Le gardien du square
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Le gardien du square
Le gardien du square...
Le froid glacial de ces premiers jours de janvier n’incitait pas à la flânerie. Les canards avaient déserté la surface gelée de l’étang. La neige tombée sans discontinuer depuis la veille jusqu’à la mi-journée, recouvrait sentiers de sable terne et pelouses mitées par l’hiver d’un épais tapis blanc floconneux. Le square s’assombrissait à l’intérieur du périmètre défini par le grillage agressivement bardé de barreaux de bronze qui le ceinturait.
L’heure de la fermeture approchait. La dernière ronde achevée, le gardien se hâtait vers la grande grille encore ouverte, trousseau de clés déjà à la main, pressé d’en finir, de rentrer chez lui. À quelques mètres de l’entrée du parc, il ralentit le pas et fronça les sourcils, agacé.
Elle était là. Encore. Sur ce même banc, au pied du même marronnier. Assise bien droite sous le même petit chapeau noir à voilette grise, les mains toujours gantées de gris croisées sur le même petit sac noir. Manteau gris sagement lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires parfaitement lustrées. Près d’elle, le même sachet en papier bistre duquel, régulièrement, elle prélevait une pleine poignée de graines et de miettes de pain qu’elle dispersait avec précision autour d’elle d’un seul mouvement de poignet.
Le gardien dévia sa route vers la silhouette assise, agitant le trousseau de clés telle une crécelle pour attirer son attention, bras tendu vers la grille pour indiquer qu’il était temps de quitter les lieux. Il grommela quelques jurons lorsque la main gantée plongea dans le sac en papier.
Geste inutile. Voilà bien longtemps que les oiseaux évitaient ce parc. Il avait fait ce qu’il fallait pour cela. Il ne supportait pas leurs fientes qui souillaient fontaines et statues, leurs piaillements qui l’éveillaient bien avant l’aube.
Et cependant, tous les soirs, cette vieille folle revenait et le retenait jusqu’à la dernière seconde. Il serra les dents. Il avait su se débarrasser de ces horribles volatiles, il saurait bien en faire autant pour elle. D’ailleurs, puisqu’elle aimait tant ce banc…
Il étreignit rageusement la clé et accéléra le pas vers l’entrée.
Le gardien tendait la main vers la serrure de la grille quand quelque chose l’atteignit entre les omoplates. Il tourna la tête à temps pour voir arriver une autre boule de neige mais pas assez pour l'éviter. La masse compacte, dure, le heurta au creux des reins. Surpris par la violence de l’impact il trébucha et perdit l’équilibre.
Il s’effondra sur l’ombre des barreaux, parfait alignement de javelots aux pointes acérées. Il demeura ainsi, dans une étrange position, comme suspendu aux crocs meurtriers alors que le tapis blanc se teintait de rouge.
La vieille dame se redressa, déversa à ses pieds ce qui restait de graines. Elle retira ses gants gris, humides, et les glissa dans son petit sac noir.
Un chant s’éleva d’un maigre buisson… puis un autre… et encore un autre.
Le froid glacial de ces premiers jours de janvier n’incitait pas à la flânerie. Les canards avaient déserté la surface gelée de l’étang. La neige tombée sans discontinuer depuis la veille jusqu’à la mi-journée, recouvrait sentiers de sable terne et pelouses mitées par l’hiver d’un épais tapis blanc floconneux. Le square s’assombrissait à l’intérieur du périmètre défini par le grillage agressivement bardé de barreaux de bronze qui le ceinturait.
L’heure de la fermeture approchait. La dernière ronde achevée, le gardien se hâtait vers la grande grille encore ouverte, trousseau de clés déjà à la main, pressé d’en finir, de rentrer chez lui. À quelques mètres de l’entrée du parc, il ralentit le pas et fronça les sourcils, agacé.
Elle était là. Encore. Sur ce même banc, au pied du même marronnier. Assise bien droite sous le même petit chapeau noir à voilette grise, les mains toujours gantées de gris croisées sur le même petit sac noir. Manteau gris sagement lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires parfaitement lustrées. Près d’elle, le même sachet en papier bistre duquel, régulièrement, elle prélevait une pleine poignée de graines et de miettes de pain qu’elle dispersait avec précision autour d’elle d’un seul mouvement de poignet.
