La gomme à effacer les souvenirs
+2
Ba
Damy
6 participants
Page 1 sur 1
La gomme à effacer les souvenirs
- Bonjour
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
- Je voudrais une gomme à effacer les souvenirs.
- Oui, c’est au fond du magasin à gauche, derrière les guides de voyage.
Je n’aime pas la gauche, j’en ai de mauvais souvenirs. La droite me rappelle les gifles de papa.
Au fond du magasin…à gauche…rayon des guides de voyage…Cancún…Taïwan, les frégates…Trieste…Srebrenica…Venise…le guide du routard…Le Karakoram, Lhassa et le monastère de Tashilhnupo où est enfermée Madeleine…la gomme !
Sur le rayon, des boîtes avec des noms tous plus bizarres les uns que les autres, des flacons de toutes les couleurs, des stylos avec gommes intégrées, des livres : « Vivre sans plus rêver » de Jacques Salomé…des revues : Psychologie, « La mémoire olfactive » de Servan Schreiber, des pins’s marque-pages, des statues de la vierge sous la neige dans des cages transparentes « En souvenir de Lourdes »…
J’appelle la vendeuse pour m’aider.
- Ah non, me dit-elle, moi c’est le rayon des chemises cartonnées et des porte-manteaux. Je vous appelle le chef de rayon.
- Des porte-manteaux ? On peut y accrocher les souvenirs ?
- Cela dépend de leur taille. Quelle taille font-ils ?
Je n’en savais rien. J’espère qu’elle aura un porte-manteau de très grande taille dans son rayon.
- Passez dans la cabine, je vais mesurer.
Elle a la taille juste en dessous.
- Cela ne fait rien, il va vous aller. Prenez celui-ci et une gomme pour effacer quelques souvenirs, vous verrez.
Il était beau, en palétuvier rouge. Cela me rappelait les bougainvilliers de Marrakech.
- Je peux vous aider ? demande le chef de rayon des gommes.
Je lui explique mon cas et lui montre mon palétuvier.
Á la façon dont il a de se gratter la tête, je pressens qu’il est incompétent.
- C’est votre première ordonnance ? me demande-t-il.
Bien sûr, c’est ma première ordonnance, jusque là je vivais de mes souvenirs. Ils rapportaient bien: un Prix de la Presse Parisienne, un Prix Femina devant Houellebecq, un encart dans Le Journal du Vatican et un article dans Sciences et Vie.
- Laissez, je m’en occupe ! dis-je au chef.
Je prends la boîte au nom le plus compliqué, un flacon rouge qui me rappelle le sang, un flacon vert qui me rappelle quand j’étais écolo et les grenouilles de la mare aux canards de mon enfance, un CD New Age « Musique de l’Oubli » et un stylo intégral. Je laisse le gadget de la Sainte Vierge.
Je paye mes achats avec la carte de fidélité.
J’étale la marchandise sur la table ronde de la kitchenette et j’enfile mes pantoufles.
Notice de la boîte : « Triez vos souvenirs et reportez-vous au tableau de la posologie pour choisir le bonne colonne »… !!! Trier les souvenirs ? Elle en a de bonnes, la boîte ! Trier dans quel ordre ? Croissant ? (tiens j’en prends un avec un bon café) ; décroissant ? Ordre alphabétique ? Par ordre d’importance ? Cette notice me rappelle trop les fiches de montage des meubles en kit de chez Ikea, je ne suis jamais arrivé à traduire le japonais !
Le flacon rouge : « Voir le flacon vert ».
Le flacon vert : «Indiqué pour oublier le rouge et le vert, pour l’équilibre du métabolisme, en dosant savamment le mélange avec quelques gouttes du flacon rouge. Plus spécialement réservé aux souvenirs daltoniens mais convient aussi à ceux qui voient la vie en noir et banc ».
Je me décide à mettre le CD sur ma chaîne HiFi (à chier !) et à prendre le crayon : « En gommant ce que vous écrirez, vous n’en aurez plus le souvenir ».
