Au coeur des Ténèbres

Le soir étrange, éclos sur l’Hiver âpre et dur,
Promène son regard blafard et taciturne,
Et l’âme de la nuit dans son règne nocturne,
Verse son philtre noir à l’infini obscur .

Tout inspire la Mort : les maisons, les boutiques
Muets laissent jaillir leur souffle de caveaux ;
Sur les ternes pavés, meuglent quelques bouveaux
Qui souffrent par le froid aux serres despotiques .

Les parois, gémissant, comme des va-nu-pieds,
Sanglotent par leurs trous ainsi que des blessures
Affligés aux soldats dont les fermes armures
Cèdent en se brisant aux coups multipliés .

Des spectres nébuleux s’allongent sur les dalles,
Comme des nefs perdues à l’œil de l’ouragan
Et font d’un rythme sec, pressé, en divaguant,
Irriter les catins aux immondes scandales .

Trois becs de gaz ouverts dans leurs pâles flambeaux,
Répandent des rayons dont les tâches sont fauves,
Qui semblent par instants défaillir tels des mauves,
Et finir sous le sol au gouffre des tombeaux .

…Mais soudain, par ce soir, où trépassent les âmes
Tout mon coeur d’un frisson divin a tressailli,
Car voici que sur lui L'Espérance a jailli
Pour enfin dissiper ces cauchemars infâmes !

© Barde

C'est inspiré, j'aime bien.
Voici, mon vers favori : Irriter les catins aux immondes scandales.

J'ai néanmoins quelques remarques. Premièrement, au niveau de la ponctuation, un infime détail, il n'y a pas d'espace entre le dernier mot et le point final. Deuxièmement, votre vers "Qui souffrent par le froid aux serres despotiques." me paraît -peut-être à moi seul- maladroit, de part la présence du qui qui se substituerait volontiers pour laisser la place a un "souffrant". Avis personnel bien entendu, et humble ! Dernière remarque, 12ème vers, le terme multipliés, ralentit la structure. Je trouve cela dommage !

La dernière strophe me semble vraiment bien menée, et très agréable à l'oreille et encore plus si vous faisiez disparaître l'auxiliaire avoir ! Mais cette décision vous appartient ! Ce ne sont que des suggestions.

Un beau poème ! Bravo !

Nouvelle version :

Le soir étrange, éclos sur l’Hiver âpre et dur,
Promène son regard blafard et taciturne,
Et l’âme de la nuit dans son règne nocturne,
Verse son philtre noir à l’infini obscur .

Tout inspire la Mort : les maisons, les boutiques
Muets laissent jaillir leur souffle de caveaux ;
Sur les ternes pavés, meuglent quelques bouveaux
Languissant dans le froid aux serres despotiques .

Les parois, gémissant, comme des va-nu-pieds,
Sanglotent par leurs trous ainsi que des blessures
Affligés aux soldats dont les fermes armures
Cèdent en se brisant aux coups multipliés .

Des spectres nébuleux s’allongent sur les dalles,
Comme des nefs perdues à l’œil de l’ouragan
Et font d’un rythme sec, pressé, en divaguant,
Irriter les catins aux immondes scandales .

Trois becs de gaz ouverts dans leurs pâles flambeaux,
Répandent des rayons dont les tâches sont fauves,
Qui semblent par instants défaillir tels des mauves,
Et finir sous le sol au gouffre des tombeaux .

…Mais soudain, par ce soir, où trépassent les âmes
Tout mon coeur d’un frisson divin a tressailli,
Car voici que sur lui L'Espérance a jailli
Pour enfin dissiper ces cauchemars infâmes !

© Barde

Palimpseste a écrit:C'est inspiré, j'aime bien.
Voici, mon vers favori : Irriter les catins aux immondes scandales.

J'ai néanmoins quelques remarques. Premièrement, au niveau de la ponctuation, un infime détail, il n'y a pas d'espace entre le dernier mot et le point final. Deuxièmement, votre vers "Qui souffrent par le froid aux serres despotiques." me paraît -peut-être à moi seul- maladroit, de part la présence du qui qui se substituerait volontiers pour laisser la place a un "souffrant". Avis personnel bien entendu, et humble ! Dernière remarque, 12ème vers, le terme multipliés, ralentit la structure. Je trouve cela dommage !

