Langue du passager
+4
Marvejols
Polixène
Phylisse
Tristan
8 participants
Page 1 sur 1
Langue du passager
être absent absenté à soi place
le point de fuite de nous peut-être
quelque part par-delà le nous
comment faire en sorte que rien
ne sorte du plein de rien
tout ne sera jamais tout le
corps une consistance impossible
***
pourrait-il être pourrait-il n’être pas le
babil insatiable jusque sur les murs la pièce
ça ne s’arrête pas ça ne s’arrête jamais
il faut revivifier le tous-les-jours par
l’affreuse langue de jamais je ne suis c’est
tout au fond du maintenant embourbé
dans le maintenant ça ne s’arrête jamais
***
ma langue recherche le mouvement constant
la consistance de soi tassée dans la
légèreté des matins ma langue recherche ma
langue recherche l’inadmissible au fond
de la vie admise ma langue est une pierre
qui tombe dans la mort des possibles
ma langue se tait lorsque je parle
***
je me tasse je me tais
au fond de la parole au fond
des matins identiques je me tasse
au fond des images qui se répètent
au fond du trou de la
langue je me tasse au fond de
l’impossible-je la vie
marchande le corps je me tasse
démantelé signifiant
signifié double identité je me
***
pas encore tout-à-fait là pas encore
dans la forme même du parler
informe je suis dedans oui dedans
il y a quatre murs d’exister dans
et la voix ne vient pas jusqu’
au cri irrigation de maintenant jamais
***
poursuivre le vide de chaque matin
dans la démesure de la vie errante
image après image slogan après slogan
trouver encore quelque chose à dire
là où tout se répète à l’unisson
il y a encore il y a il y a
nos échos qui se confondent dans le rien
***
la gorge à tout bout de champ la gorge quand
rien ne passe plus dans le barrage de soi comme
un possible improbable dans la lenteur de demain comme
un éclat du corps dans la mosaïque des moments presque
comme du sens au fond de la mécanique de maintenant
comme un lien avec les jours liants un à un
voix après voix après cri après chuchotement après quelque vie
pas plus de précision puisqu’il faut exister global dans
le pierre après pierre de chaque matin désagrégé
Re: Langue du passager
Je ne dois pas parler la même langue, je n'ai rien compris... Je ne fais donc que passer...
Phylisse- Nombre de messages : 963
Age : 62
Localisation : Provence
Date d'inscription : 05/05/2011
Re: Langue du passager
Très impressionnant, Tristan, j'aime que le sens soit torturé essoré machouillé trituré, tissé, sculpté . Cela va sans dire.
Et cette corporalité (corps/oralité) où habiter..." Quel espace habiter qui ne soit pas moi-même?" s'interrogeait l'intranquille Pessoa...
Et cette corporalité (corps/oralité) où habiter..." Quel espace habiter qui ne soit pas moi-même?" s'interrogeait l'intranquille Pessoa...
Polixène- Nombre de messages : 3298
Age : 62
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Langue du passager
Etrange, envoûtant, fascinant. Insolite. Voilà une écriture originale (pour moi) où le procédé (des segments) ne perd pas le sens. Au contraire, on se prend à chercher en permanence les bouts qui raccordent, qui s'accordent et notre cerveau se prend au jeu d'une reconstruction, d'une construction d'images, de suggestions, de bribes de sens. Ainsi, ça
je me tasse je me tais
au fond de la parole au fond
des matins identiques
peut être lu comme ça:
je me tasse au fond de la parole / je me tais au fond de la parole
/ je me tais au fond des matins identiques
La narrativité n'est pas tout à fait exclue, de même une certaine linéarité de développement. J'ai pensé un instant à une écriture à la Claude Simon, qui entremêle plusieurs lignes narratives et même plusieurs récits ou plutôt tableaux. Et le plus explosé / entremêlé / à démêler / à explorer est sans doute cette 5è strophe :
pas encore tout-à-fait là pas encore
dans la forme même du parler
informe je suis dedans oui dedans
il y a quatre murs d’exister dans
et la voix ne vient pas jusqu’
au cri irrigation de maintenant jamais
qui peut peut-être être lu, à cet instant, comme ceci (mais demain d'une autre manière):
pas encore tout-à-fait là pas encore
dans la forme même du parler
informe je suis dedans oui dedans
il y a quatre murs d’exister dans
et la voix ne vient pas jusqu’
au cri irrigation de maintenant jamais
Mais ici c'est plus compliqué que cela, que la simple complexe juxtaposition de bribes choisies de plusieurs récits qui se font écho et se connotent. Ici, c'est un peu comme dans une chimie des nano-matériaux, supraconducteurs et autres cochonneries micrométriques de ce genre: la chimie agence des bribes, fermées ou fibreuses, des cellules ou des lignes et engendre une physique où ces nano-éléments forment des structures qui confèrent des propriétés. Au final les propriétés du tout ne correspondent en rien à celles des grains ou fibres qui tissent le fond. C'est une matière, une toile où l'on peut se laisser glisser selon une ligne de force ou les béances de discrètes déchirures. Et où l'on tombe sur quelques segments de roi :
embourbé dans le maintenant
ma langue se tait lorsque je parle
je me tasse je me tais
au fond de la parole au fond
des matins identiques
ma langue recherche l’inadmissible
comme un possible improbable dans la lenteur de demain
Oui, Tristan nous cherchons le global dans le désagrégé. Ce qui est d'ailleurs une métaphore de l'écriture, du sens et des signes.
