Jet lag
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Re: Jet lag
Une écriture efficace, à la fois directe et empathique (je me suis sentie à la place de Rosa Linda). J'ai vraiment aimé.
Mes remarques sont uniquement d'ordre typographique :
« son cœur qui bat au rythme de la Cumbia »
« mon petit amour, mon petit cœur »
« c'est vraiment un sale porc! »
« Le préservatif! C'est le préservatif! Il est percé! »
« Rosa Linda, ne t'en va pas! »
« s'il te plait, s'il te plait! » : je ne relève pas dans la phrase en espagnol parce que je ne connais pas la règle, mais les conventions typographiques françaises veulent une espace avant chaque point d’exclamation
-Un problème, madame? (typographie, une espace avant le point d’interrogation)
-Non, non tout va bien, cariñito (manque un signe de ponctuation marquant la fin de phrase) : typographie, le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire une réplique de dialogue, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — »
« Alors quoi? »
« exprès de le percer, ce préservatif? »
« au lieu de me planter ça dans le ventre? »
« se plaindre de lui à la cantina du village? »
« je vais devenir, maintenant, moi? » : les conventions typographiques françaises veulent une espace avant le point d’interrogation
« Blanc comme le sucre des Blancs »
« Rosa Linda tente de s'accrocher au cœur »
« Le cheval-cœur crache de la boue »
« C'est l'hôtesse de l'air qui frappe à la porte » : manque un signe de ponctuation en fin de phrase
« un cheval-cœur d'écume »
Mes remarques sont uniquement d'ordre typographique :
« son cœur qui bat au rythme de la Cumbia »
« mon petit amour, mon petit cœur »
« c'est vraiment un sale porc! »
« Le préservatif! C'est le préservatif! Il est percé! »
« Rosa Linda, ne t'en va pas! »
« s'il te plait, s'il te plait! » : je ne relève pas dans la phrase en espagnol parce que je ne connais pas la règle, mais les conventions typographiques françaises veulent une espace avant chaque point d’exclamation
-Un problème, madame? (typographie, une espace avant le point d’interrogation)
-Non, non tout va bien, cariñito (manque un signe de ponctuation marquant la fin de phrase) : typographie, le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire une réplique de dialogue, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — »
« Alors quoi? »
« exprès de le percer, ce préservatif? »
« au lieu de me planter ça dans le ventre? »
« se plaindre de lui à la cantina du village? »
« je vais devenir, maintenant, moi? » : les conventions typographiques françaises veulent une espace avant le point d’interrogation
« Blanc comme le sucre des Blancs »
« Rosa Linda tente de s'accrocher au cœur »
« Le cheval-cœur crache de la boue »
« C'est l'hôtesse de l'air qui frappe à la porte » : manque un signe de ponctuation en fin de phrase
« un cheval-cœur d'écume »
Invité- Invité
Re: Jet lag
bonjour et merci beaucoup.
J'ai des problèmes avec mon clavier, configuré en espagnol (oe -> impossible)
Et me rends compte que j'ai laissé passer quelques erreurs au moment de traduire le texte: Victor Antonio dit "reviens, ne reste pas à Madrid" et non pas "ne t'en va pas" par exemple.
J'ai des problèmes avec mon clavier, configuré en espagnol (oe -> impossible)
Et me rends compte que j'ai laissé passer quelques erreurs au moment de traduire le texte: Victor Antonio dit "reviens, ne reste pas à Madrid" et non pas "ne t'en va pas" par exemple.
Invité- Invité
Re: Jet lag
Pour les caractères spéciaux, vous pouvez les récupérer par copier-coller à gauche de chacun de mes messages, y compris la ligature "œ" et les grands tirets pour les répliques de dialogue.
Invité- Invité
Re: Jet lag
C'est sympa, vivant, la narration est fluide et le personnage attachant ; ça fait sourire et ça ne devrait pas. Bien vu.
Invité- Invité
Re: Jet lag
"Maria, pleine de grâce". Très efficace comme récit. J'ai préféré les parties voix off au transitions narratives. Je me demande en fait si le texte n'aurait pas gagné à ne jamais changer de point de vue, du coup. Tout à l'intérieur, comme le petit sachet surprise. La liberté de ton et le rythme sont excellents dans ces passages-là et le reste freine, il me semble. Bravo, en tous cas, c'était vraiment plaisant à lire !
