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Vicissitudes

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Message  Louis Mar 5 Oct 2010 - 23:23

Je m'essaie à un texte plus long qu' à l'accoutumé. Ce passage est un début. Peut-être trouverai-je le temps et la persévérance de le poursuivre.

Les jours ravalaient d’aubes piteuses les immeubles alignés de la cité grise où l’aurore n’avait plus de nom. De passages obliques à messages muraux, graffitis pour envoyer niquer tout l’univers, sœur, ciel et mère, les cages d’escaliers crevaient d’ennui, dans la cité crise où la vie s’accrochait aux balcons avec des yeux vides, à contempler muets les territoires d’abandon, les friches des rêves paternes en illusions d’urbanités d’un vivre ensemble.
Rien, qu’une permanence de ce qui retient dans le présent en perpétuelle répétition ; rien qu’un morne maintenant sans futur autrement. Un toujours recommencé des jours atones, indolents et languissants.

Assis sur le dossier d’un banc, à quelques pas de son immeuble, à des années-lumière de divagations imaginaires du bâtiment cinq, allée des Ormes, Serge Leenhardt leva les yeux que sa longue chevelure masquait, tête baissée depuis des heures. Il semblait tout à fait éteint, dans une extrême passivité, prostré, mais on pouvait deviner, entre ses mèches indisciplinées, un incendie au fond de ses prunelles. C’est pour une telle raison, sans doute, pour ce regard brûlant, que dans son quartier on l’appelait « Cierge ».
Cierge s’alluma à l’arrivée d’un lutin qui le hélait, bouille rieuse, casquette à l’envers vissée sur la tête, une boîte à outils en bandoulière.

- Je pars en expédition, tu viens ?

Ils s’étaient rencontrés dans la fuite, dans une course éperdue. Quelques jours auparavant, Cierge avait permis au jeune garçon d’échapper à des poursuivants prêts à « mettre une trempe à ce petit morveux qui vient fouiner où c’est pas chez lui ». C’était pas de son quartier cette tour presque entièrement désaffectée, promise à un prochain dynamitage, c’était pas de son monde, « l’a pas intérêt à revenir, ce pt’it con ». Cierge, apparu soudainement comme un fantôme, avait attrapé le fuyard par une manche et lui avait intimé de le suivre. Ils avaient traversé en courant les dédales de couloirs obscurs dans les sous-sols de l’immeuble, le grand Cierge semblait bien les connaître ; des tubes, gros et petits, canalisations, conduits, de toute leur longueur, près d’eux fuyaient, éclairés de façon intermittente par des lueurs aux sources indéterminées. Ils s’étaient planqués un long moment dans une cave sans lumière, avant de sortir quand le danger parût écarté.
Le jeune garçon expliqua qu’il partait régulièrement à la recherche de petits trésors méconnus, de liens précieux, et que parfois, c’est vrai, ça le mettait en danger. Il avait promis à son protecteur inopiné de l’emmener avec lui dans l’une de ses aventures, ce qu’il appelait ses « expéditions ».

Cierge rejoignit le jeune garçon. Ils avançaient avec prudence entre les hautes tours du quartier, Cierge appartenait à la jeune tribu indigène de la cité, même s’il ne dépendait d’aucun clan, d’aucune bande, et se tenait, indien solitaire, toujours un peu à l’écart, mais il craignait pour son jeune compagnon, étranger sur ce territoire, suspect de n’être pas d’ici, de cette terre désolée, étrangement calme, secouée pourtant de façon sporadique par des spasmes violents. Il redoutait aussi le but de cette « expédition ». Cierge détestait les moteurs. Il abhorrait la mécanique et le sang. Qu’importe ce qui se cache sous le capot des bagnoles ! Bielles et manivelles, pignons et pistons, vilebrequins et tous ces machins, autant d’agencements à ses yeux pour produire du morne, du maussade et du grisâtre, sans compter toutes ces pétarades insupportables, et ces flots d’huile grasse et noire qui encrassent, poissent, les jours, les mains blanches, le ciel bleu. Pourvu que son compagnon ne l’emmenât pas démonter pièces par pièces le moulin d’une de ces mobs volées, échouées dans le quartier après quelques acrobaties. Il ne le suivrait pas alors, il le laisserait à son affaire. Mais l’ « expédition » devait avoir un autre but, il l’espérait, son jeune compagnon n’avait-il pas fait allusion à des « liens précieux », à des « petits trésors » ?

– C’est une expédition téléviseur, marmonna le jeune garçon sous sa casquette. J’ai repéré une vieille grosse télé abandonnée près de la tour qui se trouve là-bas, au bout du quartier.

Cierge ralentit le pas, déçu. La télé, il s’en était détourné, comme il avait délaissé l’écran de son ordinateur depuis qu’il avait lié amitié avec Googleno. Etonnant Googleno, ainsi surnommé, parce qu’après avoir usé un grand nombre de ses jours et de ses nuits devant son écran, après avoir erré sur d’innombrables sites du Net, il s’était détaché de ce qui absorbait sa vie, et déclarait que ce qu’il recherchait désormais, car cela seul, oui cela seul importait : ce qui ne peut être découvert sur Internet, cc qu’aucun moteur de recherche jamais ne peut trouver. Finalement, Googleno en était venu, comme lui, à détester les moteurs. Au cours de ses longues méditations, Cierge s’était interrogé sur le mouvement, avait pensé à ce qui agite le monde. Il avait lu dans un livre une référence à un vieux philosophe qui affirmait qu’un premier moteur immobile donne mouvement à tout l’univers. Il avait tourné le problème en tous sens, et non, il ne réussissait pas à l’admettre. Nul besoin d’une pichenette pour mettre le monde en branle. L’immobilité n’est pas première : voilà le point essentiel. C’est le mouvement qui est premier. Même dans son quartier, sous l’apparence trompeuse de l’inertie, se cache en profondeur, le devenir, le changement, le mouvement essentiel.
Où se trouvait-il maintenant, Googleno ? Il y a si longtemps qu’il ne l’avait plus croisé. En quels lieux ses recherches avaient-elles pu le mener dans sa quête de l’introuvable sur le Net ? Lui aussi, les écrans, il les avait abandonnés, comme Googleno. Au-delà de leur surface étroite, un monde est à découvrir, un monde aux multiples dimensions, aux nombreuses facettes. Tant de richesses doivent… je vais t’expliquer… doivent se trouver dans l’univers… tu comprends, c’est… et son quartier, c’est aussi un grand écran de béton, il masque… tu comprends, les vis… Cierge s’aperçut que la voix de son compagnon s’insinuait dans sa causerie intérieure et cherchait une voie pour l’atteindre, pour lui dire, lui faire comprendre. Il prêta toute son attention aux révélations du jeune garçon :

– Tu comprends, ce qui importe, c’est ça, oui c’est ça : les vis.