« Quand je suis devenu grand… » (Réflexion, le bout de crayon dans la bouche). J’efface « grand » et j’écris « petit ». « Quand je suis devenu petit, j’aimais papa »… (Réflexion…). J’efface « J’aimais papa » et j’écris « j’aimerai la petite fille brune sur le banc de l’école »… (Réflexion…). J’efface « l’école » et j’écris « le jardin public parmi les pigeons ». « Puis je me suis marié avec ma femme »…. J’efface « avec ma femme » et j’écris «allongé avec la petite fille brune ». « Puis j’ai eu mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa». J’efface « j’ai eu » parce que c’est un mensonge et que j’en ai honte. J’écris « j’aurai ». « Je suis allé travailler à l’usine de Petit Quevilly, dans la banlieue industrielle de Rouen »…Réflexion…Rouen est une belle ville, surtout la rue du Gros Horloge….Donc : « J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge ». « J’ai eu des enfants et j’ai divorcé »… Non, plutôt : « …et je l’aimerai toujours et mes enfants ne grandiront jamais ». « J’ai été licencié sans indemnité de chômage ni RSA »….. Euh, voilà : « …en Sciences de l’Environnement. RAS ». « J’ai milité à l’UJCML (Union de la Jeunesse Communiste Marxiste Léniniste ». Oui…Bon…Une erreur de jeunesse. En même temps j’en ai pas honte. Mon frère était Mao et j’aimais pas mon frère. Non c’est trop compliqué à me l’expliquer…Alors : « En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et les enfants ».Puis « Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac ». Si ces cons n’avaient pas foutu le bordel avec les nanas récemment libérées, j’y serai encore ! C’est un bon souvenir, je laisse. « Ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi ». C’est vrai, rien à dire, rien à me reprocher, le chef d’atelier m’aimait bien. Je laisse. Alors « J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde ». C’est vrai. Elle était bien roulée et sexuellement on s’entendait vachement bien. Je laisse aussi. « La gendarmerie de Millau est venue me chercher pour me conduire à la caserne de Düsseldorf ». J’avais oublié de répondre à l’appel sous les drapeaux pour effectuer mon service militaire. J’ai appelé papa, ancien Résistant, mais il n’a rien pu faire. Les autorités militaires n’avaient pas oublié son passage par le Parti Ouvrier et Paysan Français, parti collaborationniste dirigé par son copain communiste Marcel Capron.
Je mange mon croissant et je bois mon café froid. Je m’aperçois que je suis entrain de louper la 1° mi-temps du match de foot à la télé.
Bon, j’efface tout ce chapitre de ma vie et j’écris : « Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère ».
« Un an plus tard, j’ai retrouvé mes enfants dans la misère, qui m’ont traité de père indigne. En mon absence leur mère s’était remariée et les avaient abandonnés. Ils avaient été placés à l’Assistance ». Alors là, je suis vraiment pas fier de cet épisode ! Donc : « On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants ».
« J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants et je me suis remarié avec Yvonne ». Yvonne ! …J’efface ça. Si ça pouvait effacer Yvonne en même temps, ce serait le pied ! J’écris : « Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Bon, je relis :
« Quand je suis devenu petit, j’aimerai le petite fille brune sur le banc du jardin public parmi les pigeons. Puis je me suis marié allongé avec la petite fille brune. J’aurai mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa. J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge. J’ai eu des enfants et je l’aimerai toujours et les enfants ne grandiront jamais. J’ai été licencié en Sciences de l’Environnement, RAS.
En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et avec les enfants. Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac, ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi. J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde. Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère. On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Cela se tient. Soulagé de mon passé gauchiste décousu, de mes liaisons déplorables et du manque d’amour filial, je mets mon manteau râpé sur le porte-manteau en palétuvier et je m’apprête à aller regarder la 2° mi-temps du foot en bonne conscience.
- « À table, fainéant ! »
C’est Yvonne.
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
- Je voudrais une gomme à effacer les souvenirs.
- Oui, c’est au fond du magasin à gauche, derrière les guides de voyage.
Je n’aime pas la gauche, j’en ai de mauvais souvenirs. La droite me rappelle les gifles de papa.
Au fond du magasin…à gauche…rayon des guides de voyage…Cancún…Taïwan, les frégates…Trieste…Srebrenica…Venise…le guide du routard…Le Karakoram, Lhassa et le monastère de Tashilhnupo où est enfermée Madeleine…la gomme !
Sur le rayon, des boîtes avec des noms tous plus bizarres les uns que les autres, des flacons de toutes les couleurs, des stylos avec gommes intégrées, des livres : « Vivre sans plus rêver » de Jacques Salomé…des revues : Psychologie, « La mémoire olfactive » de Servan Schreiber, des pins’s marque-pages, des statues de la vierge sous la neige dans des cages transparentes « En souvenir de Lourdes »…
J’appelle la vendeuse pour m’aider.
- Ah non, me dit-elle, moi c’est le rayon des chemises cartonnées et des porte-manteaux. Je vous appelle le chef de rayon.
- Des porte-manteaux ? On peut y accrocher les souvenirs ?
- Cela dépend de leur taille. Quelle taille font-ils ?
Je n’en savais rien. J’espère qu’elle aura un porte-manteau de très grande taille dans son rayon.
- Passez dans la cabine, je vais mesurer.
Elle a la taille juste en dessous.
- Cela ne fait rien, il va vous aller. Prenez celui-ci et une gomme pour effacer quelques souvenirs, vous verrez.
Il était beau, en palétuvier rouge. Cela me rappelait les bougainvilliers de Marrakech.