La dernière strophe me semble vraiment bien menée, et très agréable à l'oreille et encore plus si vous faisiez disparaître l'auxiliaire avoir ! Mais cette décision vous appartient ! Ce ne sont que des suggestions.

Un beau poème ! Bravo !

Merci pour toutes les suggestions amie de plume;je vais les prendre en considération et faire disparaître ces lacunes!
Merci pour le passage!

Voici déjà une réponse !

Une remarque sur votre réécriture ! Vous avez prit la peine de modifier "Qui souffrent" en : "Languissant dans le froid aux serres despotiques .". Ce nouveau vers me paraît extrêmement lourd, voire pénible à la lecture. Tenter de l’alléger ! J'espère ainsi qu'il n'en sera qu'améliorer.

Je trouve assez étonnant que presque chaque nom se voie affublé d'un adjectif. Il y a aussi des choses que je ne comprends pas ("nefs perdues à l'oeil de l'ouragan", "philtre noir à l'infini obscur", "font [...] irriter", "becs de gaz ouverts dans leurs pâles flambeaux"). J'espère bien sûr une explication.

Vcresp a écrit:Je trouve assez étonnant que presque chaque nom se voie affublé d'un adjectif. Il y a aussi des choses que je ne comprends pas ("nefs perdues à l'oeil de l'ouragan", "philtre noir à l'infini obscur", "font [...] irriter", "becs de gaz ouverts dans leurs pâles flambeaux"). J'espère bien sûr une explication.

Pour "ton étonnement" concernant l'abondance des adjectifs,je te laisse lire ce quatrain du génie Albert Samain et de compter combien y'a t-il d'adjectifs qualifiant des noms


"Hors la ville de fer et de pierre massive,
À l’aurore, le choeur des beaux adolescents
S’en est allé, pieds nus, dans l’herbe humide et vive,
Le coeur pur, la chair vierge et les yeux innocents."

...Alors pour les images,j'explique:
-nefs perdues à l'oeil de l'ouragan comparées aux spectres cahotant sur les dalles des trotoirs;les spectres sont les ivres,les scélérats,les voleurs qui comme des chauve-souris sortent jouissent du règne nocturne et font irriter(par leur mouvement,par leur tohu-bohu)les femmes qui ont vendu leurs âmes au Diable.Pour le philtre noir que verse l'âme de la nuit,c'est tout simplement l’obscurité,le voile vespéral de la pénombre etc...
Laisse vagabonder ton imagination Ami de plume;la lecture et l'interprétation de la prosodie sont gouvernées par la loi du Songe inouï...

Bonjour, Barde
J'ai lu tes deux poèmes et de beaucoup préféré celui qui est verrouillé et que je ne peux donc commenter maintenant.
En ce qui concerne celui-ci, il y a des choses qui me plaisent et d'autres... devine !
Bien aimé le premier quatrain en dépit de ces très nombreux adjectifs ( euh Samain, un génie ? depuis quand ? un gentil poète qui plaît beaucoup aux amoureux, oui, sinon, je ne vois pas dans quel poème ou recueil s'exprime ce génie !)

Ensuite ça se gâte un peu :
l

les maisons, les boutiques
Muets laissent jaillir leur souffle de caveaux

maisons et boutiques étant du féminin, ça cloche.

J'aime de nouveau bien les deux vers suivants

Les parois, gémissant, comme des va-nu-pieds,
Sanglotent par leurs trous ainsi que des blessures

Et recloche : les blessures affligées aux soldats ( infligées, non ?) avec cette correction, le quatrain me va encore.
Mais ensuite... ben je décroche, tout simplement, n'arrivant pas à trouver une finalité, un sens ou même une musique qui m'emporterait plus loin . Et comme je suis une femme, et âgée de surcroît, les catins et leurs immondes scandales ne me font aucun effet, à l'inverse de Palimpseste qui s'en repaît !
Mais il y a quelque chose chez toi qui témoigne d'un certain sens poétique... si tu arrives à te débarrasser de l'emphase et du trop spectaculaire.

Je me suis mal fait comprendre, mais ce n'est pas plus mal puisque cela m'a permis de découvrir Albert Samain, j'ai depuis lu Le jardin de l'infante, merci à ce propos. Pour être plus précis: je ne pense pas qu'utiliser beaucoup d'adjectifs soit systématiquement mauvais, mais qu'en l'occurrence le texte est surchargé.

Pour mes demandes d'explications, elles concernent la syntaxe et pas l'imagination ; par exemple, je n'avais pas compris que dans "l'infini obscur", c'est "infini" l'adjectif et pas "obscur".

Moi, outre ce qui a té signalé pour les accords, ce qui m'a gênée c'est le "font irriter " ...quelqu'un peut-être irrité...on peut éventuellement le faire "s'irriter" mais pas le faire irriter. Il y a là quelque chose à reprendre à mon avis.
Sinon, j'adore les adjectifs, donc il peut y en avoir pléthore ce n'est pas gênant. Il y a du souffle, quelques belles images , une certaine musicalité. Je vais aller lire l'autre, bien qu'il soit verrouillé. (La règle ici c'est un texte par semaine en prose et un en poésie, participations aux exos illimitées)

Ton texte est fabuleux. Je suis conquis. Moi qui chicane toujours sur des détails, ici tout m'a transporté. Une perle rare.

J'ai lu "le sphinx". Et j'y ai retrouvé cette essence ancestrale de la poésie que j'adore. Toutefois j'y ai trouvé également des lacunes au niveau de la forme.
Je reviens donc sur celui-ci pour l'éplucher froidement en laissant de côté mon excellente première impression.

D'abord attention à votre copyright pour le premier vers qui est de sa main (hum, navré).

1ère strophe parfaite...

"muets"...

Problème avec la liaison entre "froid" et "aux serres despotiques". Soit on la prononce et ce n'est pas beau, soit on ne la fait pas et il y a hiatus sonore.
Et c'est vrai que ce vers est peut-être un peu lourd.

Les comparaisons de la 3ème strophe me plaisent.
Je n'aurais pas mis de virgule après gémissant pour bien scinder ces deux comparaisons.
La structure de la phrase est alambiquée. je crois que le "cèdent en se brisant" est la goutte d'eau.
"SANGloter... ainsi que des blessures"...me turlupine... mais pourquoi pas.

Les deux premiers vers de la quatrième strophe me font venir des images en tête qui sont de toute beauté. Malgré tout on a là une métaphore surplombée d'une comparaison. Ce genre de surenchère parfois ça passe, parfois ça casse. Ici ça passe.

"dont les tAches sont fauves" pas d'accent si je ne me trompe. et un peu lourd aussi.

pour moi le "et finir sous le sol au gouffre des tombeaux" écrit comme ça se rapporte directement aux rayons et plus à la comparaison avec les mauves. dommage (je ne suis pas clair là je pense...)

Trois becs de gaz? pourquoi "trois"? pourquoi pas "des" laissons l'imaginaire de chacun de les compter, non?

même problème de liaison entre "divin" et "a tressailli"
pas de virgule après "par ce soir"
Les âmes peuvent-elles trépasser selon vous?...question métaphysique.

Au final je suis toujours envoûté par le fond et l'ambiance. C'est un peu comme si j'avais regardé votre tableau de loin. L'essentiel y est selon moi; Mais le temps et le travail doivent encore faire leur oeuvre pour que ce soit irréprochable.

Désolé de l'effet douche chaude, douche froide.
J'espère ne pas trop m'être trompé dans mes remarques et qu'elle pourront vous être utiles.
Je reste admiratif. Bonne nuit.

heu... c'est encore moi... je m'acharne. Navré.

la règle usuelle dit que "TEL s'accorde avec le nom qui suit" alors que "TEL QUE s'accord avec le sujet"

donc si je ne me trompe pas ce sera "Telles des mauves"... et patatra l'alexandrin.

je le sais parce que j'ai moi même fait la faute et suis tombé des nues... chacun son tour.