Vanité
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Vanité
Salut mec. Salut ma belle.
Je t'écris de la chambre où le jour baisse. J'ai mis des lunettes de soleil et je me prends en photo avec mon téléphone portable, mélancoliquement, sans rien d'autre à faire ce soir que de m'aimer.
Je suis défoncé.
Je repense à tous les ratés que j'ai rencontré, à ce même rêve qu'ils font tous, et qui les balaye comme des ordures sur la chaussée. Je me dis: rien n'échappe jamais à Dieu. Je me dis: eux au moins ils ont toute Son attention.
Si les papillons savaient qu'ils n'ont qu'un jour à vivre ils ne se fatigueraient pas à être beaux.
Anyway.
Je me rappelle soudain cette vieille gitane assise en face de moi, dans le train, et qui me regardait écrire un poème d'amour et que j'ai regardée et qui m'a dit: c'est bien, comme ça, sans rien savoir sur moi ni sur ma vie.
L'opium pénètre en moi comme un rideau de vapeur ; je revois ses dents jaunes et ses yeux noirs de monde ; je compte les bières dans son sac plastique ; je lui récite le poème ; j'attends qu'elle se signe en m'écoutant, qu'elle se jette à mes pieds en balançant de petits cris ; ses cheveux poussent à vue d'œil ; une moustache lui vient qui devient une flopée d'oiseaux furieux ; le train se désagrège ; ses mains s'agrippent à mes mollets ; une immense guillotine apparaît et je comprends que c'est moi que l'on condamne, que c'est moi qui ai mal fait, que c'est moi que l'on a bien fait de condamner ; j'essaie de repousser ma mère ; je me relève ; je hurle le poème et ce sont là mes derniers mots ; les contrôleurs arrivent, ils me poussent vers l'échafaud ; et la foule est une meute de chiens flairant la mort et des secrétaires se pressent pour venir m'insulter, des banquiers, des VRPs dans leurs chaussures légères et bien cirées ; je suis un monstre ridicule ; je suis un gibier que l'on traque ; ma mère glapit ; le vent retient son souffle ; on me coince la tête et j'essaie de trouver Dieu ; je bave ; je grogne ; je claque les mâchoires en levant les yeux au ciel ; on m'appelle Arygie ; je suis le plus grand poète du XXIème siècle ; je vous emmerde ; j'entends la lame qui se décroche et file vers mon cou ; je m'enfonce dans la paranoïa ; j'hallucine sévère et me crois dans la chambre où le jour baisse ; je ne suis pas sur l'échafaud ; c'est un rêve ; ce n'est pas le bon côté ; je tombe en morceaux ; ma tête est propulsée dans les airs ; l'opium pénètre en moi comme une traînée de sang, je m'absente de moi-même, je me prends en photo pour être sûr de me ressembler. Je me souris. Je me salue. Je me trouve sexy d'être si seul, si éphémère, si vain.
Je me suis trompé.
C'est parce qu'ils SAVENT qu'ils ne vivent qu'un jour que les papillons se déguisent.
Et qu'ils sont beaux.
Je t'écris de la chambre où le jour baisse. J'ai mis des lunettes de soleil et je me prends en photo avec mon téléphone portable, mélancoliquement, sans rien d'autre à faire ce soir que de m'aimer.
Je suis défoncé.
Je repense à tous les ratés que j'ai rencontré, à ce même rêve qu'ils font tous, et qui les balaye comme des ordures sur la chaussée. Je me dis: rien n'échappe jamais à Dieu. Je me dis: eux au moins ils ont toute Son attention.
Si les papillons savaient qu'ils n'ont qu'un jour à vivre ils ne se fatigueraient pas à être beaux.
Anyway.
Je me rappelle soudain cette vieille gitane assise en face de moi, dans le train, et qui me regardait écrire un poème d'amour et que j'ai regardée et qui m'a dit: c'est bien, comme ça, sans rien savoir sur moi ni sur ma vie.
L'opium pénètre en moi comme un rideau de vapeur ; je revois ses dents jaunes et ses yeux noirs de monde ; je compte les bières dans son sac plastique ; je lui récite le poème ; j'attends qu'elle se signe en m'écoutant, qu'elle se jette à mes pieds en balançant de petits cris ; ses cheveux poussent à vue d'œil ; une moustache lui vient qui devient une flopée d'oiseaux furieux ; le train se désagrège ; ses mains s'agrippent à mes mollets ; une immense guillotine apparaît et je comprends que c'est moi que l'on condamne, que c'est moi qui ai mal fait, que c'est moi que l'on a bien fait de condamner ; j'essaie de repousser ma mère ; je me relève ; je hurle le poème et ce sont là mes derniers mots ; les contrôleurs arrivent, ils me poussent vers l'échafaud ; et la foule est une meute de chiens flairant la mort et des secrétaires se pressent pour venir m'insulter, des banquiers, des VRPs dans leurs chaussures légères et bien cirées ; je suis un monstre ridicule ; je suis un gibier que l'on traque ; ma mère glapit ; le vent retient son souffle ; on me coince la tête et j'essaie de trouver Dieu ; je bave ; je grogne ; je claque les mâchoires en levant les yeux au ciel ; on m'appelle Arygie ; je suis le plus grand poète du XXIème siècle ; je vous emmerde ; j'entends la lame qui se décroche et file vers mon cou ; je m'enfonce dans la paranoïa ; j'hallucine sévère et me crois dans la chambre où le jour baisse ; je ne suis pas sur l'échafaud ; c'est un rêve ; ce n'est pas le bon côté ; je tombe en morceaux ; ma tête est propulsée dans les airs ; l'opium pénètre en moi comme une traînée de sang, je m'absente de moi-même, je me prends en photo pour être sûr de me ressembler. Je me souris. Je me salue. Je me trouve sexy d'être si seul, si éphémère, si vain.
Je me suis trompé.
C'est parce qu'ils SAVENT qu'ils ne vivent qu'un jour que les papillons se déguisent.
Et qu'ils sont beaux.
Re: Vanité
De : "Si les papillons savaient qu'ils n'ont qu'un jour à vivre ils ne se fatigueraient pas à être beaux." à : "C'est parce qu'ils SAVENT qu'ils ne vivent qu'un jour que les papillons se déguisent.
Et qu'ils sont beaux." : impeccable progression.
Et ceci dont je suis jalouse : "je revois [...] ses yeux noirs de monde". La perle.
Et qu'ils sont beaux." : impeccable progression.
Et ceci dont je suis jalouse : "je revois [...] ses yeux noirs de monde". La perle.
Invité- Invité
Re: Vanité
Joli tire d'aile final...
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Vanité
petit cadeau pour l'auteur de ce texte :
budget difficile à boucler
Pris ce qui était au jardin
c'est l'intention qui conte
budget difficile à boucler
Pris ce qui était au jardin
c'est l'intention qui conte
purée...- Nombre de messages : 54
Age : 37
Date d'inscription : 02/01/2009
Re: Vanité
Ses yeux noirs de monde... et puis tout le reste.... vous êtes un prince Monseigneur.
Invité- Invité
Re: Vanité
Merci. Juste: "De monde il avait les yeux noirs" est le titre d'un micro-recueil que j'ai publié en Suisse. Voilà d'où viennent les yeux noirs de monde.
Re: Vanité
Quel magnifique projet... n'avoir rien d'autre à faire que de s'aimer (soi-même), sûrement le plus difficile à concrétiser.
Très, très beau texte avec une fin particulièrement réussie.
Très, très beau texte avec une fin particulièrement réussie.
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