TEXTES 1500 : Saison 2 - Les lardonnes de bord de mer

"Reste calme" me répétais-je depuis près d'un quart d'heure.

Je n'étais pas allée à la plage depuis que j'étais petite fille, et ce jour là, enfin, j'avais pu m'allonger, un livre entre les mains, sur le sable brûlant. Il faisait beau, la mer était bleue... c'eût été le rêve sans cette gamine qui hurlait à côté de moi: "Maman, maman, regarde mon château de sable maman! Tu m'achètes des beignets? Ou des chouchous? Maman, maman, tu fais quoi maman, tu lis quoi, maman?". Au bout d'une demi-heure de ce manège, et lorsqu'elle commença à pleurnicher, je me décidai à intervenir, de fort méchante humeur.
- Dîtes, elle va brailler encore longtemps votre petite?
- Elle vient de perdre son doudou, m'expliqua la maman d'un air désolé.
Le doudou était clairement visible, appuyé contre le dos de mon imbécile d'interlocutrice. Je l'attrapai vivement, et le rendit à la môme, qui hurla de plus belle tant son bonheur était grand d'avoir retrouvé la peluche.
- Je l'avais caché exprès! me confia la maman pendant que sa morveuse bavait sur son nounours, regardez comme elle est contente maintenant!
- Elle crie tout le temps comme ça?
- C'est que c'est une enfant! me dit-elle avec un sourire abominable de gentillesse, et les enfants sont... pleins de vie!

Nous cessâmes de discuter, d'une part parce que j'étais effarée de la découvrir si niaise, et de l'autre parce que sa progéniture venait de s'enfoncer un coquillage dans le pied et gueulait comme une truie. Je profitai du fait que ni l'une ni l'autre ne me regarde pour balancer le doudou à l'eau. "Avec un peu de chance" me dis-je, "elle ira se noyer pour le récupérer".

J'avais toujours pensé que les enfants pleins de vie étaient bien moins dérangeants au fond de la mer qu'au bord.

Gros bisous émus pour la dernière phrase ! Le format étriqué ne permet pas à la méchanceté du texte de se déployer complètement à fond, mais c'est déjà bien réjouissant comme ça ! Très chouette.

Remarques :
« et ce jour-là (trait d’union) »
« regarde mon château de sable maman! » : typographie, une espace avant le point d’exclamation
« Tu m'achètes des beignets? Ou des chouchous? Maman, maman, tu fais quoi maman, tu lis quoi, maman? » : typographie, une espace avant chaque point d’interrogation
« Dites, elle va brailler encore longtemps votre petite? » : typographie, une espace avant le point d’interrogation
« Je l'avais caché exprès! me confia la maman pendant que sa morveuse bavait sur son nounours, regardez comme elle est contente maintenant!
- Elle crie tout le temps comme ça?
- C'est que c'est une enfant! me dit-elle avec un sourire abominable de gentillesse, et les enfants sont... pleins de vie! » : typographie, une espace avant chaque point d’exclamation et chaque point d’interrogation

Moi aussi j'ai apprécié, M-arjolaine. Bien qu'en effet, le format 1500 ne soit pas vraiment adapté à la cruauté qui caractérise ta plume.

Bonsoir,

Je n'ai pas compris le truc du doudou volontairement caché par la mère ... Cela me paraît être un acte de méchanceté de la mère à l'endroit de son enfant. Dès lors, pourquoi la narratrice qui est visiblement dans ce registre-là elle aussi, trouve-t-elle que son interlocutrice est niaise ? La gentillesse affichée par la mère s'adressant en outre à la narratrice et non à l'enfant !
Qui n'a pas eu ses propres enfants ne sait rien de ce qui peut se passer entre un enfant et sa mère ou son père ... ou les deux !

Deux remarques supplémentaires :
- Je l'attrapai vivement, et le rendis à la môme ...
- Je profitai du fait que ni l'une ni l'autre ne me regardait ...

Elle y est certainement, mais je n'ai pas réussi à détecter la référence à John Fante !

Caresses et Bise à l'Oeil
Midnightrambler

midnightrambler a écrit:(...)
- Je profitai du fait que ni l'une ni l'autre ne me regardait ...
(...)

Je pense que le "ne me regarde" de M-arjolaine est tout à fait correct : un subjonctif.
"Je profitai du fait que l'autre con ait le regard ailleurs" me paraît très possible.

J'adhère au phantasme d'un enfant resté au fond de la " mer "...

Midnightrambler

Ce n'est pas du tout un acte de la méchanceté de la mère! Elle a caché le doudou pour que sa fille puisse le retrouver et être doublement plus contente! Elle est donc bel et bien niaise ;-)

Comme quoi, il n'y a pas eu longtemps à attendre pour retrouver la méchante M-arjolaine ! Très drôle. Je suis secouée de rire. C'est bon.

Ecriture nerveuse qui colle parfaitement au contenu du texte.Texte réjouissant.
Suffisamment pervers et habile pour que l'énervement de la narratrice concernant la petite teigne nous atteigne et nous gagne à sa cause .

J'adore les enfants...
Bon, peut-être pas dans le train le matin. Mais c'est parce que là, je ne peux pas changer de place.
A mon avis c'est la niaise qu'il fallait noyer.

Oh ! Que c’est horrible ! Mais, vrai, qu’est-ce qu’on aime haïr avec la narratrice. Moi, en tout cas. Quoi de pire que les hurlements d’un bambin quand on aspire à un peu de détente ? Réflexion faite, la plage est-elle le lieu idoine pour cela?
Cette mère qui en est peut-être aux premières tentatives d’apprentissage de la vie sans le doudou n’est pas très fut fut. J’ai bien aimé comment on été saisis les personnages en un texte si court et ai suivi avec joie le va-et-vient entre les considérations de la narratrice et les dialogues.
Quelques précisions :
« d'une part (…) de l’autre » , cela me gêne un peu. D’une autre va mieux ici.
Il me semble que les derniers guillemets son superflus.
Merci de cet instant abominable.

Ah, moi j'ai toujours dit et vu écrit "D'une part... de l'autre", parce qu'il n'y a que deux choix. En revanche, je crois qu'on dit plus souvent "D'un côté... d'un autre côté", quand on sélectionne deux points de vue possibles parmi davantage.

La dernière phrase est ciselée, une gemme d'horreur consommée.
Un ou deux points bancals dans ce qui précède, dû au format court j'en suis convaincue. Mais un bon texte dans l'ensemble.

Ha mince... la dernière phrase... un régal de cruauté, j'adore ça!
C'est bien raconté, vif à souhait et tout s'écoule avec facilité.
J'ai juste une interrogation sur le fait que la perte du doucou provoque ces réactions chez la gamine plutpot que des larmes et des crises de colère à répétition. Là, elle semble active -très- mais pas de méchante humeur ni triste.
Ceci mis à part, je trouve ceci impeccable, merci M-arjolaine !

Que c'est bon. J'ai adoré ce petit texte. Les enfants des autres, quelle horreur...et j'imagine la mère aussi braillarde que sa lardonne, forcément, les chiens ne font pas des chats.

J'adooore...combien de fois n'ai-je pas rêvé de noyer mes filles? ;-)

Oh que bien vu ! Et si joliment torché ( j'ai osé, vu le contexte ), en si peu de mots...

Personnellement, j'aurais mis, en dernière phrase : J'avais toujours pensé que les enfants pleins de vie étaient bien moins dérangeants une fois qu'ils l'avaient perdue.

Mais bon, peut-être certains m'auraient-ils jugé excessif ?

En tous cas, je te suis tout acquis.

Ubik.

Socque, vous avez raison, aux temps pour moi.

Bof ! La narratrice se borne à penser, et penser n'a jamais fait taire personne, et encore moins un lardon à tuer. "Avec un peu de chance..." la chance, il me semble qu'il faut l'aider un peu, non ?
Moins enthousiaste que les autres commentateurs. Cruauté ? Où donc ?

Pas emballé non plus, question de traitement j'imagine.

j'ai du mal à faire la relation entre les cris de la gamine et le doudou.
Dans la première partie, je crois qu'il n'y en a aucune. Jusqu'à "commença à pleurnicher". L'indication "sans motif" donnerait peut-être plus de force à l'énervement.

Et des pleurnichements, après des hurlements, pour être moins "casse oreilles", ça brise la progression qui doit conduire à l'intervention. Je crois qu'évoquer une gosse qui trépigne, se roule par terre, hurle est plus fort que "des pleurnichements"

Voilà, juste quelques détails qui heurtent ma logique. (qui n'est pas forcément celle de tout le monde, lol !)

En revanche, j'ai beaucoup aimé l'absurdité du dialogue. Reflet de celle de la mère ?

Et j'y retrouve aussi cet agacement "assassin" que l'on ressent envers des gosses qui ne sont pas les nôtres. Quoique... des fois...