- Je peux vous aider ? demande le chef de rayon des gommes.
Je lui explique mon cas et lui montre mon palétuvier.
Á la façon dont il a de se gratter la tête, je pressens qu’il est incompétent.
- C’est votre première ordonnance ? me demande-t-il.
Bien sûr, c’est ma première ordonnance, jusque là je vivais de mes souvenirs. Ils rapportaient bien: un Prix de la Presse Parisienne, un Prix Femina devant Houellebecq, un encart dans Le Journal du Vatican et un article dans Sciences et Vie.
- Laissez, je m’en occupe ! dis-je au chef.
Je prends la boîte au nom le plus compliqué, un flacon rouge qui me rappelle le sang, un flacon vert qui me rappelle quand j’étais écolo et les grenouilles de la mare aux canards de mon enfance, un CD New Age « Musique de l’Oubli » et un stylo intégral. Je laisse le gadget de la Sainte Vierge.
Je paye mes achats avec la carte de fidélité.
J’étale la marchandise sur la table ronde de la kitchenette et j’enfile mes pantoufles.
Notice de la boîte : « Triez vos souvenirs et reportez-vous au tableau de la posologie pour choisir le bonne colonne »… !!! Trier les souvenirs ? Elle en a de bonnes, la boîte ! Trier dans quel ordre ? Croissant ? (tiens j’en prends un avec un bon café) ; décroissant ? Ordre alphabétique ? Par ordre d’importance ? Cette notice me rappelle trop les fiches de montage des meubles en kit de chez Ikea, je ne suis jamais arrivé à traduire le japonais !
Le flacon rouge : « Voir le flacon vert ».
Le flacon vert : «Indiqué pour oublier le rouge et le vert, pour l’équilibre du métabolisme, en dosant savamment le mélange avec quelques gouttes du flacon rouge. Plus spécialement réservé aux souvenirs daltoniens mais convient aussi à ceux qui voient la vie en noir et banc ».
Je me décide à mettre le CD sur ma chaîne HiFi (à chier !) et à prendre le crayon : « En gommant ce que vous écrirez, vous n’en aurez plus le souvenir ».
« Quand je suis devenu grand… » (Réflexion, le bout de crayon dans la bouche). J’efface « grand » et j’écris « petit ». « Quand je suis devenu petit, j’aimais papa »… (Réflexion…). J’efface « J’aimais papa » et j’écris « j’aimerai la petite fille brune sur le banc de l’école »… (Réflexion…). J’efface « l’école » et j’écris « le jardin public parmi les pigeons ». « Puis je me suis marié avec ma femme »…. J’efface « avec ma femme » et j’écris «allongé avec la petite fille brune ». « Puis j’ai eu mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa». J’efface « j’ai eu » parce que c’est un mensonge et que j’en ai honte. J’écris « j’aurai ». « Je suis allé travailler à l’usine de Petit Quevilly, dans la banlieue industrielle de Rouen »…Réflexion…Rouen est une belle ville, surtout la rue du Gros Horloge….Donc : « J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge ». « J’ai eu des enfants et j’ai divorcé »… Non, plutôt : « …et je l’aimerai toujours et mes enfants ne grandiront jamais ». « J’ai été licencié sans indemnité de chômage ni RSA »….. Euh, voilà : « …en Sciences de l’Environnement. RAS ». « J’ai milité à l’UJCML (Union de la Jeunesse Communiste Marxiste Léniniste ». Oui…Bon…Une erreur de jeunesse. En même temps j’en ai pas honte. Mon frère était Mao et j’aimais pas mon frère. Non c’est trop compliqué à me l’expliquer…Alors : « En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et les enfants ».Puis « Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac ». Si ces cons n’avaient pas foutu le bordel avec les nanas récemment libérées, j’y serai encore ! C’est un bon souvenir, je laisse. « Ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi ». C’est vrai, rien à dire, rien à me reprocher, le chef d’atelier m’aimait bien. Je laisse. Alors « J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde ». C’est vrai. Elle était bien roulée et sexuellement on s’entendait vachement bien. Je laisse aussi. « La gendarmerie de Millau est venue me chercher pour me conduire à la caserne de Düsseldorf ». J’avais oublié de répondre à l’appel sous les drapeaux pour effectuer mon service militaire. J’ai appelé papa, ancien Résistant, mais il n’a rien pu faire. Les autorités militaires n’avaient pas oublié son passage par le Parti Ouvrier et Paysan Français, parti collaborationniste dirigé par son copain communiste Marcel Capron.
Je mange mon croissant et je bois mon café froid. Je m’aperçois que je suis entrain de louper la 1° mi-temps du match de foot à la télé.
Bon, j’efface tout ce chapitre de ma vie et j’écris : « Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère ».
