Le bruit du dehors
+2
bertrand-môgendre
Red
6 participants
Page 1 sur 1
Le bruit du dehors
Court texte écrit "à chaud", en réaction à la lecture de Hogg, de Delany.
Le bruit du dehors
Elle avait les cheveux noirs, et de petits yeux roux, comme ceux d'un chien au regard trouble. "Tais-toi", lui ai-je dit. "Je n'ai rien dit". "Tais-toi", ai-je répété.
Elle a clos ses lèvres gonflées de gloss - il dessinait une légère pellicule de gras, de petites boules luisantes aux commissures de sa bouche - et elle s'est levée de sa chaise. Elle a tiré sur le bas de sa chemise, puis elle est restée plantée à attendre que je lui dise quelque chose.
J'ai pris la bouteille de bière qu'elle buvait, et je l'ai explosée sur la table : il ne m'est resté en main que le goulot, et au bout le verre brisé, qui s'élançait vers elle comme des dents peintes en vert. Elle a tressailli, mais elle n'a pas bougé. J'avais déjà gagné. Ca me plaisait et ça m'ennuyait à la fois.
"Dis-moi que tu m'aimes". "Je t'aime", a-t-elle soufflé. Avec le gloss, sa respiration faisait comme l'eau face à l'huile, glissante et insaisissable. "Dis-moi pourquoi tu m'aimes". Je n'ai jamais su pourquoi je demandais ces choses-là, si ce n'est pour gagner du temps. "Je t'aime parce que tu es différente. Je t'aime parce que tu sais des choses, parce que tes longs cheveux roux me font mal au ventre et que tes reins sont cambrés. Je t'aime parce que c'est comme ça". J'ai claqué la langue, secoué la tête, et je lui ai demandé de se déshabiller. Elle a hésité. J'ai vu ses yeux se plisser en fixant les néons. On ne pouvait pas nous voir - je déteste qu'on puisse me voir - mais on pouvait nous entendre et, nous-mêmes, nous entendions tout. Il y a avait des fils électriques, un bébé qui pleurait, et le jour qui faisait "fffchit" sous les persiennes. Elle a déboutonné sa chemise.
Ca a fait un grand "ploc" quand elle est tombée sur le carrelage, qui a résonné dans ma tête, sous mes bras, sous mes cuisses. Elle a ôté sa jupe et son soutien-gorge en se tortillant. Il ne restait plus que sa culotte grise et ses bas, poussiéreux. Elle s'est avancée et elle a posé son pied droit sur mon aine. J'ai repris le tesson de bouteille et je l'ai pressé doucement sous son genou. "Dis-moi pourquoi tu m'aimes, et sans mentir". Elle a cligné des yeux dans un battement humide. "Je t'aime parce que tu commandes".
J'ai eu envie de pleurer pendant que je lui enfonçais le verre dans la chair. J'ai donné un coup de poing sur son genou pour mieux le presser en elle. Mes yeux me piquaient, agréablement. Elle s'est mis à chouiner de plaisir ; le sang chorégraphiait un genre de boue sur le carrelage. Elle saignait poisseux : comme des menstrues, comme de la confiture gâtée. J'ai retiré le tesson, ses bras tachés, sa culotte, j'ai relevé ses cheveux. Je l'ai couchée sur la table comme une machine cassée et j'ai léché son nombril. Puis j'ai mis ma tête entre ses jambes et je me suis endormie.
Quand je me suis réveillée, ça puait le sang séché et le bruit alentours était encore plus fort.
Le bruit du dehors
Elle avait les cheveux noirs, et de petits yeux roux, comme ceux d'un chien au regard trouble. "Tais-toi", lui ai-je dit. "Je n'ai rien dit". "Tais-toi", ai-je répété.
Elle a clos ses lèvres gonflées de gloss - il dessinait une légère pellicule de gras, de petites boules luisantes aux commissures de sa bouche - et elle s'est levée de sa chaise. Elle a tiré sur le bas de sa chemise, puis elle est restée plantée à attendre que je lui dise quelque chose.
J'ai pris la bouteille de bière qu'elle buvait, et je l'ai explosée sur la table : il ne m'est resté en main que le goulot, et au bout le verre brisé, qui s'élançait vers elle comme des dents peintes en vert. Elle a tressailli, mais elle n'a pas bougé. J'avais déjà gagné. Ca me plaisait et ça m'ennuyait à la fois.
"Dis-moi que tu m'aimes". "Je t'aime", a-t-elle soufflé. Avec le gloss, sa respiration faisait comme l'eau face à l'huile, glissante et insaisissable. "Dis-moi pourquoi tu m'aimes". Je n'ai jamais su pourquoi je demandais ces choses-là, si ce n'est pour gagner du temps. "Je t'aime parce que tu es différente. Je t'aime parce que tu sais des choses, parce que tes longs cheveux roux me font mal au ventre et que tes reins sont cambrés. Je t'aime parce que c'est comme ça". J'ai claqué la langue, secoué la tête, et je lui ai demandé de se déshabiller. Elle a hésité. J'ai vu ses yeux se plisser en fixant les néons. On ne pouvait pas nous voir - je déteste qu'on puisse me voir - mais on pouvait nous entendre et, nous-mêmes, nous entendions tout. Il y a avait des fils électriques, un bébé qui pleurait, et le jour qui faisait "fffchit" sous les persiennes. Elle a déboutonné sa chemise.
Ca a fait un grand "ploc" quand elle est tombée sur le carrelage, qui a résonné dans ma tête, sous mes bras, sous mes cuisses. Elle a ôté sa jupe et son soutien-gorge en se tortillant. Il ne restait plus que sa culotte grise et ses bas, poussiéreux. Elle s'est avancée et elle a posé son pied droit sur mon aine. J'ai repris le tesson de bouteille et je l'ai pressé doucement sous son genou. "Dis-moi pourquoi tu m'aimes, et sans mentir". Elle a cligné des yeux dans un battement humide. "Je t'aime parce que tu commandes".
J'ai eu envie de pleurer pendant que je lui enfonçais le verre dans la chair. J'ai donné un coup de poing sur son genou pour mieux le presser en elle. Mes yeux me piquaient, agréablement. Elle s'est mis à chouiner de plaisir ; le sang chorégraphiait un genre de boue sur le carrelage. Elle saignait poisseux : comme des menstrues, comme de la confiture gâtée. J'ai retiré le tesson, ses bras tachés, sa culotte, j'ai relevé ses cheveux. Je l'ai couchée sur la table comme une machine cassée et j'ai léché son nombril. Puis j'ai mis ma tête entre ses jambes et je me suis endormie.
Quand je me suis réveillée, ça puait le sang séché et le bruit alentours était encore plus fort.
Red- Nombre de messages : 18
Age : 36
Localisation : Bordeaux
Date d'inscription : 23/04/2011
Re: Le bruit du dehors
Tout simplement horrible, mais pourquoi pas du moment que la scène est bien écrite.
Elle s'est mis à chouiner de plaisir : là c'est le détail qui tue.
J'espère que le bruit alentours ressemblait aux gesticulations des employés du Samu, dévoués, au service de tous.
Elle s'est mis à chouiner de plaisir : là c'est le détail qui tue.
J'espère que le bruit alentours ressemblait aux gesticulations des employés du Samu, dévoués, au service de tous.
bertrand-môgendre- Nombre de messages : 7526
Age : 104
Date d'inscription : 15/08/2007
Re: Le bruit du dehors
Très efficace en effet... C'est vraiment bien rendu.
Lifewithwords- Nombre de messages : 785
Age : 32
Localisation : Hauts de Seine
Date d'inscription : 27/08/2007
Re: Le bruit du dehors
Bien vu en effet. Juste : "le sang chorégraphiait un genre de boue sur le carrelage". C'est un peu too much je trouve
Re: Le bruit du dehors
Chouiner de plaisir : le détail qui tue. Mais pourquoi ? C'est SM ou c'est vraiment glauque ?
Chako Noir- Nombre de messages : 5442
Age : 34
Localisation : Neverland
Date d'inscription : 08/04/2008
Re: Le bruit du dehors
Bonsoir Red,
Un petit texte très efficace, très féminin qui prendrait aisément sa place dans un ensemble plus vaste.
Une écriture parfaite et rapide avec juste ce qu'il faut de néologismes et de tournures actuelles ...
Amicalement,
Midnightrambler
Un petit texte très efficace, très féminin qui prendrait aisément sa place dans un ensemble plus vaste.
Une écriture parfaite et rapide avec juste ce qu'il faut de néologismes et de tournures actuelles ...
Amicalement,
Midnightrambler
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Le bruit du dehors
C'est glauque !Chako Noir a écrit:Chouiner de plaisir : le détail qui tue. Mais pourquoi ? C'est SM ou c'est vraiment glauque ?
Merci à tous/tes pour vos remarques.
Red- Nombre de messages : 18
Age : 36
Localisation : Bordeaux
Date d'inscription : 23/04/2011
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum