Il était une fois

Il était une fois. D'habitude, c'est comme ça qu'on commence une histoire. Là, c'est plutôt la fin : à la télé, ils ont dit qu'elle était morte, Joëlle. Le 15 mai 82 (j'avais presque quatorze ans). Je ne sais plus qui -mais je crois que c'est ma mère- a dit qu'elle s'était suicidée. En fait, je voudrai croire qu'elle s'est arrêtée parce qu'elle avait accompli son oeuvre, un peu comme Cloclo, Mike Brand & Aerton Seyna.
Ou encore Mesrine. Le 2 novembre 79 (j'avais onze ans et demi), sur TF1, le journaliste Jean-Paul Lefèbvre reconstitue l'action avec ses petites voitures. Je l'ai bien vu, il est amoureux de la camionnette à Broussard : un adulte, pendant le journal de Mourousy, qui manipule sérieusement des Majorettes. Tandis qu'aujourd'hui on aurait une scène virtuelle en 3D : la trajectoire des projectiles de 7'62 et ses collatérales les corolles d'hémoglobine dans l'habitacle de la berline, balistique d'ordinaire si hermétique, serait révélée à notre compréhension de béotiens. « Mesrine zéro, Brigade de recherche et d'intervention 17 ». (Ou 14, ou 26, selon le nombre de balles qui auraient violé son intégrité charnelle.) (18, mais on s'en fout.)
Plus de « Laisse moi t'aimer », de « Magnolias for ever », de « Je l'ai rêvée tellement fort que les draps s'en souviennent ».
Que c'est beau ; « Je l'ai rêvée tellement fort que les draps s'en souviennent »…
Si Mercury avait chanté ça, y aurait eu des émeutes. Quand on pense qu'aujourd'hui il est patron d'une chaîne de restaurants… et John Lennon occupe toujours sa suite à la Cité Spatiale, Desproges est -enfin- à la Culture, et Elvis the Pelvis continue à remplir les stades.
Si je veux : il y a l'univers dont on rêve, et l'espace qu'on occupe. Si je veux même, c'est Jean-Philippe Smet qui s'est tué en 85 avec Chantal Nobel, dans cette Porsche 924 Carrera GT.
Le 3 juillet 2006, à 23h10 (j'ai 38 ans depuis trois jours), le téléphone sonne. C'est le commandant Éric Martin, de la Police de Bordeaux. Vingt jours plus tard, je le tiendrai dans mes bras pour le consoler.
Et Sacha Distel court toujours, sa mère.
Il y a l'univers dont on rêve, et l'espace qu'on occupe.

Belle conclusion, amenée par des exemples qui ne me touchent guère, parce que ce n'est pas mon univers ; pas de votre faute, donc.

Mes remarques :
-mais je crois que c'est ma mère- a dit qu'elle s'était suicidée. En fait, je voudrais croire qu'elle s'est arrêtée parce qu'elle avait accompli son œuvre
-enfin- : typographie, le trait d’union « - » ne suffit pas à délimiter une incise, il faut prévoir le tiret demi cadratin « – » ou le format au-dessus, « — », chacun de ces caractères étant lui-même encadré d’une espace de chaque côté
« le journaliste Jean-Paul Lefèbvre » : il me semble qu’on écrit en général « Lefebvre »
« pendant le journal de Mourousy » : Yves Mourousi, le présentateur vedette de l’époque
« Laisse-moi (trait d’union) t'aimer »

Ça me plaît et ça ne me plaît pas. Ça me plaît pour l'écriture ramassée et le coup de shaker comme un pied de nez à radio nostalgie. Mais c'est quand même bordélique. Il me semble qu'il y a du ménage à faire, une idée à mieux traiter : Si je veux : il y a l'univers dont on rêve, et l'espace qu'on occupe.

Trop d’exemples à mon goût, le texte en devient une tranche de nostalgie et d’énumérations (pas désagréable d’ailleurs et provoquant mes propres souvenirs) alors que l’idée qui le sous-tend est forte et aurait méritée je crois d’être plus développée.
Et même si elle fonctionne par l’exemple, je crois que ce serait plus fort en inversant : non pas les exemples qui démontrent l’idée mais l’idée soulignée de quelques exemples.

Je suis à peu près de la mêm génération, mais hélas entre 79 et 82 j'habitais Madrid et du coup je n'ai rien, absolument rien pigé !

Un texte beaucoup trop "private joke" pour gens de 41 ans ni un de plus ni un de moins. Enfin c'est mon avis.