« Un an plus tard, j’ai retrouvé mes enfants dans la misère, qui m’ont traité de père indigne. En mon absence leur mère s’était remariée et les avaient abandonnés. Ils avaient été placés à l’Assistance ». Alors là, je suis vraiment pas fier de cet épisode ! Donc : « On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants ».
« J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants et je me suis remarié avec Yvonne ». Yvonne ! …J’efface ça. Si ça pouvait effacer Yvonne en même temps, ce serait le pied ! J’écris : « Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Bon, je relis :
« Quand je suis devenu petit, j’aimerai le petite fille brune sur le banc du jardin public parmi les pigeons. Puis je me suis marié allongé avec la petite fille brune. J’aurai mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa. J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge. J’ai eu des enfants et je l’aimerai toujours et les enfants ne grandiront jamais. J’ai été licencié en Sciences de l’Environnement, RAS.
En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et avec les enfants. Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac, ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi. J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde. Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère. On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Cela se tient. Soulagé de mon passé gauchiste décousu, de mes liaisons déplorables et du manque d’amour filial, je mets mon manteau râpé sur le porte-manteau en palétuvier et je m’apprête à aller regarder la 2° mi-temps du foot en bonne conscience.
- « À table, fainéant ! »
C’est Yvonne.
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Ne mérite pas de coup de " gomme" celui-là. Originale façon de redécorer nos coulisses fanées.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Ah tu as le coup de gomme artistique, Denis !!
J'aime ça, la gomme qui met en couleur cette histoire . Jusque là, pour moi la gomme était plutôt de marque D generativ, mais je pense que je vais essayer les tiennes, c'est drôlement plus amusant et créatif ! Bravo.
Et aussi,
J'aime ça, la gomme qui met en couleur cette histoire . Jusque là, pour moi la gomme était plutôt de marque D generativ, mais je pense que je vais essayer les tiennes, c'est drôlement plus amusant et créatif ! Bravo.
Et aussi,
- Spoiler:
- je veux bien frotter ma couenne chez toi, comprendre n'est pas "tout savoir" !
Invité- Invité
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Les porte-manteaux à souvenirs et la gomme pour les effacer... les changements de temps, je cherche ce que je n'ai pas aimé dans ce texte... je ne trouve pas, désolée !
Re: La gomme à effacer les souvenirs
J'aime ton humour en demi-teintes : dire des choses profondes sur un ton léger.
Effacer certains souvenirs, cela fait partie des " SI... " impossibles. Il y en a beaucoup, hélas !
Effacer certains souvenirs, cela fait partie des " SI... " impossibles. Il y en a beaucoup, hélas !
Invité- Invité
Re: La gomme à effacer les souvenirs
J'ai beaucoup aimé l'idée de départ, et tout ce qu'elle entraîne, d'abord de recherches puis de réflexions. J'ai donc suivi avec intérêt les déambulations dans le magasin à la recherche de la gomme (j'ai adoré l'idée du porte-manteau !).
Malheureusement, j'ai abandonné le texte en cours de route lorsque l'auteur se jette dans l'écriture des souvenirs. C'est trop explicatif, je veux dire que j'ai eu une indigestion de toutes ces corrections en direct ("j'écris" - "j'efface") et n'ai pas eu le courage d'aller jusqu'au bout.
Le traitement de la deuxième partie est moins réussi que la première, à mon avis, et c'est bien dommage.
Malheureusement, j'ai abandonné le texte en cours de route lorsque l'auteur se jette dans l'écriture des souvenirs. C'est trop explicatif, je veux dire que j'ai eu une indigestion de toutes ces corrections en direct ("j'écris" - "j'efface") et n'ai pas eu le courage d'aller jusqu'au bout.
Le traitement de la deuxième partie est moins réussi que la première, à mon avis, et c'est bien dommage.
Phylisse- Nombre de messages : 963
Age : 62
Localisation : Provence
Date d'inscription : 05/05/2011
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Pas d'accord du tout avec Phylisse, au contraire, moi, c'est cette partie d'écriture/effacement qui m'a le plus intéressée, le début n'est que l'abstraction, ensuite c'est comment on se fabrique un passé, comment on trie, sélectionne, met en relief ou efface afin d'obtenir une image de soi agréable ou au moins supportable...
Invité- Invité
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Merci de vos lectures et vos commentaires.
Colline:
Pour les remarques de Phylisse, je me suis dit que son déplaisir était peut-être dû à une mauvaise présentation qui rend la 2° partie assez indigeste, en effet.
Alors, Phylisse, je te le représente convenablement et avec une morale, qui plus est.
La gomme à effacer les souvenirs
- Bonjour
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
- Je voudrais une gomme à effacer les souvenirs.
- Oui, c’est au fond du magasin à gauche, derrière les guides de voyage.
