Le coup du lapin
+5
Louis
hi wen
kazar
elea
Hellian
9 participants
Page 1 sur 1
Le coup du lapin
Il s'agit là d'un texte livré à la faveur d'un exercice VE sur le sujet " Les idiots", voilà plus de dix huit mois. Je vous le propose à nouveau, un peu retravaillé, mais surtout sous sa version vocale qu'il m'a semblé intéressant de travaillé sous un angle un peu particulier...
Version vocale
Le coup du lapin
Mon nom, monsieur mon président, c'est Rabbit, John Rabbit. Mais, dans mon quartier, ils m'appellent « Lapin ». Moi, ça me plaît pas. On n'a qu'un nom, tout de même. Remarquez, je sais bien pourquoi ils m'appellent comme ça. C'est parce que je mange beaucoup de carottes râpées. Tous les jours. Le docteur, il m'a dit : « C'est bon pour les yeux John ». Ah ça, je peux le dire, maintenant j'y vois bien. Au début, monsieur l'honneur, je voyais pas très loin. Les autres, là-bas, ils me disent tout le temps : « Mais tu vois vraiment rien, mon pauvre Lapin ! Il se fout de ta gueule, Raymond. Ouvre les yeux ! » Raymond, c'est mon copain, le seul. Les autres, ils sont jaloux. On rigole bien, tous les deux, qu'est-ce qu'on rigole ! Raymond il me dit souvent : « Tu devrais acheter des lunettes, Lapin, comme ça, tu verrais ta queue quand tu pisses ». J'aime bien, Raymond. Il est gentil avec moi. Sauf quand il m’appelle « Lapin ». J'arrête pas de lui répéter : « Je m’appelle John Rabbit, Raymond, pas Lapin » « T’as raison, Lapin, mais Lapin c’est plus facile. » Il a pas de mémoire . C’est pour ça qu’il a pas été longtemps à l’école. Souvent, le dimanche, avant les gendarmes, on allait au cinéma. Après, on mangeait au kebab. Le cinéma, c'est moi qui payais, le kebab c'était lui avec l'argent que je lui prête. « T'inquiète pas, Lapin, je te rembourserai quand les poules auront des dents. » Moi, je suis pas fou, je sais bien que les poules auront jamais de dents. Mais, je le dis pas à Raymond. Comme ça, il vient toujours au cinéma avec moi. Au kebab, pendant que je mange mes carottes au ketchup, il m'explique quand j'ai pas tout compris le film. Une fois qu'on a fini l'explication , souvent, on va dans la rue aux filles. « Essuie-toi la bouche, Lapin ! Tu vas faire peur aux lapines avec ta moustache pleine de ketchup. » Il rit toujours quand il dit ça Raymond. Je l'aime bien, il est drôle. Je m'essuie avec ma manche et on va dans la rue derrière le kebab. C'est une rue chaude, il dit Raymond. « Enlève ta veste, Lapin ! On va dans la rue chaude » C'est comme ça que ç’a commencé, monsieur votre honneur…
Avec Raymond, on regarde les dames. Lui, il dit " les filles ". Moi, je dis que c'est des dames parce qu'elles sont très jolies. Elles ont des jupes courtes, comme ma petite sœur quand elle était petite, sauf qu'elles ont des jambes beaucoup plus longues, et plein de couleurs sur la figure. Quand je les vois, ça me fait quelque chose dans le ventre. J'en n’ai pas parlé à Raymond, mais j'ai l'impression que ça lui fait tout pareil, parce qu'il marche pas comme d'habitude ; il met toujours sa main dans sa poche. On rigole bien, qu'est-ce qu'on rigole ! un jour, même que Raymond, il s'est approché d'une dame et que tous les deux ils ont parlé. « Prête moi des sous, Lapin, je te les rendrai quand les canards auront des dents. » « Mais Raymond, tu sais bien que les canards, ils ont pas de dents. » « Dans mon pays, si ! » J'y ai prêté un billet. « Attends-moi là, je vais tirer un coup et je reviens. » Il a suivi la dame. « Raymond, j'ai crié, c'est pas par là la foire pour tirer les coups. » Avec la dame, ils ont rigolé très fort. Monsieur mon honneur, je vous jure, Raymond c'est un bon tireur. À la fête, il gagne toujours des poupées super belles.