Ce texte dit par un acteur pro, ça doit être quelque chose.
Bravo
je me tasse je me tais
au fond de la parole au fond
des matins identiques
peut être lu comme ça:
je me tasse au fond de la parole / je me tais au fond de la parole
/ je me tais au fond des matins identiques
La narrativité n'est pas tout à fait exclue, de même une certaine linéarité de développement. J'ai pensé un instant à une écriture à la Claude Simon, qui entremêle plusieurs lignes narratives et même plusieurs récits ou plutôt tableaux. Et le plus explosé / entremêlé / à démêler / à explorer est sans doute cette 5è strophe :
pas encore tout-à-fait là pas encore
dans la forme même du parler
informe je suis dedans oui dedans
il y a quatre murs d’exister dans
et la voix ne vient pas jusqu’
au cri irrigation de maintenant jamais
qui peut peut-être être lu, à cet instant, comme ceci (mais demain d'une autre manière):
pas encore tout-à-fait là pas encore
dans la forme même du parler
informe je suis dedans oui dedans
il y a quatre murs d’exister dans
et la voix ne vient pas jusqu’
au cri irrigation de maintenant jamais
Mais ici c'est plus compliqué que cela, que la simple complexe juxtaposition de bribes choisies de plusieurs récits qui se font écho et se connotent. Ici, c'est un peu comme dans une chimie des nano-matériaux, supraconducteurs et autres cochonneries micrométriques de ce genre: la chimie agence des bribes, fermées ou fibreuses, des cellules ou des lignes et engendre une physique où ces nano-éléments forment des structures qui confèrent des propriétés. Au final les propriétés du tout ne correspondent en rien à celles des grains ou fibres qui tissent le fond. C'est une matière, une toile où l'on peut se laisser glisser selon une ligne de force ou les béances de discrètes déchirures. Et où l'on tombe sur quelques segments de roi :
embourbé dans le maintenant
ma langue se tait lorsque je parle
je me tasse je me tais
au fond de la parole au fond
des matins identiques
ma langue recherche l’inadmissible
comme un possible improbable dans la lenteur de demain
Oui, Tristan nous cherchons le global dans le désagrégé. Ce qui est d'ailleurs une métaphore de l'écriture, du sens et des signes.
Ce texte dit par un acteur pro, ça doit être quelque chose.
Bravo
Re: Langue du passager
Oui c'est passionnant à lire à haute voix ! Il y a un travail sur le souffle, sur l'élan, sur la voix dans tous ses états à faire sur ce texte. Il demande à être habité.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Langue du passager
J'avais envie de dire à peu près la même chose, mais beaucoup moins bien que Marvejols !
Ce texte est plein d'emboîtements, comme certains casse-tête ( ah, le pluriel des noms composés ...!), chaque mot voit son sens modifié par le mot d'avant ou celui d'après, un jeu kaléoscopique autour de la thématique qui te tient à coeur.
Ce texte est plein d'emboîtements, comme certains casse-tête ( ah, le pluriel des noms composés ...!), chaque mot voit son sens modifié par le mot d'avant ou celui d'après, un jeu kaléoscopique autour de la thématique qui te tient à coeur.
Invité- Invité
Re: Langue du passager
Et bien, merci toutes et tous pour ces premières impressions.
Marvejols, merci beaucoup pour cette analyse vraiment très intéressante. Tu parles de narration éclatée, tu n'es peut-être pas dans le faux : je recherche une collision des syntaxes, dont le seul ciment est la voix/corps. Après il y a narrativité si tu considères ces 5 strophes comme une seule et même chose (poème ?).
Ces textes font partie d'un livre, qui sera peut-être pris chez Contre-allées (ils avaient l'air enthousiastes, mais l'issue n'est pas sûre encore). ça poursuit un peu mon projet de malangue : recherche d'une langue en dehors de la langue, et donc d'une insurrection contre tout ce qui parle l'époque (langages/idées/discours/politiques formatés). Afin de retrouver la vie dans la vie, car la langue=corps=respiration est nécessairement mouvante.
Marvejols, merci beaucoup pour cette analyse vraiment très intéressante. Tu parles de narration éclatée, tu n'es peut-être pas dans le faux : je recherche une collision des syntaxes, dont le seul ciment est la voix/corps. Après il y a narrativité si tu considères ces 5 strophes comme une seule et même chose (poème ?).
Ces textes font partie d'un livre, qui sera peut-être pris chez Contre-allées (ils avaient l'air enthousiastes, mais l'issue n'est pas sûre encore). ça poursuit un peu mon projet de malangue : recherche d'une langue en dehors de la langue, et donc d'une insurrection contre tout ce qui parle l'époque (langages/idées/discours/politiques formatés). Afin de retrouver la vie dans la vie, car la langue=corps=respiration est nécessairement mouvante.
Re: Langue du passager
ma langue recherche le mouvement constant
la consistance de soi tassée dans la
légèreté des matins ma langue recherche ma
langue recherche l’inadmissible au fond
de la vie admise ma langue est une pierre
qui tombe dans la mort des possibles
ma langue se tait lorsque je parle
Oui. Je trouve ces textes audacieux ! Une remise en cause de l'arbitraire du signe, une œuvre que tu poursuis depuis que je te lis. Ton œuvre a une remarquable unité, expérimentale ; une personnalité... Le train est passé, je viens trop tard et tout a été dit, mais moi aussi ça me rappelle Claude Simon, parfois. Je m'y suis déjà essayé avec moins de succès.
la consistance de soi tassée dans la
légèreté des matins ma langue recherche ma
langue recherche l’inadmissible au fond
de la vie admise ma langue est une pierre
qui tombe dans la mort des possibles
ma langue se tait lorsque je parle
Oui. Je trouve ces textes audacieux ! Une remise en cause de l'arbitraire du signe, une œuvre que tu poursuis depuis que je te lis. Ton œuvre a une remarquable unité, expérimentale ; une personnalité... Le train est passé, je viens trop tard et tout a été dit, mais moi aussi ça me rappelle Claude Simon, parfois. Je m'y suis déjà essayé avec moins de succès.
Invité- Invité
Re: Langue du passager
c'est drôle, alex, que tu dises expérimental, parce que pour moi ces textes ne le sont pas vraiment (même pas du tout). mais ça, j'ai du mal à m'en rendre compte parce que je baigne dans un truc, et qu'il faut que je fasse gaffe sinon ça va virer à l'autisme...
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Merci beaucoup pour ton commentaire !
Re: Langue du passager
La première fois que j'ai lu cet ensemble de textes, j'ai eu du mal à accrocher. Drôle d'univers. La parole semble se fondre presque dans l'absurde, l'incohérent, l'impossible, l'insaisisable. J'ai du mal à trouver un terme adéquat.
J'aime beaucoup ce passage:
Et plus encore celui qui est souligné en gras.
Mais je crois que je n'ai pas encore tout saisi, encore de nombreuses lectures s'imposent.
Merci pour ce texte mystérieux dans un univers attirant.
J'aime beaucoup ce passage:
poursuivre le vide de chaque matin
dans la démesure de la vie errante
image après image slogan après slogan
trouver encore quelque chose à dire
là où tout se répète à l’unisson
Et plus encore celui qui est souligné en gras.
Mais je crois que je n'ai pas encore tout saisi, encore de nombreuses lectures s'imposent.
Merci pour ce texte mystérieux dans un univers attirant.
Miinda- Nombre de messages : 103
Age : 31
Date d'inscription : 07/07/2009
Re: Langue du passager
Je n'arrive pas à être attentive très longtemps
le premier paragraphe m'a déconcertée, je suis presque repartie, puis, non, j'ai insisté, le deuxième me parle plus
J'aime beaucoup qu'on m'oblige à tourner sept fois les yeux dans mes orbites pour gouter la saveur d'un texte. Ainsi j'ai l'impression de faire sept fois le tour de la terre
(c'est pas forcément intelligent, mais c'est ce que tu m'inspires Tristan)
je passerai pour lire la suite.
le premier paragraphe m'a déconcertée, je suis presque repartie, puis, non, j'ai insisté, le deuxième me parle plus
J'aime beaucoup qu'on m'oblige à tourner sept fois les yeux dans mes orbites pour gouter la saveur d'un texte. Ainsi j'ai l'impression de faire sept fois le tour de la terre
(c'est pas forcément intelligent, mais c'est ce que tu m'inspires Tristan)
je passerai pour lire la suite.
Invité- Invité
Re: Langue du passager
Le 4 et le 5 m'ont parlé. Parlé de près.
zenobi- Nombre de messages : 892
Age : 54
Date d'inscription : 03/09/2010
Re: Langue du passager
*
Bonjour Tristan,
Un "je" qui s'effondre dans la langue...
Une très belle maîtrise dans la désarticulation de la syntaxe qui vous retourne les tripes et qui tente de dire la démesure...
Je trouve cela puissant, étonnant et tout à fait réussi...:)!
Bonjour Tristan,
Un "je" qui s'effondre dans la langue...
Une très belle maîtrise dans la désarticulation de la syntaxe qui vous retourne les tripes et qui tente de dire la démesure...
Je trouve cela puissant, étonnant et tout à fait réussi...:)!
Cythéria- Nombre de messages : 120
Age : 46
Date d'inscription : 22/02/2010
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum