Qu'est-ce qu'on mange ce soir ?

Le réveil sonne et d’une main lasse elle stoppe l’horrible buzzer. Elle ne dormait pas, depuis longtemps déjà, ses yeux grands ouverts, ailleurs.
L’autre l’avait rejoint cette nuit, tard. Aviné, débraillé, bruyant, il s’était jeté sur le lit, lourdement. Sans ménagement, lui soufflant son haleine putride en plein visage, il lui avait écarté les cuisses en bredouillant des insanités qui pour lui étaient mots d’Amour. Sa grosse main qu’elle devinait sale lui fouillant son intimité. Résignée, elle l’avait laissé faire. A quoi bon résister. A un viol, elle ne voulait rajouter les coups.
Le ‘’gros’’ avait du forcer la dose car il s’était endormit presque aussitôt. Soulagée par ce répit que Saint Ricard lui accordait, elle s’était levée, direction la salle de bain. En passant, elle avait jeté un regard dans la chambre de sa fille. Par chance, l’autre ne l’avait pas réveillée. Elle s’était approchée sans bruit du petit lit. L’enfant dormait.
La douche lui avait fait du bien. Longuement, elle s’était frottée de son gant de crin. Se débarrasser des miasmes, de l’odeur du ‘’gros’’. Elle avait enfilé un kimono bleu, son préféré et était sortie dehors. La nuit était chaude. Elle avait fait quelques pas dans le jardin, déposé son peignoir sur la balançoire, elle aimait marcher nue, seule. Un bruit l’avait fait sursauter... Le chat….
Une brise, parfumée par le chèvrefeuille tout proche, l’avait enveloppée, sensuelle. Un doux frisson l’avait parcourue. Le matou ronronnant était venu réclamer son lot de câlins. Le prendre dans ses bras lui procura un autre frisson, plus fort, intense. Elle l’avait caressé longuement, allongée nue, sur le transat de la terrasse.


Elle avait fini par rejoindre sa chambre. Le ‘’gros’’ ronflant comme une loco, elle s’était allongée sur le divan du salon, emportant le radio réveil avec elle.

Elle tourne et s’affaire dans la cuisine. Le déjeuner, pas trop vite, instant rare. Elle prépare le repas du ‘’gros’’ qui ne travaille pas, docile. La petite n’a pas école, elle la laisse dormir.
Vite, un léger fond de teint, la nuit sans sommeil laisse des traces. Mascara, rouge à lèvres, à peine. Une petite robe fleurie, légère….et Lise Charmelle, coquette. La quarantaine lui va bien, mais elle ne s’aime pas. Pas assez de ça, trop de ceci…

Et la journée passe, téléphone, rendez-vous : « Société ‘’Sans Pain’’ bonjour,….oui ne quittez pas, je vous passe l’Atelier…bip, biiip ». Factures, interphone, huissier, Bonjour, Non, nous ne faisons pas cette prestation, Un Appel sur la trois, c’est votre femme…
A peine un regard, dehors où il soleille sur la place, où les pepilles mésangent, où la vie l’oublie...

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La pause, enfin !

Un thé et les déboires de Josiane, sa collègue. Elle l’écoute, à peine. Distraite, elle pense à ce petit livreur passé ce matin. Le regard appuyé qu’il avait jeté sur son décolleté l’avait troublée plus que de raison. Un sourire fleurit ses lèvres…. « Dis, tu m’écoutes ? C’est pas drôle tu sais, il m’énerve vraiment….. » Josiane l’a renvoie dans les cordes, direct au foie. Finalement, elle retourne à son bureau et se passe la journée……

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Dix huit heures, les courses pour ce soir, le rendez vous chez le dentiste pour la petite, en passant…Le coiffeur, pour elle, trop tard, j’y passerai demain….
Elle rentre chez elle et trouve le ‘’gros’’ affalé sur le divan du salon, devant la télé. Un paquet de chips et deux cannettes de bières sur la table basse lui tiennent compagnie. Il n’a pas un regard pour elle mais lui crie « La porte !!! », sans quitter la télé des yeux. La petite joue dans la chambre, tranquille.

Elle range ses courses dans le frigidaire, en sort des tomates, salade et fêta, le ‘’gros’’ n’aimera pas, tant pis…Un bruit de verre brisé et de chute l’attire au salon. Le ‘’gros’’ est couché par terre, violet. Une chips rétive coincée là où il ne faut pas est en train de l’étouffer. Il roule des yeux de fou, comprend qu’il va mourir, tend la main vers elle. Lentement, elle recule d’un pas, se met hors de portée de celui qui va devenir son défunt mari. Elle le regarde peu à peu s’éteindre. Son visage est calme et serein, elle n’éprouve rien. Il est mort !

La porte de la chambre de sa fille s’ouvre à la volée et sa fille entre dans le salon.

« Dis Maman, pourquoi il est couché par terre Papa ?
« Ce n’est rien ma chérie, il est mort.
« Ah !?! Qu’est-ce qu’on mange ce soir ?

…/…

Hmmm... non. Non, ça ne passe pas. Le trait est trop forcé ou pas assez. Soit tu fais dans le vrai caricatural et il faut en rajouter, soit il faut alléger tout ça, prendre le temps d'annoncer, évoquer plutôt qu'assener.
D'entrée je suis mal à l'aise avec la scène dans le jardin qui suit la scène de viol conjugal, c'est complètement incompatible, c'est faire bien peu de cas de ce qu'une femme peut ressentir dans une telle situation, serait-elle victime habituelle des ardeurs avinées de son compagnon.
Et puis j'ai été dérangée par l'accumulation de clichés, les deux personnages sont vraiment trop grotesques en même temps que trop vite brossés, ce qui ne les rend pas crédibles.
Pour finir, il me semble y avoir un tel décalage entre ce qui pourrait être la réalité de cette femme et le regard extérieur du narrateur que je ne peux pas y souscrire, même pour les besoins de la fiction.
Cela dit, j'ai assez aimé la causticité de la fin, qui rattrape le reste.

Comme Easter, j'aime la fin.
Par contre, je ne comprends pas comment une femme qui semble intelligente, voire raffinée puisse subir "le gros" ! Il manque quelques phrases pour "camper" la situation de famille... dirais-je. Bien aimé la St Ricard.

Un texte moins subtil que le précédent (« Rencontre à un ami »). Ici les ficelles sont grosses et les clichés abondent. Les hommes qui battent leurs femmes ne sont pas systématiquement des «gros» affalés devant la télévision à s'enfiler des canettes de bière. Toutes les classes sociales sont hélas concernées par ce fléau. Il aurait été plus fin de remplacer ce rustre par un jeune cadre dynamique par exemple.
Je la trouve également très sereine cette épouse qui vient de se faire violer, capable en suivant de goûter à la sérénité nocturne, nue, en caressant son chat. Même si on se doute que ça ne doit pas être la première fois, sa réaction demeure étonnante.
Enfin le passage où tu la décris au travail me semble superflu, n'apporte pas grand chose de plus à l'histoire.
Par contre j'ai bien aimé la chute et la réponse déroutante de la petite fille, même si je trouve que tu l'as un peu trop facilement expédié dans la tombe cet horrible bonhomme.

Je me permets de citer Easter : "D'entrée je suis mal à l'aise avec la scène dans le jardin qui suit la scène de viol conjugal, c'est complètement incompatible, c'est faire bien peu de cas de ce qu'une femme peut ressentir dans une telle situation, serait-elle victime habituelle des ardeurs avinées de son compagnon."

En fait, je ne suis pas d'accord. Je trouve au contraire cette imbrication non seulement poétique mais également plausible ; le contraste que tu crées entre son viol, son supplice, cette violence terrible, nauséabonde, et la douceur aérienne, paisible de cette promenade dans le jardin me paraît tout à fait judicieux et vraisemblable. Les réactions peuvent parfois être surprenantes ; et ça serait pour moi un cliché, justement, que la femme se replie sur elle-même, qu'elle se tourne de l'autre côté du lit en pleurant après son agression quotidienne. Il y a une sorte de résignation dans son viol que tu dépeins je trouve très bien, implicitement ; comme si elle savait qu'après de toute façon elle se laverait, elle observerait toute la douceur d'une nuit, comme si ces moments passés nue, en osmose, en vérité avec elle-même, après avoir subi toute la violence de l'acte, était une compension aux choses corrompues de son existence, comme si elle essayait de lui donner encore du sens grâce à cette promenade nocture, à cette confiance qu'elle garde en la vie.
Quand on arrive à la fin de la nouvelle, c'est comme si elle savait que son mari allait mourir de toute façon un jour ou l'autre et qu'elle n'avait pas à s'en faire, qu'elle serait enfin tranquille.