Alors, l'autre jour, là, quand on est arrivé au bout de la rue, près du café avec les lumières qui s'allument tout le temps, la dame, elle m'a dit : « Tu viens mon lapin ? » « Tu vois, elle te connaît celle-là » m'a dit Raymond. J'ai répondu : « Bonjour madame» parce que je suis poli . « Vas-y, Lapin, il a fait Raymond. Faut que tu connaisses ça au moins une fois dans ta vie ! ». Alors là, je le jure avec la Bible, votre président, je ne voulais pas du tout aller avec cette dame-là. Je savais pas qui c'était d'abord. Ma maman disait toujours de faire attention avec les gens qu'on connaît pas . Raymond s'est approché d'elle et il lui a dit quelque chose dans l'oreille. Elle a poussé un gros rire qui n'allait pas du tout avec son visage. Elle m'a regardé, elle a pris ma main. J'étais pas d'accord, mais Raymond, il a fait les gros yeux, comme mon père avant de me donner ma volée. J'ai rien dit. J'ai suivi . On a marché, moi derrière. On s'est arrêté devant une porte. Elle a ouvert avec sa clé. C'était vraiment tout bizarre dans mon ventre quand on a monté l'escalier. Elle sentait bon, comme maman le dimanche, mais en plus fort. On est rentré dans une belle chambre avec une grande glace sur le mur près du lit. Je me suis regardé dedans avec ma moustache qu’avait encore du ketchup. « Alors, mon lapin, c'est la première fois ? ». Moi, je voulais pas être là. « Je m'appelle pas Lapin, je m'appelle John Rabbit. » « O.k., mon lapin, tu vas me montrer ta belle petite queue, alors ? » « J'aime pas qu'on m'appelle Lapin » j'ai dit. Elle a rigolé avec son méchant rire de sorcière.
« Enlève ton pantalon, mon lapin ! » « Je m'appelle John Rabbit, je m'appelle John Rabbit ! » j'ai hurlé. Et j'ai donné un grand coup de poing dans le mur. « Ça va pas, non ! Fous le camp, espèce d'idiot ! »
Elle aurait pas dû dire ça, monsieur votre honneur. Avant de partir au ciel, ma maman m'avait dit que si quelqu'un me traite d'idiot, c'est que c'est un méchant et qu'il sera puni. Alors, je l’ai punie. J'ai pris la glace avec mes deux mains, je l'ai arrachée du mur et je lui ai donné un grand coup derrière la tête. Et puis, j'ai tapé tout le temps qu'elle bougeait. Après, son visage, il y en avait partout, dans tous les morceaux de la glace par terre. J'ai regardé, avec mes yeux qui voient loin ; il y avait même un petit peu de la tête de la dame sous le lit. Sur ma veste aussi, il y avait du rouge, comme avec le ketchup du kebab, mais en beaucoup plus.
« T'as encore fait une connerie, Lapin !» « Je m'appelle pas Lapin, j'ai répondu à Raymond. Je m'appelle John Rabbit !»
Version vocale
Le coup du lapin
Mon nom, monsieur mon président, c'est Rabbit, John Rabbit. Mais, dans mon quartier, ils m'appellent « Lapin ». Moi, ça me plaît pas. On n'a qu'un nom, tout de même. Remarquez, je sais bien pourquoi ils m'appellent comme ça. C'est parce que je mange beaucoup de carottes râpées. Tous les jours. Le docteur, il m'a dit : « C'est bon pour les yeux John ». Ah ça, je peux le dire, maintenant j'y vois bien. Au début, monsieur l'honneur, je voyais pas très loin. Les autres, là-bas, ils me disent tout le temps : « Mais tu vois vraiment rien, mon pauvre Lapin ! Il se fout de ta gueule, Raymond. Ouvre les yeux ! » Raymond, c'est mon copain, le seul. Les autres, ils sont jaloux. On rigole bien, tous les deux, qu'est-ce qu'on rigole ! Raymond il me dit souvent : « Tu devrais acheter des lunettes, Lapin, comme ça, tu verrais ta queue quand tu pisses ». J'aime bien, Raymond. Il est gentil avec moi. Sauf quand il m’appelle « Lapin ». J'arrête pas de lui répéter : « Je m’appelle John Rabbit, Raymond, pas Lapin » « T’as raison, Lapin, mais Lapin c’est plus facile. » Il a pas de mémoire . C’est pour ça qu’il a pas été longtemps à l’école. Souvent, le dimanche, avant les gendarmes, on allait au cinéma. Après, on mangeait au kebab. Le cinéma, c'est moi qui payais, le kebab c'était lui avec l'argent que je lui prête. « T'inquiète pas, Lapin, je te rembourserai quand les poules auront des dents. » Moi, je suis pas fou, je sais bien que les poules auront jamais de dents. Mais, je le dis pas à Raymond. Comme ça, il vient toujours au cinéma avec moi. Au kebab, pendant que je mange mes carottes au ketchup, il m'explique quand j'ai pas tout compris le film. Une fois qu'on a fini l'explication , souvent, on va dans la rue aux filles. « Essuie-toi la bouche, Lapin ! Tu vas faire peur aux lapines avec ta moustache pleine de ketchup. » Il rit toujours quand il dit ça Raymond. Je l'aime bien, il est drôle. Je m'essuie avec ma manche et on va dans la rue derrière le kebab. C'est une rue chaude, il dit Raymond. « Enlève ta veste, Lapin ! On va dans la rue chaude » C'est comme ça que ç’a commencé, monsieur votre honneur…
Avec Raymond, on regarde les dames. Lui, il dit " les filles ". Moi, je dis que c'est des dames parce qu'elles sont très jolies. Elles ont des jupes courtes, comme ma petite sœur quand elle était petite, sauf qu'elles ont des jambes beaucoup plus longues, et plein de couleurs sur la figure. Quand je les vois, ça me fait quelque chose dans le ventre. J'en n’ai pas parlé à Raymond, mais j'ai l'impression que ça lui fait tout pareil, parce qu'il marche pas comme d'habitude ; il met toujours sa main dans sa poche. On rigole bien, qu'est-ce qu'on rigole ! un jour, même que Raymond, il s'est approché d'une dame et que tous les deux ils ont parlé. « Prête moi des sous, Lapin, je te les rendrai quand les canards auront des dents. » « Mais Raymond, tu sais bien que les canards, ils ont pas de dents. » « Dans mon pays, si ! » J'y ai prêté un billet. « Attends-moi là, je vais tirer un coup et je reviens. » Il a suivi la dame. « Raymond, j'ai crié, c'est pas par là la foire pour tirer les coups. » Avec la dame, ils ont rigolé très fort. Monsieur mon honneur, je vous jure, Raymond c'est un bon tireur. À la fête, il gagne toujours des poupées super belles.
Alors, l'autre jour, là, quand on est arrivé au bout de la rue, près du café avec les lumières qui s'allument tout le temps, la dame, elle m'a dit : « Tu viens mon lapin ? » « Tu vois, elle te connaît celle-là » m'a dit Raymond. J'ai répondu : « Bonjour madame» parce que je suis poli . « Vas-y, Lapin, il a fait Raymond. Faut que tu connaisses ça au moins une fois dans ta vie ! ». Alors là, je le jure avec la Bible, votre président, je ne voulais pas du tout aller avec cette dame-là. Je savais pas qui c'était d'abord. Ma maman disait toujours de faire attention avec les gens qu'on connaît pas . Raymond s'est approché d'elle et il lui a dit quelque chose dans l'oreille. Elle a poussé un gros rire qui n'allait pas du tout avec son visage. Elle m'a regardé, elle a pris ma main. J'étais pas d'accord, mais Raymond, il a fait les gros yeux, comme mon père avant de me donner ma volée. J'ai rien dit. J'ai suivi . On a marché, moi derrière. On s'est arrêté devant une porte. Elle a ouvert avec sa clé. C'était vraiment tout bizarre dans mon ventre quand on a monté l'escalier. Elle sentait bon, comme maman le dimanche, mais en plus fort. On est rentré dans une belle chambre avec une grande glace sur le mur près du lit. Je me suis regardé dedans avec ma moustache qu’avait encore du ketchup. « Alors, mon lapin, c'est la première fois ? ». Moi, je voulais pas être là. « Je m'appelle pas Lapin, je m'appelle John Rabbit. » « O.k., mon lapin, tu vas me montrer ta belle petite queue, alors ? » « J'aime pas qu'on m'appelle Lapin » j'ai dit. Elle a rigolé avec son méchant rire de sorcière.
