Exo : Ma ville

elea Jeu 27 Jan 2011 - 21:43

Pas la mienne de ville hein, la votre.
Celle où vous vivez, où vous êtes nés, ou tout simplement une ville que vous aimez, qui vous inspire, à laquelle vous êtes attaché. Un texte ou un poème qui partage un peu de cet attachement, nous en livre quelques secrets, nous fait faire un joli voyage immobile.

Un petit exo éphémère, disons jusqu’au dimanche 6 février s’il faut fixer un délai. Un exo mixte prose ou poésie.

Invité Ven 28 Jan 2011 - 12:44

Gris sévère du granit dressé au-dessus de la mer lumineuse, Saint Malo compte ses ilots que la marée rapproche ou isole deux fois par jour, découvrant un estran beige et blond que strient les paquets d’algues. Par endroit, des rochers noirs s’enfoncent vers le large, miroitants de flaques à crevettes, et emmitouflés de goémon. Les remparts qui la cernent semblent là pour l’empêcher de s élancer vers l’horizon et toutes les nuits Saint Malo rêve de partance, de conquêtes et d’exotisme, et ses rêves soûlent les marins qui traînent dans la rue de la Soif, et ailleurs, au gré de cent huit bars …
Le vent s’engouffre en furie dans ses rues étroites et fait chanter les drisses sur le port, et fait gueuler les goélands cendrés, et fait gerber les vagues sur la digue, en fusées d’écume giclant jusqu’au premier étage, inondant la chaussée du Sillon et l’eau traverse pour s’écouler de l’autre côté, dans les bassins, laissant sur les trottoirs une nouvelle plage de sable et de galets…
Bien sûr, il y a le Saint Malo aimable de l’été, les plages animées, la mer couleur d’aigue marine, le soleil et la brise qui décoiffe seulement les jolies filles, la cité touristique, le château, le fort National, le grand et le petit Bé avec le tombeau de Chateaubriant tourné vers la mer… mais ce n’est pas ce Saint Malo que j’aime, c’est celui de l’automne, des grandes marées et des tempêtes, les vagues polisseuses à l’assaut des brise-lames, quand les hautes murailles crénelées défi ent la force océane et qu’on se fait petits dans un nid d’amour . Etre amoureux à Saint Malo, c’est démultiplier le bonheur, dire que cet amour est une forteresse. A Saint Malo, les amoureux s’appellent tous un peu Vauban….

Invité Ven 28 Jan 2011 - 15:07

Ceci est le premier texte que j'ai posté sur ce site, en septembre dernier...

Séville la nuit l'été

Séville en été grouille de parfums, de couleurs et de bruits. Elle frissonne et palpite, toujours aux limites de l'orage, qui n'éclate jamais qu'aux débuts de l'automne. En attendant elle somnole mais ne dort jamais, elle est sur le qui vive, tour à tour électrique et nonchalante, impatiente, résignée, taciturne et festive. Elle s'active le matin, elle meurt après-midi, ressuscite à la nuit.

Vers dix heures du soir, les premières effluves de fraîcheur diffusent pèle-mêle les senteurs de l'orange, du romarin, de la friture et du crottin dans des vapeurs de sueur et de pots d'échappement. Les lauriers roses jaillissent soudain en transperçant l'asphalte. Les bougainvilliers écarlates et mauves dégoulinent sur les murs trop blancs des façades, les ombres bleuissent lentement en décrivant des arabesques. Les cafards sortent de leurs trous, les junks et les frimeurs aussi, les extas et la gomina coulent à flots (ici il fait tellement chaud que même la dope est liquide), la bière fait de la buée sur les lunettes de soleil, les touristes commencent à fléchir, avachis sur les terrasses, où ils meurent à petit feu, à contre-temps. Les motos pétaradent, les klaxons chantent sur tous les tons, les carrioles brinquebalent sur l'avenue en agitant leurs grelots, et les vitres grandes ouvertes des bagnoles des rats de discothèque crachent à tue-tête des bribes de flamenco rap ou de techno dans le souffle glacial des airs conditionnés. Au beau milieu de l'avenue un pauvre immigré africain essaie de vendre en vain des kleenex aux conducteurs, en plein été ce n'est pas gagné, et les grands-mères font des slaloms entre les taxis, tandis que les chauffeurs se charrient parce que le Bétis est relégué en deuxième division alors que le Séville est en champions league (une véritable tragédie). Les gosses, eux, ils s'en foutent, ils préfèrent dribbler les passants pour aller marquer le but de leur vie de l'autre côté de la place. Les petites filles, déguisées en putes, chantent et font des palmas en allant se bourrer la gueule dans les parcs publics. Les vraies putes, quant à elles, commencent à tapiner aux coins des rues, aux côtés des vierges bariolées qui chialent entre deux cierges dans leurs cages en verre.

Comme tous les soirs, je sors de ma torpeur et je descends dans la rue. Je me sens léger, je n'ai plus mon ombre à trainer derrière moi. Je vais à grand pas dans les rues serpentines. L'ocre des églises baroques scintille en répondant aux enseignes lumineuses. Les serveurs s'agitent sur les terrasses où les clients gueulent à qui mieux mieux. Je continue mon chemin, pressé -on est toujours pressé en été à Séville, même si on a rien à faire – pour aller m'assoir à une terrasse sur les quais du quartier de Triana et y retrouver des amis. Et là, on attend que le soleil incendiaire se noie tout à fait dans le Guadalquivir. La Torre del oro bascule sur l'onde, son reflet semble gracile, elle pourtant si trapue. Serait-ce la nuit qui nous rend tous plus beaux? Tout Séville s'illumine et commence à ressembler à une gigantesque discothèque, la tour de la Giralda s'enguirlande comme un grand phare endimanché dans la nuit pourpre. On commande des manzanillas et une ration de poissons frits. La manzanilla, c'est amer et fruité à la fois, c'est comme le café du soir, une boisson qui te réveille et qui t'excite. On en boit une, deux, trois... Et on part, prêts à consumer la nuit d'orage. Je ne dormirai pas avant la sieste du lendemain. La nuit est encore jeune...

