Un habit de chlorophylle
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Un habit de chlorophylle
(ceci n'est pas une nouvelle, je ne sais comment classer cet écrit, je ne sais comment il peut être perçu...)
Un habit de chlorophylle
L’être est d’abord moitié brute, moitié forêt ;
Mais l’air veut devenir esprit ; l’homme apparaît.*
Trésors d’amour propre recouverts d'empathie de pacotille.
Trésors frappés de certitudes.
Trésors entassés au fond des poches, cousus à l’intérieur des frusques, confondus aux épaulettes.
La carrure est belle, mais l’homme ainsi harnaché, avance rembourré comme le bât d’un mulet,
puis s’écroule sous le poids des ses biens qui l’attachent.
Il est temps pour l’homme de se glisser dans un habit de chlorophylle dont les fibres de la limbe regorgent d’énergie végétale.
C’est l’heure où les jours rallongent et où l’on peut tendre une nappe sur les auréoles des pâquerettes,
les crocus perceront de leurs tiges florales la blanche surface pour y ouvrir leurs calices.
La table est dressée pour le festin champêtre ; les enfants dansent de joie et saisissent la main de leur tuteur.
Des amulettes volantes aux élytres vermeilles chatouillent l’air et frôlent les corps légers.
Derrière le rideau des lucioles, un grand fossé…faut-il écarter le voile et oser un regard sur la voie de terre au-delà ?
Un autre monde à portée de main, un autre monde et l’on voudrait soustraire l’enfant à cette vue !
Peut-on s’y aventurer et être assuré de ne pas lâcher la main de notre protégé ?
Il faut une grande force pour tenter la traversée ; personne ne peut prétendre la posséder.
La seule protection ; une cuirasse de douceur invisible.
On ne peut ignorer l’humanité en marche, il ne reste qu’à se fondre en elle mais en tâchant de voir clair en soi.
Jusqu’au fond de soi-même.
Il faut sortir et s’immerger dans la horde en décomposition ; ce fleuve sombre qui charrie des corps, pas tout à fait vivants, pas encore morts.
Des êtres rampent dans la poussière, leur chair en lambeaux perd sa consistance, ils suivent un cerbère aux multiples têtes,
ils s’enchaînent les uns aux autres et s’articulent fébrilement en ondulations flasques.
Chaque être est un maillon que talonne le maillon suivant et ils avancent dans une morne agitation.
Traverser la voie sans être hypnotisé par ce mouvement impérieux.
Sans paniquer, avancer en gardant l’équilibre pour ne pas sombrer et se laisser happer par cette nature mouvante.
Personne ne provoquera la chute ; aucune hostilité, il n’y a rien de mal intentionné nulle part, juste un flux fascinant.
Le regard observe un simple mouvement de souffrance qui se propage avec vélocité.
Puissance de ce mouvement !
Son attraction nous saisit et laisse entrevoir la facilité avec laquelle on peut devenir matière mouvante.
Ils sont tous si absorbés, et si vides, le cerbère ne les contraint en rien, ils suivent…
Je me demande si le simple fait de redresser la tête, d’adopter la posture du cobra, ne suffirait pas à rompre la chaîne de douleur.
La joie est-elle d’une fluidité inexorable ?
Non, elle est étincelles d’instants, elle est pétillante et se laisse contempler dans l’acte d’être au cœur même de la chair.
Elle est allégresse verticale, unité indissociable à la nature humaine, une force volante comme l’est l’oiseau par sa propre nature.
Dans l’intimité de la chair, la totalité de l’être humain et la joie ressentie viscéralement produisent un embrasement suave.
Un frais parfum sortait de touffes d’asphodèles*…mes sens anesthésiés n’ont pas perçu les senteurs des prairies infernales.
J’ai vu par contre dans les broussailles les petits points verts des feuilles du chèvrefeuille des bois.
La nature prépare déjà la fête du printemps, sans hâte, je vais, mes pas suivant le rythme harmonieux des saisons et les yeux levés vers le ciel.
Ce soir des nuages formant un anneau orangé voguent par-dessus les arbres de la petite forêt.
Un habit de chlorophylle
L’être est d’abord moitié brute, moitié forêt ;
Mais l’air veut devenir esprit ; l’homme apparaît.*
Trésors d’amour propre recouverts d'empathie de pacotille.
Trésors frappés de certitudes.
Trésors entassés au fond des poches, cousus à l’intérieur des frusques, confondus aux épaulettes.
La carrure est belle, mais l’homme ainsi harnaché, avance rembourré comme le bât d’un mulet,
puis s’écroule sous le poids des ses biens qui l’attachent.
Il est temps pour l’homme de se glisser dans un habit de chlorophylle dont les fibres de la limbe regorgent d’énergie végétale.
C’est l’heure où les jours rallongent et où l’on peut tendre une nappe sur les auréoles des pâquerettes,
les crocus perceront de leurs tiges florales la blanche surface pour y ouvrir leurs calices.
La table est dressée pour le festin champêtre ; les enfants dansent de joie et saisissent la main de leur tuteur.
Des amulettes volantes aux élytres vermeilles chatouillent l’air et frôlent les corps légers.
Derrière le rideau des lucioles, un grand fossé…faut-il écarter le voile et oser un regard sur la voie de terre au-delà ?
Un autre monde à portée de main, un autre monde et l’on voudrait soustraire l’enfant à cette vue !
Peut-on s’y aventurer et être assuré de ne pas lâcher la main de notre protégé ?
Il faut une grande force pour tenter la traversée ; personne ne peut prétendre la posséder.
La seule protection ; une cuirasse de douceur invisible.
On ne peut ignorer l’humanité en marche, il ne reste qu’à se fondre en elle mais en tâchant de voir clair en soi.
Jusqu’au fond de soi-même.
Il faut sortir et s’immerger dans la horde en décomposition ; ce fleuve sombre qui charrie des corps, pas tout à fait vivants, pas encore morts.
Des êtres rampent dans la poussière, leur chair en lambeaux perd sa consistance, ils suivent un cerbère aux multiples têtes,
ils s’enchaînent les uns aux autres et s’articulent fébrilement en ondulations flasques.
Chaque être est un maillon que talonne le maillon suivant et ils avancent dans une morne agitation.
Traverser la voie sans être hypnotisé par ce mouvement impérieux.
Sans paniquer, avancer en gardant l’équilibre pour ne pas sombrer et se laisser happer par cette nature mouvante.
Personne ne provoquera la chute ; aucune hostilité, il n’y a rien de mal intentionné nulle part, juste un flux fascinant.
Le regard observe un simple mouvement de souffrance qui se propage avec vélocité.
Puissance de ce mouvement !
Son attraction nous saisit et laisse entrevoir la facilité avec laquelle on peut devenir matière mouvante.
Ils sont tous si absorbés, et si vides, le cerbère ne les contraint en rien, ils suivent…
Je me demande si le simple fait de redresser la tête, d’adopter la posture du cobra, ne suffirait pas à rompre la chaîne de douleur.
La joie est-elle d’une fluidité inexorable ?
Non, elle est étincelles d’instants, elle est pétillante et se laisse contempler dans l’acte d’être au cœur même de la chair.
Elle est allégresse verticale, unité indissociable à la nature humaine, une force volante comme l’est l’oiseau par sa propre nature.
Dans l’intimité de la chair, la totalité de l’être humain et la joie ressentie viscéralement produisent un embrasement suave.
Un frais parfum sortait de touffes d’asphodèles*…mes sens anesthésiés n’ont pas perçu les senteurs des prairies infernales.
J’ai vu par contre dans les broussailles les petits points verts des feuilles du chèvrefeuille des bois.
La nature prépare déjà la fête du printemps, sans hâte, je vais, mes pas suivant le rythme harmonieux des saisons et les yeux levés vers le ciel.
Ce soir des nuages formant un anneau orangé voguent par-dessus les arbres de la petite forêt.
* Victor Hugo (La légende des Siècles)
Carmen P. le 25 janvier 2010
Carmen P. le 25 janvier 2010
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Un habit de chlorophylle
Beaucoup d'allure ! Le style est un peu appuyé pour mon goût, avec quelque chose de pompeux, mais c'est mon goût. J'aime ce texte, avec réticence, parce que j'en trouve l'écriture un peu "trop" (chargée, raide)...
Quelques remarques :
« Trésors d’amour-propre (trait d’union) »
« l’homme ainsi harnaché, (pourquoi une virgule ici ?) avance rembourré »
« touffes d’asphodèles*…mes sens anesthésiés » : typographie, une espace après les points de suspension
Quelques remarques :
« Trésors d’amour-propre (trait d’union) »
« l’homme ainsi harnaché, (pourquoi une virgule ici ?) avance rembourré »
« touffes d’asphodèles*…mes sens anesthésiés » : typographie, une espace après les points de suspension
Invité- Invité
Re: Un habit de chlorophylle
Purée... C'est vraiment très bien, la prose parfois poétique soutien des propos sur lesquels je viens et reviens. Je relirai demain encore.
Pour traverser la voie.
Pour traverser la voie.
Invité- Invité
Re: Un habit de chlorophylle
Bonjour !
Moi j'y ai perçu une prose paysagère immersive. Il est plaisant de s'y perdre, de se libérer des images premières/faciles pour y voir ce naturant qui altère notre vision, de ne pas savoir où l'on va si ce n'est côtoyer cette succession de dynamismes végétaux constituant ce « flux ».
Un léger bémol sur les trésors du début et les quelques traces humaines qui, peut-être, nous écarte du sujet ou nous ramène à un semblant de réalité — en supposant évidemment que l'intention première soit que le lecteur « contemple dans l’acte d’être au cœur même de la chair ».
Au plaisir de lire une autre prose ! (et de relire celle-ci)
Moi j'y ai perçu une prose paysagère immersive. Il est plaisant de s'y perdre, de se libérer des images premières/faciles pour y voir ce naturant qui altère notre vision, de ne pas savoir où l'on va si ce n'est côtoyer cette succession de dynamismes végétaux constituant ce « flux ».
Un léger bémol sur les trésors du début et les quelques traces humaines qui, peut-être, nous écarte du sujet ou nous ramène à un semblant de réalité — en supposant évidemment que l'intention première soit que le lecteur « contemple dans l’acte d’être au cœur même de la chair ».
Au plaisir de lire une autre prose ! (et de relire celle-ci)
Enyo- Nombre de messages : 64
Age : 38
Date d'inscription : 06/09/2009
Re: Un habit de chlorophylle
Je lis ceci comme un voyage initiatique et en tant que tel, le ton que je décèle en filigrane aurait plutôt tendance à me hérisser le poil. Toutefois, j'aime vraiment beaucoup le début, "comment ça a commencé", la mise en scène :
La carrure est belle, mais l’homme ainsi harnaché, avance rembourré comme le bât d’un mulet,
puis s’écroule sous le poids des ses biens qui l’attachent.
Ensuite, je dois avouer, reconnaître, malgré mes réserves personnelles et de façon aussi objective que possible, que c'est drôlement bien mené, avec grande maîtrise et élégance. Alors, bravo.
La carrure est belle, mais l’homme ainsi harnaché, avance rembourré comme le bât d’un mulet,
puis s’écroule sous le poids des ses biens qui l’attachent.
Ensuite, je dois avouer, reconnaître, malgré mes réserves personnelles et de façon aussi objective que possible, que c'est drôlement bien mené, avec grande maîtrise et élégance. Alors, bravo.
Invité- Invité
Re: Un habit de chlorophylle
Un texte qui lorsque je l'ai relu m'a laissée perplexe.
Le ton ne reflète absolument pas ma présence aux autres au naturel.
Un ton - tout comme certaines images- qui a surgi du rêve.
Au réveil, parfois, je capte les sensations oniriques avant qu'elles ne se dissipent dans le rythme de la vie diurne. J'ai mêlé ces sensations, à mes observations de la nature, et aux idées que la citation de Victor Hugo a éveillées en moi.
Je ne réalise pas souvent ce genre de cocktail !
Le ton ne reflète absolument pas ma présence aux autres au naturel.
Un ton - tout comme certaines images- qui a surgi du rêve.
Au réveil, parfois, je capte les sensations oniriques avant qu'elles ne se dissipent dans le rythme de la vie diurne. J'ai mêlé ces sensations, à mes observations de la nature, et aux idées que la citation de Victor Hugo a éveillées en moi.
Je ne réalise pas souvent ce genre de cocktail !
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Un habit de chlorophylle
Alors c'est dommage car ça se laisse déguster même sans glaçons!Carmen P. a écrit:Je ne réalise pas souvent ce genre de cocktail !
Mais pas sans frissons ! j'ai vraiment apprécié cette ambiance "bord du monde" . Bravo à toi .
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Un habit de chlorophylle
Carmen P. a écrit:(ceci n'est pas une nouvelle, je ne sais comment classer cet écrit, je ne sais comment il peut être perçu...)
Un habit de chlorophylleCarmen P. le 25 janvier 2010[/center]
Ta prose poétique se rapproche de celle de dominique Sampiero
tu devrais lire le "territoire du papillon"
c'est un recueil de textes
Des minutes de vies enchâssés dans des textes très courts.
Mélange de réflexions philosophiques, de ressentis, capture de moment éphémères
fugitifs, avec une écriture qu'on pourrait qualifier "d'impressionniste".
signé Jane(k)
la bannie
la peste noire
l'infréquentable
la proscrite des petits beurres
(peuxpasexpliquerici)
PtiteBoueOsoulier- Nombre de messages : 7
Age : 58
Date d'inscription : 27/05/2011
Re: Un habit de chlorophylle
Je ne savais pas où te retrouver. Je ne peux pas t'envoyer de mp, ni accéder à ton site !
Je lirai Dominique Sampiero. J'ai déjà suivi les conseils de quelques membres de "Vos Ecrits" qui me recommandaient la lecture de Carole Martinez, et ils ont eu bien raison : j'adore !
Je lirai Dominique Sampiero. J'ai déjà suivi les conseils de quelques membres de "Vos Ecrits" qui me recommandaient la lecture de Carole Martinez, et ils ont eu bien raison : j'adore !
Carmen P.- Nombre de messages : 537
Age : 69
Localisation : Ouest
Date d'inscription : 23/04/2010
Re: Un habit de chlorophylle
Carmen P. a écrit:Je ne savais pas où te retrouver. Je ne peux pas t'envoyer de mp, ni accéder à ton site !
Je lirai Dominique Sampiero. J'ai déjà suivi les conseils de quelques membres de "Vos Ecrits" qui me recommandaient la lecture de Carole Martinez, et ils ont eu bien raison : j'adore !
Dommage qu'on ne peut pas envoyer de mp ici, sinon je t'aurais donné l'adresse de mon Oeuf de Dragon
et oui le Dragon Mère est mort mais il a laissé un ptit Oeuf, avec de belles ailes de cuir bien tendues et toutes fraîches dans un nouveau nid à l'abri dans un endroit tranquille
Bon je vais jeter un œil sur cette Carole Martinez elle à écrit quoi tu as des références ?
Pour ce qui est de smpiero le recueil ciel et terre contient deux histoires
"La lumière du deuil" et le "dragon et la ramure" -c'est par le dragon que je suis tombé dessus
Les deux histoires relatent des destins humains dramatiques, les personnages dans des conditions particulièrement difficiles doivent faire face à des épreuves très dures. Les thèmes ne sont pas joyeux
certes mais l'écriture est très intéressante, même si parfois difficile, notamment dans le "dragon" je le relis encore et je reviens dessus car il y a des passages que je trouve obscurs.
Cela me fait vraiment me demander si trop de poésie dans la prose, ne tue pas et la prose et la poésie.
du coups le texte devient trop difficile à saisir.
enfin si tu le lis tu me diras ce que tu en penses ,
enfin si tu veux bien
cordialement
A+
PtiteBoueOsoulier- Nombre de messages : 7
Age : 58
Date d'inscription : 27/05/2011
Re: Un habit de chlorophylle
J'ai trouvé ça "Le Coeur cousu" de Carole Martinez. C'est ça ? je veux dire c'est cette Auteur ?Carmen P. a écrit:Je ne savais pas où te retrouver. Je ne peux pas t'envoyer de mp, ni accéder à ton site !
Je lirai Dominique Sampiero. J'ai déjà suivi les conseils de quelques membres de "Vos Ecrits" qui me recommandaient la lecture de Carole Martinez, et ils ont eu bien raison : j'adore !
PtiteBoueOsoulier- Nombre de messages : 7
Age : 58
Date d'inscription : 27/05/2011
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