Pour les clichés, ils ne me choquent pas forcément non plus. Je trouve que tu as une écriture sincère, honnête, dans laquelle on entre facilement, et je suis ressorti satisfait de ma lecture. Paradoxalement, je suis davantage gêné par la fin, que je trouve bâclée, même si l'effet de surprise donne du cachet et un rebondissement agréable à ton texte.

"« La porte !!! "
Autre chose : j'ai toujours détesté les points d'exclamation successifs en narration, je trouve que c'est un moyen beaucoup trop facile, voire irrespectueux pour le lecteur et pour le texte (même si je sais bien que tu ne l'as pas fait dans cette optique, mais c'est pour t'expliquer) d'exprimer un fait qu'on pourrait faire passer plus subtilement avec plus soin pour la langue.

Tout d'abord merci à vous qui êtes venu lire mon texte et surtout merci à ceux qui l'on commenté. J'avais préparé une réponse mais Marine l'a faite pour moi. J'ai vraiment été surpris par son commentaire, à croire que c'est elle qui a écrit ce texte (LoL comme disent les d'jeun's).
Je retiens néammoins les remarques d'Easter au sujet de la présentation de l'intrigue.
Croisic, j'ai voulu faire un texte court et pour moi entrer dans les détails du ''pourquoi en sont ils arrivés là'' ne m'a pas paru utile pour le déroulement de l'histoire. Par contre, le texte m'a été inspiré par des personnages réels.
Jano, j'ai insérer le passage de sa journée de travail pour souligner la parenthèse qu'elle représentait dans sa vie.
Marine, pour la ponctuation, on m'a déjà fait la remarque et je n'arrive pas à me défaire de cette manie! Merci d'avoir appuyé dessus (reLoL)
Merci à vous tous, j'ai beaucoup apprécié votre présence ici.

Marchevêque

Mon avis : très lisible, très bonne progression de la rédaction. J’ai vite compris que ce gros était le mari. J’ai bien aimé.
Il y a toujours viol à partir du moment où une dame ne ressent aucune envie et se sens forcée ou contrainte, mais hélas des scènes de ce genre sont plutôt fréquentes et sordides.
Par contre il y a quelques fautes
Le ‘’gros’’ avait du Il faut dû… je suis aussi étonnée par ces guillemets
il s’était endormit pas de t
Josiane l’a renvoie pas d’apostrophe
rendez vous un tiret

Un peu maladroit :
un autre frisson, plus fort, intense
Elle prépare le repas du ‘’gros’’ qui ne travaille pas, docile. La petite n’a pas école

soleille sur la place, où les pepilles mésangent, joli ☺, mais je doute de ce mot « pépille » et de soleille et mésangent en verbe

Pour le dialogue, il y a certaines règles :
- si un dialogue s’ouvre par un guillemet, il faut mettre un » en fin du dialogue
- il peut aussi commencer par un tiret « cadratin » (de plus en plus la norme)

Pour la ponctuation, c’est … et non 4 et aussi dans le dialogue de fin inutile de rajouter ! et ? (à la limite un !? mais une exclamation peut être aussi une interrogation et, contrairement à ce qu’affirme Word, un ! peut ne pas être suivi d’une majuscule si cette interjection s’intègre à la phrase qui suit.

Je trouve ce texte particulièrement bien écrit dans le fond : Chronique de la journée ordinaire de la vie de cette femme de 40 ans mal aimée.
J'ai trouvé cette manière de décrire le moment du viol conjugal, presque avec détachement, avec résignation...Puisque ça fait partie de son devoir (du même qualificatif que le viol) bien adaptée. En cela, la scène du jardin me paraît bien venue, puisque cette femme reste une femme avant tout, même si...


Concernant l'écriture pure, une des phrases utilisées a rendu ma lecture moins fluide

"Elle prépare le repas du ‘’gros’’ qui ne travaille pas, docile. La petite n’a pas école, elle la laisse dormir. "


Et dans cette phrase, le changement de personne me gêne un peu en lecture :

"Dix huit heures, les courses pour ce soir, le rendez vous chez le dentiste pour la petite, en passant…Le coiffeur, pour elle, trop tard, J’y passerai demain…."

Voilà. L'ensemble reste très agréable à lire et à relire.