Pygmalion

L'amour est de marbre sous
Une peau en crue, un corps-
Kaolin qui laisse éclore
Au cœur l'arbre saoul.

Peau-lune les nuits de mai
Où les vrais astres sont des
Larmes de chair gouttant des
Beaux sceptres de lait,

Peau-martyre ou -muse mièvre,
Ces pleurs de plâtre te font
La moue d'éphèbe qui fond
Jusqu'au bec-de-lièvre.

Le faisceau de tes yeux blancs
Immortellement déferle
Et l'on n'y voit plus la perle,
Lavée au saint sang.

J'ai cru deviner dans l'air
Que les carreaux illuminent,
Fleuri d'entre tes babines,
Un souffle de pierre...

j'aime la musique des phrases
mais un peu beaucoup comme de la musique abstraite
et vous me demandez beaucoup d'efforts, pour aller où vous vous voulez me dire
....
si vous arriviez à la même chose
avec un sens premier aussi limpide qu'une mélodie
vous seriez alors un grand poète

aujourd'hui (seulement) je laisse frederic dire, parce qu'il dit fort bien à peu près exactement ce que je ressens à ces lectures (cela vaut pour je crois tout ce qu'il a commenté aujourd'hui, je vérifie) ! merci fredo !

Ah mais... il y a plein de choses que j'aime beaucoup là-dedans.

D'habitude la régularité m'ennuie et ne m'accroche pas, là ça coule, les rimes jamais forcées, d'ailleurs, je ne recherchais pas la rime suivante tellement il y a de sons qui se font écho au sein même des vers. C'est sans doute aussi pour ça que je ne me lasse pas puisque ça forme presque une très longue phrase musicale, ce n'est jamais "étriqué". Et bien dosé je trouve au niveau sonore, on ne tombe pas dans le trop. J'aime beaucoup la plupart des évocations, je trouve que ça fait appel à beaucoup de sens. Et ça me donne aussi cette impression que tout est très "blanc", laiteux, entre le plâtre, le lait, les yeux-faisceaux etc. Lumineux-agressif. Et une lumière lunaire aussi.

Une peau en crue, l'arbre saoul et un souffle de pierre, je trouve ça très beau.

Juste s'il y avait un bémol ce serait peut-être le astre-larme-lune qui commencent à "faire poétique" mais comme lune est couplé à peau, plus le travail sur les sons, ça passe :0)


Tu es de Rennes aussi alors... je me demande si ce n'est pas la ville la plus représentée ici, maintenant !

En tout cas, vraiment hâte de suivre les prochains textes que tu vas poster.


En fait ça me rappelle un peu une vidéo de Melina Jaouen, qui reprend la légende du roi d'ys, je ne pense pas qu'elle soit disponible sur le net, là je vois juste cette photo.
http://www.ouest-france.fr/infoLocale/annonce/2011/0812/2365621/2365621_0_px_225_.jpg
et ton texte me fait penser à ce côté blanc laiteux, corps-sculpture de plâtre qui s'animent, etc.

(Désolée pour tous ces "ça", il est tard!)

Une symphonie de blancs qui ne manque pas de charme en dépit de quelques curiosités qui surprennent et détournent l'attention du lecteur de sa musique (le bec de lièvre, le saint sang)

J'ai cru deviner dans l'air
Que les carreaux illuminent,
Fleuri d'entre tes babines,
Un souffle de pierre...

Très belle dernière strophe dans laquelle ces "babines" donnent à la scupture un côté animal fantastique dont l'ambiguïté est assez séduisante.

Dans le blanc silence d'une statue, un souffle à peaufiner.

Ah mais moi aussi. Y'a plein de belles choses que j'aime beaucoup là dedans!

Frédéric Prunier a écrit:j'aime la musique des phrases
mais un peu beaucoup comme de la musique abstraite
et vous me demandez beaucoup d'efforts, pour aller où vous vous voulez me dire
....
si vous arriviez à la même chose
avec un sens premier aussi limpide qu'une mélodie
vous seriez alors un grand poète

Merci pour vos commentaires.
Hélas ! je sais monsieur Prunier ; vous n'êtes pas le premier à me trouver hermétique (mais c'était d'ailleurs déjà le cas pour mon premier texte publié ici)... "Un grand poète", franchement, je doute qu'il suffise de ça, mais de toute façon, force est de constater que je n'arrive pas à plus de limpidité. Je vous assure que j'essaie, parce que je tiens compte des critiques, mais c'est peine perdue. Je dois être trop pudique.

Lyra je trouve que cette image s'accorde en effet parfaitement avec ma thématique.

Jean Lê je ne voudrais pas vous embêter mais j'aimerais bien savoir justement ce qui pourrait être peaufiné, si vous avez le temps de mieux me l'expliquer... Merci. Les conseils sont toujours les bienvenus.

Tout comme Arielle, l'image du bec-de-lièvre impose la laideur et me dérange, mais je peux imaginer cette partie de la statue érodée.
La perle lavée au saint sang : je pense que la couleur de l'iris est délavé mais j'ai du mal a associer le saint sang qui sonne étrange et me renvoie au sang du christ et à une statue de la vierge Marie. D'ailleurs les carreaux dans l'air suggère un intérieur, peut-être la voute d'une église. Le saint sang introduit du religieux.
La statue semble composite : kaolin, plâtre, pierre.
La seconde strophe est énigmatique, elle me parait évoquer un être réel : peau, larme, chair, lait et aussi une mère allaitant ses enfants.
Donc beaucoup d'images et de sensations qui se croisent, mais le sens échappe au simple lecteur que je suis

Pierre Morati a écrit:

Lyra je trouve que cette image s'accorde en effet parfaitement avec ma thématique.

Dommage que la vidéo ne soit pas en ligne, elle est vraiment belle et assez hypnotique et très chorégraphique.

Je ne trouve pas d'hermétisme ici, ça ne dit pas tout, et je trouve que c'est ce qui fait toute la force de ce texte. Je n'ai pas l'impression que la non totale-limpidité soit une facilité ou la marque d'une confusion etc, de l'extérieur j'ai plutôt le sentiment que tout est très "pensé" et choisi aussi. Sinon, j'aime qu'il y ait des images non attendues et pas forcément agréable à "l'oeil" comme le bec-de-lièvre, ça casse le "joli" qui pourrait ressortir de tout ça, et vient amener cette atmosphère un peu dérangeante qui participe aussi (pour moi) à la réussite du texte.

Tout comme Arielle, la dernière strophe me charme
En revanche je n'ai pas du tout accroché au reste, les mots s'heurtant sans fluidité dans mon récital intérieur