Je n’aime pas la gauche, j’en ai de mauvais souvenirs. La droite me rappelle les gifles de papa.
Au fond du magasin…à gauche…rayon des guides de voyage…Cancún…Taïwan, les frégates…Trieste…Srebrenica…Venise…le guide du routard…Le Karakoram, Lhassa et le monastère de Tashilhnupo où est enfermée Madeleine…la gomme !
Sur le rayon, des boîtes avec des noms tous plus bizarres les uns que les autres, des flacons de toutes les couleurs, des stylos avec gommes intégrées, des livres : « Vivre sans plus rêver » de Jacques Salomé…des revues : Psychologie, « La mémoire olfactive » de Servan Schreiber, des pins’s marque-pages, des statues de la vierge sous la neige dans des cages transparentes « En souvenir de Lourdes »…
J’appelle la vendeuse pour m’aider.
- Ah non, me dit-elle, moi c’est le rayon des chemises cartonnées et des porte-manteaux. Je vous appelle le chef de rayon.
- Des porte-manteaux ? On peut y accrocher les souvenirs ?
- Cela dépend de leur taille. Quelle taille font-ils ?
Je n’en savais rien. J’espère qu’elle aura un porte-manteau de très grande taille dans son rayon.
- Passez dans la cabine, je vais mesurer.
Elle a la taille juste en dessous.
- Cela ne fait rien, il va vous aller. Prenez celui-ci et une gomme pour effacer quelques souvenirs, vous verrez.
Il était beau, en palétuvier rouge. Cela me rappelait les bougainvilliers de Marrakech.
- Je peux vous aider ? demande le chef de rayon des gommes.
Je lui explique mon cas et lui montre mon palétuvier.
Á la façon dont il a de se gratter la tête, je pressens qu’il est incompétent.
- C’est votre première ordonnance ? me demande-t-il.
Bien sûr, c’est ma première ordonnance, jusque là je vivais de mes souvenirs. Ils rapportaient bien: un Prix de la Presse Parisienne, un Prix Femina devant Houellebecq, un encart dans Le Journal du Vatican et un article dans Sciences et Vie.
- Laissez, je m’en occupe ! dis-je au chef.
Je prends la boîte au nom le plus compliqué, un flacon rouge qui me rappelle le sang, un flacon vert qui me rappelle quand j’étais écolo et les grenouilles de la mare aux canards de mon enfance, un CD New Age « Musique de l’Oubli » et un stylo intégral. Je laisse le gadget de la Sainte Vierge.
Je paye mes achats avec la carte de fidélité.
J’étale la marchandise sur la table ronde de la kitchenette et j’enfile mes pantoufles.
Notice de la boîte : « Triez vos souvenirs et reportez-vous au tableau de la posologie pour choisir le bonne colonne »… !!! Trier les souvenirs ? Elle en a de bonnes, la boîte ! Trier dans quel ordre ? Croissant ? (tiens j’en prends un avec un bon café) ; décroissant ? Ordre alphabétique ? Par ordre d’importance ? Cette notice me rappelle trop les fiches de montage des meubles en kit de chez Ikea, je ne suis jamais arrivé à traduire le japonais !
Le flacon rouge : « Voir le flacon vert ».
Le flacon vert : «Indiqué pour oublier le rouge et le vert, pour l’équilibre du métabolisme, en dosant savamment le mélange avec quelques gouttes du flacon rouge. Plus spécialement réservé aux souvenirs daltoniens mais convient aussi à ceux qui voient la vie en noir et banc ».
Je me décide à mettre le CD sur ma chaîne HiFi (à chier !) et à prendre le crayon : « En gommant ce que vous écrirez, vous n’en aurez plus le souvenir ».
« Quand je suis devenu grand… » (Réflexion, le bout de crayon dans la bouche). J’efface « grand » et j’écris « petit ». « Quand je suis devenu petit, j’aimais papa »… (Réflexion…). J’efface « J’aimais papa » et j’écris « j’aimerai la petite fille brune sur le banc de l’école »… (Réflexion…). J’efface « l’école » et j’écris « le jardin public parmi les pigeons ».
« Puis je me suis marié avec ma femme »…. J’efface « avec ma femme » et j’écris «allongé avec la petite fille brune ».
« Puis j’ai eu mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa». J’efface « j’ai eu » parce que c’est un mensonge et que j’en ai honte. J’écris « j’aurai ».
« Je suis allé travailler à l’usine de Petit Quevilly, dans la banlieue industrielle de Rouen »…Réflexion…Rouen est une belle ville, surtout la rue du Gros Horloge….Donc : « J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge ».
« J’ai eu des enfants et j’ai divorcé »… Non, plutôt : « …et je l’aimerai toujours et mes enfants ne grandiront jamais ».