Il confiait à Cierge comment tout naturellement, tout simplement, il cherche des vis. Il scrute toutes les mécaniques, les techniques en toutes matières, brisées, délaissées, abandonnées, pour en extraire les vis, pour en prélever tous ces liens qui unissent les parties diverses des choses, toutes ces attaches en vrilles, tournantes, giratoires. Il expliquait qu’il y a des vis à tête d’or, et des vis à tête étoilée, et des vis sans fin. Il y a aussi des vis à têtes rondes, ou fraisées, ou hexagonales. Et puis celles qui sont en laiton poli, en laiton nickelé, celles qui sont en acier zingué noirci, en acier trempé, celles en acier inoxydable.
Il révélait qu’un l’avait surnommé Tournevis.
Il confiait encore que, parfois la tête lui tournait et qu’il avait cette impression de s’enfoncer dans un trou noir sans fond, infiniment torsadé.
Cette vieille télé, il fallait l’explorer, elle recelait peut être, dans ses organes internes, les vis spéciales qu’on ne trouve pas ailleurs, dans d’autres appareils, des vis fines et délicates.
Un jour, il pourrait lui montrer les caisses de bois dans lesquelles il triait et classait tous ces liens précieux.

– Tu comprends, une vis, c’est du mouvement, ça tourne, ça pénètre, ça fixe. Une vis, c’est une rotation, ça accroche, ça serre, ça joint. Avec elle, tout s’assemble, tout tient bien, tout se tient ensemble bien serré, sans se séparer. Oui, sans se quitter, sans se laisser, sans se défaire.

Le jour tombait, et sous les lueurs crépusculaires, Cierge et Tournevis s’acheminaient vers la télé abandonnée. Tournevis rêvait ; souriant, il avouait dans un murmure qu’il aimerait un jour trouver ces vis invisibles qui joignent le ciel et la terre, la terre et la mer, les vagues et le rivage, et celles qui fixent les étoiles au firmament, celles qui accrochent le soleil à l’azur, celles aussi qui lient le jour à la nuit. Il aimerait encore, surtout, plus que tout, découvrir les vis subtiles qui lient les cœurs, rapprochent les esprits, unissent les âmes.


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Message  Hegar Mer 6 Oct 2010 - 0:40

Faire avec une chose banale et insignifiante, les vis, une quête aussi profonde, romantique, je trouve ça très réussi. Les images sont jolies, même si comme d'habitude je trouve certaines choses confuses, ou pouvant évoquer trop de trucs disparates. J'aime bien aussi le flou qui règne sur l'âge des personnages et le vocabulaire raffiné décrivant des éléments rudes et presque vulgaires.
De plus j'ai eu quelques idées grâce à cette lecture.
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Message  Invité Mer 6 Oct 2010 - 4:49

Superbe ! Je crois vraiment que vous tenez quelque chose...

Quelques remarques :
- Je pars en expédition
(typographie, le trait d’union « - » ne suffit pas à introduire une réplique de dialogue, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — »)
« avant de sortir quand le danger parut (et non « parût » qui est la forme du subjonctif imparfait) écarté »
« Etonnant Googleno, ainsi surnommé, (êtes-vous certain de la virgule ici ?) parce qu’après avoir usé »
« déclarait que ce qu’il recherchait désormais, car cela seul, oui cela seul importait : ce qui ne peut être découvert sur Internet, ce qu’aucun moteur de recherche jamais ne peut trouver » : je trouve la construction de la phrase boiteuse ; « je déclare que ce que je recherche désormais : ce qui ne peut se trouver sur Internet », mais qu’est-ce que je déclare, finalement ?
« se cache en profondeur, (êtes-vous sûr de la virgule ici ?) le devenir, le changement »
« Il révélait qu’un (« qu’on » ? Sinon, qu’un quoi ?) l’avait surnommé Tournevis »
« Il confiait encore que, parfois (peut-être une virgule serait-elle intéressante ici) la tête lui tournait »

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Message  Invité Mer 6 Oct 2010 - 7:08

J'aime bien cette thématique également, que j'ai déjà explorée, avec des idées moins romantiques comme l'apocalypse par dévissage de toute chose vissée, des terroristes dévisseurs, la conspiration du pas de vis tourné à l'envers dès l'usinage.
Il est bien évident que le monde entier repose désormais sur quelques principes physiques et mécaniques, les lui retirer serai impensable. Comme socque je pense que le sujet vaut la peine d'être traité, surtout que les interprétations philosophiques qui s'y rattacheraient sont nombreuses. Une belle matière de travail, oui.

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Message  Polixène Mer 6 Oct 2010 - 11:11

L'idée de lire une suite me réjouit !
Car d'emblée les personnages sont attachants, par leur universalité; d'ailleurs leur sobriquet nous suffit, comme dans les contes.
Je n'oserai faire qu'une seule remarque sur le niveau de langue que vous prêtez aux personnages menaçants, peu réaliste :
« mettre une trempe à ce petit morveux qui vient fouiner où c’est pas chez lui » trop littéraire pour une menace actuelle dans l'environnement choisi .Mais finalement le "réalisme" n'est pas forcément nécessaire pour vous, dans ce texte .

En tous cas, peu importe, ce début est déjà tellement riche !
A vous lire
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Message  elea Mer 6 Oct 2010 - 19:16

Joli début, les personnages sont fascinants, l'atmosphère attirante.
J'ai par contre un peu de mal avec les longues descriptions, comme dans le premier paragraphe, certaines tournures me paraissent lourdes, simple question de goût personnel.
Il n'empêche que j'attends la suite avec envie.

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Message  Invité Jeu 7 Oct 2010 - 7:56

J'aime beaucoup l'idée des vis mais, c'est plus fort que moi, je renâcle au cliché qui veut qu'on trouve de belles fleurs sur le fumier ou des poulbots dans les rues populaires de Paris : Cierge s’alluma à l’arrivée d’un lutin qui le hélait, bouille rieuse, casquette à l’envers vissée sur la tête, une boîte à outils en bandoulière.
Et par là-même, j'objecte au choix du registre pour décrire la zone : graffitis pour envoyer niquer tout l’univers, sœur, ciel et mère, les cages d’escaliers crevaient d’ennui, dans la cité crise où la vie s’accrochait aux balcons avec des yeux vides, à contempler muets les territoires d’abandon, les friches des rêves paternes en illusions d’urbanités d’un vivre ensemble. [...]Rien, qu’une permanence de ce qui retient dans le présent en perpétuelle répétition ; rien qu’un morne maintenant sans futur autrement. Un toujours recommencé des jours atones, indolents et languissants.
Je me demande ce que les intéressés, les vrais, en pensent de leurs jours atones.

Toutefois, je continuerai sûrement à lire parce que s'il y a du Robert Sabatier dans les descriptions des personnages, ce passage m'évoque aussi un peu Selby Jr, Le Saule , précisément ; un encouragement donc.

