La femme en bleu

La Femme en bleu

Elle cache ses mains sous son long voile bleu, elle a peint ses ongles. De carmin, elle aime cette couleur vive qu’elle retrouve dans le ciel certains soirs. Elle se presse et ses longues jambes fuselées, que personne ne voit, la portent plus loin. Vers le marché aux épices. Laylima, sa petite sœur portera le panier. Elles marchent pieds nus, pour ne pas faire de bruit, et s’imposent le silence. Massoud, son jeune frère les accompagne aussi. Sans lui, pas de sortie. Elle préfère marcher, même si la longueur du trajet justifierait le Taxi. Ainsi, elle passera devant l’échoppe de Sher Ahmad. Oh, elle ne tournera pas la tête pour le regarder. Elle espère qu’il sera là, bien visible devant sa boutique, assis sur sa chaise, les jambes tendues et le regard moqueur. Saura t il qu’elle le mangera des yeux ? Il est là ! Son cœur bondit car elle croit qu’il l’a reconnue. Elle ralenti son pas, profite du spectacle. Le jeune homme se redresse sur sa chaise, relève la tête et tombe à la renverse. Un pied de sa chaise a cassé.
La jeune fille n’a pu s’empêcher de rire. Oh, juste un petit rire, à peine audible. Affolée, elle a peur d’avoir été entendue. Mais non, ou peut être par ce vieux monsieur qui la regarde avec insistance. Il va la prendre à partie, c’est sûr car elle le voit soudain se diriger vers elle, le regard sévère. Elle allonge le pas, espère que Laylima la suit. Le vieil homme va la rattraper et commence à tendre le bras. Elle ferme les yeux, c’est fini. Sher Ahmad a rejoint le vieil homme et lui prend le coude, l’entraîne vers sa boutique, presque de force, sous les cris indignés du vieillard. Ce qu’il lui propose calme aussitôt l’irascible grand père. La jeune fille ne connaîtra pas l’objet de la transaction, elle est déjà loin. Elle se promet de faire plus attention la prochaine fois.

Demain, la grande sœur de Laylima aura deux doigts coupés pour s’être verni les ongles, puis fouettée en public parce qu’on l’aura entendu rire.
C’est maintenant, et ailleurs….

J'ai beaucoup aimé la lecture de ce maintenant et ailleurs. Ton style, en prose me transporte au gré de ta plume. Rarement déçue.

Bonsoir,

Un bout de texte bien écrit pour les deux dernières lignes !
On passe de la révolte à l'indifférence ...
En France nous avons fait la Révolution il y a très longtemps, nous ne pouvons rien pour ces femmes et ces hommes qui supportent et entretiennent ce genre de relations entre eux ...
Il y a quelques jours on a trouvé quelque part en France, je ne sais plus où, des doigts coupés dans un pot de confiture enterré dans un jardin ...

Amicalement,
midnightrambler

Oui pas mal du tout. Sur un sujet difficile. Tout est là en peu de mots. Sauf la dernière phrase qui en fait trop, en tout cas n'est pas utile à la compréhension mais sert au narrateur, à s'impliquer, donner son opinion.

Cette phrase : "Saura t il qu’elle le mangera des yeux ?" est lourde, avec la répétition du futur et la profusion de pronoms ("Saura-t-il")
"Elle ralenti son pas" ("ralentit")

Très bonne idée, j'aime beaucoup la construction du texte. Cela aurait pu être plus long il me semble, c'est un peu rapide disons. Mais merci pour ce texte et son message.

Merci à mes visiteurs pour la petite visite chez ma femme en bleu.

Merci à Easter pour ses remarques toujours utiles ( ah, ce correcteur d'orthographe , quel lâcheur!)
Je suis d'accord avec toi pour cette phrase que je n'ai pas repris après relecture, elle me gêne un tantinet moi Itou!

Des doigts coupés dans un pot de confiture, quelle idée ? J'aime mieux la rhubarbe...

Merci à vous tous

Et bien moi, je trouve la dernière phrase nécessaire à ce texte. Sans elle, comment constater l'horreur et la disproportion du châtiment ?
En un texte très court, tu es parvenu à me bouleverser et à me sensibiliser sur la condition des femmes dans certains pays.
Bravo !

Erratum :

Bien évidemment, je parlais de l'avant-dernière phrase, que chacun aura sans nul doute comme moi trouvée indispensable.
Quant à la dernière, elle me semble être une bonne conclusion et une bonne manière de dénoncer. Même si elle peut paraître superflue, voire moralisatrice, elle me plait.