Yali Ven 28 Jan 2011 - 16:26

Elle dégueule des odeurs et se bouche de métro. Elle comptes des lignes, des rails, des rames, des wagons, quelquefois l’un dans l’autre, d’autres fois l’autre dans l’un. Elle se répand en clodos sur quai et sur trottoirs, s’encombre de canettes froissées, de déjections canines, humaines, buccales, anales, de police ultra sécurisée avec fusils mitrailleurs et tout le toutim à la barbare. Elle suinte par tous les ports ce qui fait qu’elle se mouche, bateaux et chiures de bord de zing. Rien ne la sort de sa crasse jamais, sauf lorsqu’elle se souvient qu’elle est la capitale des capitales, alors elle se fait érectile, elle bande au métal, se trique à l’effeil, croisillonne au fer côté Javel, juste histoire de dire « T’as vu mon passé ? UNIVERSEL ! » « Je suis pas une ville, je suis une foire, d’empoigne, aux monstres, au trône. Bazar à démonte tronche, à démonte vie. Marché au puces, marché de dupe .» Marcher tout le temps, marcher dans la plus belle ville du monde. Et si je te dis ça en te regardant droit dans les ruelles, et droit dans tes portes, sans honte, c’est que j’en connais quelques une de tes copines : Paris putain.

Sahkti Ven 28 Jan 2011 - 17:22

En bas de chez moi, il y a une librairie. Arabe il est écrit sur la vitrine, librairie arabe. Un chouette endroit. Le patron se prénomme Alain. Ça fait pas très arabe je trouve, Alain. Mais bon, on s'en fiche un peu, parce que de l'autre côté de l'immeuble,après le resto chicos espagnol, c'est un bistrot, l'America; y a même une statue de la liberté autocollée sur la devanture. Et l'America, c'est en fait un cyber-snooker-bar tenu par des Tunisiens. Qui ont fêté le départ de Ben Ali dans la joie et les cris, la rue était noire de monde.
Un peu plus loin, c'est le bistrot tanzanien, juste à côté d'un bar à tapas. En face, les serveurs du resto chinois discutent avec ceux du resto indien. Qui est lui-même voisin d'un resto iranien dans lequel j'ai eu la surprise l'autre soir de dîner à côté de Shirin Ebadi. Mais ça ne vaut pas l'ambiance du petit bouge au milieu de la rue, un lieu fourre-tout où on vient boire des coups et taper le carton, fumer sur le trottoir en parlant très fort et en sifflant les filles qui passent. Parce que des filles, y en a un paquet dans le quartier. Souvent des très jolies qui font de l'oeil au client, parfois des plus meurtries que personne ne regarde. Sauf peut-être les quelques paumés du quartier. Ou le marsu qui surveille tout depuis le balcon. Du troisième, on a une belle vue... sur la rue ou les fenêtres d'en face. Ça sent bon le kebab, le sushi tout frais, l'épicerie paki, le dépanneur asiatique. On a aussi une agence de voyage bidon qui sert au blanchiment de pognon. Normal dans ce pays, hein. Et une autre agence qui vend de vrais voyages. Un bar à champagne qui vit la porte ouverte quand il fait chaud l'été. Et mon ami Habib, chez qui j'achète mes news et les ragots people, qui parle persan aux gens qu'il aime bien, parce qu'il est comme ça Habib, un sourire démesuré au milieu du visage et des yeux qui racontent tout seuls.
Y a aussi un parcmètre, à 2 francs 30 de l'heure, et une brigade du stationnement qui passe au moins trois fois par jour. Là, c'est 40 balles si t'as pas le ticket. On les voit souvent se faire engueuler par les copains des copains assis sur le capot d'une bagnole qu'est ptêt même pas à un copain et qui déchirent la contredanse sous le nez de la rigueur helvétique. Moi j'ai le sang du nord, alors je paie sans trop gueuler. Mais je râle quand même un peu. Avant d'aller retrouver le sourire de Habib.
Ma ville, c'est le monde entier dans une seule rue. Et ça me plaît bien comme ça.

Rebecca Ven 28 Jan 2011 - 18:09

Paris métro foire à bestiaux, drôles de zoziaux, Paris Piaf , Paris moineaux, Paris Doisneau, Paris surexposé, Paris pas vu pas pris, Paris arqué, triomphal, phallique, Paris terrasse, terrassé couché sous des cartons, Paris catacombes, Paris époque, Paris épique, Paris pick-pocket, Paris pigeons, Paris coupe-gorge, Paris touristes Paris tous risques Paris rouge gorge qui se rengorge, Paris qui rit à gorge déployée, Paris lifting Paris liftier, Paris tentaculaire , Paris funiculaire, Paris funny le cul en l’air, Paris Pigalle Paris Chagall , Paris Notre Dame et ses cierges, Paris concierges, Paris turf, paris tenus paris perdus, Paris des députés Paris des dés pipés, Paris bistrots, Paris bistré, Paris sale et son amour propre, Paris salle des pas perdus , perclus, Paris qui se défile , Paris défilés de mode, Paris mac à dames ou Paris putain en rut , Paris ses rues, Paris jolie madame rue des seins honorés , Paris qui rue de République à Bastille, Paris fauché Paris Fauchon, Paris la Seine, Paris mis en scène, Paris galleries d'art et Lafayette, Paris à Noël au Printemps, Paris couleurs et Paris blême, Paris bouches d’égoûts et bateaux mouches, Paris dis moi t’es qui, tu crèches où ?