Le gardien dévia sa route vers la silhouette assise, agitant le trousseau de clés telle une crécelle pour attirer son attention, bras tendu vers la grille pour indiquer qu’il était temps de quitter les lieux. Il grommela quelques jurons lorsque la main gantée plongea dans le sac en papier.
Geste inutile. Voilà bien longtemps que les oiseaux évitaient ce parc. Il avait fait ce qu’il fallait pour cela. Il ne supportait pas leurs fientes qui souillaient fontaines et statues, leurs piaillements qui l’éveillaient bien avant l’aube.
Et cependant, tous les soirs, cette vieille folle revenait et le retenait jusqu’à la dernière seconde. Il serra les dents. Il avait su se débarrasser de ces horribles volatiles, il saurait bien en faire autant pour elle. D’ailleurs, puisqu’elle aimait tant ce banc…
Il étreignit rageusement la clé et accéléra le pas vers l’entrée.
Le gardien tendait la main vers la serrure de la grille quand quelque chose l’atteignit entre les omoplates. Il tourna la tête à temps pour voir arriver une autre boule de neige mais pas assez pour l'éviter. La masse compacte, dure, le heurta au creux des reins. Surpris par la violence de l’impact il trébucha et perdit l’équilibre.
Il s’effondra sur l’ombre des barreaux, parfait alignement de javelots aux pointes acérées. Il demeura ainsi, dans une étrange position, comme suspendu aux crocs meurtriers alors que le tapis blanc se teintait de rouge.
La vieille dame se redressa, déversa à ses pieds ce qui restait de graines. Elle retira ses gants gris, humides, et les glissa dans son petit sac noir.
Un chant s’éleva d’un maigre buisson… puis un autre… et encore un autre.
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 73
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Très chouette
J’aime beaucoup ce petit meurtre entre ennemis volatiles!
En fait, j’aime la surprise de la chute, la revanche de la petite vieille à plumes :-)
Juste une humble remarque (je ne suis rien donc à prendre en l’air, la remarque). Le premier paragraphe (on dit ça?), même si je conçois bien qu’il est là pour planter le décor, a failli m’empêcher de poursuivre.
Ceci dit, ça contribue à l’étonnement final et c’est mon défaut de lectrice, je suis flemmarde, j’adore entrer de suite dans l’action.
En fait, j’aime la surprise de la chute, la revanche de la petite vieille à plumes :-)
Juste une humble remarque (je ne suis rien donc à prendre en l’air, la remarque). Le premier paragraphe (on dit ça?), même si je conçois bien qu’il est là pour planter le décor, a failli m’empêcher de poursuivre.
Ceci dit, ça contribue à l’étonnement final et c’est mon défaut de lectrice, je suis flemmarde, j’adore entrer de suite dans l’action.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Le gardien du square
A défaut de le faire aux zoziaux, il serait bon de tordre le cou aux portraits quelque peu caricaturaux de la vielle dame et du gardien. J'ai grincé plus d'une fois, et notamment à "cette vieille folle". Je sais bien que c'est pour préparer le terrain, amener le dénouement mais je pense que tu as suffisamment de "métier" pour estomper le trait.
La chute est chouette, d'une cruauté toute factuelle ....
Juste une chose : Un chant s’éleva d’un maigre buisson… puis un autre… et encore un autre.
L'ajout d'un adjectif comme par exemple "mélodieux" permettrait de comprendre tout de suite qu'il s'agit d'un chant d'oiseau ; ça ne m'a pas sauté d'emblée à l'entendement, en partie parce que, idiotement, je ne m'attendais pas à entendre chanter des oiseaux en janvier...
La chute est chouette, d'une cruauté toute factuelle ....
Juste une chose : Un chant s’éleva d’un maigre buisson… puis un autre… et encore un autre.
L'ajout d'un adjectif comme par exemple "mélodieux" permettrait de comprendre tout de suite qu'il s'agit d'un chant d'oiseau ; ça ne m'a pas sauté d'emblée à l'entendement, en partie parce que, idiotement, je ne m'attendais pas à entendre chanter des oiseaux en janvier...
Invité- Invité
Re: Le gardien du square
Sympa ! J'aime beaucoup cette idée suggéré du gardien transpercé par l'ombre des barreaux...
Remarques :
« La neige tombée sans discontinuer depuis la veille jusqu’à la mi-journée, (pourquoi une virgule ici ? si vous tenez à isoler le groupe apposition, je pense qu’il serait préférable d’en introduire une autre après « neige », pour compléter l’incise) recouvrait sentiers de sable terne »
« Manteau gris sagement lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires parfaitement lustrées. » : un peu lourd selon moi, les trois adverbes en « ment » dans la même phrase, même si je me doute que c’est exprès
Remarques :
« La neige tombée sans discontinuer depuis la veille jusqu’à la mi-journée, (pourquoi une virgule ici ? si vous tenez à isoler le groupe apposition, je pense qu’il serait préférable d’en introduire une autre après « neige », pour compléter l’incise) recouvrait sentiers de sable terne »
« Manteau gris sagement lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires parfaitement lustrées. » : un peu lourd selon moi, les trois adverbes en « ment » dans la même phrase, même si je me doute que c’est exprès
Invité- Invité
Re: Le gardien du square
Belle chute pour une morale résolument du côté des vieilles dames et des oiseaux ( faut bien se défendre, y'a des crêtés et même parfois des crétins qui nous attaquent en espérant l'impunité, les innocents ^! et je mets bien des sourires pour indiquer le second degré)^
Juste le premier paragraphe qui me semble un peu convenu, en particulier épais tapis blanc floconneux qui ne passe vraiment pas.
Et je partage l'avis de socque concernant les trois adverbes.
Sinon, juste deux mots : bien fait !
Juste le premier paragraphe qui me semble un peu convenu, en particulier épais tapis blanc floconneux qui ne passe vraiment pas.
Et je partage l'avis de socque concernant les trois adverbes.
Sinon, juste deux mots : bien fait !
Invité- Invité
Re: Le gardien du square
Quelque chose m'échappe Réginelle. Tu parles de l'ombre des barreaux, alors c'est pour de rire ? Mais d'un autre côté, tu parles d'une mare de sang.
Plotine- Nombre de messages : 1962
Age : 81
Date d'inscription : 01/08/2009
Re: Le gardien du square
beaucoup d'adjectifs et d'adverbes en début de texte, trop, mais il y a la suite, et quelle suite ! originale !
Re: Le gardien du square
Un très joli texte, parfaitement visuel, ce que j'adore. Mon imaginaire y met du Tardi, et c'est de toute beauté, avec de longues ombres qui s'allongent...
Une remarque : le trousseau de clés à bruit de crécelle. Impossible. Rien à voir. Une crécelle tourne et cliquette, d'où la voix de crécelle attribuée à certains volatiles. Le trousseau remué, quel que soit le mouvement, ne pourra avoir un son que métallique et bruissant, jamais claquant comme la crécelle, pourvue d'un engrenage qui heurte et comprime la planchette de bois, ou de métal. La vitesse de rotation modifiant, évidemment, la sonorité.
Une remarque : le trousseau de clés à bruit de crécelle. Impossible. Rien à voir. Une crécelle tourne et cliquette, d'où la voix de crécelle attribuée à certains volatiles. Le trousseau remué, quel que soit le mouvement, ne pourra avoir un son que métallique et bruissant, jamais claquant comme la crécelle, pourvue d'un engrenage qui heurte et comprime la planchette de bois, ou de métal. La vitesse de rotation modifiant, évidemment, la sonorité.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le gardien du square
Bonsoir Réginelle,
j'ai bien aimé cette histoire douce-amère...
Je me suis fait la même réflexion de Plotine (et avant qu'elle ne signale, j'ai pas copié m'dame !), même si l'image est sympa, j'ai pas compris le sang... peut-être est-il dû à la chute, mais dans ce cas, une mare est énorme non ?
J'aurais bien aimé en savoir plus sur comment le gardien s'y est pris pour chasser les oiseaux du parc, un moyen complètement absurde pourquoi pas...
Ah oui ! Je me suis aussi demandé comment une boule de neige lancée dans les omoplates d'un gardien par une vielle femme avait pu le déséquilibrer à ce point, c'est la grand-mère de Hulk la mémé ou bien ?
En résumé, j'aurais bien prolongé ma lecture encore un peu...
j'ai bien aimé cette histoire douce-amère...
Je me suis fait la même réflexion de Plotine (et avant qu'elle ne signale, j'ai pas copié m'dame !), même si l'image est sympa, j'ai pas compris le sang... peut-être est-il dû à la chute, mais dans ce cas, une mare est énorme non ?
J'aurais bien aimé en savoir plus sur comment le gardien s'y est pris pour chasser les oiseaux du parc, un moyen complètement absurde pourquoi pas...
En parlant d'absurde, puisque le froid n'incitait pas à la flânerie, j'aurais bien vu les canards faire du patin à glace pour se réchauffer :-)Le froid glacial de ces premiers jours de janvier n’incitait pas à la flânerie. Les canards avaient déserté la surface gelée de l’étang
Ah oui ! Je me suis aussi demandé comment une boule de neige lancée dans les omoplates d'un gardien par une vielle femme avait pu le déséquilibrer à ce point, c'est la grand-mère de Hulk la mémé ou bien ?
En résumé, j'aurais bien prolongé ma lecture encore un peu...
Peter Pan- Nombre de messages : 3709
Age : 48
Localisation : Pays des rêves et de l'imaginaire
Date d'inscription : 16/04/2009
Re: Le gardien du square
Peter Pan a écrit:
c'est la grand-mère de Hulk la mémé ou bien ?
... m'a bien fait rire celle-là (mais c'est pas faux : c'est balèze comme tir !)
Le début : oui, pourrait être un peu allégé, moins "convenu".
La chute, à mon goût pas assez placée par avance dans un univers étrange pour que je "marche" dans le truc de l'ombre des grilles qui transpercent le gardien. Les personnages me semblent manquer de nuances (un peu manichéen : la gentille dame aux oiseaux, le méchant gardien).
Et puis les oiseaux qui chantent à l'heure de la fermeture du parc en janvier, ben là, ils sont motivés hein !
C'est néanmoins fort bien écrit Réginelle !
demi-lune- Nombre de messages : 795
Age : 63
Localisation : Tarn
Date d'inscription : 07/11/2009
Re: Le gardien du square
Voilà, tous les petits réglages sont signalés, donc il ne me reste plus qu'à te dire : sympa ton texte !
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
le gardien
Bonjour réginelle.
Ce qui m'a le plus botté dans ton texte, c'est le coté surréaliste de l'ombre portée des pointes qui embroche ce salopard de gardien et le font saigner. c'est en tout cas ainsi que j'ai compris ton histoire et comme ça que je l'aime.
Ce qui m'a le plus botté dans ton texte, c'est le coté surréaliste de l'ombre portée des pointes qui embroche ce salopard de gardien et le font saigner. c'est en tout cas ainsi que j'ai compris ton histoire et comme ça que je l'aime.
outretemps- Nombre de messages : 615
Age : 77
Date d'inscription : 19/01/2008
Re: Le gardien du square
Ce passage est surchargé de répétitions, d'adjectifs et d'adverbes, même si c'est voulu pour la caricature.Reginelle a écrit:Le gardien du square...
Elle était là. Encore. Sur ce même banc, au pied du même marronnier. Assise bien droite sous le même petit chapeaunoir à voilette grise, les mains toujours gantées de gris croiséessur le même petit sac noir. Manteau gris sagement lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires parfaitement lustrées. Près d’elle, le même sachet en papier bistre duquel, régulièrement, elle prélevait une pleine poignée de graines et de miettes de pain qu’elle dispersait avec précision autour d’elle d’un seul mouvement de poignet.
J'ai failli m'arrêter là et je n'aurais pas découvrir la fin originale (même si invraisemblable)... Dommage, non ?
Invité- Invité
Re: Le gardien du square
Les oiseaux peuvent chanter quand ils veulent, pour le plaisir ou le déplaisir de l'homme.
Une petite histoire comme j'aime, succinte, qui contient description, personnages tendres et (ou)cruels, chute originale.
Les répétitions de "même" sont trop nombreuses à mon avis.
Une petite histoire comme j'aime, succinte, qui contient description, personnages tendres et (ou)cruels, chute originale.
Les répétitions de "même" sont trop nombreuses à mon avis.
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Le gardien du square
Les remarques sur la forme ont déjà été faites, je ne m’intéresserai donc qu’au fond.
Dans un square désert, sans vie, gelé sous l’hiver, une vieille dame nourrit des oiseaux illusoires, elle nourrit des ombres. Les oiseaux, chassés du lieu, picorent pourtant dans son imaginaire, qui semble conserver la douceur d’un éternel printemps, le temps immuable d’une perpétuelle jeunesse, un temps enchanté.
Le gardien du square veut chasser la dame, l’exiler hors de ses rêves et illusions.
Un trousseau de clefs à la main, pressé de fermer les grilles du parc, il rôde tel un gardien de prison qui veille à l’enfermement, qui empêche toute liberté. Mais à la différence d’un geôlier, il ne maintient pas à l’intérieur, il met dehors, il expulse, fait le vide, il vide. Un videur de vie, un producteur de désert, un fonctionnaire de la mort.
Quelle horreur pour la vieille dame : être refoulée loin de ses rêves, exilée du printemps, virée de son imaginaire, poussée hors de la vie, emprisonnée dans le réel derrière les grilles du square. Mais elle est encore vivante, la vieille dame ; en elle, la vie résiste. Elle mène la bataille avec une boule de neige. C’est sa vie roulée dans ses songes, projectile blanc immaculé, qui vole à son secours et touche sa cible en renversant le bonhomme de mort, tout noir. Il périt, le bonhomme, transpercé par les ombres, ces ombres qu’elle cultive et nourrit chaque jour. La réalité bornée, exclusive de l’imaginaire, s’effondre ainsi sur ses propres barreaux.
Un joli texte Réginelle.
Dans un square désert, sans vie, gelé sous l’hiver, une vieille dame nourrit des oiseaux illusoires, elle nourrit des ombres. Les oiseaux, chassés du lieu, picorent pourtant dans son imaginaire, qui semble conserver la douceur d’un éternel printemps, le temps immuable d’une perpétuelle jeunesse, un temps enchanté.
Le gardien du square veut chasser la dame, l’exiler hors de ses rêves et illusions.
Un trousseau de clefs à la main, pressé de fermer les grilles du parc, il rôde tel un gardien de prison qui veille à l’enfermement, qui empêche toute liberté. Mais à la différence d’un geôlier, il ne maintient pas à l’intérieur, il met dehors, il expulse, fait le vide, il vide. Un videur de vie, un producteur de désert, un fonctionnaire de la mort.
Quelle horreur pour la vieille dame : être refoulée loin de ses rêves, exilée du printemps, virée de son imaginaire, poussée hors de la vie, emprisonnée dans le réel derrière les grilles du square. Mais elle est encore vivante, la vieille dame ; en elle, la vie résiste. Elle mène la bataille avec une boule de neige. C’est sa vie roulée dans ses songes, projectile blanc immaculé, qui vole à son secours et touche sa cible en renversant le bonhomme de mort, tout noir. Il périt, le bonhomme, transpercé par les ombres, ces ombres qu’elle cultive et nourrit chaque jour. La réalité bornée, exclusive de l’imaginaire, s’effondre ainsi sur ses propres barreaux.
Un joli texte Réginelle.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 68
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Le gardien du square
Eh eh, je ne l'avais pas vu celui-là, régal.
Surtout de vérifier que les " ombres " tuent tout aussi sûrement que la réalité qu'elles reflètent.
Acide à souhait.
Surtout de vérifier que les " ombres " tuent tout aussi sûrement que la réalité qu'elles reflètent.
Acide à souhait.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Le gardien du square
Je me demande si le même répétitif ne devrait pas disparaître. L'enclume sous le marteau reçoit toujours les coups quelque soit le forgeron. Est-il utile de préciser le mécanisme ?
Pour le reste, je garde tout en l'état.
Pour le reste, je garde tout en l'état.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Le gardien du square
j'aime bien l'ambiance, l'idée. C'est bien amené, bien écrit. Ceci étant, certaines phrases mériterait d'être un peu allégée. exple : fin du 1er paragraphe, le "qui le ceinturait" n'est peut être pas indispensable ...