Re: Jet lag
Caramba ! C'est mon pote Escobar (Pablito pour les intimes) qui hausserait le sourcil, qu'il a fort charbonneux, ma foi. Un kil de "sucre en poudre" par passage, ça fait un peu lourd sur l'estomac. Mais bon y a pas de petits profits,dans le bizness, y a que des gros bénèfs. Blague à part, j'ai apprécié ce petit conte très noir dont les références culturelles et sociales tiennent bien la route, de même que l'ambiguïté sur le préservatif percé, qui peut donner à penser que la malheureuse est seulement enceinte de son gros porc. De même que l'écriture, serrée et cependant chatoyante. Tiens ça me donne envie de poster un texte de mes archives qui n'est pas sans rapport avec le sujet...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Re: Jet lag
c'est vrai que je ne savais pas quelle quantité mettre.... Pas si expert que ça, moi, quand même ^^ Si t'as les doses, merci de me les communiquer
Invité- Invité
Re: Jet lag
Je te réponds sur ce fil, pour ne pas faire remonter mon propre texte sans raison. Il me semble qu'un seul préservatif avec 100 grammes, c'est déjà assez dur à avaler. Peut-être deux, il ya des gens qui ont un estomac d'autruche. Mais un kilo, ç'est totalement impossible. De toutes façons, ce type de trafic, dit "de fourmi", a justement pour finalité de diminuer les risques financiers en mutipliant les passages. En effet, si une "mule" tombe, la perte n'est pas très importante. Bien entendu, les marges sont plus faibles que lors d'un passage de plusieurs dizaines ou mêmes centaines de kilos d'un coup (par bateau, container, etc...) mais dans le cas où cette quantité serait saisie, le manque à gagner serait énorme. De plus, les peines encourues dans ce cas sont incomparablement plus élevées que ce que risque un passeur attrapé avec seulement cent ou deux cent grammes. Evidemment, gérer un réseau employant de nombreux passeurs effectuant des voyages quotidiens demande une organisation très sophisitiquée, mais jsutement, les barons de la drogue sont toujours d'excellents organisateurs. Sinon ils feraient un autre métier...
Gobu- Nombre de messages : 2400
Age : 70
Date d'inscription : 18/06/2007
Poids et mesures.
Je ne voudrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais il me semble que 100 grammes dans une seule capote c'est beaucoup : moi qui ai un zizi qui ne pèse qu'a peine 3 grammes j'ai déjà du mal à les enfiler ! Alors 100 grammes ! (rire)
Invité- Invité
Re: Jet lag
Un bon texte qui prend aux tripes, si j'ose dire.
J'ai apprécié les phrases laissées en espagnol. Finalement, c'est une langue qui ne me plaisait pas quand j'étais lycéenne, et je pense aujourd'hui que j'avais tort.
Moi aussi les quantités m'ont paru un peu "suspectes" mais j'ai pris plaisir à lire cette histoire, écrite de façon trés "vivante".
J'ai apprécié les phrases laissées en espagnol. Finalement, c'est une langue qui ne me plaisait pas quand j'étais lycéenne, et je pense aujourd'hui que j'avais tort.
Moi aussi les quantités m'ont paru un peu "suspectes" mais j'ai pris plaisir à lire cette histoire, écrite de façon trés "vivante".
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Jet lag
c'est bien écrit, le récit est intéressant, prenant, et la fin dramatique est bien amenée
du beau boulot
du beau boulot
Re: Jet lag
Malin, bien écrit, surprenant, chouette.
Sauf les phrases en espagnol, surtout traduites entre parenthèses mais ce n'est que mon avis d'ignare dans cette langue.
Sauf les phrases en espagnol, surtout traduites entre parenthèses mais ce n'est que mon avis d'ignare dans cette langue.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Jet lag
J'ai bien aimé l'écriture vive et directe, sans chichis. Mais bon c'est un peu banal d'associer toujours la drogue à des tragedies... Un détail, avec un kilogramme dans son ventre, il a pas eu trop de mal à décoller l'avion? parce que cela me parait peu crédible, dommage ;-) c'est mon point de vue.