Invité Ven 28 Jan 2011 - 20:11

Ma ville ne m'aime pas et c'est réciproque alors on s'en fout, on vit l'un dans l'autre dos à dos et personne n'y trouve à y redire car de toute manière; on ne peut pas se comprendre. En revanche on se connait très bien. C'est quand même ma ville. faut pas déconner. Ma ville; à 7 exceptions prêtes, change tout le temps. Tu vas pisser dans une pissotière au numéro 15 le lundi, le mardi, t'as encore envie, mais la cabane est devenue une boutique de réparation pour portables. Je me demande toujours quel aurait été le résultat si j'avais eu envie de chier; mais un jeudi. Pardon pour ce mot cru, mais il est nécessaire à la suite. Avec son hiver de 6 mois à 3C et son été de 6 mois à 40C ma ville célèbre le printemps et l'automne comme si c'était Céline Dion qui tombait enceinte de René devant 80000 personnes avec le cancer au Stade de France deux fois par an. Des fois c'est tellement rapide que t'as pas le temps de mettre l'aircon sur chauffage que déjà t'as besoin de le mettre sur menthe à l'eau, avec la même main, ce qui crée des troubles du comportement, chez elle, bien évidemment, pas chez moi. La ville est tellement conne que même moi; j'ai du mal à suivre, et ça, c'est pas donné à n'importe quel Bled. Enfin un adversaire à ma mesure. Ma ville est une ville qui avance; mais avance dans tous les sens possibles; y compris à l'envers. En 2000 la flotte des taxis était composée de Wolkswagen Passat TDI , en 2010 de Huinday Pony de mes deux, les chauffeurs, eux , étant resté fidèles paysans du Henan qui vont te tuer un jour ou l'autre, que tu sois à la place du mort, en vélo, ou même à la terrasse d'un café. Sinon; la ville avance de partout on ne sait pas exactement de où vers où et tout le monde s'en fout. C'est une ville glandaculaire, qui glande au milieu et s'agite en cercles concentriques, une sorte de suite de Fibonnacci mais plutôt Louis Vuitton-Gucci, pour celles qui connaissent. Je crois que le plus important dans la vie, dans la vie d'une ville, j'entends, c'est que chaque district aie sont magasin Louis Vuitton. C'est super important. C'est méga important. Sinon t'as pas le titre de "ville". Dans pas longtemps on sera 10 millions de cons à passer devant un sac Gucci et de se dire "tiens, un magasin Gucci, c'est cool". Alors j'ai bien sur essayé un temps de vivre dans les cercles, mais il faut bien avouer que la partie glandouillante à plus de charme. On y vit bien, entouré du million de deux de tension qui glandent depuis '40000 milles ans, ce qui nous donne 45 trillions de secondes passées à regarder les lotus fleurir. Y a pas beaucoup de criminalité par ici, le temps que le bandit établisse son plan; le complice est déjà parti boire un thé au bord du lac ou se faire une turlutte par la coiffeuse du coin. En plus elle les fait bien, et puis merde, risquer de croupir en prison pour de l'argent, autant croupir sans risques et gratuit en regardant les lotus. C'est moins fatiguant. Alors bien sur il y a une Mafia, mais elles s'occupe de trucs différents, l'immobilier, la police, le gouvernement, les banques un peu comme en France sauf que en France vous les aimez, les dénoncez et vous les reconduisez au pouvoir et dans ma ville on ne les aimes pas et on ne les dénonce pas et y'a pas d'élections. Par exemple le Juppé, y serait une superstar dans ma ville. 15 fois mis en examen;30 fois inculpé, ministre, chauve, de droite, pompes Gucci. Surtout à cause des pompes Gucci, en fait. Et si sa femme à un Ipad dans son sac Louis Vuitton; alors c'est l'émeute ; on a le couple Juppé en grand format sur un gratte ciel en forme de lapin vantant les mérites d'une crème pour soigner les hémorroïdes. Enfin on en est pas encore là, dans ma ville on dit que les français sont hyper sympas, romantiques et amis, complètement feignants et têtus aussi donc on va embaucher un allemand. C'est mieux et ça travaille plus. C'est que ma ville ; elle s'y connait en feignants et têtus. Donc pour l'instant c'est Angela Merkel, pour la crème contre les mycoses sur le World Trade Center face nord. Je continue demain, parce que c'est pas simple de tout raconter vite et bien en lisant les sms de la coiffeuse.

Gobu Ven 28 Jan 2011 - 21:56

Hau Big Chief

C'est rigolo comme tout, ta ballade façon guide du broutard dans ton bled au nom imprononçable. C'est bien simple, on s'y croirait. D'ailleurs on y est. Chez nous aussi, Gucci ça le fait bien. C'est pas une preuve ?

Gob.

