Routes

Routes des Arts et des raisons :
-Tout en finesse endolorie
Et plein d’ivresse sa passion-
Roulent soudain la vie aussi

Est-ce la route en quelques points
Semble assagie ou bien est ivre ?
Cassure féconde, si loin
C’est l’accident qui s’en enivre !

Des grises routes espacées
Absorbons celle la plus noire
La plus corsée en vins d’ivoire
Et d’argents purs à inventer

Les autres routes bien que claires
Bien que tracées tout au fond
Nous mènent droit au portillon
Fermé à clé et manquant d’air !

Ainsi allons vers ce couloir
Ainsi traçons à plume libre
Ainsi buvons et soyons ivres
Pour dessiner ce qui fut noir :

Eh ho ! Matin, elle était belle
Avec sa tiède et forte fièvre !
Emmenant nous, vers cette mièvre
Souris souris et pleure belle !

Quel calme drôle ! Pauvre artiste
Assis debout couché en piste
Cette étendue : impérissable
Prends donc alors ton temps à boire

Qu’est-ce cet Art ?... Immonde incruste !
Vas-t-en la route n’est pas loin !
Mais vas-y seul pauvre mais juste
Car de toi seul l’on ne veut point.

Goûter le vin de cette route
Ne suffit pas ! Il faut la boire
A en crever ! De désespoir
Passerons-nous ainsi d’espoir !

Ho hé ! Qui donc a dit raison ?
Déraisonnable trahison !
Quel fat alors serait sa vie
Et quel goût piètre boirait-il…

Mais la passion elle est plus vaste !
Et plus encore elle n’existe
Sans rien prouver sans rien de chaste
Qu’au sein des rêves utopistes !

Venez venez ! Soyons de trop !
Nous sommes tout plein dans ce bistrot :
De quel sentier mon cœur insiste
Trinquerons-nous amis artistes ?...

J'aime le côté lyrique et passionné du texte, l'emphase des phrases et le côté grandiloquent quand on lit à haute voix.
J'aime moins la répétition de "vin" qui se remarque, ainsi que l'inégalité dans le rythme et la qualité des trophes. Certaines sont plus faibles que d'autres. Du coup, le poème est un peu en dents de scie.

Quelques détails techniques:

- Et plein d’ivresse sa passion: qu'est-ce qui est plein? je ne vois pas de masculin avant la phrase, donc pleine plutôt?
- C’est l’accident qui s’en enivre: "s'en enivre", dit vite, ça fait un peu comme le mot hennir, bof...
- Des grises routes espacées: des routes grises, ça sonnerait moins mauvaise traduction d'une langue germanique
- Bien que tracées tout au fond: rupture de son, comme si il manquait un pied, un mot

Il y a quelques belles images dans ce poème, ce qui lui donne une dimension à la fois personnelle et expressive.
Grace à certaines tournures alambiquées et quelques vers périlleux, tu parviens à retomber sur tes pieds, maintenir le rythme de l'octosyllabe mais si le compte est bon, l'harmonie fait souvent défaut.

Je précise que je suis pas fortiche en poésie, et encore moins en commentaire de poésie, mais je me lance :

J'aime l'enthousiasme post-rimbaldien (c'est l'influence que je trouve, je me trompe ?) de ces vers. Il y a du "peps", l'envie de jouer avec la langue.

Parfois, la rime redevient "sage", trop, mais il faut aussi garder le sens. Dur dilemme. Je trouve également le thème un peu bateau (ivre ?).

Bref, s'il y a quelques "ratés" par moment, pas toujours de l'harmonie, il y a aussi beaucoup de matière intéressante, et ça devrait être plus qu'encourageant.