La dernière cigarette

Entre tes doigts safran, roule le caporal,
Glissent nos regards noirs au vide sidéral,
Brisés par les regrets et la douleur fleurie,
De tes poumons fanés à la chair équarrie.

Doucement t'embrassant, couché sur le rebord
Du lit blanc, je l'entends le démon qui te tord !
A ta demande alors, d'une grâce infinie,
J'écourte comateux, ta cruelle insomnie…

Le briquet vient lécher ma bouche de fumeur :
Avant que me foudroie une rose tumeur,
Je vais à la fenêtre où la douleur suée
S'évanouit soudain pour n'être que buée…

Ma bouche à ton sein blanc et son joyeux babil !
Diaphane ta main, chatouille mon nombril ;
Dans ta robe je roule et déclame ma joie,
Et ma joue amoureuse à ton rire rougeoie !

Étrange cette cigarette presque vivante et presque aussi attirante qu'une femme, mais j'aime bien. Je trouve que les images sont assez inattendues et bien trouvées.
L'expression "rose tumeur" m'a frappée. Ce qui est amusant, c'est que malgré cette cigarette personnifiée, ça ne donne aucune envie de fumer. Enfin, ça reste mes impressions.

Miinda a si bien exprimé ce que je n'aurais pas moi-même réussi à faire. Oui, un très beau texte original (quoique ici ce n'est pas la première contribution à la thématique ma clope : cf. par ex. le texte de Leila en 2011 ici ou ChakoNoir en 2008 là), un texte disais-je qui commence très fort :

Entre tes doigts safran, roule le caporal,

Deux ou trois petits reproches cependant:
- trop de virgules et de ponctuation en général
- dommage d'avoir glissé dans cette belle première strophe cet inutile et trivial et rebattue "chair équarrie" : c'est parfaitement remplaçable et le texte y gagnerait à tout coup
- et ce diaphane, lieu commun (avec chamarré) de la pseudo-poésie internetienne.

Pour finir, quelques passages qui vaillent le coup :

Je vais à la fenêtre où la douleur suée
S'évanouit soudain pour n'être que buée

Dans ta robe je roule et déclame ma joie

Le titre m'a guidée par ici... dernière cigarette, celle du condamné.
Je savais, dès le menu, que j'allais y rencontrer la mort.
Mais, je ne savais pas que celle-ci s'offrirait à ma vue par le trou de la serrure !
Bah oui ! L'impression d'être une voyeuse pervertie par vos strophes, particulièrement la deuxième... n'avez-vous donc pas honte Rimbaudelaire ? :-p
Je trouve pour cela, votre poème très réussi dans la mesure où son intimité m'a profondément embarrassée.

L'embarras, une sensation peu commune me concernant alors, pour cela je vous remercie.

J'ai trop lu de poèmes sur la clopes. Celui-ci n'est pas le moins original, mais je trouve qu'il ne casse pas des briques non plus.
Par contre ça: "la douleur suée"

Ca c'est magique!

Cool ! Merci pour tous ces commentaires. C'est quand même plus qu'un poème sur la clope. L'amour d'un fils pour sa mère, avec les tous les souvenirs qui s'y rattachent, jusqu'au suicide vital et mortel (3ème strophe), c'est ça qui m'intéressait. Je voulais aussi éviter de tomber dans les poncifs, j’espère y être arrivé au moins un petit peu. Et comme vous avez été gentil avec moi, je vous soumets le lien avec mon texte mis en musique (et interprété) par un ami :

http://djangologiste.musique.com/18201/La-derniere-cigarette-chanson-francaise/

Un bon classique, émouvant.

La version musicale est vraiment superbe

Jolie maîtrise de la métrique ! Un poème très classique dans sa forme, que je trouve habile. Dans le genre, ça me convient !