Invité Sam 29 Jan 2011 - 5:32

Enfin, rigolo, rigolo, c'est vite dit, c'est comme l'hymne national 2011 poésie en France "rester solaire", c'est rigolo trois secondes mais au bout du quinzième mec à la suite qui t'écrit " comme je suis quelqu'un d'assez solaire " t'as l'impression que tu dois acheter une ombrelle; la laisser dans son étuis et la foutre dans le cul du prochain pour qu'il voit la lune pour changer. Inutile de te préciser que dans ma ville les gens sont lunaires. On ne change pas une équipe qui gagne. Soleil est vif et tout, alors Lune, douce, machin; truc, gentille. D'ailleurs à ce propos; au CBD qui se construit; pour infos CBD ce sont les initiales de Central Buisness District; non c'est pas une marque de papier à rouler des joints de chite , donc au CBD qui est presque fini, il y a deux palais des sports pour Céline Dion, l'un en forme de Lune et l'autre en forme de Soleil. Il y a des constantes dans l'architecture ici, la paire opposée et le trou quelque part. Le trou, normalement ; doit être carré, c'est cette caractéristique qui bloque la métaphore avec mon cul, qui me pendait aux bords des lèvres, si je puis dire. Le trou est toujours carré, comme la fenêtre sur le ciel par laquelle les esprits des ancêtres vont et viennent à leur guise. Vous savez, dans ma ville, la terre est ronde et le ciel carré, mais je pense que dans votre mythologie avec la mer qui se retire toute seule, c'est un peu pareil, le paradis est carré aussi, enfin à en juger sur les tableaux; qui sont plats. Dans ma ville ; il y a plusieurs églises, elle n'est pas fâchée avec Jésus Christ, le mec est mort , monté au ciel avec les ancêtres, puis il s'est grosso-modo débrouillé pour être encore vivant; en fait une type comme tout le monde; sauf la robe, qui fait un peu tapette, tout de même. Ma ville n'a rien contre les tapettes non plus. Ici le nom est vachement gentil pour eux , on dit "petit camarade" et je n'ai pas souvenir d'une ville où le nom est si gentil. Dans ma ville on n'a pas le temps de s'occuper des petits camarades et d'ailleurs ils n'ont pas envie d'être un sujet de préoccupation. L'un est lunaire, l'autre est solaire enfin vous comprenez. Le trou carré déclenche des bastons pas possibles entre les entrepreneurs, les architectes et les administrations. Le monde entier investi ici, les japonais et les coréens, avec leur portes du ciel rondes, les arabes, avec leur croissant de lune du ciel et les Américains avec le Mdans Mac Donald. Mais les trous ne seront pas ronds, tu peux toujours courir, c'est pas un long nez qui va décider avant un bail. Ma ville c'est auto proclamée Paradis sur terre, à cause d'une histoire ancienne qui prétend un truc qu'est trop long à vous raconter. En général on dit, oui, un peu. C'est un peu le paradis. Ma ville a des trucs originaux comme le Paradis. Elle a le Métro qui sommeille. C'est un métro, comme le parisien, mais lui, celui de ma ville, n'est pas en service. Il reste là, comme un vacancier, venu visiter les catacombes et les sous-sols. Personne ne sait exactement pourquoi il reste là sans rien faire. Mais ça dérange pas. Il ne fait de mal à personne. L'autre jour je me promenais dans ma ville, et il y a eu une vibration sourde dans les sols, je me suis dit: tiens, il s'ébroue. En fait c'était une secousse sismique, une petite, ici il y a souvent des toutes petites sur l'échelle de Daniel Hechter. Il y avait une affiche sur le mur de la ville qui disait en substance : "attend une seconde, une minute, et le métro va circuler, tant de désagréments valent bien un peu de patience pour porter la ville jusqu'à la majesté" j'étais plié de rire et un flic c'est approché de moi pour me demander de ne pas rire. Enfin j'ai inventé l'histoire du flic, il n'y a pas de flics depuis longtemps ici, enfin si, il y en a, mais pas avec des mitrailleuses comme à Haussmann-Galleries Lafayettes. C'est pas la peine d'avoir inventé les baguettes pour éviter l'usage d'un couteau à table si c'est pour se dire bonjour avec une mitrailleuse sous le nez. Faut être complètement cinglé en vrai pour faire se balader des mecs en uniforme dans la foule avec des mitrailleuses. dans ma ville on croit que les blancs sont complètement cinglés, et comme c'est un peu vrai, alors elle n'en parle pas beaucoup, les militaires aux mitraillettes restent à garder leurs trucs importants, le canon en bas. Si vraiment ils ont envie de faire chier à faire peur, il ont des colonies de vacances à l'ouest pour se défouler, boire du lait de yack et tirer à vue mais ça c'est pas les oignons de ma ville. Elle est occupée à d'autres choses. Par exemple creuser des tunnels pour les Audi TT et les Mazda 6 , mais mieux vaut leur réserver un chapitre à part, plus tard, parce que ma ville, et on l'oublie quelquefois, ce n'est pas que des putes qui roulent en Mazda 6 rouges et font des accidents de la route avec des salopes en Mazda 6 violettes. Enfin, ce ne sont pas exactement des putes, mais ici encore , je pense qu'il faut un chapitre entier pour décrire ma ville avec le sac à main, le Ibook sur la table, le Ipad sur le genoux et le Iphone dans la main pour se faire un autoportrait pour se montrer à soi-même. Demain je vous raconterai par Wifii, comment; et c'est plus romantique, ma ville s'ouvre et se ferme en même temps, un peu à la manière d'un col de l'utérus quand la sage femme dit " pousse" et que la femme comprend "pouce".

Jano Sam 29 Jan 2011 - 10:10

Mon village est blotti au pied des montagnes, dans la vallée d'Ossau. A vrai dire il est plutôt austère, avec ses toits d'ardoises sombres, ses ruelles étroites qui protègent du froid hivernal. Austère aussi par ses habitants que l'isolement des hauteurs a rendu farouches, peu diserts, toujours méfiants envers l'étranger. Agriculteurs, éleveurs, bûcherons aux mains burinées par le travail. Personnalités pudiques mais finalement chaleureuses pour qui sait les approcher avec des bottes.
Il flotte souvent sur mon village des odeurs d'étables. Vaches et brebis, richesses ancestrales de ce pays d'herbe grasse, doivent être plus nombreuses que les humains. A l'époque des transhumances, c'est dans un joyeux vacarme – tintement des cloches, cris des bergers, klaxons, rires des touristes – que d'immenses troupeaux envahissent les rues pour prendre la direction des estives.
Autour de mon village, il y a de plus en plus de lotissements. Citadins repoussés des villes par des prix prohibitifs et attirés par la quiétude fantasmée des campagnes. Tracteurs, tronçonneuses et épandages nauséabonds rattrapent vite leurs projections bucoliques !
J'aime ce village. Je suis né, j'ai grandi et étouffé dans une ville trépidante, polluée, violente. Dès que j'ai pu je me suis échappé, loin, bien loin vers le sud.
Aujourd'hui quand j'ouvre mes volets, je vois des crêtes enneigées qui m'attendent.

Rebecca Sam 29 Jan 2011 - 10:44

Elea il est chouette ton exo.
J'adore lire tous ces textes sur les endroits qui vous traversent et vous renversent.
La matière d'une géographie qui enfin m'intéresse. Celle qui se dessine à travers vos yeux.

Invité Sam 29 Jan 2011 - 12:55

C'est vrai que c'est une excellente idée, j'ai eu un plaisir fou à écrire ce texte, merci Elea !

elea Sam 29 Jan 2011 - 13:06

Ravie que ça vous plaise et vous inspire.
Quant à moi c'est un plaisir de tous vous lire, pour mon septième jour d'enfermement, me faire voyager comme ça c'est chouette !

CROISIC Sam 29 Jan 2011 - 16:03

Ma ville, c'est d'abord un fleuve, vert et doux, avec de long cils de baudet du Poitou.

Après s'être repu de grasses prairies, s'être enivré de liqueur, il part comme un jeune fou se jeter dans la mer à Rochefort dans une éjaculation visqueuse.

François 1er disait de lui : c'est la plus belle rivière de mon royaume ! Il l'aimait au féminin, moi je préfère ma Charente plus virile.