Hegar- Nombre de messages : 38
Age : 38
Localisation : Île-de-France/Banlieue-est
Date d'inscription : 15/08/2010
Re: Jet lag
À vrai dire, je suis plutôt déçue, j’avais lu de toi des textes de la section poésie (oui, je sais que je ne les ai pas encore commentés…) qui m’avaient beaucoup plus. Ici, j’ai trouvé le récit assez plat, dans le sens où je ne vois pas où est le point de vue de l’auteur et l’histoire ne me paraît pas assez originale pour porter à elle seule le texte. Donc j’attends autre chose, car là je reste sur ma faim.
abstract- Nombre de messages : 1127
Age : 55
Date d'inscription : 10/02/2009
Re: Jet lag
Une histoire pas mal ficelée (mis à part le plantage sur les quantités) et j'ai apprécié les passages en espagnol, Jesusito corazonsito ayant quand même une autre gueule que petit Jésus et petit coeur !
Invité- Invité
Re: Jet lag
Bon et bien voici la version corrigée, grâce à vous. Obligé de me préparer dix préservatifs pleins de farine et essayer de me les engloutir pour voir si c'est possible... J'ai failli finir aux urgence au bout de deux. Ce n'est presque que la fin -dernier paragraphe- qui est retouchée.
Sinon, je suis quand même bien content, parce que j'ai très peu de textes en prose, et que ceux que j'avais étaient d'un style trop ampoulés. Du coup, j'ai écrit ce texte-là vite fait bien fait, en passant par l'Espagnol pour être sûr de ne pas commettre mes erreurs habituelles, et l'essai est assez concluant. Reste que l'histoire, comme dit Abstract, ne va pas non plus très loin... Merci à tous: j'adore ce site, on y apprend vraiment à écrire.
Jet lag
Déjà une heure que l'avion a décollé, et Rosa Linda n'a toujours pas calmé ses nerfs. Cette anxiété, qu'elle éprouve à chaque départ, n'est pas retombée. Ce n'est pas normal, en général, elle arrive à rester sereine pendant les 12 heures du voyage, et ne sent de remontée d'adrénaline que quelques minutes avant l'atterrissage.
Pourquoi alors? Parce que c'est son dernier voyage ? Rosa Linda ne tient pas en place sur son siège. Elle sent la sueur qui essaie de percer sa couche de fond de teint et son coeur qui bat au rythme de la Cumbia. Elle caresse le tatouage du Christ qu'elle a sur la poitrine, et lui dit à voix basse :
« Jesusito, deja de menearte así, amorsito, corasonsito, por favor » (petit Jésus, arrête de remuer comme ça, mon petit amour, mon petit coeur, s'il te plait)
Elle parle souvent au Christ de son nichon gauche, comme ça. Pour qu'il exauce ses prières, qu'il lui apporte de l'argent, des friandises ou des amants, ou qu'il fasse mourir les capitalistes. Elle lui chante des berceuses du pays, quand elle repasse les slips de ses patronnes, à Madrid. Et Jesusito l'écoute, des fois. Mais là, non. Il ne veut pas qu'elle se tranquillise. Mais Rosa Linda essaie quand même. Elle ferme les yeux en basculant son crâne sur l'appui-tête.
« Ça doit être parce que je pars pour de bon, oui c'est ça. Parce que je ne verrai plus la Tita Aurelia ni l'église de Guayamano, ni tous les gosses de la rua mayor. Pauvre Tita. Mais il n'y avait pas d'autre solution, Tita, c'est la jungle, Guayamano, je ne pouvais plus y vivre, c'était trop dangereux. Surtout à cause de Victor Antonio, et de sa famille de cochons. »
Rosa Linda se redresse tout d'un coup, la main serrée sur sa poitrine
« ¡Victor Antonio! ¡Victor Antonio! ¡Este sí que es un cerdo! Jesusito, Jesusito, por favor, mátalo » (Victor Antonio, oui, c'est vraiment un sale porc! Petit Jésus, petit Jésus, s'il te plait, tue-le)
-Un problème, madame? »
C'est l'hôtesse de l'air. Rosa Linda a dû parler un peu trop fort à son Jesusito.