Charles- Nombre de messages : 6288
Age : 48
Localisation : Hte Savoie - tophiv@hotmail.com
Date d'inscription : 13/12/2005
Re: Le gardien du square
alors voilà la nouvelle version... dans laquelle je crois avoir tenu compte de la majorité de vos remarques.
Pour "vieille folle", je suis désolée (Easter, je crois) : je n'arrive pas à le changer car, dans mon idée, c'est vraiment ainsi que la voit le gardien, un des détails qui le font antipathique.
Le gardien du square...
Le froid glacial de ces premiers jours de janvier n’incitait pas à la flânerie. Les canards avaient déserté la surface gelée de l’étang. La neige, qui tombait sans discontinuer depuis la veille, recouvrait sentiers de sable terne et pelouses mitées par l’hiver d’un épais tapis blanc. À l'intérieur de son périmètre agressivement bardé de barreaux de bronze, le square s'assombrissait.
L’heure de la fermeture approchait. La dernière ronde achevée, le gardien se hâtait vers la grande grille encore ouverte, trousseau de clés déjà à la main, pressé d’en finir, de rentrer chez lui. À quelques mètres de l’entrée du parc, il ralentit le pas et fronça les sourcils, agacé.
Elle était là. Encore. Sur son banc préféré, au pied du grand marronnier. Assise bien droite sous son éternel petit chapeau noir à voilette grise, les mains toujours gantées de gris croisées sur le petit sac noir. Manteau gris bien lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires lustrées. Près d’elle, le même sachet en papier bistre duquel, régulièrement, elle prélevait une pleine poignée de graines et de miettes de pain qu’elle dispersait avec précision autour d’elle, d’un seul mouvement de poignet.
Le gardien dévia sa route vers la silhouette assise, faisant tournoyer le trousseau de clés telle une crécelle pour attirer son attention, bras tendu vers la grille pour indiquer qu’il était temps de quitter les lieux. Il grommela quelques jurons lorsque la main gantée plongea dans le sac en papier.
Geste inutile. Voilà bien longtemps que les oiseaux évitaient ce parc. Il avait fait ce qu’il fallait pour cela. Il ne supportait pas leurs fientes qui souillaient fontaines et statues, leurs piaillements qui l’éveillaient bien avant l’aube.
Et cependant, tous les soirs, cette vieille folle revenait et le retenait jusqu’à la dernière seconde. Il serra les dents. Il avait su se débarrasser de ces horribles volatiles, il saurait bien en faire autant pour elle. D’ailleurs, puisqu’elle aimait tant ce banc…
Il étreignit rageusement la clé et accéléra le pas vers l’entrée.
Le gardien tendait la main vers la serrure de la grille quand quelque chose l’atteignit entre les omoplates. Il tourna la tête à temps pour voir arriver une autre boule de neige mais pas assez pour l'éviter. La masse compacte, dure, le heurta au creux des reins. Surpris par la violence de l’impact il trébucha et perdit l’équilibre.
Il s’effondra sur l’ombre des barreaux, parfait alignement de javelots aux pointes acérées. Il demeura ainsi, dans une étrange position, comme suspendu à des crochets invisibles, alors que le tapis blanc au-dessous de lui se teintait de rouge.
La vieille dame se redressa, déversa à ses pieds ce qui restait de graines. Elle retira ses gants gris, humides, et les glissa dans son petit sac noir.
Des trilles joyeux s'élevèrent d’un maigre buisson… puis d'autres plus loin… et encore...
Pour "vieille folle", je suis désolée (Easter, je crois) : je n'arrive pas à le changer car, dans mon idée, c'est vraiment ainsi que la voit le gardien, un des détails qui le font antipathique.
Le gardien du square...
Le froid glacial de ces premiers jours de janvier n’incitait pas à la flânerie. Les canards avaient déserté la surface gelée de l’étang. La neige, qui tombait sans discontinuer depuis la veille, recouvrait sentiers de sable terne et pelouses mitées par l’hiver d’un épais tapis blanc. À l'intérieur de son périmètre agressivement bardé de barreaux de bronze, le square s'assombrissait.
