avais mal compris. La fin, dans ce cas, me convient très bien.
Invité- Invité
Re: Piafs
socque a écrit:Ah, silene82, je crois que tu as raison : le sac en plastique qui étrangle le cou, c'est celui du chat ! J'avais compris que la petite étranglait sa mère, qui ne voit pas sa mort arriver... Mais ce serait absurde, la fille n'en aurait pas la force.
Toutes mes excuses, alors, Yellow_Submarine, j'avais mal compris. La fin, dans ce cas, me convient très bien.
Tatie Sonia, faut arrêter les films gore, t'arrives plus à lire, tu vois bien...en tous cas, tu manquais.
Bien sûr que moi aussi j'aurais préféré qu'elle étranglât sa mère, mais bon, on peut pas faire dire au texte ce qu'il ne dit pas. Il faudra donc se contenter du chat.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 67
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Piafs
Yellow-Submarine, votre prose ,elle aussi est "green or blue", j'aime cette aérienne alternance de phrases longues, chaloupées, et de plus courtes, nerveuses . Nuances, contrastes, dosage parfait!
C'est la base,diraient certains avec raison, mais depuis que je parcours ce site , je trouve la limpidité suffisamment rare pour avoir le plaisir de vous en remercier!
Quant au thème, je suis en parfaite adéquation, pour des raisons biographiques...
Pour la chute, je la trouve juste un peu rapide, la mère aurait pu mariner plus longtemps dans le doute , mais bon. Réalisme oblige, parfois la vie a de brusques accélérations aussi , donc pour moi tout fonctionne au petit poil (de pinceau).
Je soulignerai que le meurtre d'un chat, qualifié "d'horreur"par nous, adultes moralisateurs, ne serait sans doute pas perçu comme tel par une enfant de ce caractère-là(ou dans cet état d'esprit-là)!
C'est la base,diraient certains avec raison, mais depuis que je parcours ce site , je trouve la limpidité suffisamment rare pour avoir le plaisir de vous en remercier!
Quant au thème, je suis en parfaite adéquation, pour des raisons biographiques...
Pour la chute, je la trouve juste un peu rapide, la mère aurait pu mariner plus longtemps dans le doute , mais bon. Réalisme oblige, parfois la vie a de brusques accélérations aussi , donc pour moi tout fonctionne au petit poil (de pinceau).
Je soulignerai que le meurtre d'un chat, qualifié "d'horreur"par nous, adultes moralisateurs, ne serait sans doute pas perçu comme tel par une enfant de ce caractère-là(ou dans cet état d'esprit-là)!
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
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