Ma ville, c'est une longue histoire... de France pour le passé, de province pour mon présent.
C'est une procession de toits d'ardoises pour les beaux châteaux des célèbres négociants en eaux-de-vie puis une suite de toits en tuiles roses ou oranges pour les demeures plus modestes.
Elle et moi nous sommes souvent quittées, souvent fâchées, jamais oubliées.
Désertée par sa jeunesse, un peu courtisée l'été pour ses jupons luxueusement parfumés, honteusement oubliée le reste de l'année, car qui aimerait coucher auprès d'une Princesse endormie ?
Telle est Cognac qui vit dans ses grands souvenirs et ses petits rêves étriqués.

Reste mon beau fleuve immuable... dans lequel je renais chaque printemps.

CROISIC Sam 29 Jan 2011 - 16:09

Horreur, j'ai oublié un S à longs cils de baudet... !
Merci Elea pour cet exo, ça m'a fait un bien "fou" dans mon exil forcé que tu partages pour les mêmes raisons dans ta belle ville de Bordeaux (où j'ai vécu quatre années magnifiques).

Invité Sam 29 Jan 2011 - 16:12

Elea, excuse-moi, j'ai déposé la 1ère version de mon poème, je l'ai légèrement modifié (j'ai éliminé une répétition), mais je suppose que ce n'est pas grave...

elea Sam 29 Jan 2011 - 17:20

Merci Croisic pour cette petite virée dans Cognac, j’ai plusieurs villes dans le cœur dont Cognac. Surtout présente par des souvenirs d’enfance chez mes grands-parents paternels, dont pas mal sur la base plein air au bord de la Charente ou dans les chais de la maison Cusenier où mon grand-père a travaillé (il a d’ailleurs écrit un seul et unique roman sur le négoce du cognac pendant la guerre).
Tu viens de m’offrir un doux moment de nostalgie.

Dusha rien n’est grave et si tu préfères ta seconde version, pourquoi ne pas la poster à nouveau sur ce fil ? J’en profite pour dire que j’ai goûté la beauté de ton poème-hommage même si je n’ai pas reconnu le "pays".

On a déjà un bel itinéraire en mots, en partant de St-Malo pour arriver à Cognac, en passant par Séville, Paris, la Suisse, la Chine, la Londres Lyonnaise, les Pyrénées (chères à mon cœur aussi, Arrens-Marsous, vallée d’Azun).
C'est dépaysant un voyage vélien...

Invité Sam 29 Jan 2011 - 17:22

J'ai un plaisir fou aussi à vous lire, hé, entre nous, on a probablement un peu forcé la dose l'année dernière dans la dépersonnalisation des auteurs, fiction ou pas fiction; poésie ou pas poésie, j'aime bien quand vous partagez un bout de vous en vrai, et le mieux dans tout ça, c'est que vous tapez juste.

elea Sam 29 Jan 2011 - 17:44

Bordeaux ma belle endormie aux seins de glace qui s’éveille depuis quelques années sous des lumières nouvelles.
Les grâces de ta bourse tournent en ronde sur l’eau et se mirent au miroir des bords de quai fleuris. La promenade y est divine le long de ton ruban-fleuve agité de remous boueux. En suivant le courant des yeux on tourbillonne avec lui sous le pont altier, le Pierre de lampadaires, puis le regard saute sur l’autre rive, ma ville coupée en deux par sa Garonne mais pas rancunière et la fêtant chaque année.
Bordeaux belle inaccessible dressée sur ses hauteurs hautaines, belle à apprivoiser qui ne se donne pas facilement, qui appâte de ses charmes puis se dérobe parfois au dernier moment.
Ses charmes ? Les pierres du passé, les ruelles pavées, les vapeurs enivrantes, les ondulations du mascaret.
Belle océane giflée par les embruns salés, Burdigala la rebelle aux langueurs d’aquitaine, entre estuaire et coteaux de vignes.
Bordeaux belle décorée à admirer le nez levé pour goûter ses mascarons, ses bijoux de façade, ses enchevêtrements de pierres noires et de beiges grattées, rien n’est fait chez toi pour endormir l’œil. Même pas tes quinconces auréolés de gloire aux girondins et surveillés par les statues ailées des colonnes rostrales.
Et puis…
Et puis pour ceux qui te chérissent, qui t’adoptent, tu deviens la belle gironde qui accueille en son sein comme on berce un enfant. Belle nocturne qui s’étale au port de la lune. Belle fourmillante de vie dans ses marchés, criées des capucins et chinages de St-Michel. En passant sous ta grosse cloche ou en se mêlant à la foule des rues piétonnes, on peut rejoindre la place de ta jeunesse en liesse, la Victoire bien nommée, celle de Bordeaux la festive, la vivante chaleureuse et chamarrée.

midnightrambler Dim 30 Jan 2011 - 2:52

Bonsoir,

Le Havre-de-Grâce avait dit François Ier dans un décret royal pris pour créer la ville et surtout le port en 1517. Une ville nouvelle en quelque sorte.

Hell. Etche. disent aujourd'hui les ados qui filent en roller sur le boulevard du front de mer en prenant leur plus bel accent californien. Un enfer de maisons ?
Le Havre ... L. H. le nom de la ville inscrit sur la poupe de tant de navires a perdu beaucoup de ses lettres, semées sur toutes les routes maritimes dans le sillage de ces géants de la mer.
Digue Nord, Digue Sud, lèvres ouvertes qui aspirent avec avidité les vagues grises et le ciel délavé et qui recrachent bruyamment d'autres monstres mugissants ... huit mille boîtes multicolores à bord, douze mille boîtes et maintenant quinze mille boîtes. Les grandes grues griffent le gris ... La toile dominicale fixe une impression de lumière et de couleur qui sèche au soleil. Entre le fleuve et la mer, au bout d'une langue de terre qui goûte les embruns salés, la ville scrute à trois cent soixante degrés l'horizon nocturne de son oeil rouge qui pleure et de son oeil vert qui rit. Deauville l'aristocrate et Honfleur l'artiste lui sourient par-dessus l'estuaire.
L'odeur suave du café torréfié a les vents dominants d'ouest pour elle contre l'haleine fétide des immenses bacs d'hydrocarbures.