-Non, non tout va bien, cariñito »
L'hôtesse de l'air tourne les talons, et Rosa Linda se demande ce qu'il se passe. Elle n'a jamais été aussi angoissée. Elle essaie de se rassurer en pensant à sa vie nouvelle, une fois sortie de l'aéroport. Maintenant qu'elle a ses papiers en règle, ses papiers définitifs, elle n'aura plus jamais peur, plus jamais. Et puis elle va bientôt recevoir assez d'argent pour s'installer à Madrid. « Et après? Après on verra bien... »
Non, décidément, ce n'est pas la vie qui l'attend en Espagne qui l'inquiète. Ni la nostalgie. Alors quoi? Rosa Linda colle son nez contre le hublot. L'avion doit être en train de survoler l'Atlantique à présent. Plus que 10 heures de route. Rosa Linda n'a jamais trouvé le temps si long.
« Le préservatif! C'est le préservatif! Il est percé! »
Tout à coup Rosa Linda a un nouveau sursaut. Tout s'expliquerait. La nausée, la nervosité.
« Non impossible, les préservatifs, ça ne se troue pas aussi facilement que ça, calme-toi Rosa Linda. Le coup du préservatif qui casse, c'est une légende »
Rosa Linda a des sueurs froides. La climatisation de l'avion, certainement. Elle décide d'aller aux toilettes. Elle se lève et titube. Elle manque de tomber plusieurs fois dans son parcours.
Une fois dans les WC, elle passe de l'eau froide sur son visage et regarde son reflet dans la glace. Elle qui d'habitude a le teint du sucre, la voilà aussi blanche que le sucre des espagnols. Blanc comme le sucre des blancs, celui qui n'a pas de goût, comme leur café. Le sucre en poudre. Le sucre en poudre... Rosa Linda ne parvient pas à contrôler un rictus de dégoût en prononçant ces mots.
« Et si Victor Antonio avait fait exprès de le percer, ce préservatif? Capable de tout ce salaud. C'est vrai qu'il m'a dit "reviens, Rosa Linda, ne reste pas à Madrid!" Quel cochon ! Mais pourquoi il ne m'a pas retenue aussi, au lieu de me planter ça dans le ventre? Salaud ! Parce que son frère m'a entendue un jour se plaindre de lui à la cantina du village? C'est pour ça ? Et qu'est-ce que je vais devenir, maintenant, moi? Jesusito, Jesusito, fais quelque chose, s'il te plait, s'il te plait! »
Mais Jesusito se met à grimacer sous la secousse du coeur qui soudain part au galop. Rosa Linda tente de s'accrocher au coeur, et elle part aussi. La voilà dans une course folle par-dessus les nuages. Elle chevauche les océans, le Christ est en croupe. Le cheval-coeur crache de la boue et du sang. Son sabot martelle la mer, puis la jungle, puis la rua mayor de Guayamano. Boum boum. Il va si vite qu'à chaque foulée il traverse le mur du son. Boum Boum Boum. Le Christ en croupe se met à hurler et Rosa Linda rit aux éclats. Boum boum. C'est l'hôtesse de l'air qui frappe à la porte
« Madame, madame! »
Boum Boum. Rosa Linda ne peut plus bouger. Elle a la bave aux lèvres et sous ses yeux, l'image d'un petit filet blanc et visqueux qui s'échappe peu à peu d'un préservatif, au fond de ses entrailles. Boum Boum. Et un cheval-coeur d'écume qui agonise. Boouumm.
Deux stewarts viennent de défoncer la porte des WC. Ils essaient de réanimer Rosa Linda. En vain.
Le lendemain, au service des douanes de l'aéroport de Barajas, à Madrid, le commissaire en chef pouvait lire le rapport suivant: Rosa María Linda Gutierrez López, 27 ans, née à Guayanamo, Colombie. Morte d'overdose de cocaïne. C'était une « mule » qui transportait une cargaison de 100 grammes, répartis sur 2 sachets hermétiques (préservatifs) contenant 50 grammes chacun. Un des sachets était percé, ce qui a causé l'intoxication fatale. Il ne s'agit sans doute pas d'un accident, seul le sachet défectueux contenait de la cocaïne, l'autre seulement du bicarbonate. C'est le 3ème décès de ce type ce trimestre. Renforcer la surveillance.
Sinon, je suis quand même bien content, parce que j'ai très peu de textes en prose, et que ceux que j'avais étaient d'un style trop ampoulés. Du coup, j'ai écrit ce texte-là vite fait bien fait, en passant par l'Espagnol pour être sûr de ne pas commettre mes erreurs habituelles, et l'essai est assez concluant. Reste que l'histoire, comme dit Abstract, ne va pas non plus très loin... Merci à tous: j'adore ce site, on y apprend vraiment à écrire.
Jet lag
Déjà une heure que l'avion a décollé, et Rosa Linda n'a toujours pas calmé ses nerfs. Cette anxiété, qu'elle éprouve à chaque départ, n'est pas retombée. Ce n'est pas normal, en général, elle arrive à rester sereine pendant les 12 heures du voyage, et ne sent de remontée d'adrénaline que quelques minutes avant l'atterrissage.
Pourquoi alors? Parce que c'est son dernier voyage ? Rosa Linda ne tient pas en place sur son siège. Elle sent la sueur qui essaie de percer sa couche de fond de teint et son coeur qui bat au rythme de la Cumbia. Elle caresse le tatouage du Christ qu'elle a sur la poitrine, et lui dit à voix basse :
« Jesusito, deja de menearte así, amorsito, corasonsito, por favor » (petit Jésus, arrête de remuer comme ça, mon petit amour, mon petit coeur, s'il te plait)
Elle parle souvent au Christ de son nichon gauche, comme ça. Pour qu'il exauce ses prières, qu'il lui apporte de l'argent, des friandises ou des amants, ou qu'il fasse mourir les capitalistes. Elle lui chante des berceuses du pays, quand elle repasse les slips de ses patronnes, à Madrid. Et Jesusito l'écoute, des fois. Mais là, non. Il ne veut pas qu'elle se tranquillise. Mais Rosa Linda essaie quand même. Elle ferme les yeux en basculant son crâne sur l'appui-tête.
« Ça doit être parce que je pars pour de bon, oui c'est ça. Parce que je ne verrai plus la Tita Aurelia ni l'église de Guayamano, ni tous les gosses de la rua mayor. Pauvre Tita. Mais il n'y avait pas d'autre solution, Tita, c'est la jungle, Guayamano, je ne pouvais plus y vivre, c'était trop dangereux. Surtout à cause de Victor Antonio, et de sa famille de cochons. »
Rosa Linda se redresse tout d'un coup, la main serrée sur sa poitrine
« ¡Victor Antonio! ¡Victor Antonio! ¡Este sí que es un cerdo! Jesusito, Jesusito, por favor, mátalo » (Victor Antonio, oui, c'est vraiment un sale porc! Petit Jésus, petit Jésus, s'il te plait, tue-le)
-Un problème, madame? »
C'est l'hôtesse de l'air. Rosa Linda a dû parler un peu trop fort à son Jesusito.
-Non, non tout va bien, cariñito »
L'hôtesse de l'air tourne les talons, et Rosa Linda se demande ce qu'il se passe. Elle n'a jamais été aussi angoissée. Elle essaie de se rassurer en pensant à sa vie nouvelle, une fois sortie de l'aéroport. Maintenant qu'elle a ses papiers en règle, ses papiers définitifs, elle n'aura plus jamais peur, plus jamais. Et puis elle va bientôt recevoir assez d'argent pour s'installer à Madrid. « Et après? Après on verra bien... »
Non, décidément, ce n'est pas la vie qui l'attend en Espagne qui l'inquiète. Ni la nostalgie. Alors quoi? Rosa Linda colle son nez contre le hublot. L'avion doit être en train de survoler l'Atlantique à présent. Plus que 10 heures de route. Rosa Linda n'a jamais trouvé le temps si long.
« Le préservatif! C'est le préservatif! Il est percé! »
Tout à coup Rosa Linda a un nouveau sursaut. Tout s'expliquerait. La nausée, la nervosité.
« Non impossible, les préservatifs, ça ne se troue pas aussi facilement que ça, calme-toi Rosa Linda. Le coup du préservatif qui casse, c'est une légende »
Rosa Linda a des sueurs froides. La climatisation de l'avion, certainement. Elle décide d'aller aux toilettes. Elle se lève et titube. Elle manque de tomber plusieurs fois dans son parcours.
Une fois dans les WC, elle passe de l'eau froide sur son visage et regarde son reflet dans la glace. Elle qui d'habitude a le teint du sucre, la voilà aussi blanche que le sucre des espagnols. Blanc comme le sucre des blancs, celui qui n'a pas de goût, comme leur café. Le sucre en poudre. Le sucre en poudre... Rosa Linda ne parvient pas à contrôler un rictus de dégoût en prononçant ces mots.
« Et si Victor Antonio avait fait exprès de le percer, ce préservatif? Capable de tout ce salaud. C'est vrai qu'il m'a dit "reviens, Rosa Linda, ne reste pas à Madrid!" Quel cochon ! Mais pourquoi il ne m'a pas retenue aussi, au lieu de me planter ça dans le ventre? Salaud ! Parce que son frère m'a entendue un jour se plaindre de lui à la cantina du village? C'est pour ça ? Et qu'est-ce que je vais devenir, maintenant, moi? Jesusito, Jesusito, fais quelque chose, s'il te plait, s'il te plait! »
Mais Jesusito se met à grimacer sous la secousse du coeur qui soudain part au galop. Rosa Linda tente de s'accrocher au coeur, et elle part aussi. La voilà dans une course folle par-dessus les nuages. Elle chevauche les océans, le Christ est en croupe. Le cheval-coeur crache de la boue et du sang. Son sabot martelle la mer, puis la jungle, puis la rua mayor de Guayamano. Boum boum. Il va si vite qu'à chaque foulée il traverse le mur du son. Boum Boum Boum. Le Christ en croupe se met à hurler et Rosa Linda rit aux éclats. Boum boum. C'est l'hôtesse de l'air qui frappe à la porte
« Madame, madame! »
Boum Boum. Rosa Linda ne peut plus bouger. Elle a la bave aux lèvres et sous ses yeux, l'image d'un petit filet blanc et visqueux qui s'échappe peu à peu d'un préservatif, au fond de ses entrailles. Boum Boum. Et un cheval-coeur d'écume qui agonise. Boouumm.
Deux stewarts viennent de défoncer la porte des WC. Ils essaient de réanimer Rosa Linda. En vain.
Le lendemain, au service des douanes de l'aéroport de Barajas, à Madrid, le commissaire en chef pouvait lire le rapport suivant: Rosa María Linda Gutierrez López, 27 ans, née à Guayanamo, Colombie. Morte d'overdose de cocaïne. C'était une « mule » qui transportait une cargaison de 100 grammes, répartis sur 2 sachets hermétiques (préservatifs) contenant 50 grammes chacun. Un des sachets était percé, ce qui a causé l'intoxication fatale. Il ne s'agit sans doute pas d'un accident, seul le sachet défectueux contenait de la cocaïne, l'autre seulement du bicarbonate. C'est le 3ème décès de ce type ce trimestre. Renforcer la surveillance.
Invité- Invité
Re: Jet lag
Finalement en lisant cette nouvelle version, je trouve ça assez bien. L'ambiguïté au début par rapport au preservatif percé et la mise en route éventuelle d'un bébé est bien lorsque l'on apprend que cela n'a rien à voir et que c'est notamment plus grave pour l'issue de sa vie. Il est peut-être possible de rendre la réaction à l'intoxication encore plus réaliste puisqu'il me semble qu'en cas de surdose de ce genre de stimulant on ne reste pas immobile mais on est extrèmement agité et on tremble, ce qui correspond à l'emballement du coeur et le défilement incessant des pensées. Je ne cherche pas à t'ennuyer avec de la science à deux balles mais je trouve que ça vaut le coup de considérer cet aspect puisque c'est la seule chose que j'ai trouvé pour tu continues à écrire.
Hegar- Nombre de messages : 38
Age : 38
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Date d'inscription : 15/08/2010
Re: Jet lag
Quelques petites réserves à propos de deux choses: les phrases traduites entre parenthèses qui viennent casser le rythme de la lecture, c'est dommage, et ensuite les pensées de Rosa qui ne me paraissent pas très naturelles, mais peut-être est-ce dû à la traduction que tu évoques en avertissement.
Sinon, j'aime la tonalité générale dramatique, il y a une vivacité intéressante et quelque chose à imaginer dans ce destin. Tu n'en dis pas trop et en même temps, on sait beaucoup, c'est bien, une belle utilisation des idées et des mots.
Sinon, j'aime la tonalité générale dramatique, il y a une vivacité intéressante et quelque chose à imaginer dans ce destin. Tu n'en dis pas trop et en même temps, on sait beaucoup, c'est bien, une belle utilisation des idées et des mots.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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