MST : Lignes de fuite

Théme proposé (aimablement par Yali)

1- genre : road movie
2- thème général : comme tous les road movies un'e) ou deux personnages fuient les emmerdes
3- « ton » privilégié : avec style
4- emploi du je.

* * *




La nuit sous la bruine, ça pue la gazoil, le bitume défoncé prend des allures de lune noire à la lumière rasante des phares, le béton suinte, tout dégouline, la nuit sous la bruine, les stations-service sont belles parce qu'elles ressemblent enfin à ce qu'elles sont. Je respire ma dernière cigarette devant des pères de famille qui font le plein ; ils ont l'air de pantins humant leur solitude. C'est le meilleur endroit de l'univers pour méditer.
Quand la bécane a laché tout à l'heure, à trois bornes de là, on s'est regardé les yeux dans le carter, on s'est demandé lequel des deux ressemblait le plus à une épave. Elle est restée en vrac dans le fossé, et je suis reparti pour lui démontrer définitivement la supériorité de l'homme sur la machine.
J'avais déjà de sacrées emmerde, depuis, j'ai réussi à me facher aussi avec mon scooter.
J'ai le blouson détrempé de trois bornes à pattes le long de la nationale. Dans les toilettes, je tente des acobaties ridicules avec le sèche-main. J'abandonne au bout de dix minutes, en n'osant pas me retourner vers le mec qui attend son tour, de peur de lire dans son regard de l'agacement, de la pitié, ou pire, de la compassion.
Je vérifie qu'il est toujours là. Mon horizon est dans la poche de mon blouson : un bout d'epoir de trois centimètres sur quatre. L'encre est à moitié délavée, on y lit griffonnée une adresse improbable et manifestement trop lointaine pour que mes grolles s'y rendent.
Je crois que je vais me poser un peu ici. Faire le point. Je m'achète un kawa, des clopes, et je ressors pour méditer. Une Alfa Romeo noire s'arrête en face de moi. Les petites courses m'ont coûté environ la moitié de ce que j'ai en poche. A l'évidence, ma durée de vie dans cet endroit risque d'être très limitée.
Ce matin chez moi, il y avait deux balèzes, impolis comme des huissiers, et avec un flingue en poche. Ca me suffit pour éviter de considérer le demi-tour.
Alors que je finis juste de tordre la touillette en plastique du café le mec de l'Alfa rentre dans le magasin, il me fait un signe de la tête en passant.
Il me semble voir un reflet argenté le long de la portière de sa voiture. Mon coeur s'accélère, je sais que je n'ai pas beaucoup de possibilités.
Je fonce, je prends les clés, je m'assois, trouve enfin comment mettre le contact, et je démarre. Première, seconde, troisième ... troisième ... J'appuie à fond, tant pis, c'est le tout pour le tout. Troisième ? Putain, elle passe pas la troisième...
Je panique, je rentre la tête dans les épaules, ça klaxonne à droite, à gauche, je suis ébloui pleins phares... Putain, elle va passer cette troisième ? J'ai le coeur à deux cents et la caisse à cinquante.
Enfin, elle passe. Je suis sur la route, je suis vivant. Et heureux comme un gosse. Je pousse un cri jouissif, du fond du ventre !
Tout à coup, derrière moi, un grand raffut. La boule dans la gorge, tous mes muscles se tendent. Quelqu'un respire. Très lentement, je me retourne.
Il y a un cleps, batard style labrador, le museau posé sur le siège, laissant ses oreilles mortifiées tomber. En me voyant, il remue vaguement la queue. Il vient de dégobiller un truc infâme sur la banquete arrière.



(*) Titre provisoire, si vous avez mieux à proposer ? :-)

Hahaha, trop fort la chute, j'adore :p
Pour l'histoire, c'est plutôt bien ecrit, avec un style assez brusque, je trouve, mais ça colle parfaitement avec le personnage principal.

La nuit sous la bruine, ça pue la gazoil, le bitume défoncé prend des allures de lune noire à la lumière rasante des phares, le béton suinte, tout dégouline, la nuit sous la bruine, les stations-service sont belles parce qu'elles ressemblent enfin à ce qu'elles sont

C'est un peu lourd à mon avis ; et les phrases courtes ont au contraire comme fonction d'accélerer le rythme. Je te propose ceci :
"La nuit est sous la bruine" puis en remplaçant les virgules par des points. Tout va changer, et ca donnera moins cette impression de lourdeur, à mon avis Et aussi, je trouve que le deuxième "La nuit sous la bruine" est inutile, et que ça cause une coupure assez désagréble dans la phrase quand on la lit
Pour le reste, c'est cool, rien à dire.
Et surtout la chute, elle est simple, mais bien trouvée !