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Message  Invité Jeu 7 Oct 2010 - 14:48

Ça fait longtemps que je n'ai pas vu un texte aussi original et à la fois, qui sonne si vrai !

Des trouvailles extraordinaires, comme la quête de Googleno !

Des personnages qui me font penser à Le Clézio, mais en plus absurde.

Une description de la zone très personnelle, limite surréaliste... Mais on la sent très bien, cette ambiance.

Un petit bémol pet-être: tu pourrais parfois simplifier tes phrases. Quand le fait d'écrire en longueur n'est pas d'une utilité folle. Surtout si ton récit va être long. Un petit poil d'humour aussi, peut-être. Enfin, c'est un avis tout à fait personnel.

Bon. C'est quoi, un conte philosophique? Je veux lire la suite

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Message  Sahkti Dim 17 Oct 2010 - 8:52

Même si dans l'ensemble, j'ai aimé ce texte, je suis tout de même partagée sur certaines composantes.
D'abord l'allure parfois poétique dans les descriptions qui risque de lasser sur un plus long format.
Ensuite la volonté d'enfermer certains éléments dans des stéréotypes sur la zone, sur la ville, sur les gens qui ne peuvent être que comme ceci ou cela. Pourquoi pas certes, mais là encore sur du long, ça risque de faire beaucoup.
Ensuite, si je ressens de l'empathie pour les personnages, il n'en faudrait pas beaucoup plus pour que ça finisse par tourner un peu trop doux à mon goût.
Bref, il y a du bon et du très bon mais aussi des limites vers quelque chose de trop léger à mon goût qui pourraient être facilement dépassées et ça me plairait moins.
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Message  Reginelle Jeu 21 Oct 2010 - 20:13

Même si tu n'allais pas plus loin, il y a déjà un "tout" ici. Et tellement ! Une poésie telle que je l'aime, des personnages qui appellent la tendresse... et... tout ça, quoi... (ce qui n'interdit absolument pas une suite, on est bien d'accord ?)

juste une petite chose, et c'est la première fois que je bute sur un "quelque chose" dans un de tes texte : "et ces flots d’huile grasse et noire..."

c'est sur "grasse" que je bute, parce que l'huile, c'est forcément gras. J'attendais autre chose... visqueuse, épaisse, gluante... je sais pas...

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Message  Reginelle Jeu 21 Oct 2010 - 20:16

de tes textes*** ffffffffff
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Message  Louis Dim 24 Oct 2010 - 13:36

Merci à celles et ceux qui ont lu et commenté le premier chapitre. Je vous propose le chapitre 2


- - - - 2 - - - -


Une torche électrique à la main, Cierge éclairait la scène, debout, mince, « raide comme un clou » pensa Tournevis, et cette image du clou lui plaisait, elle avait même ce pouvoir de le « ravisser », comme il aimait à dire, quand la tournure des choses lui convenait. Avec les clous, au moins, comme avec les vis, tout est bien fixé, rien ne risque de patiner et de se détacher, de glisser par cette instabilité huileuse de tout, partout. Sûr, ça ripe trop, la vie. Mais, lui, préférait les vis, « J’suis pas marteau » avait-il répondu, pour clouer le bec à ce casse-pieds qui, un jour, lui demanda : « Des vis, et pourquoi pas des clous ? » Dans la pointe de lumière projetée par son nouvel ami, il disséquait le gros téléviseur à la recherche des liens précieux qui lui importaient plus que tout.
Cierge avait levé les yeux du côté de l’immeuble voisin. Des lueurs colorées de luminance variable en grand nombre de candela illuminaient quelques fenêtres. Là-haut, ils regardaient la télé, et lui, ce soir, au bas de la tour, il regardait dans une télé éventrée ses organes diffuseurs et émetteurs, tube cathodique, canon d’électrons, fils de couleur, et Tournevis, animateur d’une absence d’émission, accroupi, le nez plongé dans le ventre de l’appareil, ses instruments à la main, l’un à bout plat, l’autre à tête cruciforme.
Des fenêtres là-haut lui parvenaient des éclats de voix ; là-haut, on criait, on hurlait, dans l’épouvante de tours en flamme, dans la terreur de l’effondrement imminent de buildings immenses. Un « But » vociféré marquait le « bonheur » d’une équipe gagnant le paradis foot, quand une voix féminine déclamait les illusions perdues « Je croyais que tu m’aimais et tu m’as trompée, salaud ! » et qu’une rafale de coups de feu précédait un « Flingué ! Gagné ! ». Dans la tour babélienne, résonnait l’écho cacophonique par ondes interposées des clameurs du monde. Penché sur sa télé démontée, Tournevis, lui, fredonnait sans crainte d’une déflagration, sans paradis et sans illusion. Soudainement, il se releva avec un : « C’est perdu ». Trop peu de vis, dans une télé. Et toutes banales.
Ils s’éloignaient désormais, tous deux, sous le ciel cloué d’étoiles, rivé solidement à la nuit noire, avant de traverser des tunnels de lumière jaunâtre, crasseuse, creusés dans l’obscurité par les lampadaires du quartier.
Ils croisaient des motos cabrées, orageuses, filant sur une roue, laissant sur la chaussée, diarrhées noirâtres, des traînées de gomme.
Lorsqu’ils aperçurent une grêlée de types très jeunes qui se bousculaient les uns les autres, s’essayaient à des figures gymniques et martiales de style acrobatique, répétaient les postures Nekoashi-Dachi ou Zhan Zhuang, qu’ils mêlaient de criailleries et apostrophes injurieuses, Cierge poussa son compagnon dans l’entrée de l’immeuble le plus proche, le pressa de le suivre dans les escaliers qui menaient vers les obscurs sous-sols.

Un fracas du diable se fit entendre, au nombre de décibels aussi élevé que celui atteint par les sonos des caisses roulantes de la cité quand elles ont pour passagers rap, raï, ou reggae. On boxait derrière eux, à la française en frappe savate, ou par de nippons Fumikomi, la porte d’entrée déjà outrageusement blessée par des coups antérieurs de toutes cultures et nationalités.
Ils traversaient, le pas rapide mais sans courir, fantomatiques, des parois de parpaings en agglo d’obscurité, en condensé de nuits. Tournevis craignait à chaque instant de se heurter au mur de ténèbres opaques.
Un calme de catacombe régnait désormais dans l’épaisseur noire des bas-fonds de l’immeuble. Ils s’avancèrent jusqu’au trait de lumière qui soulignait le bas d’une porte, un panneau de bois dont la structure avait été renforcée par des plaques ondulantes de tôles tachées par la rouille.
La voix de Cierge creva le silence, et sonna réconfortante aux oreilles de son compagnon. « Allons chez Maurice. Il est là, c’est sûr, il est toujours là. Maurice, quand il était petit, dans le quartier, on se moquait de lui, on l’appelait Momo spaghetti, parce qu’il était tout mince, et que les muscles de ses bras et ceux de ses jambes avaient la solidité des nouilles, alors il en a vu des sauces et des saucées de toutes les couleurs. Tu vas voir, il a changé »
Cierge poussa la porte armée de tôle rouillée, et lança un « Salut ! ».
Tournevis à son tour pénétra dans l’antre à Maurice, où, par surprise, des masques grimaçants l’accueillirent, descendus de barres en fer fixées à hauteur de plafond, avec des bobines boursoufflées, des cernes couleur fauve sous le regard vide, le regard parfois d’un seul œil, d’une cavité unique percée dans la surface d’un visage chaotique. Il évita un face à face trop long avec les figures flottant dans le clair-obscur de la cave éclairée par une ampoule basse tension, toute nue pendante du plafond. Très vite, les totems dressés sur le sol du cagibi cave le fascinèrent, superpositions de poids et haltères en figures colorées et boules de regard pesants, et tous ces appareils partout disséminés, barres et leviers, crics et treuils, tenseurs et raidisseurs, et trapèzes et poulies, roues surprenantes surmontées d’un dossier, engins à pédales, chevaux d’arçon semblables à des hippopotames. Enfin, il aperçut les épaules tatouées de Maurice, sur chacune un grand oiseau aux ailes blanches, aux plumes ocellées de petits carrés noirs, oiseaux au long cou, remarquables surtout par de longues queues, toutes en bleu, étirées et stylisées, élégamment. Des « simurgh », ou des « phœnix », Cierge les avait identifiés et avait donné plus tard son interprétation à son compagnon.
Les fabuleux oiseaux semblaient contempler des montagnes de muscles, ceux que l’on pouvait deviner sous un maillot blanc, débardeur à l’ancienne, moulé du pectoral à l’abdominal, ceux découverts, biceps, triceps, en brachial et fémoral, jusqu’au sural des mollets. Tournevis prêta surtout attention aux reflets étranges sur les verres de lunettes de Maurice, avec cette idée saugrenue qui lui vint que ces lunettes, ces verres, c’étaient des muscles aussi pour les yeux, et que ses yeux, Maurice, il ne devait pas les utiliser beaucoup, pas comme Cierge, qui lui avait dit aimé les livres, lire les grands livres, ceux qui ont du poids, des tonnes de mots, et que pour tous ces muscles, au fond, comme pour ses yeux, on pouvait se demander ce qu’ils y voyaient, ces biscotos, de la lumière du jour, mais, ben non c’est pas pour voir, mais c’est pour être vus, les gros bras, les membres balèzes, et toute l’armoire à glace, mais pour Maurice, non, lui, Maurice, il sortait pas beaucoup, toujours dans son antre, toujours cloîtré dans cette sorte de temple au bas d’un immeuble à vouer un culte à la chair en sa force démultipliée, à la force pure en opposition à toute fragilité, dans une construction d’un rempart solide, baraqué, contre toutes les tribulations des calamités poisseuses, monstrueuses.
Pas bavard, Maurice. Il poursuivit ses exercices, sans le moins du monde s’interrompre à l’occasion de l’irruption dans son domaine des deux jeunes visiteurs. Il n’échangea avec Cierge, d’une voix douce et calme, que peu de mots. Le temps s’écoulait, dans un silence rythmé par la succession des expirations et inspirations profondes de Maurice le colosse, dans ce lieu sans aération, à l’odeur forte de transpiration mêlée aux senteurs persistantes d’un bâton d’encens éteint à l’arôme du bois de santal.
Tournevis écoutait vaguement les rares propos échangés. Il avait devant les yeux les machines à produire force et musculature, et imaginait d’autres mécanismes :
des machines à lever le soleil quand tombent les nuits trop noires, trop sombres ; des fabriques à éclaircies ; des usines à produire de la lumière couleur or, et encore des machines à tricoter les arcs-en-ciel ; des poulies, des engrenages qui descendent sur terre toutes les étoiles, et les lueurs de l’aube dans les nuages ; subtils treuils et filins pour transporter vers le ciel l’éclat dans les yeux des hommes aimants.

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Message  Procuste Dim 24 Oct 2010 - 18:11

Yeah ! J'aime cette suite.

Mes remarques :
« sous le ciel cloué d’étoiles » : cliché, pour moi, même si ça rappelle le thème
Tu vas voir, il a changé » : manque le signe de ponctuation de fin de phrase
lança un « Salut ! ». : le point est inutile, la phrase est déjà close avec le point d’exclamation
« avec des bobines boursouflées (et non « boursoufflées ») »
« aux plumes ocellées de petits carrés noirs » : une ocelle, c’est rond ; la contradiction de l’image me gêne
« pas comme Cierge, qui lui avait dit aimer les livres »
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Message  Invité Dim 24 Oct 2010 - 18:52

Oui, j'aime beaucoup aussi cette suite. Donc je m'abonne en tant que lecteur.

Je ne retrouve pas du tout les défauts d'écriture que j'ai pu voir ailleurs (défaut et qualité d'ailleurs, comme la face et le revers d'une pièce de monnaie) qui serait la confusion, le lyrisme, le "plein d'idées disparates". Non, ici, tout est cohérent, bien tourné, avec de très bonnes trouvailles (les muscles de l'oeil, bien !). Néanmoins, je te signale juste une chose : tes jeux de mots sur "tournevis, clous" sont bien trouvés, mais fais attention à ne pas abuser du truc, je pense qu'ici il y a peut-être un ou deux calembours en trop, que tu aurais pu réserver pour plus tard, histoire de fair le lien dans d'autres chapitres. Et puis, je dois dire que je t'attends sur la suite, parce que si tu nous balance un chapitre 3, il faudra que l'histoire démarre, le prochain chapitre c'est un peu le point d'inflexion où tu risques de décrocher les lecteurs, ou au contraire, les rendre à cran.

Pour l'instant, donc, c'est du tout bon pour moi.

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Message  Rebecca Dim 24 Oct 2010 - 19:10

Toujours fan de tes univers Louis et de tes mots à la jointure du réel et de l'imaginaire.
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Message  Invité Dim 24 Oct 2010 - 19:10

bel œil Vincent ! J'ai atteint personnellement le point de saturation à " sous le ciel cloué d’étoiles, rivé solidement à la nuit noire " mais j'imagine que chaque lecteur à une unité de mesure différente, qui n'est du reste, pas celle de l'auteur. Garder un peu pour la suite, c'est mon avis aussi.

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Message  Invité Dim 24 Oct 2010 - 19:16

il faudrait regarder :
à l’odeur forte de transpiration mêlée aux senteurs persistantes d’un bâton d’encens éteint à l’arôme du bois de santal.
la phrase est à bout de souffle dans sa tentative de décrire les éléments olfactifs.

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Message  Invité Dim 24 Oct 2010 - 20:17

Vivement une suite ! J'aime beaucoup le fond.
C'est très bien écrit, un peu trop précieusement peut-être au regard du sujet, et surtout quelques phrases trop longues à mon goût.
Les dernières phrases de chaque chapitre m'ont fait sourire. Elles rendent enfantin et sympathique ce Tournevis qui s'élève au-dessus du prosaïsme des objets qui le préoccupent en rêvant d'applications poético-philosophiques... Charmant.

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Vicissitudes Empty Trop fort.

Message  ubikmagic Dim 24 Oct 2010 - 23:56

Une fois de plus, tu nous emportes, avec peu, très peu. Trop fort ! Vraiment, j'applaudis à tours de bras.

Ubik.
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Message  elea Lun 25 Oct 2010 - 19:42

J'aime beaucoup l'invitation au voyage dans cet univers sombre, gris, froid, réchauffé par des personnages hauts en couleurs.
C'est très visuel, l'ambiance a du corps, est palpable et la manière poétique de rendre compte d'une réalité qui l'est peu est surprenante mais je m'y laisse embarquer malgré certaines phrases un peu chargées à mon goût.

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Message  Louis Ven 5 Nov 2010 - 17:24

Merci Procuste, Rebecca, Embellie, Elea, Ubik pour vous encouragements.
Merci Panda, tu as raison pour la phrase signalée, je la modifierai.
Merci Vincent, j’ai essayé de tenir compte de tes conseils, mais ne suis pas certain d’avoir réussi, dans le chapitre qui suit, à vraiment « démarrer l’histoire », et d’avoir réussi à éviter de « décrocher le lecteur ». Les commentaires me permettront de savoir…


***** 3 ******

Les hautes tours attendaient, patientes, leur prochain effondrement, explosivement programmé. Géants anémiques, monstres angulaires aux entrailles dévastées, ogres émétiques, les immeubles se vidaient lentement de leurs habitants.
A droite en haut de l’escalier, quatrième étage éventré, cloisons écroulées, le bar Hamada n’ouvrait jamais ses portes, depuis longtemps défoncées.
Derrière un vieil évier de cuisine, une petite table de travail carrelée pour tout comptoir, les trois frères Waduda servaient du thé, du coca, et parfois des bières, selon les arrivées du jour, selon ce que les trois frères dénichaient chez leurs « fournisseurs », d’eux seuls exclusivement connus. « Bayddu, sont pas frais tes cocas ! » se plaignaient deux jeunes filles aux cheveux longs tressés à l’africaine. Cierge avait demandé trois tasses de thé à la menthe. Tournevis s’impatientait, piqué par le désir de courir explorer les étages supérieurs de la tour. Maurice et ses muscles avaient suivi les deux compères, ce matin, jusqu’au bar Hamada, mais il avait fallu insister, et Cierge avait dû se montrer très persuasif pour le sortir de son temple de malabar. Maurice observait avec curiosité, posé sur un vieux tapis, le grand narguilé composé de plusieurs vases bombés vivement colorés, décorés de multiples arabesques, reliés entre eux par une colonne verticale torsadée qui aboutissait au foyer. Son regard suivait le tracé sinueux des volutes de cette sorte de houka qui finalement lui paraissait un complexe alambic.
Cierge se laissa un moment envoûter par la musique qu’un des frères Waduda avait fait surgir d’un petit électrophone compact high tech. Le guemdri et le bendir accompagnaient la flûte pour le transporter, par des airs d’une obsession lancinante, loin vers des horizons de dunes et de sable, pendant qu’un jeune black près de lui, venu s’accointer avec les piliers du bar Hamada, sautillait tout en fredonnant un mot dont le sens lui échappait, mais qui avait sans doute à son ouïe une sonorité à la fois exotique, mystérieuse et magnétique. Il scandait de sa voix grave, avec un accent ouest africain, en une suite de modulations toniques : tungstène, tungstène, tungstène.
Souvent gai, le bar Hamada, même lorsque l’on y racontait les obsessions policières des papiers d’identité, dont on était souvent la victime.

Le thé à la menthe, brûlant, ne pouvait être avalé sur l’instant, et Maurice se sentait pris dans des tubes tarabiscotés et alambiqués, muet, et Tournevis avait dévissé, taciturne, la tête dans les abouts, et « tungstène » résistait à la corrosion comme à l’expiration ; et, par inspiration, Cierge se hissa de la caisse en bois sur laquelle il était assis, s’avança jusqu’à la fenêtre, tira le tissu qui faisait office de rideau offrant à la vue, en place d’immeubles en agonie, une caravane de chameaux en marche dans le désert, alors, instant de prodige et d’enchantement, alors il l’aperçut.
D’un côté de la vue, une forêt de tours, de l’autre un grand terrain en friche qui s’étendait loin, jusqu’à l’horizon tout hérissé de bâtiments élevés. Une terre avait résisté à toute construction, cernée de barbelés en mauvais état, parfois déchirés, parfois couchés sur le sol. Une transition vide, sans béton, comme à l’abandon, entre les cités des banlieues.
Dans ce no man’s land, une présence, un homme, un être fantasque, lunaire, extravagant, et des yeux fixés sur lui étincellent, en haut, derrière les fenêtres d’un immeuble.
L’homme arpente le terrain. Il court. S’interrompt. Lève la tête au ciel. S’aplatit d’un coup, le corps mis tout entier en familiarité avec la terre, sensible à ses strates, ses couches, à leur consistance, tout en résonance avec leurs mouvements infimes, leurs vibrations, leurs oscillations, à l’écoute des ondes telluriques et des profondeurs chtoniennes. Il se relève. Court. Se penche pour toucher le sol du bout des doigts. Se déhanche pour jeter un regard côté est, côté ouest, vers les hauteurs, le ciel, les horizons et les nuages. Alors vient le moment convulsif, créatif, prodigieusement paroxystique, et de sa poche jaillit un stylo plume qu’il lève bien haut, en un geste solennel, hyperbolique et magnifique. Il le tend très haut pour griffonner les nuages, et la nuée des feuilles blanches surgies d’une sacoche en bandoulière.
« Je reviens » cria Serge, avant de sortir en courant du bar « chez Hamada » et dévaler les escaliers de l’immeuble dévasté.
Il revint après un long moment accompagné d’un homme plus très jeune, au regard intense, magnétique. Il accepta le thé que Cierge lui proposa et s’installa sur une caisse de bois.
« C’est monsieur Pargliostro » proclama Cierge en guise de présentation. « Il revient d’un long voyage, il possède un grand terrain, il a un grand projet, super, grandiose, génial » lança-t-il encore, tout en vrac, précipitamment, avec exaltation. Tournevis, Maurice et quelques fréquentations du bar Hamada, prêtèrent une attention d’abord curieuse, puis fascinée, à la présence étrange en ces lieux de monsieur Pargliostro. L’homme demeura un moment silencieux, caressant sans cesse sa barbiche pointue. Il sortit une longue pipe blanche, après un bref regard porté au narguilé. Approcha du foyer la flamme d’un briquet en forme d’hippocampe. Tira quelques bouffées.
« Je t’ai reconnu tout de suite, Serge, même après tant d’années, commença-t-il, d’une voix claire et profonde. Vous savez, j’ai connu Serge tout enfant, il était différent des autres garnements de la cité. Il ne lançait pas de pierres sur ma maison, la petite demeure aujourd’hui toute délabrée qui se trouve au bout du terrain clôturé, près d’ici. Il ne m’accablait pas d’injures, comme le faisaient les chenapans du quartier. C’était un petit garçon timide et curieux. Il osait m’approcher parfois, et il écoutait, les yeux brillants, toutes les histoires que je lui racontais, toutes les réflexions que je lui exposais. Et puis je suis parti. J’ai voyagé à travers le monde. Beaucoup voyagé… beaucoup cherché... J’ai prospecté les gisements culturels de tous les continents. J’ai suivi la route de la soie, jusqu’à Samarcande et Boukhara. J’ai vu Istanbul, j’ai suivi les rives de l’Euphrate, j’ai appris l’akkadien. Sur les ruines d’Ur et de Babylone, j’ai rêvé, et j’ai médité l’histoire de l’humanité. Ah, je me suis instruit pendant toutes ces années. A l’autre bout du monde, j’ai marché dans le désert d’Atacama, j’ai observé les étoiles dans les grands télescopes du Cerro Paranal à deux mille six cent mètres d’altitude. J’ai étudié l’architecture à Valladolid, je suis resté des heures devant les pyramides de Uxmal et Chichén Itza, des jours à m’initier à l’art de la construction et à la philosophie orientale, des semaines à apprendre la poésie et la maçonnerie, des mois à comprendre les techniques des shaman sur les bords de l’Oural. A Paris, j’ai approfondi la théorie mathématique du chaos et découvert l’art conceptuel, et puis l’arte povera. Dans les oasis du Sahara, j’ai lu les traités sur la mécanique quantique, et les ouvrages d’alchimie, et acquis les savoirs antiques des Berbères et des Touaregs. J’ai beaucoup appris… J’ai beaucoup cherché… » Monsieur Pargliostro fit une pause. Avala quelques gouttes de thé. Poursuivit son discours par des gestes amples des bras et des mains. Le silence s’était fait dans tout le bar Hamada, à l’écoute de l’homme étrange, seuls la flûte et le guemdri délivraient, avec le bendir, leurs mélodies en sourdine.
Il reprit ses tirades, intarissable. Il expliqua, non sans multiples circonvolutions, ces « troubles », disait-il, qui l’obsédaient, les interrogations sans réponses qui le hantaient. « Ne l’avez-vous jamais remarqué, avait-il proclamé en élevant la voix : les particules de matière ne rient pas, elles ne pleurent pas, et pourtant nous qui sommes composés de ces particules, nous rions et nous pleurons. Comment expliquer cela, comment ? Les atomes qui constituent les choses du monde n’ont pas de couleur, pas d’odeur, et pourtant beaucoup de choses sont colorées, et odorantes. Alors, hein, n’est-ce pas remarquable, tout à fait troublant, n’est-ce pas bouleversant ? »
– C’est un barge ! Il est chtarbé des neurones, le mec ! S’exclamèrent
quelques-uns dans le bar, qui se détournèrent pour reprendre leurs conversations, et raconter comment Steph, dans la soirée d’hier, avait répondu, pieds et poings levés, à « l’enculé » qui lui avait manqué de respect en « le regardant de travers. »
Pargliostro ne parut pas s’émouvoir de ces désaffections et des jugements désobligeants qui les accompagnaient.
– Comment l’ordre peut-il naître du désordre ? Continua-t-il. Comment l’ordre
naît-il du chaos, comment naît-il du hasard ? C’est ce qu’il faut savoir. C’est ce que j’ai longtemps cherché. Le passage du moins au plus, de l’inférieur au supérieur, de l’élémentaire au complexe, n’est-ce pas fascinant ? Comment par ce passage se font les transformations, les transfigurations, les métamorphoses, hein, c’est ce qui est à trouver.
Les auditeurs de monsieur Pargliostro étaient comme subjugués par les paroles inouïes, jamais proférées dans ce lieu désolé, derrière l’évier comptoir du minable bar, fièrement nommé Hamada. Ils ne comprenaient pas la teneur de tous ces propos sibyllins, mais le ton exalté dans lequel ils se déployaient les avait tout à fait médusés.
Monsieur Pargliostro en vint à évoquer son grand dessein, l’œuvre à réaliser après toutes ces années de recherches, une œuvre comme un aboutissement, un véritable accomplissement, selon une idée qui s’était imposée à lui, impérieuse, et d’une nécessité inéluctable. Il construirait sur son terrain, entre les murs des cités grises, comme jamais on n’en avait vu, une belle, une immense, une grandiose ziggourat.
– Une ziggou… quoi ? demanda Tournevis.
– Une ziggourat clama Cierge, enthousiaste. Une sorte de pyramide, une tour comme à Babylone, une tour fabuleuse, un château céleste.


Louis

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Message  Invité Ven 5 Nov 2010 - 23:28

Bon.

Niveau cohérence, c'est très bon, ça rejoint parfaitement les chapitres antérieurs, tant au niveau de style, que de l'univers décrit. Tu arrives à bien "rebondir" dans ta narration avec ton nouveau personnage, qui est aussi loufoque (et même plus que les autres) et qui apporte un nouvel horizon. A mettre en parallèle avec "googleno" finalement dans sa quête. A ce niveau, c'est très bon.

Par contre, ton style, très poétique, peut ennuyer à la longue. Manquent des dialogues, des éléments plus dynamiques au niveau rythme... Le passage du fou philosophe est bien mais un peu figé. Pas assez d'interaction entre les personnages.

En ce qui concerne "l'histoire", tu as un synopsis ou tu improvises au fur et à mesure ? Il y a une "histoire" ? Je crois qu'on devrait un peu mieux déjà, deviner, à défaut d'une histoire, un "squelette", dans ce récit.

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Message  Invité Sam 6 Nov 2010 - 12:56

Aïe aïe aïe !

Je me rends compte que je viens de faire un gros gros amalgamme entre les deux Louis de ce forum. "Louis !" avec point d'exclamation, 19 ans, et vous !

Du coup, certains de mes commentaires n'ont absolument aucun sens, désolé donc pour cette méprise.

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Message  elea Sam 6 Nov 2010 - 22:54

Un beau voyage ce dernier chapitre, voyage dans le passé, la pensée, l'imaginaire et l'évasion. J'aimerais bien déguster un thé à la menthe au bar Hamada en la bonne compagnie de ces personnages étranges et envoûtants.

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Message  Invité Lun 8 Nov 2010 - 0:20

Louis, je me régale !
J'aime ces personnages poétiques, j'aime l'abondance de références, le côté décalé, ce qui se dégage d'humanité, tout ce qui affleure et fleurit en mots chantants...
J'aime un peu moins : le tout début, trop écrit, trop joli (entendons nous bien : c'est magnifique ! mais il y a une rupture qui s'effectue avec la suite. Bien sûr, on ne pourrait pas lire une histoire entière avec cette densité d'écriture !)
Et j'ai relevé ceci :
Il poursuivit ses exercices, sans le moins du monde s’interrompre à l’occasion de l’irruption dans son domaine des deux jeunes visiteurs.
Qui me parait redondant.

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Message  Reginelle Lun 8 Nov 2010 - 14:30

j'attends la suite... (oui, je sais, c'n'est pas du commentaire ça ! mais bon... )
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Message  Louis Lun 29 Nov 2010 - 0:37

**** 4 ****

Cierge avançait de son pas lent. Dans ces rues, entre ces bâtiments qui limitaient son horizon depuis tout enfant, depuis toujours. Il sourit à cette rêverie qui, l’instant auparavant l’avait envahi : il se tenait juché sur une pile de livres, haute, très haute, à cette même hauteur que devait atteindre la ziggourat de Monsieur Pargliostro, et il observait le paysage par-dessus les tours de son quartier. Il pouvait, à l’est, découvrir des steppes immenses, où se trouvaient posées, disséminées sur l’herbe, des yourtes de toile blanche, resplendissantes au soleil ; des étendues où s’élançaient au galop des chevaux en des courses sans fin, ondes blanches sur marées vertes. Tout au fond, à l’horizon, se découvraient les sommets élevés des monts Altaï, près des Himalaya et des Kilimandjaro juxtaposés, en enfilades de brumes, blancheurs et courbes bleutées. A l’ouest, les grands déserts de sable à perte de vue, à perte de vie. Entre paraboles et râteaux d’antennes, sur les dunes hautes et lointaines, il aperçut un homme en marche dans un costume sombre, une petite valise à la main. Sûr, qu’il s’agissait de monsieur Pargliostro ! Et c’est à sa rencontre qu’il se dirigeait maintenant, avec l’espoir de le trouver chez lui, dans la maison plantée à l’extrémité de sa propriété, le grand terrain vague en guise de parc.
Il s’aperçut à peine que madame Tissot le saluait.
« Ah ! Serge. Tiens, te voilà. Justement ce matin, je parlais avec ta maman. »
Essoufflée, elle traînait derrière elle un cabas à roulettes, une poussette de supermarché bondée. « Elle s’inquiète, ta maman, tu sais, elle s’inquiète.»
Madame Tissot occupait un petit appartement dans ce même immeuble où résidait la famille de Cierge qui, pour connaître la faconde de la dame, se demandait déjà comment il allait pouvoir échapper aux griffes tenaces de ses tirades bavardes comme aux égarements habituels de ses propos en méli-mélo de salmigondis : « Oh ! J’ai trouvé de belles aubergines aujourd’hui, c’est plus la saison, mais on trouve tout maintenant toute l’année, même des fraises à Noël, mais pas de boulot, et tu sais, ta maman s’inquiète parce que tu n’as pas de travail. Les temps sont durs, c’est vrai, et il faut pouvoir se les payer, les aubergines, et les tomates, et les fraises à Noël, et puis tout augmente, et pas seulement les prix, l’inquiétude de ta maman aussi et la taille des fruits, mais pas leur goût, ah leur goût, ça non. »
– Je dois y aller, Madame Tissot.
– Quoi, tu n’aimes pas les aubergines ! Pas les fraises, non plus ?
– Oh, si, mais…
– Ah, écoute-moi. Ta maman… Oh, mes jambes ! Je déteste la douleur de mes jambes, je hais le sang qui ne circule plus, ces mollets trop lourds, ces pieds blessés. Elle ne comprend pas, ta maman, et moi non plus hein, que toi, toi toujours fourré dans les bouquins, du matin au soir, du soir au matin, toi, tu aies arrêté tes études. Même pas ton bac ! Elle s’inquiète. Mais qu’est-ce qu’il y a dans tes livres pour te déranger la tête ? Moi, je ne lis que des livres de cuisine. Je trouve toutes sortes de façons de préparer les aubergines, ou alors les zuchettes. Les livres, ils ne devraient servir qu’à ça, aux recettes, et à nous ôter du ciboulot tous ces vieux trucs qui traînent depuis trop longtemps, qui nous ont menés à quoi, hein ? A ce monde-là, autour de nous, à ce monde-là, où il ne fait pas beau. Il ne fait pas beau, hein ? Même quand le soleil brille de nos jours, il ne fait pas beau. Regarde les aubergines, moi je reste longtemps devant elles, sans les éplucher, sans les cuisiner, juste à les regarder, à me plonger dans leur teinte sombre, violine, pour admirer leur beauté mélongène. Je suis la ligne de leurs courbes qui me mène loin dans la tranquillité, le repos de l’esprit, et l’apaisement. Tu devrais apaiser ta pauvre maman… »
– Oui, Madame Tissot. Au-revoir, Madame Tissot.

Pargliostro se trouvait bien là où Cierge espérait le trouver, chez lui. Il trônait sur un escabeau au milieu d’une pièce, qui fut certainement une salle de séjour autrefois, mais désormais encombrée de caisses entassées en bois ou en cartons, de coffres, de valises, partout disséminés sur un parquet de bois écaillé et fendu, entre des murs aux teintes défraîchies. Très peu de meubles, mais quelques statues d’éléphants, et d’autres, des Bouddha en méditation, de tailles diverses, mais tous dans la posture du lotus, visage serein, sourire énigmatique, émergeaient de ce capharnaüm de bagages et d’emballages béants de contenus étranges et hétéroclites. Cierge l’écoutait déclamer les lignes qu’il avait écrites la veille, sur un ton solennel et grandiloquent, l’air inspiré, toujours juché sur son escabeau :
« En turbulences constructives, mettons, mettons… des bois, des briques, et des millions de parpaings rouges, et les modifications inductives, et les macérations bio-telluriques.
Chaux, boue de terre et envers bleu du ciel, nous gâcherons le mortier dans l’auge auréole de rêves lapidaires.
A la truelle, avec nos taloches et nos équerres, nous élèverons les façades millénaires d’un monde nouveau, d’une ère nouvelle.
Ne plus attendre, mettons, mettons… la tête sous le fil à plomb, l’ardeur dans la bétonnière ; construisons l’œuvre qui emmure nos aspirations.
Il y aura la boussole, et la dose hypnotique ; le phare et l’excédent surplus, le crucial. Mettons, mettons… les chantignoles, plus encore les pierres vitales ; peignons les fresques, gravons les hiéroglyphes, n’oublions pas les coupoles, les colonnes, les chapelles et les corniches. De l’électrique rainureuse aux disques de diamant, nous ferons usage, encore et dans la permanence, le fulgurant, hardi, insoupçonné, l’apothéotique, le prodigieux suréminent. »
– Je voulais vous demander, monsieur Pargliostro, intervint Cierge à la faveur d’une pause du discours déclamatoire, je ne cesse d’y penser à la ziggourat, j’en ai même rêvé la nuit dernière, dites : de quelle matière elle sera ? Elle sera de briques ou de mots ?
– Mon petit ami, mon lumineux ami, on t’appelle Cierge, n’est-ce pas ? Il faut bâtir un édifice incomparable ; un édifice aux murs de pierres et de rêves, de briques et de mots, de mots et de songes.

Il descendit des hauteurs de son escabeau, disparut dans une pièce voisine, et réapparut en exhibant bien haut des documents officiels qu’il tenait en main, marqués de cachets et de tampons.
– J’ai reçu hier le permis de construire de la Tour. Les travaux peuvent maintenant commencer. Et tu sais, les ziggourats sont apparues en Mésopotamie, au début de la civilisation, en même temps que l’écriture. Veux-tu participer au projet ?
– Oh oui, s’exclama Cierge, avec enthousiasme. J’ai du temps, je n’ai pas de travail, c’est très difficile de trouver du boulot, personne ne veut embaucher les jeunes d’ici.
– Je ne te propose pas un travail, mais une activité créatrice, c’est une œuvre, tu comprends ? Une œuvre qu’il faut accomplir. Le travail, c’est ignoble, c’est tâche vile, peine ingrate. J’ai toujours eu horreur du travail, mais j’aime l’effort créateur, l’activité libre, novatrice, inventive. Le travail, c’est la paresse créatrice, la passivité de l’imagination et de l’esprit, c’est la contrainte intolérable. Nous, nous agirons. Nous construirons. Il nous faut bâtir comme les Anciens, œuvrer comme aux temps originels, quand les commencements se savaient l’initial de ce qui ne doit pas prendre fin, l’initial d’une permanence, d’une éternité, œuvrer en concordance, en filiation, avec les forces les plus profondes, les plus cachées, celles d’où jaillissent les formes et les matières, avec le fond chaotique et tumultueux de la réalité du monde, d’où l’ordre et l’harmonie surgissent. Nous serons absolument anti éphémère.

Pargliostro fouilla dans une des caisses en bois qui encombrait la pièce. Il en sortit un long tube, qui devait être une lunette astronomique, un astrolabe, une sphère armillaire d’assez grande dimension, et enfin un livre sur lequel il passa la paume de la main, avant de le tendre à Cierge.
– Tu aimes les livres, n’est-ce pas ? Je t’invite à lire celui-là.

Un livre ancien, relié, un peu usagé, fut mis entre les mains de Cierge. L’auteur lui était inconnu : « Léon Depont-Maggiori », mais le titre un peu long l’intéressa vivement : « Les ziggourats et la naissance des premières cités et civilisations en Mésopotamie à l’époque des Dieux Enlil, Enki et Ishtar.»
Au moment de quitter la demeure vétuste de Pargliostro, Cierge remarqua, posée sur une caisse de carton, une reproduction en grand format d’une toile de Bruegel l’Ancien. Une grande tour en construction s’y trouvait représentée, une tour grandiose, hors du commun, la tour de Babel. Il se figea un long moment devant la peinture du bâtiment babylonien, au socle circulaire, aux formes hélicoïdales, où ses pensées tournoyaient. Il le savait : cette figuration allait nourrir ses rêves, attiser plus encore son imagination, enrichir son esprit de fantastiques fantasmagories architecturales. Il pouvait désormais repartir dans sa cité, il marcherait sous les voûtes et les arcades, sur les escaliers et les rampes qui mènent au belvédère où s’observent au plus près les profondeurs du ciel, et toutes les étoiles ; qui montent à cette terrasse sur laquelle la vie se déploie en insoupçonnées dimensions.




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Message  Procuste Lun 29 Nov 2010 - 3:44

De belles envolées ! Cela dit, autant, après la première surprise, le mélange des niveaux de langage chez Mme. Tissot m'a plu, autant le discours de Pargliostro m'a paru caricatural dans son enflure. Le personnage est trop "ça" : forcément excentrique et flamboyant...

Mes remarques :
« Il sourit à cette rêverie qui, l’instant auparavant l’avait envahi » : je pense qu’il serait préférable soit de délimiter complètement l’incise « l’instant auparavant », soit de ne pas la marquer du tout
« les grands déserts de sable à perte de vue, à perte de vie » : j’admirais tranquillement ce paysage serein et grandiose, et voilà que vous me faites retomber avec cet effet facile, sans intérêt !
« Au-revoir, Madame Tissot » : pas de trait d’union, à mon avis
« de caisses entassées en bois ou en cartons » : en carton, non ?
« d’emballages béants de contenus étranges et hétéroclites » : je considérerais plutôt « béant » comme un participe présent, puisque les bagages béent de leur contenu
« une des caisses en bois qui encombraient la pièce »
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Message  elea Lun 29 Nov 2010 - 21:05

Encore un personnage comme vous savez si bien les dépeindre, en quelques coups de crayons. Je crois qu’on a tous un jour rencontré une Madame Tissot, elle sonne vrai et par son intermédiaire on pose un regard à la fois externe et plus intime sur la personnalité de Cierge, sur comment son entourage le perçoit.
J’aime beaucoup son aspect rêveur, perdu dans les livres, à l’imaginaire galopant, des steppes à Babel.
J’accroche moins au personnage de Pargliostro, sorte de philosophe fou, tout en grandiloquence, mais il est lui aussi parfaitement croqué.

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Message  Invité Dim 5 Déc 2010 - 12:26

Je n'avais pas vu qu'il y avait une suite, et j'arrive après la bataille.

Vraiment, des personnages d'une truculence extraordinaire !

Je voudrais avec ce post minimiser mes reproches antérieurs : c'est un immense plaisir cette lecture, il y a de la poésie, de l'humour, un fond social et tout cela se marie à merveille. Et il y a une vraie trame : comme on dit en espagnol "cada loco con su tema" (chaque fou a son propre thème), oui c'est un vrai dialogue de fous, tous se parlent, mais en réalité il ne s'agit que de monologues entrecroisés. En ce sens, Mme Tissot, qui passe du coq à l'âne, est un personnage qui selon moi fait admirablement bien le lien entre tous.

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Message  Polixène Sam 24 Mai 2014 - 20:14

As-tu écrit la suite et/ou la fin?
La ziggourat hélicoïdale sera-t-elle la vis finale qui unira les personnages à leur destin?
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