« J’ai été licencié sans indemnité de chômage ni RSA »….. Euh, voilà : « …en Sciences de l’Environnement. RAS ».
« J’ai milité à l’UJCML (Union de la Jeunesse Communiste Marxiste Léniniste ». Oui…Bon…Une erreur de jeunesse. En même temps j’en ai pas honte. Mon frère était Mao et j’aimais pas mon frère. Non c’est trop compliqué à me l’expliquer…Alors : « En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et les enfants ».Puis « Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac ». Si ces cons n’avaient pas foutu le bordel avec les nanas récemment libérées, j’y serai encore ! C’est un bon souvenir, je laisse. « Ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi ». C’est vrai, rien à dire, rien à me reprocher, le chef d’atelier m’aimait bien. Je laisse.
Alors « J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde ». C’est vrai. Elle était bien roulée et sexuellement on s’entendait vachement bien. Je laisse aussi.
« La gendarmerie de Millau est venue me chercher pour me conduire à la caserne de Düsseldorf ». J’avais oublié de répondre à l’appel sous les drapeaux pour effectuer mon service militaire. J’ai appelé papa, ancien Résistant, mais il n’a rien pu faire. Les autorités militaires n’avaient pas oublié son passage par le Parti Ouvrier et Paysan Français, parti collaborationniste dirigé par son copain communiste Marcel Capron.
Je mange mon croissant et je bois mon café froid. Je m’aperçois que je suis entrain de louper la 1° mi-temps du match de foot à la télé.
Bon, j’efface tout ce chapitre de ma vie et j’écris : « Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère ».
« Un an plus tard, j’ai retrouvé mes enfants dans la misère, qui m’ont traité de père indigne. En mon absence leur mère s’était remariée et les avaient abandonnés. Ils avaient été placés à l’Assistance ». Alors là, je suis vraiment pas fier de cet épisode ! Donc : « On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants ».
« J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants et je me suis remarié avec Yvonne ». Yvonne ! …J’efface ça. ! 2 fois ! Si ça pouvait effacer Yvonne en même temps, ce serait le pied ! J’écris : « … et je me suis remarié avec la petite fille brune. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Bon, je relis :
« Quand je suis devenu petit, j’aimerai le petite fille brune sur le banc du jardin public parmi les pigeons. Puis je me suis marié allongé avec la petite fille brune. J’aurai mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa. J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge. J’ai eu des enfants et je l’aimerai toujours et les enfants ne grandiront jamais. J’ai été licencié en Sciences de l’Environnement, RAS.
En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et avec les enfants. Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac, ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi. J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde.
Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère. On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants.
J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants. Je me suis remarié avec la petite fille brune. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Cela se tient. Soulagé de mon passé gauchiste décousu, de mes liaisons déplorables et du manque d’amour filial, je mets mon manteau râpé sur le porte-manteau en palétuvier et je m’apprête à aller regarder la 2° mi-temps du foot en bonne conscience.
- « À table, fainéant ! »
C’est Yvonne.
Moralité : qui a oublié son passé est condamné à le revire…..
Colline:
- Spoiler:
- Pour ta couenne, j'habite pas loin de Bayonne *rire*. Mais que dois-je savoir que je n'ai pas compris ?
Pour les remarques de Phylisse, je me suis dit que son déplaisir était peut-être dû à une mauvaise présentation qui rend la 2° partie assez indigeste, en effet.
Alors, Phylisse, je te le représente convenablement et avec une morale, qui plus est.
La gomme à effacer les souvenirs
- Bonjour
- Bonjour Monsieur, que puis-je pour vous ?
- Je voudrais une gomme à effacer les souvenirs.
- Oui, c’est au fond du magasin à gauche, derrière les guides de voyage.
Je n’aime pas la gauche, j’en ai de mauvais souvenirs. La droite me rappelle les gifles de papa.
Au fond du magasin…à gauche…rayon des guides de voyage…Cancún…Taïwan, les frégates…Trieste…Srebrenica…Venise…le guide du routard…Le Karakoram, Lhassa et le monastère de Tashilhnupo où est enfermée Madeleine…la gomme !
Sur le rayon, des boîtes avec des noms tous plus bizarres les uns que les autres, des flacons de toutes les couleurs, des stylos avec gommes intégrées, des livres : « Vivre sans plus rêver » de Jacques Salomé…des revues : Psychologie, « La mémoire olfactive » de Servan Schreiber, des pins’s marque-pages, des statues de la vierge sous la neige dans des cages transparentes « En souvenir de Lourdes »…
J’appelle la vendeuse pour m’aider.
- Ah non, me dit-elle, moi c’est le rayon des chemises cartonnées et des porte-manteaux. Je vous appelle le chef de rayon.
- Des porte-manteaux ? On peut y accrocher les souvenirs ?