Dévastée par les travaux du tramway Le Havre attend de revivre comme hier elle renaquit de ses décombres inutiles et injustifiés, droite, verticale et rectiligne. Américaine normande aux Champs-Elysées plus larges que l'original haussmannien, la ville est désormais classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité, comme si un roman avait besoin d'être primé pour être un bon livre.

Midnightrambler

Invité Dim 30 Jan 2011 - 9:12

elea a écrit: Dusha rien n’est grave et si tu préfères ta seconde version, pourquoi ne pas la poster à nouveau sur ce fil ? J’en profite pour dire que j’ai goûté la beauté de ton poème-hommage même si je n’ai pas reconnu le "pays".

Merci Elea, mais ce n'est pas la peine.
Mon pays ? La vallée de la Haute Meuse, en Ardenne.

Invité Dim 30 Jan 2011 - 16:02

midnightrambler a écrit: la ville est désormais classée au Patrimoine Mondial de l'Humanité.

Oui, d'ailleurs ça fait bien rager les Rouennais, qui possèdent une des plus belles villes médiévales de France, mais qui n'ont pas cette distinction...

Des textes magnifiques... Euh... Je n'ose pas vraiment placer un commentaire sur ce topic, parce que les textes les uns après les autres, c'est vraiment sympa, ça fait vitrine d'agence de voyage littéraire...

Bon, sinon, je replace ce texte, que j'avais posté il y a peu sur ce site, ici ->

ROUEN.

Quand Rouen la tout en gris pleure en blanc son tourment
Les serments, les non-dits planent et s’accrochent aux brumes
Sur le pavé mouillé de souv'nirs miroitants
Nos adieux si fébriles font briller le bitume

On recueille en passant qui tombent des fenêtres
Diffus et volatiles les passions et les drames
Le brouillard est chargé de nos humeurs secrètes
Le ciel est oppressé de nos vieux vagues à l’âme

La pluie bat le carreau de nos maisons anciennes
On contemple la bruine du fonds de nos mansardes
Quand le crachin chagrine la rengaine ou la peine
Nos maisons assombrissent et nos murs se lézardent

Et dans ta maison d’autrefois
Pleut-il encore aussi
De temps en temps ?
Est-ce que ta maison pense à moi
Ou est-ce que tu m’oublies
Depuis longtemps ?

Une lueur, un troquet, quelques artistes évoquent
Impressions et voyages, Flaubert, Londres ou le jazz
Un bréveur de comptoir alcoolique solliloque
Ses paroles évasives partent en fumée de phrases

Et ces mots-là naviguent sur la Seine immobile
Restent là, s’éternisent, en se mouillant d’adieux
Sur le pont des péniches amarrées à la ville
Qui se perd et divague et se noie dans les cieux

Mais le soleil renaît, dans le voile livide
Il se love aux contours des façades figées
Et la ville se délave et les vapeurs s’évident
Nos adieux s’évaporent... Et je suis oublié

Et dans ta maison d’autrefois
Pleut-il encore aussi
De temps en temps
Est-ce que ta maison pense à moi
Ou est-ce que tu m’oublies
Si loin de Rouen ?

midnightrambler Dim 6 Fév 2011 - 22:00

Bonsoir,

Quelques jolis vers sur Rouen pour clore cette boucle autour de nos villes et de nos petits nids douillets !

Midnightrambler

Hellian Lun 7 Fév 2011 - 0:55

oui, assurément, un beau poème d'exil.! bravo Vincent.

Polixène Mar 8 Fév 2011 - 8:01

Slam pour ma ville

Bordeaux Bordeaux
tu nous enchaînes
aux blondes pierres souveraines
aux quais des peines
Bordeaux Bordeaux
si tu nous toises
de tes lourdes paupières d'ardoise
de tes fortes bâtisses hautaines
c'est pour mieux dire
"j'ai pas de haine"
Bordeaux Bordeaux
ce slam te gêne
car des cités
tu es la reine
toi majesté
belle assouvie
as pleuré tes siècles de chaînes
mais ce commerce de la honte
t'a donné ta beauté suprême
peut-être aussi
ces teintes blêmes
BordeauxBordeaux
belle aquitaine
faut-il écrire
que l'on t'aime?

-----------------------------------------------
Sonnet pour ma ville

Autour de l'ample bras où Garonne s'étale,
-S'élargit grassement au titre d'estuaire- ,
Carillonnant d'ardoises, bâtisses aux fronts clairs,
Bordeaux s'est alanguie dans une blondeur pâle.

Des dentelles de pierre, à ses murs, tel un châle
Pudiquement jeté pour ignorer la chair,
Ne cachent pourtant pas ses haleines de mer,
Ses sordides hangars ni ses ruelles sales...

Pas plus que les anneaux où furent enchaînés
Ces malheureux esclaves aux siècles abhorrés !
Ton passé oublié, tes larmes sont de pluie;

Atlantique le rêve des femmes et des hommes,
Si loin de l'océan, mais si près ! Port d'ennui !
Ville où l'art s'ennoblit en sa ronde Garonne.

Krebs Mer 9 Fév 2011 - 12:05

Pour le fun et le reste

Quand je l’ai découverte au sortir d’un amant, la bruine lavait l’hiver aux plis de ses yeux. Un tas de chiffons grelotait à ses chevilles sur un air de violon.
Tout vibrait, Elle aussi, accroupie goudron au zénith de l’été, elle vibrait tant qu’elle floutait. Un prisme indécis ponçait ses lignes en chemins de faire, oscillant meulières maraichers, une zone turbulente où le vert mord les murs et les arbres dévalent en conquête depuis la forêt.
Assise vrillée, elle suçait les monstres sans dégout.
Mes regards d’abord vomirent, puis Je, le fauve brique, l’émeraude cascade, nervures faon, renard, et génisse.
Tout vibrait, Elle aussi, duveteuse, orchestrant le tout d’une baguette graines de lin, papillon réverbère s’estompant lentement. Je la suivis, sa nuque dessina un virage puis disparut prestement derrière l’asphalte. Je la retrouvais épinglée plus haut, bergère mélancolique en cloché, elle menait les jours d’une cambrure pétrole et poussait ses mamelons sur les quais de la gare aux gros noyers, nue. Certains l’appelaient folle, d’autres allumée.
Tout vibrait, j’ai su.
J’ai Tu.
J’ai su que tes trottoirs parfumeraient mes artères au jus de citrouilles, que tes ombrages borderaient mes secrets. Les Hugo, les Cyrano qui s’affutèrent de pieds en cap, j’effacerai leurs empreintes.
Aux soirs, tes joues perleront noir-verger, courberont la Seine d’une larme Argenteuil.
Notre premier rendez-vous derrière le cimetière, mon aiguillon rêves de pommes, le soleil que Tu éteindras en sourire félin, l’odeur de terre grasse, dans ta crinière, les secousses griottes, couvre chef périurbain, serti de sources, de sables blonds.
Je te ferai saisir, à la craie mure, mes je t’aime, je t’enfoncerai dans la démarche mes lettres en capitale.

elea Mer 9 Fév 2011 - 20:48

Très chouettes ces derniers textes.
Et je me découvre une voisine :-)

Charles Jeu 10 Fév 2011 - 15:29

Ma ville n’existe pas, j’ai grandi à la campagne, me suis construit à Chambéry puis retour à la campagne. Alors, une ville de cœur éventuellement, peut être, une ville à l’image froide, aseptisée, riche et insipide : Genève ! Bien sûr, vous voyez les quais, le jet d’eau, vous imaginez les banques, les costards des traders, la propreté suisse, peut être la xénophobie transparaissant dans les médias récemment. Rien de tout cela dans mon esprit. Genève, pour moi, c’est avant tout les genevois. Les « miens » sont portugais, espagnols, suisse italien, suisse allemand, et parfois simplement romands. Et tout ce petit monde cohabite, se mélange, s’entraide beaucoup plus que l’on s’attendrait. Je me souviendrais longtemps des turinois qui habitaient à côté de chez ma grand-mère. Il s’en occupait comme si elle était de leur famille. Et les portugais d’en face en avait également fait leur propre ainée. Genève pour moi n’a rien de suisse, Genève est un mélange international globalement réussi.

Charles Jeu 10 Fév 2011 - 15:32

Sahkti a écrit:En bas de chez moi, il y a une librairie. Arabe il est écrit sur la vitrine, librairie arabe. Un chouette endroit. Le patron se prénomme Alain. Ça fait pas très arabe je trouve, Alain. Mais bon, on s'en fiche un peu, parce que de l'autre côté de l'immeuble,après le resto chicos espagnol, c'est un bistrot, l'America ... Ma ville, c'est le monde entier dans une seule rue. Et ça me plaît bien comme ça.

Je lis ton texte après avoir posté le mien et ma foi, on aime cette ville pour les mêmes raisons je crois !

Sahkti Jeu 10 Fév 2011 - 22:16

Charles a écrit: Je lis ton texte après avoir posté le mien et ma foi, on aime cette ville pour les mêmes raisons je crois !

oui !!

Loreena Ruin Ven 11 Fév 2011 - 13:37

On disait : école de Nancy
mais de traces il en reste peu

La place Stan
je la traverse souvent

sans lever les yeux —

Je suis née ici
mais je me sens d'ailleurs

.......de ce pays de vignes
.......et de forêts

où je me suis vue grandir.

La maison
je la connais :

derrière le parc
.......et les clôtures

Le toit s'effondre

Et par chaque fissure
je vois l'ombre de mon enfance
qui s'en va —

Je crois qu'elle ne reviendra pas

Alors ici
dans cette chambre trop blanche

Je regarde la rue

... et tout passe ainsi

les poubelles
les voitures
et les flaques de vomi

Mais je l'aime
cette ville
que je n'ai pas choisie

Je passe moi aussi

Chaque quartier son souvenir
et chaque ami son quartier

L'amour à trois pas n'en est pas moins grand...

Invité Ven 11 Fév 2011 - 17:58

Fort ! (Ton texte me parle.)

ombre77 Ven 11 Fév 2011 - 21:41

Elle n’est pas encore ma ville. Le sera-t-elle un jour ? Huit mois seulement que je parcours ses rues, que je scrute ses façades criblées d’impacts, ses vieux immeubles toujours habités malgré l’effondrement qui les guette. Que je me promène dans ses beaux quartiers totalement refaits à neuf, ses rues bourgeoises où l’on ne croise que des petites bonnes vêtues de pastels. Huit mois que j’observe ses habitants en haillons au bord des routes, en Vuitton dans les allées cossues du « Down Town ». Ses filles en mini jupes dans les boîtes de nuit, ses touristes en hijab dévalisant ses boutiques de luxe. Huit mois passés dans ses odeurs, sa pollution, son bruit immense. Que je traverse ses places en travaux, que je m’énerve dans ses embouteillages. Huit mois que j’écoute parler de la guerre civile qui l’a ravagé pendant quinze ans, que je jongle avec les coupures d’électricité dans mon grand appartement avec vue sur la mer. Huit mois que je me replets de sa lumière en essayant de saisir ses paradoxes.

Beyrouth est tellement belle, coincée entre la montagne et la mer, perpétuellement baignée de soleil. La vie peut y être si douce. Les promenades bordées de palmiers, les feux d’artifice, la vie nocturne bouillonnante, la chaleur de ses habitants, sa gastronomie, son architecture… Une ville-promesse qui vous jette ses quartiers rutilants à la figure comme pour vous dire qu’il est toujours possible de se relever. Même après le pire.

Beyrouth est aussi terriblement laide. Agglomérat infini de béton gris construits à la va-vite sur les plus beaux points de vue lorsque les permis de construire n’existaient plus. Réseau routier absurde vous promettant des heures de bouchons au moindre déplacement. Mais le pire ce sont ses inégalités criantes. Pauvreté extrême et richesse obscène se côtoient quotidiennement. Jeunesse dorée en Hummer et petits mendiants sur l’autoroute. Riches touristes arabes paradant sur les plages privées et petites servantes en tunique rose promenant les chiwawas les jours de pluie. Une infinité de mondes et de communautés qui se croisent mais qui ne se parlent pas.

Je ne sais pas encore si j’aime Beyrouth, si je l’aimerais lorsque j’aurai réussi à accepter ses paradoxes. Je ne sais pas si un jour elle sera ma ville.

Ba Jeu 17 Fév 2011 - 15:28

Espace de vison et de creux
Longue artère moite sans attrait
Cette ville suaire des regrets
Lève ses voiles miséreux

Au regard ébloui hagard
Comme si le beau allait surgir
D'entre ses jambes d'où le plaisir
Ne trompe que l'amant sans égards

Les ombres passent en sifflant
L'antienne rayée des sortilèges
Que des mains grèlent soudain abrègent
Dans le rire noir d'un vieil enfant

Invité Dim 20 Fév 2011 - 14:40

Naïce !

Sahkti Lun 17 Nov 2014 - 8:53

Sahkti a écrit:En bas de chez moi, il y a une librairie. Arabe il est écrit sur la vitrine, librairie arabe. Un chouette endroit. Le patron se prénomme Alain. Ça fait pas très arabe je trouve, Alain. Mais bon, on s'en fiche un peu, parce que de l'autre côté de l'immeuble,après le resto chicos espagnol, c'est un bistrot, l'America; y a même une statue de la liberté autocollée sur la devanture. Et l'America, c'est en fait un cyber-snooker-bar tenu par des Tunisiens. Qui ont fêté le départ de Ben Ali dans la joie et les cris, la rue était noire de monde.
Un peu plus loin, c'est le bistrot tanzanien, juste à côté d'un bar à tapas. En face, les serveurs du resto chinois discutent avec ceux du resto indien. Qui est lui-même voisin d'un resto iranien dans lequel j'ai eu la surprise l'autre soir de dîner à côté de Shirin Ebadi. Mais ça ne vaut pas l'ambiance du petit bouge au milieu de la rue, un lieu fourre-tout où on vient boire des coups et taper le carton, fumer sur le trottoir en parlant très fort et en sifflant les filles qui passent. Parce que des filles, y en a un paquet dans le quartier. Souvent des très jolies qui font de l'oeil au client, parfois des plus meurtries que personne ne regarde. Sauf peut-être les quelques paumés du quartier. Ou le marsu qui surveille tout depuis le balcon. Du troisième, on a une belle vue... sur la rue ou les fenêtres d'en face. Ça sent bon le kebab, le sushi tout frais, l'épicerie paki, le dépanneur asiatique. On a aussi une agence de voyage bidon qui sert au blanchiment de pognon. Normal dans ce pays, hein. Et une autre agence qui vend de vrais voyages. Un bar à champagne qui vit la porte ouverte quand il fait chaud l'été. Et mon ami Habib, chez qui j'achète mes news et les ragots people, qui parle persan aux gens qu'il aime bien, parce qu'il est comme ça Habib, un sourire démesuré au milieu du visage et des yeux qui racontent tout seuls.
Y a aussi un parcmètre, à 2 francs 30 de l'heure, et une brigade du stationnement qui passe au moins trois fois par jour. Là, c'est 40 balles si t'as pas le ticket. On les voit souvent se faire engueuler par les copains des copains assis sur le capot d'une bagnole qu'est ptêt même pas à un copain et qui déchirent la contredanse sous le nez de la rigueur helvétique. Moi j'ai le sang du nord, alors je paie sans trop gueuler. Mais je râle quand même un peu. Avant d'aller retrouver le sourire de Habib.
Ma ville, c'est le monde entier dans une seule rue. Et ça me plaît bien comme ça.

Habib est parti samedi.
Pour toujours. Sans crier gare.
C'est toute la rue qui pleure.
Et ça ne sera plus jamais comme avant.
Tu vas me manquer Habib...

So-Back Mar 18 Nov 2014 - 13:01

MARSEILLE par Charles AZNAVOUR

Marseille mon ami
Dès l'entrée à l'école
Avec toi j'ai appris
Que l'on a rien pour rien
Entre les coups de coeurs
Et ceux pris dans la gueule
Vaincu ou bien vainqueur
J'ai trouvé mon chemin
Marseille mes amours
Un peu tendre un peu brute
Tu as pétri mes jour
Et chassé mes complexes
En me jetant tout cru
Dans les bras de tes putes
Qu'ont le coeur et le cul
Comme la porte d'Aix

Allez vaï Marseille
A l'ombre ou au soleil
Bois ton pastis et chante
Ces refrains de Scotto
Qui t'habillaient si bien
Allez vaï Marseille
Va donner des conseils
Aux joueurs de pétanque
Parle fort, parle haut
Et conteste le point
Prends la voix de César
Prends le ton de Panisse
Et que Dieu te bénisse
De mentir avec art
Allez vaï Marseille
Ton ciel est sans pareil
Et ta mer abusive
Qui vient lécher tes rives
S'étirant au soleil

Marseille tu trafiques
Et vis de contrebande
Tu joues avec les flics
T'aimes les armes à feu
Tu te veux Chicago
Mais tu as le coeur tendre
Le plus mauvais mélo
Te met les larmes aux yeux
Marseille lâche-moi
Moi qui connais tes failles
Tu ne me trompes pas
Quand tu joues les malfrats
Ne fais pas le malin
Je sors de tes entrailles
J'ai tété à ton sein
Et j'ai joui dans tes bras

Allez vaï Marseille
A l'ombre ou au soleil
Bois ton pastis et chante
Ces refrains de Scotto
Qui t'habillaient si bien
Allez vaï Marseille
Va donner des conseils
Aux joueurs de pétanque
Parle fort, parle haut
Et conteste le point
Mais à l'heure où l'amour
Tel un vent de Provence
Mi-léger, mi-violent
Vient perturber tes jours
Allez vaï Marseille
Va courtisez Mireille
Elle t'attend brûlante
Et fais-lui des enfants
Qui auront ton accent
Marseille

Jano Lun 24 Nov 2014 - 21:34

On se demande ce que vient faire ici Aznavour dans un fil dédié à l'environnement des Véliens. Pour rappel la consigne d'Elea : Pas la mienne de ville hein, la votre. Celle où vous vivez, où vous êtes nés, ou tout simplement une ville que vous aimez, qui vous inspire, à laquelle vous êtes attaché."

So-Back Mar 25 Nov 2014 - 10:05

clin d'œil a ma ville simplement , une chanson qui lui sied bien, il faut parfois se faire aider par d'autres en toute humilité

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