D'habitude, c'est comme ça qu'on commence une histoire ; à l'aide d'un ancrage Pavlovien qui te suggère de te caler dans ton fauteuil. Mais je préfère le prendre au contre-pied de la lettre et en faire une fin d'histoire. La formule magique « Il était une fois » devient alors Joëlle, la chanteuse du groupe du même nom, qui meurt (suicide ?) le 15 mai 1982. Même si, pour certains, elle ne sera jamais morte, question de sensibilité personnelle. RIP « Je l'ai rêvée tellement fort que les draps s'en souviennent ».
Violer une convention est une tactique de déstabilisation de base, une sorte de Ninjitsu tapuscrit. Comme en topologie sociale : par exemple, dans une cuisine bondée (ou étroite c'est pareil), quand tu veux passer dans le dos de quelqu'un, coche ta case :
a) tu le préviens avec un « Chaud devant » non léthal;
b) tu lui poses la main sur l'épaule, socialement correct;
c) t'attends qu'il te libère le chemin, docile;
d) tu le prends par les épaules et tu le décales;
e) ou tu le sèches et tu piétines son cadavre ?
Oui, j'ai inventé le dernier, pour boucler la boucle induite par la mention du Ninjitsu.
Et l'avant-dernier, parce que c'est ce que je fais : j'attrape ce qui me dérange et je l'ôte de ma voie. Dans une cuisine bondée, et ailleurs : je fais le tri. Et ce dont je ne peux me saisir, je l'oblitère. Ou, mieux, je l'altère. La consigne m'emmerde, la contrainte m'exaspère, et j'attrape « Il était une fois » pour le gauchir, le mettre à ma plume. Qu'on acronyme son prénom, pour « libérer ses portes de l'imagination », et je te viole tout ça avec le sourire : Hérissé Achat Aire Dés.
La réalité est déjà suffisamment chiante comme ça pour ne pas en plus avoir à la supporter. Méfiez-vous des gens qui déclarent mener une vie de rêves…
Progressivement, tu bâtis alors ton uchronie personnelle, ta version de la Réalité. Tu la constitues avec tes convictions, avec tes espoirs (et tes espérances), ton appréhension et tes appréhensions.
Tâche de ne pas aller trop loin, les gens sont frileux de ceux qui s'éloignent trop du courant principal. Si tu veux clamer que le King n'est pas mort, tu passeras pour un relou crypto-ricain, du white trash bon à se faire évangéliser sur le seuil de son mobile home. Émets la supposition que les Twin Towers ont été descendues par le gouvernement US, et là ton auditoire cessera de ricaner gentiment derrière sa main. Si tu mentionnes ensuite la question de Dieu, ça risque de se transformer en Peshawar pour ta gueule… Même si un désaccord n'est finalement jamais qu'une question d'uchronies qui se heurtent, des collisions d'univers.
Il y a certainement l'univers dont on rêve, mais il y a aussi l'espace qu'on occupe.

Bon, pour mon retour j'ai fait une chose inhabituelle.
Le texte que j'ai posté n'est pas de moi mais de MagicRichy.
Je voulais le convaincre de venir ici car il trouverai des retours intéressants pour ses textes.
Ce texte a été fait sous contrainte de temps et de sujet dans un atelier d'écriture.
Donc il me semble normal que le ressenti soit qu'il nécessite une réécriture. Ceci-dit, j'ai beaucoup aimé la conclusion et le développement des idées par création d'images en relation à des mémoires de l'auteur.
Le name dropping (utilisation de noms propres) et le brand dropping (utilisation de marques comme descriptif d'objets) et les références télévisuelles semblent indisociables d'une nouvelle littérature. Je dernier Houellebecq en est un exemple constant.
Personnellement je n'y arrive pas encore. Je crois que c'est pour cela que ce texte - aussi court et inachevé qu'il soit - m'a intéressé, interpelé.


< Merci à l'avenir d'éviter de poster au nom d'un autre. Ne serait-ce que pour une question de mise au catalogue.
La Modération >
.

J’aime l’esprit et l’humour, le décalage systématique. Ce genre de texte (je ne sais si je peux dire «genre » puisqu’il ne ressemble à aucun autre) me fascine. C’est malin et bon pour les neurones. Et je parle des deux interventions de MagicRichy.
Bienvenue, vraiment bienvenue.

Pour mano.
Tu pousses un peu en disant que le Name dropping est «indissociable d’une nouvelle littérature », mais il est vrai qu’il est de plus en plus utilisé. Dans le dernier houellebecq, ce n’est vraiment du name dropping que dans une scène, celle de la soirée de lancement de la chaîne michelin (scène pour laquelle j’ai trouvé qu’il avait un peu trop lu le brett easton ellis de « glamorama ») le reste n’est pas du name dropping, mais de la mise en scène de personnages réels dans une fiction (le brett easton ellis de lunar park).

vincent M. a écrit:
Un texte beaucoup trop "private joke" pour gens de 41 ans ni un de plus ni un de moins. Enfin c'est mon avis.

P't'être bien qu'oui. Je vais essayer de commenter quand même^^

J'aime bien la phrase centrale, c'est une belle idée. Mais la suite d'exemples lui nuit, je trouve, et ne lui donne pas la force qu'elle devrait avoir. Peut-être que ce n'est pas assez développé.

Mais bienvenue sur VE !

ps : j'ai commenté la première version.