L’heure de la fermeture approchait. La dernière ronde achevée, le gardien se hâtait vers la grande grille encore ouverte, trousseau de clés déjà à la main, pressé d’en finir, de rentrer chez lui. À quelques mètres de l’entrée du parc, il ralentit le pas et fronça les sourcils, agacé.
Elle était là. Encore. Sur son banc préféré, au pied du grand marronnier. Assise bien droite sous son éternel petit chapeau noir à voilette grise, les mains toujours gantées de gris croisées sur le petit sac noir. Manteau gris bien lissé sur des bas gris soigneusement tirés dans les bottines noires lustrées. Près d’elle, le même sachet en papier bistre duquel, régulièrement, elle prélevait une pleine poignée de graines et de miettes de pain qu’elle dispersait avec précision autour d’elle, d’un seul mouvement de poignet.
Le gardien dévia sa route vers la silhouette assise, faisant tournoyer le trousseau de clés telle une crécelle pour attirer son attention, bras tendu vers la grille pour indiquer qu’il était temps de quitter les lieux. Il grommela quelques jurons lorsque la main gantée plongea dans le sac en papier.
Geste inutile. Voilà bien longtemps que les oiseaux évitaient ce parc. Il avait fait ce qu’il fallait pour cela. Il ne supportait pas leurs fientes qui souillaient fontaines et statues, leurs piaillements qui l’éveillaient bien avant l’aube.
Et cependant, tous les soirs, cette vieille folle revenait et le retenait jusqu’à la dernière seconde. Il serra les dents. Il avait su se débarrasser de ces horribles volatiles, il saurait bien en faire autant pour elle. D’ailleurs, puisqu’elle aimait tant ce banc…
Il étreignit rageusement la clé et accéléra le pas vers l’entrée.
Le gardien tendait la main vers la serrure de la grille quand quelque chose l’atteignit entre les omoplates. Il tourna la tête à temps pour voir arriver une autre boule de neige mais pas assez pour l'éviter. La masse compacte, dure, le heurta au creux des reins. Surpris par la violence de l’impact il trébucha et perdit l’équilibre.
Il s’effondra sur l’ombre des barreaux, parfait alignement de javelots aux pointes acérées. Il demeura ainsi, dans une étrange position, comme suspendu à des crochets invisibles, alors que le tapis blanc au-dessous de lui se teintait de rouge.
La vieille dame se redressa, déversa à ses pieds ce qui restait de graines. Elle retira ses gants gris, humides, et les glissa dans son petit sac noir.
Des trilles joyeux s'élevèrent d’un maigre buisson… puis d'autres plus loin… et encore...
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 73
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Le gardien du square
Je trouve que l'extrême élision du texte, pour le coup, le dessert plutôt. Je préférais le lent climat de la première version à cette promptitude coléreuse du gardien.
J'ai appris avec intérêt que les trilles avaient changé de genre.
J'ai appris avec intérêt que les trilles avaient changé de genre.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le gardien du square
Je ne sais ce qui s'est passé, j'ai dû lire de travers ; cette version est tout à fait convaincante, notamment dans la chute. Mille excuses pour le précédent com trop hâtif.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le gardien du square
mdrrrrrrrr...
merci à la modération de corriger ça... trilles joyeux
je sais pas pourquoi je dis sans problèmes de "joyeux trilles" et je passe au féminin pour trilles joyeuses.
merci à la modération de corriger ça... trilles joyeux
je sais pas pourquoi je dis sans problèmes de "joyeux trilles" et je passe au féminin pour trilles joyeuses.
Reginelle- Nombre de messages : 1753
Age : 73
Localisation : au fil de l'eau
Date d'inscription : 07/03/2008
Re: Le gardien du square
Reginelle a écrit:mdrrrrrrrr...
merci à la modération de corriger ça... trilles joyeux
je sais pas pourquoi je dis sans problèmes de "joyeux trilles" et je passe au féminin pour trilles joyeuses.
Parce que tu intervertis : joyeux drilles, treilles joyeuses. Les uns le devant aux autres.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
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Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le gardien du square
Que vive la " vieille dame indigne " avec ou sans " trilles "sexuées.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
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