APPEL A TEXTES : 1500 - Une espèce ?

— Maman, dis-moi, on dit un ou une espèce de malabar ?
— Une espèce
— T'es sûre ?
— Non

Guillaume mordilla son crayon, réfléchit, tritura un bout de papier, continua.

Tony est une espèce de malabar. Une espèce, oui ! Parce que Tony est en réalité une grosse femmelette qui fait encore pipi au lit.

Guillaume plia la feuille, la rangea dans sa mallette et sortit jouer. Demain, il ferait circuler le mot en classe. De banc en banc. De chaise en chaise. Tout le monde saurait et Tony allait payer le fait de l'avoir traité de binoclard à dents de lapin.
Etre une espèce de..., c'était pire que de porter des lunettes avec des petits Mickey sur la monture ou d'avoir des dents de mangeurs de carottes. Et puis de toutes façons, les carottes c'était bon pour la santé.

Une heure passa, Guillaume avait abandonné son ballon et s'était réfugié dans l'abri de jardin. Il pleurait.
En réalité, il aurait aimé être comme Tony. Même si ça voulait dire que lui aussi, il était une espèce de...
Tony, c'était un mec cool, toutes les filles de l'école lui souriaient. Tandis que Guillaume, personne ne le regardait. Sauf pour se moquer de ses lunettes. Ou de son appareil dentaire.

Guillaume rentra, chercha le mot écrit plus tôt, le relut, le ratura.

Tony est une espèce de malabar. Une espèce, oui ! Parce que Tony est en réalité une grosse femmelette qui fait encore pipi au lit.

Au moins, si l'instit' le collait pour ce papier, il n'aurait pas de fautes d'orthographe à lui reprocher.

Hum. Bien gnangnan à mon goût... bien écrit, ça oui.

L'univers des enfants est drôlement bien vu.
Texte attendrissant mais qui m'a fait rire aussi.

Un parfum d'une enfance d'autrefois, très bien rendu. Tendre. Un peu insubstantiel, la faute au format peut-être ?

Un de ces "regards" comme je les aime. Et le monde des gamins, si riche, en petits bonheurs, en gros chagrins, en souffrance plus ou bien bien cachée ou maîtrisée et tout et tout.
Sourire tendre et bise à ce Guillaume (le prénom de mon second fils)

la férocité et la tendresse de l'enfance, intimement liées et si justement décrites

Un petit bizarre qu'un petit binoclard cherche des noises à une espèce de malabar, même s'il pisse au lit. Il cherche manifestement les problèmes, ce petit bonhomme.
Ce qui a pour moi couleur d'invraisemblance, et m'a gêné pour apprécier pleinement le texte, agréable par ailleurs.

Il faut se méfier des cours de récrée, je crois que c'est un des lieux d'apprentissage les plus douloureux!
J'ai bien aimé voir ce sujet traité.

*

Oui, c'est dans les cours d'écoles que la socialisation se fait réellement, ou plutôt ne se fait pas...
Disons que les futurs dominés y apprennent à tort que l'on obtient promotion et filles en pétant la tronche des autres.
Et les futurs dominants y emplissent, humiliation après humiliation, le stock de haine introvertie nécessaire pour une vie d'ambition et de quête d'un pouvoir imbécile.
Certains, dit-on, en seraient devenus présidents...

Pour en revenir à ton texte, Sahkti, je le trouve suffisamment bien troussé, dans le style même de l'enfance, pour apparaitre crédible et touchant.