- Cela dépend de leur taille. Quelle taille font-ils ?
Je n’en savais rien. J’espère qu’elle aura un porte-manteau de très grande taille dans son rayon.
- Passez dans la cabine, je vais mesurer.
Elle a la taille juste en dessous.
- Cela ne fait rien, il va vous aller. Prenez celui-ci et une gomme pour effacer quelques souvenirs, vous verrez.
Il était beau, en palétuvier rouge. Cela me rappelait les bougainvilliers de Marrakech.
- Je peux vous aider ? demande le chef de rayon des gommes.
Je lui explique mon cas et lui montre mon palétuvier.
Á la façon dont il a de se gratter la tête, je pressens qu’il est incompétent.
- C’est votre première ordonnance ? me demande-t-il.
Bien sûr, c’est ma première ordonnance, jusque là je vivais de mes souvenirs. Ils rapportaient bien: un Prix de la Presse Parisienne, un Prix Femina devant Houellebecq, un encart dans Le Journal du Vatican et un article dans Sciences et Vie.
- Laissez, je m’en occupe ! dis-je au chef.
Je prends la boîte au nom le plus compliqué, un flacon rouge qui me rappelle le sang, un flacon vert qui me rappelle quand j’étais écolo et les grenouilles de la mare aux canards de mon enfance, un CD New Age « Musique de l’Oubli » et un stylo intégral. Je laisse le gadget de la Sainte Vierge.
Je paye mes achats avec la carte de fidélité.
J’étale la marchandise sur la table ronde de la kitchenette et j’enfile mes pantoufles.
Notice de la boîte : « Triez vos souvenirs et reportez-vous au tableau de la posologie pour choisir le bonne colonne »… !!! Trier les souvenirs ? Elle en a de bonnes, la boîte ! Trier dans quel ordre ? Croissant ? (tiens j’en prends un avec un bon café) ; décroissant ? Ordre alphabétique ? Par ordre d’importance ? Cette notice me rappelle trop les fiches de montage des meubles en kit de chez Ikea, je ne suis jamais arrivé à traduire le japonais !
Le flacon rouge : « Voir le flacon vert ».
Le flacon vert : «Indiqué pour oublier le rouge et le vert, pour l’équilibre du métabolisme, en dosant savamment le mélange avec quelques gouttes du flacon rouge. Plus spécialement réservé aux souvenirs daltoniens mais convient aussi à ceux qui voient la vie en noir et banc ».
Je me décide à mettre le CD sur ma chaîne HiFi (à chier !) et à prendre le crayon : « En gommant ce que vous écrirez, vous n’en aurez plus le souvenir ».
« Quand je suis devenu grand… » (Réflexion, le bout de crayon dans la bouche). J’efface « grand » et j’écris « petit ». « Quand je suis devenu petit, j’aimais papa »… (Réflexion…). J’efface « J’aimais papa » et j’écris « j’aimerai la petite fille brune sur le banc de l’école »… (Réflexion…). J’efface « l’école » et j’écris « le jardin public parmi les pigeons ».
« Puis je me suis marié avec ma femme »…. J’efface « avec ma femme » et j’écris «allongé avec la petite fille brune ».
« Puis j’ai eu mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa». J’efface « j’ai eu » parce que c’est un mensonge et que j’en ai honte. J’écris « j’aurai ».
« Je suis allé travailler à l’usine de Petit Quevilly, dans la banlieue industrielle de Rouen »…Réflexion…Rouen est une belle ville, surtout la rue du Gros Horloge….Donc : « J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge ».
« J’ai eu des enfants et j’ai divorcé »… Non, plutôt : « …et je l’aimerai toujours et mes enfants ne grandiront jamais ».
« J’ai été licencié sans indemnité de chômage ni RSA »….. Euh, voilà : « …en Sciences de l’Environnement. RAS ».
« J’ai milité à l’UJCML (Union de la Jeunesse Communiste Marxiste Léniniste ». Oui…Bon…Une erreur de jeunesse. En même temps j’en ai pas honte. Mon frère était Mao et j’aimais pas mon frère. Non c’est trop compliqué à me l’expliquer…Alors : « En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et les enfants ».Puis « Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac ». Si ces cons n’avaient pas foutu le bordel avec les nanas récemment libérées, j’y serai encore ! C’est un bon souvenir, je laisse. « Ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi ». C’est vrai, rien à dire, rien à me reprocher, le chef d’atelier m’aimait bien. Je laisse.
Alors « J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde ». C’est vrai. Elle était bien roulée et sexuellement on s’entendait vachement bien. Je laisse aussi.