Suis d'accord avec Leg pour la ponctiuation mais pas pour l'ajout du "est". Question de style.
Sinon l'univers est bien planté et les pistes ouvertes. Deux petites choses me gêne, un scooter est-ce une bécane ? et "Il y a un cleps, bâtard style labrador" qui revient à dire : Il y a un cleps, bâtard style chien de race. Non ?

Bienvenu Leg et merci beaucoup pour ton commentaire. Je vais revoir un peu cette phrase qui était mon envolée pseudo lyrique du début pour faire semblant d'avoir du style (cf. contraintes de Yali). Je vais la revoir, au moins la ponctuation. Merci aussi Yali pour tes remarques.

Yali a écrit:Deux petites choses me gêne, un scooter est-ce une bécane ? et "Il y a un cleps, bâtard style labrador" qui revient à dire : Il y a un cleps, bâtard style chien de race. Non ?

Je connais des gens qui ont un scooter et l'appelle leur bécane, mais il y a peut-être plus précis à trouver.

Pour le chien (c'est surtout ça l'objet de mon intervention) : "style labrador" n'est pas clair en effet. Expression familiale. L'important était de dire que c'est pas un caniche, pas un chihuahu, pas un saint-bernard, ni un teckel rase-motte, ni un cocker avec des oreilles ridicules, juste un chien de bonne taille, pas de race, mais un vrai, normal quoi :-). Pour simplifier je propose de dire que c'est un labrador ! :-))))))

Non non, je préfère un batard !

Bon texte de départ, je trouve. Vraiment.
Tu poses une atmosphère, ouvres des pistes, tout ça dans un récit dynamique, où le "je" s'inscrit bien dans l'action. Tu captes l'interêt du lecteur et parviens à le dérouter dès les première lignes.
Et donc, ça me plait !

Je disais que j'étais à jour ! Et j'avais pas vu le texte de notre grand Admin ! :-(((
J'aime beaucoup le rythme, c'est trépidant, haletant même et ça donne envie d'avoir la suite. L'ensemble est dense et rend bien l'état d'esprit du bonhomme qui essaie de décoller le truc poisseux, la poisse quoi, qui le poursuit même dans les détails. C'est souvent les petites choses qui énervent le plus.
Un très bon début donc, et d'accord avec Leg pour la grande phrase du début, pareil pour le chien, Labrador est très parlant même si c'est pas un bâtard. Ou alors tu dis que c'est un croisement de Labrador et de Berger belge. ;-)

Tout est là, mis en place avec talent, ça n'attend plus qu'une suite ...

Bravo Loup. Un bon démarrage (je parle du texte). Du vrai cinéma. On a lu cent fois ce genre de scène mais c’est particulièrement bien écrit et la fin de l’intro ouvre des perspectives intéressantes.

Clebs s’écrit avec un b ça vient de clébard.

J'aime beaucoup !
C'est vivant et énergique, ça l'est d'ailleurs tellement que je me demande comment tu vas te débrouiller pour augmenter davantage le rythme quand il y aura la course poursuite avec les gorilles d'un côté et les flics de l'autre !! Car j'espère qu'il y aura une course poursuite
Je cautionne à peu près toutes les remarques qui t'ont été faites sauf peut-être le rajout du verbe être dès le début de la première phrase.
Sinon le contenu est particulièrement dense. Seras-tu capable de maintenir en haleine ton lecteur toute une nouvelle dans ce style ? Je te le souhaite ainsi qu'à nous tous.
Ce qui me plaît aussi c'est ce mystère que tu crés autour du personnage. Quels sont ces gorilles qu'il fuit ? Est-il dans son tort ou au contraire est-il une victime ? En tous cas il faut être sacrément gonflé pour voler une alfa roméo sur un coup de tête.
Je suppose que c'est ce dont parlaient ceux qui employaient l'expression "ouvrir des pistes".
J'ai hâte de lire une suite si elle est prévue.

Le "MST", ouannier, est un exo cmmun en cours de construction !
Il s'agit pour chaque volontaire d'écrire un début d'histoire.
Ceci est un début.
Il y en a plein d'autres ailleurs, des débuts, sous le titre "MST : xxx"
Puis l'auteur abandonne son texte pour que d'autres en écrivent une suite.
Pour l'instant on en est là
On va bientôt en discuter pour voir comment on continue !

Merci de ce premier commentaire ! ;-)

Boudiou !! Ne comptez pas sur moi pour passer après ça !!
MST sont les initiales de quoi ?

Bonjour ouannier.
Tu trouveras tout le blabla relatif au MST ici:
https://vosecrits.1fr1.net/viewtopic.forum?t=615

Puis-je Ô mon Loup, tenter une réécriture et poursuivre de quelques kilomètres ton embardée routière ?

Yali a écrit:Puis-je Ô mon Loup, tenter une réécriture et poursuivre de quelques kilomètres ton embardée routière ?

je vote POUR

Yali a écrit:Puis-je Ô mon Loup, tenter une réécriture et poursuivre de quelques kilomètres ton embardée routière ?

Sur le principe, je suis d'accord bien sûr ! (J'aime quand tu m'appelles Ô mon loup :-)
Mais faut demander à Killgrieg comment il veut organiser la suite de l'exo (j'ai pas tout compris ! ), c'est pas tellment clair pour moi ...

Et sinon quelques "contraintes" pour la suite, enfin des indications (même des réexplications un peu basiques, mais ne reculons devant rien):

- J'aimerais bien que le chien suive le narrateur dans son périple (au moins un bon moment). Suis pas de la SPA, mais je suis contre le fait de s'en débarasser en l'attachant à un arbre sur le bord de la route :-). Par contre, pas de souci pour changer de véhicule si on a envie...

- C'est pas un chien qui parle où qui a des pouvoirs surnaturels, sauf qu'il a tendance à être malade dans les transports...

- Pour la raison du départ, j'ai pas précisé, mais en effet, deux mecs sont venus chez lui et l'ont menacé (des dettes, loyer impayé, je ne sais ...). Ca peut s'expliquer lentement par la suite (ou pas ...).

- J'insiste un peu sur le fait que le narrateur a des embrouilles, presque plus un sou, qu'il roule dans une voiture volée, bref, c'est quand même des choses à prendre en compte. Je m'aperçois que je l'ai fait partir sans bagages ... (à rectifier ou à expliquer). Je souhaiterais qu'on ne néglige pas ces aspects matériels...

- Mon idée pour la suite est qu'il a dans l'idée de rejoindre quelqu'un (l'adresse), une ancienne connaissance, mais qu'il n'a pas vue depuis longtemps, dont il n'a pas le téléphone. C'est libre ! C'est son objectif, mais pas le sujet du texte qui reste les aventures sur la route ...

ça roule :-)

Comme dit kilis : Du vrai cinéma.
Ton texte est noir-macadam avec lumières de réverbère qui éclaboussent le sol détrempé ; coincé entre « tchao pantin » et ce film avec deneuve/delon dont j’ai oublié le nom.
N’empêche, même si tu y es allé fort sur les clichés, l’ensemble tient la route grâce au rythme et à un ton qui t’est propre.
J’aime, mais avec modération.
L’histoire est ouverte, la route, devant, derrière… la suite va être intéressante.

Un départ plutôt réussi, le style y est, même si ça manque un peu de Loup, là-dedans... Le coup des deux balèzes avec le flingue dans la poche, ça m'a convaincue moyen, mais ce n'est qu'un détail.

Sinon, je pense que côté rythme, ambiance, style, c'est visuel et prenant, ça roule bien, ça ouvre des portes pour les suivants et ça me plaît.

Loup dans un ton différent, et c'est toujours aussi bon!
(t'attends quoi pour publier des bouquins ?!)
C'est un très bon début, une petite réserve sur la première phrase qui me semble aussi légèrement longue, mais sinon tout se lit facilement, on cerne bien le personnage grâce au ton employé, ça donne déjà un trait de sa personnalité, c'est fort ça, je trouve. Et un peu différent de ce que tu nous as montré jusque là, j'ai l'impression. Donc c'est toujours intéressant!
Le tout est visuel, j'aime bien l'idée du chien qui va le suivre dans le périple, le chien tout simple, tout réel (en même temps quelle idée on aurait d'introduire du surnaturel dans un road movie :0) mais déjà super sympathique (c'est les oreilles ça!)
C'est bien fichu, et ça me plait, vraiment!