« Enlève ton pantalon, mon lapin ! » « Je m'appelle John Rabbit, je m'appelle John Rabbit ! » j'ai hurlé. Et j'ai donné un grand coup de poing dans le mur. « Ça va pas, non ! Fous le camp, espèce d'idiot ! »
Elle aurait pas dû dire ça, monsieur votre honneur. Avant de partir au ciel, ma maman m'avait dit que si quelqu'un me traite d'idiot, c'est que c'est un méchant et qu'il sera puni. Alors, je l’ai punie. J'ai pris la glace avec mes deux mains, je l'ai arrachée du mur et je lui ai donné un grand coup derrière la tête. Et puis, j'ai tapé tout le temps qu'elle bougeait. Après, son visage, il y en avait partout, dans tous les morceaux de la glace par terre. J'ai regardé, avec mes yeux qui voient loin ; il y avait même un petit peu de la tête de la dame sous le lit. Sur ma veste aussi, il y avait du rouge, comme avec le ketchup du kebab, mais en beaucoup plus.
« T'as encore fait une connerie, Lapin !» « Je m'appelle pas Lapin, j'ai répondu à Raymond. Je m'appelle John Rabbit !»
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le coup du lapin
Je n’ai pas pu accéder à la version vocale, la faute à mon ordinateur je pense. Dommage, pour t’avoir entendu sur certains poèmes, je ne doute pas que ça valait le coup d’oreille.
Mais j’ai dégusté le texte, parfaitement rendu dans le thème et avec un style le servant particulièrement bien.
En plus j’ai souri. Mais c’est pas bien, elle est triste l’histoire de lapin… pardon de John Rabbit. Et c'est peut-être ce que j'ai trouvé de si réussi, le poignant qui pointe sous le sourire et serre le coeur.
Mais j’ai dégusté le texte, parfaitement rendu dans le thème et avec un style le servant particulièrement bien.
En plus j’ai souri. Mais c’est pas bien, elle est triste l’histoire de lapin… pardon de John Rabbit. Et c'est peut-être ce que j'ai trouvé de si réussi, le poignant qui pointe sous le sourire et serre le coeur.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Le coup du lapin
Que dire à part : très très bon texte ?
Pas grand-chose.
C'est très touchant, sans verser dans le pathos, c'est bien dosé, humour et nostalgie, légèreté et drame.
J'ai la corde qui vibre quand les faibles souffrent.
Et puis j'ai écouté la version audio aussi, très bien lue et interprétée.
Une bien belle oeuvre.
Pas grand-chose.
C'est très touchant, sans verser dans le pathos, c'est bien dosé, humour et nostalgie, légèreté et drame.
J'ai la corde qui vibre quand les faibles souffrent.
Et puis j'ai écouté la version audio aussi, très bien lue et interprétée.
Une bien belle oeuvre.
Re: Le coup du lapin
Quel bon comédien tu fais, Hellian ! Mon mari a hâte de te connaitre ( c'était son métier et sa passion !)
Invité- Invité
Re: Le coup du lapin
s'appelle louis-ferdinand, ce lapin.
hi wen- Nombre de messages : 899
Age : 27
Date d'inscription : 07/01/2011
Re: Le coup du lapin
Etonnée de te trouver en prose, Hellian. J'ai lu, j'ai beaucoup apprécié le texte, et encore plus la version audio.
Je t'avoue que je n'aime pas beaucoup tes interprétations de poésies, je trouve qu'elles manquent de naturel.
Mais là, je suis scotchée ! Merveilleuse interprétation. Quel bon comédien tu fais. Je l'ai écouté deux fois,
avec le même plaisir. Splendide. Merci.
Je t'avoue que je n'aime pas beaucoup tes interprétations de poésies, je trouve qu'elles manquent de naturel.
Mais là, je suis scotchée ! Merveilleuse interprétation. Quel bon comédien tu fais. Je l'ai écouté deux fois,
avec le même plaisir. Splendide. Merci.
Invité- Invité
Re: Le coup du lapin
C’est un étonnant plaidoyer. C’est aussi et surtout une couillonnade ! Pas le texte, mais son contenu.
Un homme s’adresse au président d’un tribunal pour expliquer et justifier le crime qu’il a commis. L’homme paraît être un simple d’esprit, et son expression est très approximative. La tragédie qu’il conte, avec son langage populaire, est liée à son nom. Par son nom de famille, « Rabbit », il est prédestiné à se voir qualifié de « lapin ». Cette dénomination, il la perçoit comme un vil quolibet ; il se sent dévalorisé, rabaissé, humilié par ce nom d’animal qu’on lui affuble. C’est dire qu’il est bête, à peine humain.
« Mon petit lapin » : le mot pourtant pourrait être affectueux. Mais les parents du simplet ne semblent pas des tendres, l’unique référence au père le dépeint comme celui qui « faisait les gros yeux » avant de « donner la volée ». Le nom de lapin est donc perçu comme une injure, et non une marque d’affection, parce que le mot véhicule depuis des siècles une connotation péjorative. Un lapin, en effet, c’est un « couillon ». Lapin se disait autrefois « connin », « connil », qui se confondait avec « cunnus » qui signifie sexe, testicule, terme à l’origine des mots « con » et « couillon ». Et un couillon, c’est presque un idiot.
Rabbit n’a qu’un seul « ami », un fourbe qui profite de sa naïveté. Victime d’une illusion, il reste aveugle au manège de son « copain » malgré les mises en garde de son entourage. Pris dans une logique folle liée à son nom, il ne peut ouvrir les yeux puisqu’il croit voir, et il voit bien parce qu’il mange des carottes, et c’est parce qu’il mange des carottes qu’on le surnomme « lapin ». Les yeux lui apparaissent une menace, ce qui met face à un danger, comme son père ou son copain Raymond quand ils lui font « les gros yeux ». Ouvrir les yeux, y voir clair, il ne peut le supporter. Il verrait alors qu’il est un « couillon », et Raymond ne se prive pas de le lui dire : « Tu devrais acheter des lunettes, Lapin, comme ça, tu verrais ta queue quand tu pisses ».
Quand son stupide copain l’entraîne chez « les filles », lui qui forcément ne peut devenir qu’un « chaud lapin », la femme qui lui demande d’ôter son pantalon en l’appelant « lapin », lui devient tout à fait intolérable. Elle est prête à révéler ce qu’il ne peut voir et admettre : il est un couillon. Ouvrir son pantalon, c’est aussi ouvrir les yeux. Il vient de se regarder dans la glace et se voit encore tel qu’il se représente habituellement, normal et gai bouffeur de kebab avec ketchup, et voilà que cette femme voudrait lui révéler une image, se faire le reflet de ce qu’il est, comme en un miroir : l’image du couillon. Elle effectue le passage du couillon à l’idiot en prononçant le mot. Rabbit, devant l’insupportable, ne trouve d’issue qu’en brisant le miroir, qu’en cassant la figure de la « dame », au sens propre du terme.
Rabbit : son nom le prédestinait, comme le dit Raymond, aux « conneries ».
Félicitations, Helian, pour ce texte, qui montre bien les conséquences tragiques d’un nom, son rôle aussi dans l’identité d’une personne. Ce n’est pas le charme et la poésie des mots qui est ici mis en avant, mais leur pouvoir malheureux, blessant, assassin. Bien vu ce récit d’un crime par la faute d’un nom. Bien que de tels crimes ne soient pas le fait des seuls « idiots ».
Un homme s’adresse au président d’un tribunal pour expliquer et justifier le crime qu’il a commis. L’homme paraît être un simple d’esprit, et son expression est très approximative. La tragédie qu’il conte, avec son langage populaire, est liée à son nom. Par son nom de famille, « Rabbit », il est prédestiné à se voir qualifié de « lapin ». Cette dénomination, il la perçoit comme un vil quolibet ; il se sent dévalorisé, rabaissé, humilié par ce nom d’animal qu’on lui affuble. C’est dire qu’il est bête, à peine humain.
« Mon petit lapin » : le mot pourtant pourrait être affectueux. Mais les parents du simplet ne semblent pas des tendres, l’unique référence au père le dépeint comme celui qui « faisait les gros yeux » avant de « donner la volée ». Le nom de lapin est donc perçu comme une injure, et non une marque d’affection, parce que le mot véhicule depuis des siècles une connotation péjorative. Un lapin, en effet, c’est un « couillon ». Lapin se disait autrefois « connin », « connil », qui se confondait avec « cunnus » qui signifie sexe, testicule, terme à l’origine des mots « con » et « couillon ». Et un couillon, c’est presque un idiot.
Rabbit n’a qu’un seul « ami », un fourbe qui profite de sa naïveté. Victime d’une illusion, il reste aveugle au manège de son « copain » malgré les mises en garde de son entourage. Pris dans une logique folle liée à son nom, il ne peut ouvrir les yeux puisqu’il croit voir, et il voit bien parce qu’il mange des carottes, et c’est parce qu’il mange des carottes qu’on le surnomme « lapin ». Les yeux lui apparaissent une menace, ce qui met face à un danger, comme son père ou son copain Raymond quand ils lui font « les gros yeux ». Ouvrir les yeux, y voir clair, il ne peut le supporter. Il verrait alors qu’il est un « couillon », et Raymond ne se prive pas de le lui dire : « Tu devrais acheter des lunettes, Lapin, comme ça, tu verrais ta queue quand tu pisses ».
Quand son stupide copain l’entraîne chez « les filles », lui qui forcément ne peut devenir qu’un « chaud lapin », la femme qui lui demande d’ôter son pantalon en l’appelant « lapin », lui devient tout à fait intolérable. Elle est prête à révéler ce qu’il ne peut voir et admettre : il est un couillon. Ouvrir son pantalon, c’est aussi ouvrir les yeux. Il vient de se regarder dans la glace et se voit encore tel qu’il se représente habituellement, normal et gai bouffeur de kebab avec ketchup, et voilà que cette femme voudrait lui révéler une image, se faire le reflet de ce qu’il est, comme en un miroir : l’image du couillon. Elle effectue le passage du couillon à l’idiot en prononçant le mot. Rabbit, devant l’insupportable, ne trouve d’issue qu’en brisant le miroir, qu’en cassant la figure de la « dame », au sens propre du terme.
Rabbit : son nom le prédestinait, comme le dit Raymond, aux « conneries ».
Félicitations, Helian, pour ce texte, qui montre bien les conséquences tragiques d’un nom, son rôle aussi dans l’identité d’une personne. Ce n’est pas le charme et la poésie des mots qui est ici mis en avant, mais leur pouvoir malheureux, blessant, assassin. Bien vu ce récit d’un crime par la faute d’un nom. Bien que de tels crimes ne soient pas le fait des seuls « idiots ».
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 69
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Le coup du lapin
C'est vraiment super, ton texte montre bien à quel point notre prénom nous détermine.
La version vocale rend vraiment bien, tu fais un très bon acteur. Félicitations.
La version vocale rend vraiment bien, tu fais un très bon acteur. Félicitations.
Molly- Nombre de messages : 38
Age : 31
Date d'inscription : 12/12/2010
Re: Le coup du lapin
Beau texte, le personnage est très attachant et le ton employé colle bien au personnage.
Lapin me fait assez penser à Lennie dans Des Souris et des hommes, ce rapport au monde très primaire qui met en exergue des questionnements intéressants.
La version audio est excellente et donne une nouvelle dimension au texte.
Lapin me fait assez penser à Lennie dans Des Souris et des hommes, ce rapport au monde très primaire qui met en exergue des questionnements intéressants.
La version audio est excellente et donne une nouvelle dimension au texte.
Re: Le coup du lapin
Beaucoup aimé la version vocale qui me laisse mieux vagabonder. J'ai pensé à Raboliot... Agréable Hellian de vous lire en prose.
Re: Le coup du lapin
Merci à mes lecteurs et auditeurs d'avoir partagé quelques instants mon clapier.
Certes, je ne furète pas souvent dans la garenne de la prose mais on y est si bien accueilli que je crois que j' y reviendrai.
Une mention particulière pour Louis dont les commentaires pourraient à eux seuls faire l' objet d' un sujet tant ils sont fins et élaborés, l' auteur pouvant y découvrir des intentions qu'il n' osait s' avouer.
Ce commentaire étant le dixième de ce fil, il en sera donc "l' appendice".
Certes, je ne furète pas souvent dans la garenne de la prose mais on y est si bien accueilli que je crois que j' y reviendrai.
Une mention particulière pour Louis dont les commentaires pourraient à eux seuls faire l' objet d' un sujet tant ils sont fins et élaborés, l' auteur pouvant y découvrir des intentions qu'il n' osait s' avouer.
Ce commentaire étant le dixième de ce fil, il en sera donc "l' appendice".
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le coup du lapin
Je reconnais bien là le comédien émérite que tu es et aussi l'avocat capable de reproduire pour les besoins de sa plaidoirie la misère intellectuelle de son client jusqu'à en reprendre sa logique, son vocabulaire et son accent . Bravo !
François T- Nombre de messages : 147
Age : 96
Date d'inscription : 13/02/2011
Sujets similaires
» Le coup du lapin
» LES IDIOTS : Le coup du lapin
» FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
» Le lapin et la belette
» Le maître, les moineaux et le lapin blanc
» LES IDIOTS : Le coup du lapin
» FRAGMENTS : le fil de vos textes courts
» Le lapin et la belette
» Le maître, les moineaux et le lapin blanc
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum