Ah, si mon père...
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Ah, si mon père...
Ah si mon père… lisait le dimanche matin avec un beau verre de rouge à la main. S’il avait des lunettes à écailles et une petite moustache grisonnante. S’il écoutait du blues et tapotait le rythme doucement de son chausson troué sur le parquet grinçant et du bout de ses ongles, quelque peu noircis, sur le fauteuil d’un vert bouteille usé.
Ah si mon père… pouvait parler des heures et des heures sans que je ne tortille d’une seule paupière, le soir, dans la cuisine. S’il était grand, un peu trop mince, un peu trop voûté, une cigarette tordue au bec, un pantalon trop long, en velours ondulé pourpre. S’il parcourait le monde d’un ton apaisant, nouveau, étonnant, clairvoyant.
Ah si mon père… avait une voix si grave qu’on l’entendrait même quand il barbouillerait, en lisant son journal, des paroles utopistes et incompréhensibles, d’un vieil homme un peu trop savant.
Ah si mon père… perdait des pièces, des grains de sable et des épingles de son porte-monnaie, le long du trottoir. S’il marchait les pieds traînants, le dos courbé, la tête en l’air, pleine de pensées tourbillonnantes, des yeux vitreux, un vague sourire aux lèvres.
Ah si mon père… arrachait les pages de ses livres préférés pour les accrocher sur les murs de son bureau. S’il y restait de longs instants, pendant que je l’attendrais bien sagement, accroupie contre sa porte verrouillée, l’ouïe au qui-vive, si impatiente de l'entendre sortir, me chuchoter à l’oreille d’être surtout réaliste, de toujours demander l’impossible.
Ah si mon père… aimait vagabonder les soirs d’hiver, sur les petits chemins sinueux d’une colline avoisinante, jusqu’à ce que le sommeil l’attrape, pendant que le soleil le gagne.
Ah si mon père… avait ce regard contemplatif et assuré, les yeux à demi-fermé de satisfaction, d’une vie libre et résistante laissée derrière lui.
Ah si mon père… était tel que je le désirais, je crois que je l’épouserais.
Ah si mon père… pouvait parler des heures et des heures sans que je ne tortille d’une seule paupière, le soir, dans la cuisine. S’il était grand, un peu trop mince, un peu trop voûté, une cigarette tordue au bec, un pantalon trop long, en velours ondulé pourpre. S’il parcourait le monde d’un ton apaisant, nouveau, étonnant, clairvoyant.
Ah si mon père… avait une voix si grave qu’on l’entendrait même quand il barbouillerait, en lisant son journal, des paroles utopistes et incompréhensibles, d’un vieil homme un peu trop savant.
Ah si mon père… perdait des pièces, des grains de sable et des épingles de son porte-monnaie, le long du trottoir. S’il marchait les pieds traînants, le dos courbé, la tête en l’air, pleine de pensées tourbillonnantes, des yeux vitreux, un vague sourire aux lèvres.
Ah si mon père… arrachait les pages de ses livres préférés pour les accrocher sur les murs de son bureau. S’il y restait de longs instants, pendant que je l’attendrais bien sagement, accroupie contre sa porte verrouillée, l’ouïe au qui-vive, si impatiente de l'entendre sortir, me chuchoter à l’oreille d’être surtout réaliste, de toujours demander l’impossible.
Ah si mon père… aimait vagabonder les soirs d’hiver, sur les petits chemins sinueux d’une colline avoisinante, jusqu’à ce que le sommeil l’attrape, pendant que le soleil le gagne.
Ah si mon père… avait ce regard contemplatif et assuré, les yeux à demi-fermé de satisfaction, d’une vie libre et résistante laissée derrière lui.
Ah si mon père… était tel que je le désirais, je crois que je l’épouserais.
Autrement- Nombre de messages : 9
Age : 36
Date d'inscription : 28/12/2009
Re: Ah, si mon père...
Beau portrait ! J'ai aimé, sauf la fin. La dernière phrase me laisse une impression bizarre.
Une remarque :
"sans que je ne tortille d’une seule paupière" : je trouve que le "ne" explétif embrouille le sens, et "tortiller de" quelque chose, pour moi, c'est bizarre
Une remarque :
"sans que je ne tortille d’une seule paupière" : je trouve que le "ne" explétif embrouille le sens, et "tortiller de" quelque chose, pour moi, c'est bizarre
Procuste- Nombre de messages : 482
Age : 62
Localisation : œ Œ ç Ç à À é É è È æ Æ ù Ù â  ê Ê î Î ô Ô û Û ä Ä ë Ë ï Ï ö Ö ü Ü – —
Date d'inscription : 16/10/2010
Re: Ah, si mon père...
J'ai bien aimé cette description d'un père idéal mais moi aussi je n'ai pas du tout compris la chute. J'me suis dit : "Tout ça pour ça" Dommage
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Ah, si mon père...
Pareil.
Et quelques remarques sur l'expression :
le dos courbé, la tête en l’air, me semble difficilement possible
des yeux vitreux drôle de mot dans ce contexte
l’ouïe au qui-vive, "sur le qui-vive"
Et quelques remarques sur l'expression :
le dos courbé, la tête en l’air, me semble difficilement possible
des yeux vitreux drôle de mot dans ce contexte
l’ouïe au qui-vive, "sur le qui-vive"
Invité- Invité
Approche psy.
Je vois dans ce texte deux éléments intéressants. Le roman familial, où le sujet cherche à s'imaginer la famille parfaite. Et le complexe d'Electre. En ce sens, la fin ne me dérange pas, elle est l'illustration parfaite de ce que je viens d'énoncer.
Par ailleurs, le portrait de ce père idéal est assez attendrissant.
J'ai l'impression toutefois qu'on aurait pu éviter la répétition du leitmotiv, "Ah si mon père".
Mais globalement, je trouve ce texte sympathique.
Ubik.
Par ailleurs, le portrait de ce père idéal est assez attendrissant.
J'ai l'impression toutefois qu'on aurait pu éviter la répétition du leitmotiv, "Ah si mon père".
Mais globalement, je trouve ce texte sympathique.
Ubik.
Re: Ah, si mon père...
Je trouve lassante la répétition. A la première ligne et à la dernière, cela aurait suffi. Le portrait est intéressant.
La chute me paraît être un aveu de désamour de la part de la narratrice, du moins l'expression d'un regret, d'une déception.
Si mon père était ainsi je voudrais l'épouser, c'est le souhait de toute petite fille qui aime et admire son papa.
Ici, le conditionnel s'impose comme une constatation douloureuse.
La chute me paraît être un aveu de désamour de la part de la narratrice, du moins l'expression d'un regret, d'une déception.
Si mon père était ainsi je voudrais l'épouser, c'est le souhait de toute petite fille qui aime et admire son papa.
Ici, le conditionnel s'impose comme une constatation douloureuse.
Invité- Invité
Re: Ah, si mon père...
Bonjour,
Je vous remercie pour vos commentaires.
En effet, en relisant le texte à voix haute, je trouve aussi que la répétition est plus lourde qu'autre chose. Sinon, pour la dernière phrase, peut-être est-elle mal formulée, paraît-elle trop simple, trop naïve... Et en même temps, c'est aussi ce qui la caractérise, puisque, comme l'ont très bien dit Embellie et Ubik, il y a cette petite fille cachée derrière cette description. Celle qui n'est jamais tombée amoureuse de son Papa, bien qu'elle l'ait désiré très fort.
Alors après, peut-être pouvez-vous m'orienter vers quelque chose qui fonctionnerait mieux ? Ou peut-être tout simplement que ce sont deux sujets à part, deux idées trop fortes pour un si court texte, aboutissant alors sur une sorte de frustration ?
Merci pour votre aide !
Je vous remercie pour vos commentaires.
En effet, en relisant le texte à voix haute, je trouve aussi que la répétition est plus lourde qu'autre chose. Sinon, pour la dernière phrase, peut-être est-elle mal formulée, paraît-elle trop simple, trop naïve... Et en même temps, c'est aussi ce qui la caractérise, puisque, comme l'ont très bien dit Embellie et Ubik, il y a cette petite fille cachée derrière cette description. Celle qui n'est jamais tombée amoureuse de son Papa, bien qu'elle l'ait désiré très fort.
Alors après, peut-être pouvez-vous m'orienter vers quelque chose qui fonctionnerait mieux ? Ou peut-être tout simplement que ce sont deux sujets à part, deux idées trop fortes pour un si court texte, aboutissant alors sur une sorte de frustration ?
Merci pour votre aide !
Autrement- Nombre de messages : 9
Age : 36
Date d'inscription : 28/12/2009
Re: Ah, si mon père...
La répétition me paraît trop présente, d'autant plus que ce genre de procédé s'essouffle rapidement, en particulier avec une telle narration qui donne pas mal de détails sans véritable rebondissement dans l'histoire. Le père paraît finalement assez lisse alors qu'on pourrait penser le contraire vu tout ce que sa fille aimerait le voir faire/dire.
La dernière phrase vient ramasser un peu tout cela, en raison de son caractère dérangeant. C'est pas mal mais ce n'est pas suffisant à mes yeux pour compenser ce qui me manque dans le reste du récit.
La dernière phrase vient ramasser un peu tout cela, en raison de son caractère dérangeant. C'est pas mal mais ce n'est pas suffisant à mes yeux pour compenser ce qui me manque dans le reste du récit.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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