« La gendarmerie de Millau est venue me chercher pour me conduire à la caserne de Düsseldorf ». J’avais oublié de répondre à l’appel sous les drapeaux pour effectuer mon service militaire. J’ai appelé papa, ancien Résistant, mais il n’a rien pu faire. Les autorités militaires n’avaient pas oublié son passage par le Parti Ouvrier et Paysan Français, parti collaborationniste dirigé par son copain communiste Marcel Capron.
Je mange mon croissant et je bois mon café froid. Je m’aperçois que je suis entrain de louper la 1° mi-temps du match de foot à la télé.
Bon, j’efface tout ce chapitre de ma vie et j’écris : « Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère ».
« Un an plus tard, j’ai retrouvé mes enfants dans la misère, qui m’ont traité de père indigne. En mon absence leur mère s’était remariée et les avaient abandonnés. Ils avaient été placés à l’Assistance ». Alors là, je suis vraiment pas fier de cet épisode ! Donc : « On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants ».
« J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants et je me suis remarié avec Yvonne ». Yvonne ! …J’efface ça. ! 2 fois ! Si ça pouvait effacer Yvonne en même temps, ce serait le pied ! J’écris : « … et je me suis remarié avec la petite fille brune. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Bon, je relis :
« Quand je suis devenu petit, j’aimerai le petite fille brune sur le banc du jardin public parmi les pigeons. Puis je me suis marié allongé avec la petite fille brune. J’aurai mon CAP de mécanicien pour faire plaisir à papa. J’ai travaillé comme jardinier dans la rue du Gros Horloge. J’ai eu des enfants et je l’aimerai toujours et les enfants ne grandiront jamais. J’ai été licencié en Sciences de l’Environnement, RAS.
En mai 68, j’ai pris mon paquet et je suis allé à la plage avec la petite fille brune et avec les enfants. Je suis parti vivre en communauté sur le Plateau du Larzac, ça a duré 3 mois, je me suis fait embaucher par le garagiste de Millau. Papa a repris contact avec moi. J’ai mis des sous de côté et une des femmes de Lanza Del Vasto, Madeleine, s’est collée à moi, puis elle s’est payé le voyage pour l’Inde.
Comme je ferai des économies dans le garage de Millau, je partirai en vacances au Maroc avec la petite fille brune. On laissera les enfants chez la grand-mère. On achètera un Riad à Marrakech, on aura une femme de ménage et un jardinier et on fera venir les enfants.
J’ai retrouvé du boulot à Grand Quevilly, suffisamment pour nourrir les enfants. Je me suis remarié avec la petite fille brune. Fatima nous fait des couscous sublimes. Tarik soigne la vigne, l’orangeraie et les bougainvilliers à merveille. Le farniente, les orteils en éventails ! »
Cela se tient. Soulagé de mon passé gauchiste décousu, de mes liaisons déplorables et du manque d’amour filial, je mets mon manteau râpé sur le porte-manteau en palétuvier et je m’apprête à aller regarder la 2° mi-temps du foot en bonne conscience.
- « À table, fainéant ! »
C’est Yvonne.
Moralité : qui a oublié son passé est condamné à le revire…..
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Je crois que la deuxième version facilite grandement la lecture et la compréhension même si parfois les pensées peuvent être désordonnées et s'imposer à l'esprit à une vitesse folle que l'on a peine à s'y reconnaître. Plus j'avance en âge, plus je me permets un passé sélectif et parfois j'ai l'impression d'avoir une gomme à effacer les souvenirs incluse avec le mode d'emploi qui me constitue.(lol) Une idée pour la commercialisation de ton invention (lol)
``Rien ne sert de ruminer, il faut l'avoir pour effacer``.
``Rien ne sert de ruminer, il faut l'avoir pour effacer``.
gaeli- Nombre de messages : 417
Age : 78
Date d'inscription : 21/05/2011
Re: La gomme à effacer les souvenirs
Ah oui ! Merci beaucoup Denis, c'est en effet bien plus agréable ainsi, et cela m'a permis d'aller jusqu'au bout.
Pour ma part, j'aurais plutôt tendance à aller les chercher, les souvenirs, c'est peut-être aussi pour cette raison que la deuxième partie me plait moins. Ce qui ne m'a pas empêché de trouver l'idée originale et d'apprécier le récit.
Pour ma part, j'aurais plutôt tendance à aller les chercher, les souvenirs, c'est peut-être aussi pour cette raison que la deuxième partie me plait moins. Ce qui ne m'a pas empêché de trouver l'idée originale et d'apprécier le récit.
Phylisse- Nombre de messages : 963
Age : 62
Localisation : Provence
Date d'inscription : 05/05/2011
Re: La gomme à effacer les souvenirs
J'ai beaucoup aimé, tu as un style surprenant, et j'ai apprécié le ton léger mais aussi un peu décapant. Je n'ai lu que la première version du coup, je n'ai vu la deuxième qu'ensuite, mais la mise en page ne m'a pas tellement gênée.
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum