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La maison de vacance

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Message  Invité Mar 28 Fév 2012 - 12:17

Je m'habitue à la narration, et je me prends à plutôt être à l'aise avec l'espèce de fausse errance du fil, correspondant à de menus évènements quotidiens autant qu'à la pensée vagante de Jérôme. Bien aimé la rencontre avec les ouvriers ; à ce sujet je relève une observation empreinte de justesse, reflet du fossé tacite entre les personnes du cru et les "étrangers" : "Il avait dit que c’était absolument magnifique par ici, et les ouvriers n’avaient pas relevé. "
Bien vu aussi à la fin du passage le basculement d'une réflexion élevée sur sa condition à des considérations terre à terre. Ainsi va la nature humaine, ainsi va l'homme :-)

Quelques remarques orthographiques :

"tâchait de se souvenir des formules mathématiques, pour les calculs de charges, qu’on lui avait donné." ("données")

"Quelques fois" ("quelquefois")

"Il avait sorti un pack de bière pour l’occasion," (pluriel)

Un problème d’oreille pour moi ici, avec la répétition du son “il” sous différentes formes :

"Ils étaient repartis une fois les toupies vidées et rincées. Ils avaient donné des conseils pour la suite, pour la dalle notamment. Il fallait qu’il monte une première rangée de parpaings, qu’il fasse une arase en béton pour rattraper les différences de niveaux et qu’il s’occupe des canalisations"

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Message  Phoenamandre Mer 29 Fév 2012 - 17:08

Arrg je suis obligé de dire comme ça vient je réfléchirai ensuite :
C'est extraordinaire, le personnage est attendrissant plus on le découvre, plus on le comprend et plus on s'y attache tout en sachant qu'il a un je ne sais quoi de dangereux, de fou. Il est vrai, complètement vrai, ce personnage, il existe, il n'est pas exagéré mais tout simplement matérialisé sous nos yeux, sous votre plume et c'est fantastique.

Maintenant la partie réfléchie.

Bah elle a pas grand chose à ajouter. Si ce n'est que oui, au début j'ai eu du mal à m'y mettre, surtout que j'ai eu peur en voyant la longueur du texte. Mais plus on avance, plus on veut en apprendre sur la vie de ce Jérôme.

Bravo !!

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Message  Phoenamandre Mer 29 Fév 2012 - 17:47

Petit ajout, je veux dire 'dangereux' avec lui-même !

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Message  solfa Mer 29 Fév 2012 - 23:14

6.
Trois jours avaient passés, et sa cabane était presque prête. Il en était aux finitions, il réglait les derniers détails. Il n’avait pas encore pris le temps de sentir autre chose que l’odeur du bois, autre chose que sa propre odeur.

Il y a le bruit d’une voiture, à peine audible.

Ce soir, ce sera sa première nuit au milieu des arbres, et il pourra y respirer l’air tiède qui court sur la campagne environnante. Il écoutera les bruits infimes, humera les effluves métalliques de la terre refroidissant. Il s’endormira sans doute bien vite, bercé par les mouvements légers et fluides des troncs.

Il y a, ensuite, le son des graviers qui crissent sous les pneus, le choc des portières se refermant.

De sa cabane, il peut surveiller le chantier. Il avait prévu deux petites ouvertures, qui à terme seraient des fenêtres ; on accédait à la cabane par un escalier qui débouchait sur une sorte de balcon, une bande d’une soixantaine de centimètres non couverte, ceinte d’une barrière sommaire mais solide. Une porte jouxtait les fenêtres, et au fond de la pièce une petite lucarne carrée permettait de voir de l’autre côté. L’intérieur de la cabane était très lumineux, une luminosité presque irréelle qu’accentuait la pâleur des planches. Bientôt elles se terniraient, mais il espérait garder cette impression de luminosité et de clarté jusqu’au bout.

Il y a le son étouffé de pas, hésitants, sur l’herbe sèche et tassée. Le prénom crié pour l’interpeler, lui.

Il lève les yeux, attend une seconde. L’a-t-on vraiment appelé ? Ou est-ce le vent, la solitude ? On crie encore. Il n’est pas seul, quelqu’un est là. Il se redresse, pose son tournevis et son marteau sur l’assise du petit lit-coffre qu’il montait. On crie encore : une voix d’homme, une voix grave et légèrement fêlée. Il regarde entre les branches, distingue des vêtements, des peaux, des tailles différentes. Un adulte et trois enfants. Un adulte d’une quarantaine d’années, une jeune fille et deux petits garçons.
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Message  Invité Jeu 1 Mar 2012 - 11:14

Ah, serait-ce l'évènement perturbateur qu'on pressent depuis le début ?
Je pense que la juxtaposition des temps (imparfait, présent, futur) fonctionne bien et crée une rupture dans la narration. Et sinon j'aime beaucoup le travail sur le détail esthétique, par exemple : "une luminosité presque irréelle qu’accentuait la pâleur des planches."

remarque : "trois jours avaient passé"

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Message  elea Jeu 1 Mar 2012 - 12:26

Rien à dire sur le passage des ouvriers, ni sur celui-ci d'ailleurs, juste un petit mot pour indiquer que je lis toujours, et toujours avec plaisir, sans compter mon intérêt titillé par cette visite.

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Message  solfa Ven 2 Mar 2012 - 18:21

Il dévale les escaliers. Il presse le pas, mais ne court pas. Il répond à la voix qui crie encore. « Oui, oui, j’arrive ! ». Sa propre voix l’étonne, mais progresse. Il s’essuie les mains sur l’arrière de son jean, rentre sa chemise, passe une main hasardeuse sur sa barbe, sur son crâne.

- Papa !

Sa fille et ses deux fils, accompagnés de leur beau-père, plantés là au milieu de la nature en ravalement.

Le beau-père juge et les enfants sont à leur petit bonheur de retrouver leur père. Alors que Jérôme se baisse pour les étreindre, que les petites têtes de ses fils se fourrent entre ses épaules, et que sa fille lui saute au cou, les regards des deux adultes suivent la géométrie habituelle : lui en dessous jugé et aimant, vulnérable et sale, l’autre, Marc, au-dessus, solide, fier, impeccable, ironique. Ils ne pourront jamais s’entendre. C’était donc ça qu’elle cherchait, Coline ? Un mec à fric, un mec sûr de lui, un mec pratique et fier ? Il n’avait peut-être jamais connu sa femme.

- Les enfants ! Comment ça va ?

Il se trouvait un peu ridicule, il avait demandé si ça allait à ses enfants comme s’il s’était agi de vieux copains. Il manquait de tact, mais les enfants n’avaient pas l’air gênés. Ils répondaient en faisant de grands oui de la tête, et Delphine souriait légèrement.

- Qu’est-ce qui vous amène ?

Il s’adressait maintenant à Marc, en gardant un genou à terre, les bras autour des corps menus de ses jumeaux. Delphine restait à distance, quelques centimètres tout au plus, l’air maintenant globalement indifférente, mais les yeux toujours vissés sur son père. C’était ça, l’adolescence, pensait-il.

- Coline et moi partons en Syrie. Je te les amène pour que tu les gardes. Ça ne te dérange pas ?
Il ne savait pas trop si c’était une question, s’il fallait répondre oui ou non. Ses gosses étaient là.
- En Syrie ?
- Ouais, j’ai un voyage d’affaires, et on en profite pour aller prendre un peu le soleil.

Il porte des lunettes d’Américain, des lunettes d’aviateur avec de gros verres qui lui mangent la moitié du visage.

- Tu sais, Coline a essayé de t’appeler, mais elle tombait sur ton répondeur à chaque fois. On part après demain, je fais l’aller-retour. J’ai amené des affaires pour les petits, elles sont dans le coffre.
- D’accord.
Quand il avait dit les petits, Delphine s’était retournée vivement, et avait fait une moue désapprobatrice très rapide.
- J’ai pas encore d’électricité ici, alors j’éteints mon portable quand je ne m’en sers pas. Elle n’a pas laissé de message ?
- Je crois que si. Hier.
- Ah.

Les jumeaux s’étaient dégagés, ils courraient vers les fondations de la maison. Delphine les suivait d’un pas mou. Jérôme lui dit de faire attention à ce qu’ils ne s’approchent pas trop du ciment, parce qu’il n’était pas encore tout à fait sec. Le vent fit voler un peu de poussière, sur les traces des enfants ; les arbres s’ébrouèrent.
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Message  Invité Sam 3 Mar 2012 - 20:01

Une certaine réticence - vu l'impression dans les passages précédents d'organisation au cordeau, de spontanéité très limitée de Jérôme - concernant cette arrivée impromptue de la famille, même si tout est justifié (absence d'électricité, portable éteint) mais je suppose que si on accepte de jouer le jeu (et cette scène devrait passer assez facilement dans la lecture long format), eh bien tout roule. En tout cas la rupture de l'isolement, de l'introspection, est bienvenue, tout autant que les dialogues.

"Les jumeaux s’étaient dégagés, ils courraient" ("couraient").
Et j'aime beaucoup l'image des arbres qui s'ébrou(èr)ent.

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Message  Raoulraoul Dim 4 Mar 2012 - 17:25

Début paisible mais prometteur. Dans un trou il y a toujours de quoi trouver...
J'aime bien "la petite danse tranquille des arbres"... Ecriture descriptive classique mais tellement
agréable. Je suppose que tu vas nous surprendre à partir de cette forme... trompeuse ?!


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Message  solfa Lun 5 Mar 2012 - 11:22

- Une maison, hein. On a vu que tu avais transféré tes fonds. C’était pour ça ?
- Ouais.
- Tu es tout seul ?
- Ouais.
- Et les gosses vont aller où ?
- J’ai une tente dans le camion, et je construis une cabane. Ça ira je pense, pour l’instant.
- Ouais.

Marc avait dit « Ouais ». Il avait dit « ouais », mais ce n’était absolument pas naturel. On attendrait de lui des oui parfaitement articulés, raccords avec son pantalon, ses jolies chaussures, son polo Ralph Lauren.

- On part deux semaines, ça ira ?
- Je t’ai dit oui. Toutes les vacances s’il faut. La maison avance bien, ils pourront jouer pendant les travaux. Je crois qu’il y a une autre fille de l’âge de Delphine, un peu plus loin. Chez les voisins. Je pourrai mettre les jumeaux au centre aéré.
- OK. Une cabane, hein ?

Il essayait visiblement d’être aimable, mais encore une fois c’était gros de contradictions. Un léger mouvement de recul, une maladresse alors qu’il posait une main sur le capot de son Cayenne. Un sourire dont on ne comprenait rien : ironique ? Aimable ? Pour se donner une contenance ? Pour toute réponse, Jérôme se retourna vers ses enfants, vers ses jumeaux qui jouaient déjà aux chevaliers avec des bâtons, sous les yeux de leur sœur, immobile et les bras croisés, le dos vouté, les épaules rentrées. Marc faisait jouer ses clefs de voiture dans la main.

- Je mets les affaires où ?
- Attends, je vais sortir la tente.

Il marcha vers le fourgon, ouvrit les portes et sortit la tente, qu’il n’avait même pas pris la peine de démonter. Dans un coin du coffre s’entassaient des conserves, des emballages, des sacs plastiques. Tant pis. Il ferma les portes derrière lui, posa la tente sur un coin de terrain plat, couvert d’herbe.

- Mets tout là dedans, je ferai le tri après.

Il avait involontairement pris un ton sec et autoritaire. Il se reprit :

- Je vais te donner un coup de main.

Il rejoignit Marc, et ils déchargèrent le coffre. Sa voiture sentait l’arbre magique et le parfum de femme. Le parfum de Coline. Ils posèrent à même le sol les valises, les sacs de voyage, et les emmenèrent vers la tente. Ils allaient visiblement avoir besoin de la cabane.
Les cris des enfants se répercutaient sur le mur végétal, on les entendait distinctement pousser leurs cris de guerre. Marc et lui restaient près de la tente, ils ne savaient plus quoi faire, quoi dire : Marc allait partir.

- Delphine ! Julien, Matthias !
- C’est bon, ils jouent, laisse-les. Je vais leur dire au revoir.

Il regarda Marc faire. Les enfants avaient l’air un peu tristes, ils comprenaient qu’on les laissait là, qu’ils gênaient. Marc leur fit des bises. C’était froid. Il fit un signe de la main, et repartit en regardant à peine derrière lui.
Il savait qu’il analysait la scène, les gestes de Marc avec un fond de jalousie dont il ne pourrait sans doute jamais se défaire.
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Message  solfa Lun 5 Mar 2012 - 22:09

8.
Il fallait finir la cabane. Il passerait le vernis plus tard, aménagerait véritablement la pièce une fois la maison sortie de terre. Il entreprit d’assembler une barrière devant l’échelle, pour éviter que les jumeaux ne tombent du balcon.

Il lui restait une paire de gonds métalliques, et il scia une plaque de contreplaqué, pour qu’elle serve de porte. À elle seule, elle n’empêcherait sans doute pas les jumeaux de descendre si l’envie les prenait. Il chercha un moyen de créer une sorte de sonnette d’alarme ; il eut l’idée d’accrocher une cordelette à la porte, et de la relier à une boite de conserve ; la porte close, la conserve était maintenue en l’air, et sitôt qu’on poussait le portail de fortune, elle cognait la rambarde de bois. Il mit quelques clous dans la boite de maïs vide. C’était sommaire, mais cela suffirait. Il pensa aux petites leçons que lui donnait son grand-père, il se rappela que c’était la peur de l’alarme, plutôt que l’alarme elle-même, qui évitait les vols. Même : l’alarme qui se déclenchait, c’était la preuve d’un défaut de sécurité. Ça lui fit du bien de repenser à une personne pour qui il avait eu de l’affection et de l’admiration, et il regarda avec une certaine mélancolie sa fille, qui cherchait à voir où se placer pour capter un réseau avec son téléphone, et ses fils, qui s’étaient mis, eux aussi, à l’image de leur père, à construire une cabane. Le grand cercle était ici, peut-être, quelque part, par là. Il rayonnait librement, au milieu de nulle part.

Son grand-père. C’était chez ses grands-parents qu’il avait passé la plupart de son temps, quand il était petit. C’était chez eux qu’il situait son souvenir le plus lointain : Noël, il devait avoir quatre ou cinq ans, le sapin était décoré, placé au coin du mur, en bas des escaliers. Le cadeau qu’il avait eu, c’était un parapluie, un petit parapluie bleu, tacheté de motifs enfantins ; il ne se rappelait plus à quoi ils ressemblaient exactement. Des oursons, des lapins ? Il y a une photo de cet instant là, et c’est peut-être ce qui l’avait aidé à se souvenir : son grand-père, accroupi, près de lui alors que se déployait pour la première fois au dessus de sa tête la toile imperméable. Sur la photo, on voit distinctement le plaisir partagé de l’adulte et du petit garçon. Un parapluie, c’est un cadeau qui semblerait dérisoire à ses enfants.

Ce qui lui avait plu, c’était la sensation du parapluie s’ouvrant quand il appuyait sur la petite gâchette, le mécanisme à ressort qui se détend et la toile qui résiste légèrement à la pression de l’air, jusqu'à la butée. Le mouvement souple et vif, comme un geste de gymnaste. Sa grand-mère lui disait qu’ouvrir un parapluie à l’intérieur portait malheur, mais il ne pouvait résister à l’envie. Il avait dit merci, avait embrassé son grand-père et sa grand-mère, et il avait couru vers le petit garage froid, au sol de ciment brut, où il enfila sa doudoune de polyester et ses chaussures à scratch, sa cagoule de laine bleu marine. Dehors, il avait répété l’ouverture, la fermeture du parapluie. Le déploiement lui donnait l’impression que son petit corps serait emporté, soulevé dans les airs, la légèreté de l’objet semblait se propager à lui, il pensait pouvoir s’envoler, il courrait le long des allées autour de la maison, en sautant, se servant du coin de ciel tendu pour se maintenir plus longtemps en suspension. C’était peut-être quelques millièmes de seconde, mais il était persuadé que le parapluie le portait, comme l’aile d’un parapente. Il lui semblait qu’il faisait des bonds de géant. Il riait sans retenue, poussait des cris. C’était là un souvenir d’absolue félicité, qui le faisait sourire encore, à présent.

Il allait chaque jour d’école chez ses grands-parents, du lundi au samedi. La plupart du temps, le samedi matin, il accompagnait ses grands-parents aux courses, il paradait avec eux, assis dans le siège rabattable du caddie, en métal chromé et en plastique rouge. En semaine, le midi et après la fin de la classe, il jouait chez eux, après qu’un de leurs voisins l’avait reconduit de l’école. Il se souvenait bien de la voiture, c’était facile parce qu’elle était devenue mythique entre temps : une Diane crème, aux suspensions si souples qu’elle s’apparentait à un manège. Le voisin qui le conduisait avait un fils du même âge, mais plutôt que de jouer avec lui (les jardins étaient pourtant mitoyens), il préférait passer son temps entre le garage, où son grand-père le laissait jouer avec ses outils, et la grille d’un portail qui donnait chez une autre voisine, et où se collait un petit chien tout en longueur, qui cherchait en permanence des caresses.

Son grand-père se débrouillait pour récupérer de vieilles palettes de bois, et il construisait des caisses à savon, des boites, toutes sortes d’assemblage à l’utilité discutable, avec les planches qu’il récupérait. C’était là qu’il avait pris goût au travail manuel, si bien que sa maison, sa cabane étaient comme le prolongement d’un loisir que lui avait fait connaître son grand-père, et qui renforçait le sentiment de nostalgie qui s’était emparé de lui. Il regardait les champs, absorbé. Une moissonneuse-batteuse rasait un champ de blé, soufflant un nuage de poussière derrière elle.

Il descendit de la cabane, et entreprit de trier les affaires des enfants. Il remonta le nécessaire pour la nuit, les duvets, les pyjamas, une lampe torche. Il gonfla un matelas pneumatique. Il fallait maintenant penser au repas du soir, il fallait expliquer aux enfants comment ça allait se passer.
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Message  solfa Mar 6 Mar 2012 - 16:53

9.
Il regardait sa fille, qui s’était finalement assise à l’ombre, le dos contre un tronc d’arbre, non loin de la cabane. Elle lisait un livre, il n’arrivait pas à deviner lequel ; elle semblait absorbée. Elle portait un short de toile rose clair, et un chemisier bleu chiné, léger, aérien, en coton, plutôt simple bien que smocké et décoré de fleurs imprimées au niveau de la poitrine. Ses pieds étaient enserrés dans des sandales ouvertes, des genres de spartiates s’arrêtant à la cheville, en cuir marron. Ses orteils arboraient un vernis rouge brillant, et dans ses cheveux, qu’elle portait en queue de cheval, elle avait mis deux ou trois barrettes de la même couleur. Elle jouait avec une pâquerette cueillie à ses pieds, effleurait ses lèvres menues des pétales blancs et du cœur jaune, tandis que son autre main maintenait le livre de poche ouvert, le pouce appuyé contre le verso, et le reste des doigts soutenant l’ouvrage, au dos. Jérôme repensait encore à la sensation de son petit baiser tendre, la dernière fois qu’ils s’étaient vus, un petit baiser innocent, qui se télescopait avec le souvenir de celui que lui avait fait sur la joue impeccablement rasée de son grand-père, quand il lui avait offert le parapluie ; elle ne lui en avait pas fait, quand elle était arrivée.

Elle était habillée comme sa mère avait prévu qu’elle le soit : elle avait dû l’emmener faire un peu de shopping, avant de venir ici, et la mère avait dû savoir guider habilement sa fille pour qu’elle choisisse exactement l’ensemble qu’elle avait repéré d’avance, en fouillant le site internet du magasin. Coline faisait ça depuis combien de temps ? Depuis longtemps sans doute, mais il n’avait rien vu, il n’avait pas vu comme celle qui était pourtant sa femme n’était pas celle qu’il avait épousée, il n’avait pas compris que celle qu’il avait connue, avant tout ce fric, avait cessé d’exister.

Sa fille allait s’ennuyer. Ses fils, eux, joueraient la plupart du temps. Le temps passe de toute façon différemment pour les jeunes enfants : ils ne comptent pas. Un jour chasse l’autre, et il n’y a que des après-midi, des matinées, des soirées et la nuit. Pourtant, le chantier allait l’absorber, même s’il se faisait aider, et il lui fallait donc bien prévoir un minimum d’activités pour éviter qu’ils aient le temps de faire des bêtises. Il l’avait dit à Marc : dans le bourg le plus proche, on proposait un centre aéré, un genre de garderie amélioré, avec des sorties culturelles, des escapades dans les bois, à la mer. Pour les jumeaux, c’était donc une histoire simple, mais pour Delphine, les choses étaient autrement plus compliquées.

Une adolescente de la ville, bloquée en pleine campagne, sans amies, sans famille de disponible, sans shopping – sans internet, sans télévision. Il regardait toujours Delphine, qui baillait assise au pied de son arbre, tandis que le vent balayait les champs de blés, en arrière-plan. On entendait toujours, au loin, la moissonneuse batteuse. Il fallait qu’il l’occupe ; il lui restait à monter la rangée de parpaings, avant de s’occuper de la dalle à proprement parler.

Il eut d’abord l’idée de l’amener avec ses frères en direction du centre de vacances ; mais pour qu’elle eût une chance de s’y plaire, il fallait que d’autres jeunes de son âge soient aussi là-bas, désœuvrés dans cette campagne qui siestait depuis quelque temps déjà. Peut-être y avait-il des filles avec qui elle aurait pu discuter, avec qui elle aurait pu aller nager ? Il fallait aller voir. Il appela les jumeaux, appela Delphine, leur expliqua qu’ils devaient aller chercher de quoi dîner, et se renseigner sur les activités à venir, qui rempliraient leurs petites vacances. Delphine se montra encore une fois indifférente ; les jumeaux voulaient rester avec leur père, jouer ici ou là. Il finit par les convaincre d’aller voir ce que le bourg d’à côté pouvait leur offrir comme distraction. Il leur promit qu’il ne travaillerait pas tout le temps sur la maison, et c’était vrai : la décision de confier la majeure partie du chantier à des entreprises était prise. Il aurait ainsi du temps pour passer les vacances avec ses enfants.
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Message  Invité Mar 6 Mar 2012 - 17:05

Rien à dire sur le 7 si ce n'est une répétition trop voyante : "Les cris des enfants se répercutaient sur le mur végétal, on les entendait distinctement pousser leurs cris de guerre. "


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Message  Invité Mar 6 Mar 2012 - 17:45

J’aime bien le retour en arrière, le souvenir avec le parapluie en particulier, et l’évocation des moments de bricolage avec le grand-père, qui bouclent la boucle. C’est à mon avis de la bonne longueur, plus et cela pourrait lasser et surtout ne plus être aussi pertinent. Par la suite, la mise en parallèle du "petit baiser innocent" avec (l'absence de ) celui de sa fille est bien vue, je trouve, cela donne un fil conducteur (parmi d'autres) au récit.
Je suis parfois gênée par des descriptions trop insistantes, notamment concernant les vêtements, je ne vois pas ce que ça apporte de plus au déroulement des évènements :
"où il enfila sa doudoune de polyester et ses chaussures à scratch, sa cagoule de laine bleu marine"
"et un chemisier bleu chiné, léger, aérien, en coton, plutôt simple bien que smocké et décoré de fleurs imprimées au niveau de la poitrine."

Une ou deux coquilles :

" il courrait le long des allées autour de la maison,"
"tandis que le vent balayait les champs de blés," ("blé", du blé)

et des répétitions dont je ne sais pas si elles sont volontaires :

"Il fallait qu’il l’occupe ; il lui restait à monter la rangée de parpaings, avant de s’occuper de la dalle à proprement parler. "

avec qui elle aurait pu aller nager ? Il fallait aller voir.
(suivi de, pas très loin après
"Il finit par les convaincre d’aller voir ce que le bourg "

Et pour finir cette phrase dont la syntaxe est sinon discutable, du moins pas très élégante, avec ce "lui" qui passe à première vue pour un COI plutôt qu'un sujet :
"qui se télescopait avec le souvenir de celui que lui avait fait sur la joue impeccablement rasée de son grand-père, quand il lui avait offert le parapluie ; "

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Message  solfa Jeu 8 Mar 2012 - 21:28

10.

La petite famille prit donc place dans l’utilitaire. Il n’y avait que trois places à l’avant, mais les jumeaux étaient encore suffisamment petits pour qu’ils tiennent sur une seule, sans écraser leur sœur. Il pouvait se prendre une amende, pensa-t-il, mais il n’avait pas vraiment le choix ; il aurait pu laisser Delphine seule, mais avait peur qu’elle se sente rejetée. De toute façon, le bourg n’était pas loin. Il se rendait compte que ces enfants-là ne savaient pas vraiment ce qu’étaient les distances, ils étaient incapables de penser autrement qu’en termes de lignes de bus ou de métro, ou au mieux, de vélo. Il mesurait combien ce devait être un choc pour eux d’être au milieu de nulle part ; il était content de pouvoir montrer à ses gosses la nature verte et jaune, les routes sinueuses et les champs à perte de vue.

Ils firent leur petit tour, achetèrent des saucisses et des brochettes, un peu de soda, des chips et des glaces. Puis ils se rendirent à la mairie, où on leur donna tous les détails pour les activités d’été proposées par la commune. Delphine voulait faire du cheval, les garçons voulaient tout. La personne chargée de l’accueil était terriblement aimable et souriante. C’était un scénario qu’il n’avait pas prévu. Les glaces des jumeaux fondaient à vue d’œil, leurs mains étaient mouillées, sucrées, bientôt collantes. Il les débarbouilla avec l’eau d’une pompe manuelle, placée à côté de l’Église et du cimetière.

Sur la route du retour, il prit la décision de reprendre contact avec les autres, avec le groupe qui était censé, à l’origine du projet, habiter les murs de la maison de vacances. C’en était fait de sa passade solitaire. Il fit un feu pour cuire la viande, et le soir, ils dormirent dans la cabane, comme prévu. Il y eut des moments de grande complicité entre le père et la fille ; les garçons étaient excités par le feu, par la cabane, mais ils s’endormirent vite, emmitouflés dans leurs sacs de couchage parsemés de dessins de fusées, d’étoiles, de planètes. Delphine fit des confidences à son père, elle lui dit des choses gentilles, qu’elle était contente de le retrouver, même si elle comprenait que ça ne reviendrait plus comme avant. Elle s’endormit elle aussi rapidement, usée par le voyage et par le soleil. Lui resta un moment à refaire ses plans, à refaire ses calculs. Il décida d’arrêter d’écrire la vie qu’il supposait à ses enfants, à son ex-femme et à Marc ; ça n’avait plus de sens, les gamins étaient sous ses yeux.

Le ciel pailleté de strass était un ciel bon pour sa fille ; c’était un ciel pour petit romantisme des premiers temps de l’amour ; c’était de vieilles étoiles, mais elles scintillaient, comme toujours. Il repensait à ce que lui avait dit Merle, un jour : regarder les étoiles était un plan simple pour rapprocher les corps. Pour lui, lever la tête, porter son regard vers le grand tapis qui brille, c’est donner à voir sa gorge ; et c’est là pour lui – comme pour d’autres anthropologues, disait-il – un signe de confiance assez indécent que d’exhiber sans retenue sa gorge à l’autre. C’était une part vulnérable d’eux-mêmes que se montraient chaque fois les amoureux, mais ce n’était pas leur sensibilité, leur fragilité ou leurs rêves, c’était simplement leur gorge, c’était simplement le désir de montrer qu’il n’y a aucune raison d’avoir peur. Il regretta un instant de n’avoir personne à qui montrer la sienne.

Il s’endormit sur ces pensées.
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Message  Invité Ven 9 Mar 2012 - 11:32

Très chouette le passage de la fin, sur la gorge offerte. Témoignage de confiance absolue.
Sinon, je trouve encore que tout sonne très juste, notamment tout ce qui concerne les enfants. Et en plus on avance, ou plutôt Jérôme avance, et nous avec lui.


"c’était de vieilles étoiles," ("c'étaient")

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Message  Invité Ven 9 Mar 2012 - 14:00

J'aime qu'un récit s'étire, les longues descriptions et digressions. J'ai noté un très bon sens de l'observation et de la mise en situation.

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Message  solfa Sam 10 Mar 2012 - 10:13

11.
Le lendemain, il prit des décisions fermes et franches. Il ne voulait plus être seul. Il voulait appeler, qu’on le rejoigne.

Il fouillait dans son portable. Il y avait entassé un nombre considérable de contacts, et n’avait jamais fait de tri : il y avait des doublons, des prénoms suivis de lettres initiales, censées l’aider à se rappeler des différentes personnes, mais il ne s’y retrouvait pas. La liste était longue, il lui fallait chercher pour retrouver les numéros des autres, ceux qu’il tenait pour ses amis. Il profita de ce que sa fille le guidait dans les menus de l’appareil pour voir comme ses appels et ses messages s’étaient raréfiés, au fil du temps. L’historique couvrait les deux dernières années – un temps si long que Delphine eût l’air véritablement impressionnée ; il n’avait jamais pris la peine de l’effacer, ni de changer de portable, et la mémoire de l’appareil avait été suffisante pour garder le tout intact. C’était du jamais vu pour Delphine. Plus tard, elle noterait sur Facebook l’anecdote.

Il fut pris un doute : peut-être n’était-ce pas un coup de tête, un coup de sang qui l’avait amené là, mais bien un long processus larvé, une longue suite d’évènements minimes, qui avaient fait leur lit au fond de son esprit, malgré lui. Peut-être que le rappel de l’existence de ce bout de terrain et de ses possibilités n’avait pas été la détonation qui l’avait fait se réveiller, mais la petite pensée rassurante qui l’avait fait finalement, après un long assoupissement, s’endormir, basculer dans le monde du rêve. Sa dernière pensée consciente. Il chancelait, l’air de rien, sa fille à ses côtés : il vivait peut-être maintenant le rêve que sa vie avait construit, inconsciemment, des années durant. Ça changeait tout. Il n’était plus le maître des lieux, le maître du jeu ; il n’y avait plus la naïveté d’un jeu d’enfant, son air de rien, mais des lignes de force sous-jacentes, des mauvaises pensées et des bonnes, la marque d’une énergie accumulée, rationnelle, et une décharge justifiée, avec du sens, un acte qui s’incluait dans une démarche plus grande. C’en était véritablement fini, de la solitude ; c’était la mort de l’innocence, l’entrée des causes et des conséquences. Il pouvait désormais avoir tort, être dans l’erreur.

Pourquoi sentait-il que les choses avaient irrémédiablement changé ? Parce qu’il avait voulu se placer là en responsable, en décideur, en voix ultime et décisive, et qu’il se rendait compte qu’il n’était, finalement, qu’un état instable, un corps dans un perpétuel entre-deux, entre trois, entre mille. Ici, au Toul, c’était lui, partout, tout le temps ; mais « lui », c’était eux, c’était sa famille, c’était ces contacts, rangés alphabétiquement. Tapis, endormis, mais présents. Des marques historiques, dont il portait la trace, dont il était le résultat. Il se rassérénait légèrement, à penser que l’éloignement progressif dont il avait fait preuve était la marque d’une volonté d’indépendance ; mais, à bien considérer la chose, il revenait à la conclusion qu’il ne pouvait plus faire sans les autres, que c’était trop tard. Il était né social et devait vivre social. Il poussa un soupir, et abandonna, morne, l’idée qu’il pouvait devenir un homme neuf.

Il se sentait ébranlé, mais l’impression passa vite, comme s’il s’était réveillé en sursaut, au beau milieu d’un rêve : une réalité qui s’écroule, mais l’esprit de tous les jours qui dissipe vite les images et les sensations, qui oublie. C’est la fin d’un monde, ça vous secoue, au plus profond de vous, mais il n’y a là rien que la distance du lit à un bol de café ne parvienne à effacer. Il avait fait un rêve de gosse, une escapade à la Peter Pan, chassé le lapin blanc au fond du trou : retour du pays des rêves.
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Message  Invité Sam 10 Mar 2012 - 12:41

En dépit du "Il se sentait ébranlé, mais l’impression passa vite, " qui y répond partiellement, je me pose la question de savoir si ces réflexions que se fait Jérôme sont une révélation soudaine, qu'elles se bousculent toutes à partir de l'anecdote du portable ; ou si elles se font progressivement, sur quelques jours ; il me manque comme un repère (impression personnelle). En tout cas, l'analyse psychologique est fine et minutieuse sans devenir pesante. J'aime bien la façon de minimiser la prise de conscience avec une image du quotidien : "C’est la fin d’un monde, ça vous secoue, au plus profond de vous, mais il n’y a là rien que la distance du lit à un bol de café ne parvienne à effacer. "

"Il fouillait dans son portable." Je ne comprends pas pourquoi l'imparfait plutôt que le passé simple.

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Message  elea Sam 10 Mar 2012 - 19:51

Je suis toujours avec plaisir, en grande partie pour l’écriture.
Mais j’avoue une légère déception depuis l’arrivée de Marc et des enfants. Bien sûr qu’on ne pouvait pas tenir tout un roman sur lui seul en train de construire sa maison, bien sûr que ça amène un peu de vie et que ça dynamise le récit (et fait évoluer le personnage).
Mais il y avait un mystère, voire même une angoisse distillée qui étaient intrigants et disparaissent ici. En fait je crois que ça change ma perception du personnage, il devient un père comme les autres et perd un tout petit peu en intérêt pour moi ou du moins excite moins ma curiosité.
Je ne vais pas lâcher pour autant. J'aime beaucoup les petites réflexions et digressions qui émaillent le texte.

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Message  solfa Lun 12 Mar 2012 - 10:19

Jérôme était absorbé, faisait défiler les noms, s’arrêtait parfois, marquait une pause sur une entrée particulière. Il griffonnait les numéros trouvés en face des noms, notés sur le petit carnet : Paul, Samuel, Thibault, Véronique, Marion, Bénédicte. Delphine le regardait, du coin de l’œil, silencieuse. Elle voyait dans ses yeux qu’il ne savait pas, qu’il ignorait totalement qu’elle était encore une enfant, une petite fille qui devait être, c’était écrit, sa princesse pour toujours. Il la vieillissait sans arrêt, lui parlait comme à une adulte, avec le même air qu’il prenait quand il parlait à sa mère, à son beau-père. Elle sentait une distance. Il lui parlait de ses frères comme si elle savait comment on fait, comment on doit faire avec les enfants. Elle avait peur d’entrer au collège, mais comment lui dire ? Il ne la regardait plus avec la même douceur, avec la même bienveillance, avec la même indulgence.

Elle l’observait attentivement : il avait changé, ses traits s’étaient creusés, il avait maigri ; sa peau avait bruni, elle était sèche ; par endroits la peau pelait, sur le nez, les bras, à cause des coups de soleil. Il lui semblait que ses mains, que ses doigts étaient devenus plus grossiers. Elle baissa les yeux sur ses propres mains, sa petite fierté, ses longs doigts de pianiste. Elle ne comprenait pas son père. Que faisait-il ici ? Il construisait une maison, mais elle était si loin, loin de tout, si loin de Paris… Elle voulait qu’il rentre. Qu’elle puisse retourner chez lui, prendre son goûter, pour qu’il ne lui demande pas comment était l’école aujourd’hui, pour qu’il lui dise juste de jouer un peu de piano, et qu’elle refuse.
Jérôme appelle Paul. Il s’est éloigné de sa fille, qui reste sous l’arbre. Il marche le pouce dans la poche avant de son jean, pousse du pied des petits cailloux, des brindilles, alors qu’à l’autre bout le téléphone sonne. Il n’a qu’un numéro de domicile, pas de portable. Il tente sa chance sans trop y croire, et sans avoir trop réfléchi non plus à ce qu’il allait dire.
Delphine prend le petit carnet, elle le feuillette. Elle lit la dernière page :

« On se trompe de beaucoup. La vie capitaliste n’est pas celle où l’on gagne, celle où l’on doit gagner : c’est plus insidieux que ça. Le fond de la vie moderne est qu’il faut avoir cette envie absolue de conquête, ce désir de saisir, de se saisir, de se rendre maître du jeu. Ce qui est au fondement de toute vie sociale est le désir d’avoir à soi quelque chose, de pouvoir dire : ceci, cela est à moi, ma vie, mon être m’appartient, j’ai cette liberté absolue d’être ce que je veux. Il faut absolument avoir, pour pouvoir être.
Je ne vais pas jouer sur les auxiliaires. On n’est pas exactement par ce qu’on possède ; on est par le désir de posséder. Laisser couler n’est pas une option possible : une vie est une affirmation, une déclaration d’indépendance sans cesse ranimée.
Je veux voir si je peux être sans que ma vie m’appartienne. Je veux l’être, sans l’avoir. »

Elle met du temps à déchiffrer les pattes de mouche de l’écriture de son père, d’autant plus qu’elle n’est pas une lectrice habile. Lire lui demande un effort de concentration intense. Elle ne comprend pas ce qui est écrit, mais il lui revient en mémoire les mots de sa mère, qu’elle avait glissés en confidence à son mari, avant qu’ils partent vers la Syrie. Delphine était restée en haut des escaliers, assise dans le noir, sur la première marche.

- Qu’est-ce que tu crois qu’il fait, là-bas ?
- Franchement, aucune idée.
- Tu sais, chéri, j’avais peur à la fin. Ça lui montait à la tête, ses projets.
- Ne t’inquiète pas. Il n’est pas méchant. Si tu veux mon avis : juste un peu paumé.
- Ouais, mais quand même. Il passe ses journées à quoi ? Je vais l’appeler.

Et elle l’avait appelé. Il faut croire que ses craintes s’étaient dissipées, puisqu’elle avait choisi d’accompagner Marc au soleil. Qu’elle avait choisi de laisser sa fille avec son père et ses frères, un mois entier.

Jérôme laissa un message sur la boite vocale. Paul et Marie habitaient donc toujours leur petit appartement du 1er arrondissement. Il se sentait un peu plus proche d’eux, maintenant qu’il pouvait imaginer leur cadre de vie. Cet appartement, c’était du commun, ils avaient des souvenirs là-bas, des souvenirs de déménagement, de soirées, de cafés. Il retourna vers Delphine, qui avait repris sa contemplation des champs de blés et de maïs. Il trouvait qu’elle ressemblait à sa mère.
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Message  Invité Lun 12 Mar 2012 - 12:11

OK, ça suit. Toujours finement - et justement, je pense - observé.
Avec un mouvement passé présent assez constant mais dans l'ensemble discret, utile pour apporter des précisions aux questions que le lecteur s'est ou ne s'est pas posées auparavant.

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Message  Invité Lun 12 Mar 2012 - 13:40

J'ai relevé : "et qu’il se rendait compte qu’il n’était, finalement, qu’un état instable, un corps dans un perpétuel entre-deux, entre trois, entre mille."
Mais je sens poindre les désillusions et l'atterrissage brutal. Est-il bien raisonnable de contacter "d'anciens amis" ? Qu'ont-ils encore en commun (si tant est qu'il y ait eu quelque chose, sinon des illusions… c'est ce qui se partage le mieux, d'ailleurs) ?

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Message  solfa Mar 13 Mar 2012 - 13:48

12.
C’était ce que l’on appelle l’heure bleue. Le crépuscule. Il aimait par-dessus tout cet instant, entre jour et nuit, ce moment où le soleil semble avoir laissé une trace indélébile, une luminosité douce et bienveillante malgré son déclin, sa disparition derrière l’horizon. Ce moment de la fin du jour, où l’on voit encore très distinctement, bien que le soleil se soit couché. Cette demi-heure de lumière idéale. Le soleil mangé par la terre, le ciel bleu profond. Les petites minutes où tout se couvre de paresse, comme une braise qui perd son rouge et s’éteint, peu à peu, encore chaude malgré tout, mais peu à peu couverte de gris. Rien n’y semble changer, il faut se prendre au jeu : multiplier les phrases, les pensées, pour développer l’instant dans l’éternité qu’elles semblent évoquer.

L’heure bleue. Au Québec, on dit la brunante, on dit : entre chien et loup. Une lumière irréelle. Jérôme décide d’en parler aux enfants, de leur dire de faire attention, que ce sont des instants précieux. Delphine peut comprendre, mais les jumeaux ? Il ne sait pas se comporter en père, il ne sait pas comment s’y prendre, avec ces deux garçons de 5 ans. Avant d’en avoir, il pensait que c’était naturel, que la transformation d’homme en père se faisait automatiquement, un retour à l’instinct, la grande mise à l’écart des excès de culture. Il avait effectivement su donner de la douceur à sa fille, lui donner de quoi la rassurer. C’était une partition qu’il connaissait, la partition qu’il avait jouée avec d’autres, et avec plus ou moins de succès selon les cas. Mais ses fils, ses fils c’était autre chose. Parce qu’ils étaient venus ensemble, tous les deux. Parce que c’était des garçons. Parce que c’était eux qui le remplaceraient.

Il n’y arrivait pas – ça ne venait pas. Il pouvait les gronder, il pouvait les remettre à leur place. Plaisanter avec eux. Mais leur donner de l’amour, comment ? Il avait l’impression de passer son temps à leur faire des reproches. Delphine était plus calme, elle était toute seule, elle jouait avec ses Barbie, elle était habituée à la vie en appartement. Il ne lui prenait pas l’envie subite de crier, de courir, de se bagarrer. Elle était douce, même dans ses colères. Il pouvait gérer ça. Ne pas arrêter de l’aimer, d’être doux avec elle, malgré les bêtises. La prendre dans ses bras. Mais eux, Matthias et Julien. Autre chose. Entre mecs. Entre hommes. Une tape sur l’épaule ? Donner de la tendresse virile, il ne savait pas.

Il avait beau se dire que les enfants n’avaient pas d’identité sexuelle à proprement parler, il ne parvenait pas à la même cohérence avec eux. La culture l’emportait sur l’instinct. Il s’emportait pour un rien, laissait faire les pires choses. C’était étrange, il les aimait, il serait mort pour eux, mais en leur présence, il lui semblait ne pas parvenir à leur montrer tout ça. Juste à leur faire des reproches. Delphine, elle, comprenait bien, comprenait tout. Il s’y était bien pris, tandis qu’avec eux, il pensait se tromper.

Il passa l’après-midi au téléphone, entre les amis, qu’il invitait à le rejoindre, les entreprises de travaux publics et le centre de loisirs. Il n’avait réussi à joindre que Marie et Bénédicte. Il avait laissé des messages aux autres. Les garçons avaient joué dans leur cabane, vécu des aventures de pirates ou de bandits. Delphine avait lu, et s’était longuement étendue au soleil, sur une serviette, pour bronzer. Elle avait, pour l’occasion, enfilé un petit maillot deux pièces rose bonbon, rayé de blanc, et s’était badigeonnée de crème solaire. Ses frères l’avaient laissée tranquille. Jérôme pensa que le lendemain, ils iraient à la piscine. Le sentiment d’urgence qui l’habitait jusque là s’estompait.
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Message  Invité Mar 13 Mar 2012 - 14:06

Deux objections :

Tout d'abord, je trouve malvenu d'évoquer la braise rouge au milieu du paragraphe consacré à l'heure bleue, visuellement c'est pénible, cela crée aussi une rupture désagréable dans la lecture, comme un flash qui dérange au coeur d'une ambiance sereine (impression personnelle).
Ensuite, sur le détail, ici : "Une lumière irréelle. Jérôme décide d’en parler aux enfants, de leur dire de faire attention," Je trouve "faire attention" excessif ou plutôt et potentiellement réprobateur et donc erroné dans le contexte ; j'aurais pensé : "de prêter attention". Je sais, c'est infime, mais ces deux points m'ont arrêtée dans ma lecture.
Sinon, c'est tout bon pour moi. Bien le parallèle réflexion/action.

"Parce que c’était eux qui le remplaceraient." ("c'étaient")

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Message  Invité Mar 13 Mar 2012 - 20:09

Ach so ! j'ai particulièrement aimé : "Les petites minutes où tout se couvre de paresse, comme une braise qui perd son rouge et s’éteint, peu à peu, encore chaude malgré tout, mais peu à peu couverte de gris. Rien n’y semble changer, il faut se prendre au jeu : multiplier les phrases, les pensées, pour développer l’instant dans l’éternité qu’elles semblent évoquer."

Étonnant non ?

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Message  solfa Mer 14 Mar 2012 - 18:59

13.
Bénédicte avait toujours été à part. Elle avait répondu au bout de deux petites sonneries, et Jérôme et elle s’étaient parlés comme s’ils s’étaient vus la veille. De l’amitié indéfectible ou une adaptabilité extrême, de part et d’autre, Jérôme ne saurait jamais ; la chaleur dans sa voix, le grand huit de ses intonations, ses respirations, tout ça suffisait à lui redonner le goût des moments qu’ils avaient passés ensemble, et effaçait celui des longs moments passés loin l’un de l’autre.

Jérôme n’arrivait pas à ressentir de jalousie à l’égard de Bénédicte. Elle était pourtant, elle, une artiste, une vraie, reconnue immédiatement comme telle, et consciente pour elle-même qu’elle ne saurait de sa vie faire autre chose. Rien à voir avec son petit talent à lui, sa lâcheté et ses rêves effacés par un travail répétitif et sans fond ; Bénédicte se couchait et se réveillait avec, lui semblait-il, la même concentration, le même degré d’intensité, la même détermination à créer des choses qui comptent.

Une artiste, donc : elle passait la majeure partie de son temps à espérer de grands instants d’absolu, qui ne venaient pas. Aussi, si elle débordait d’énergie, elle était profondément triste. Elle peignait, sculptait, tordait, faisait fondre, courbait, mélangeait, glissait des mots, des images, jouait – avec la mort, disait-elle –, de jour en jour, de nuit en nuit. Ses réalisations étaient inégales, mais on y percevait la poussée, la petite pointe de folie et d’énergie qui les rendaient terriblement admirables. Jérôme ne pouvait pas dire que ce que faisait Bénédicte était beau, mais il comprenait qu’on trouve à son travail quelque chose de grand, et de fort.

Au téléphone, elle lui avait parlé rapidement de ses projets en cours, il lui avait fait part des siens ; ils avaient convenu que pour l’un et l’autre, passer du temps au Toul, loin de tout, était l’idéal. Bénédicte arriverait le matin, elle passerait quelque temps au café de la gare, et Jérôme viendrait la chercher, avec les enfants, sur les coups de onze heures. Ils mangeraient tous ensemble, on discuterait, et puis elle se mettrait au travail. Elle devrait peindre, prendre un peu de place pour ses toiles, pour ses outils, aurait sans doute besoin d’une table pour les croquis. Elle s’était montrée mystérieuse quand Jérôme lui avait demandé ce qu’elle voulait peindre — pas parce qu’elle voulait garder la surprise, mais parce qu’elle n’était pas très sûre, encore.

C’était en partie vrai. Elle ne pouvait pas encore y mettre de mots ou d’actes, mais sentait au fond palpiter l’idée de ce qu’elle voulait faire. Elle avait écrit le matin même quelques lignes un peu obscures à ce sujet.

« Les artistes ne sont plus ceux qui modifient notre perception du monde, mais ceux qui modifient notre action sur le monde. Les créateurs ne visent plus le beau mais la vie, la vie dans ses déterminismes et ses libertés, au quotidien. Il y a maintenant plus de musées dédiés aux inventeurs, concepteurs, designers, que de musées sur l’art plastique, la peinture, la sculpture. Le concept supplante l’objet, parce que le concept est un idéal d’interactivité, un ici partagé, et non plus l’ailleurs inatteignable. Le concept englobe, il est un tout manipulable, quand l’objet est cet exemplaire unique qui dérange, parce qu’on y perçoit sans pouvoir les saisir des ramifications infinies et parfois impossibles.
Parce qu’il faut qu’il y ait quelque chose à faire de tout ça.

Il ne s’agit plus du vieux débat sur l’utilité de l’art, son origine, son caractère sacré, l’aura qui s’en dégage ; il s’agit de dire que l’art n’est véritable, quand on possède les moyens techniques du beau, que la machine peut se charger pour nous de modifier nos perceptions (comme les psychotropes et drogues de synthèse hallucinogènes, les effets automatiques générés aléatoirement, artificiellement, fractales et multiplications d’infinies variations, jusqu’à ce que le hasard fasse le beau), que quand il impacte réellement la vie de ceux qu’il permet. L’art n’a plus rien, alors, de sacré. Il est vivant, une sorte d’hydre aux têtes infinies, il est la vie des honnêtes gens, il est leur réflexes et leurs goûts, leurs plaisirs et leurs craintes. C’est l’incorporation de l’œuvre dans le spectateur qui fait sa valeur, non plus l’exclusion, l’exemplarité d’une puissance inaccessible et non mortelle.

L’art vivant, dramatique et symbiotique du 21eme siècle est ainsi : il créé ou modifie le sujet, plus que l’objet. Cela va avec le voyeurisme, cette habitude triste de contemplation de l’autre : puisque l’art est dans celui qui le manipule, alors autant délaisser l’objet, et se concentrer sur le sujet.

Il y avait cette salle de théâtre où la scène était située au milieu de deux tribunes qui se faisaient face. Pas d’arc de cercle, pas de carré ou de rectangle avec des gradins sur un seul de ses côtés ; une scène linéaire, aux dimensions virtuellement infinies, dont la largeur était celle des tribunes, des gradins disposés donc de part et d’autre d’une longue bande où jouaient les comédiens. Un chemin, une route, bien plus qu’une scène. Absence de coulisses. Face à face absolu et permanent des acteurs et des spectateurs, et des spectateurs entre eux.
Au départ, c’était une disposition inspirée de la boxe, du catch, des sports de combat, où il fallait que la violence de chacun des spectateurs se concentre et sublime la violence des combattants. Mais pour ces sports-là, les tribunes entouraient la scène, qui restait au centre : maintenant, les tribunes de théâtre se faisaient face, parce que le spectacle était dans les réactions des autres spectateurs, plus que dans la performance des acteurs, ou dans le texte joué. Il fallait sublimer autre chose.

Le lieu s’était adapté ; les regards s’étaient tournés vers les regards ; on allait au théâtre pour juger, se juger, se rassurer ou se faire peur, comme depuis toujours ; mais cette fois, en plus, il s’agissait de trancher, de juger de ce que l’on était ou non des participants suffisants à la représentation permanente. »

Elle se relisait assise dans le café de la gare, alors qu’elle attendait l’arrivée de Jérôme et de ses enfants.
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Message  solfa Mer 14 Mar 2012 - 19:00

Fin de la première partie; la deuxième dans deux petites semaines!
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Message  Invité Mer 14 Mar 2012 - 20:05

Comme précédemment sur un sujet tout autre, je trouve l'exposé sur l'art trop long, renseigné certes mais sûrement un peu hermétique au quidam qui lira le roman. Surtout que j'ai l'impression affirmée de lire le point de vue du narrateur sur l'art plus que celui de Bénédicte...
Par ailleurs, je suis quand même un peu gênée par le changement de focale, le fait que Bénédicte devienne soudainement - et longuement - l'objet de toutes attentions dans ce passage.

Quoi qu'il en soit, j'attends la suite.

" Jérôme et elle s’étaient parlés " ("parlé", car même s'il y a réciprocité, la construction est indirecte).

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Message  solfa Ven 30 Mar 2012 - 9:18

DEUXIÈME PARTIE – BÉNÉDICTE

S’il fallait dire comme elle s’ennuie... S’il fallait dire comme sur son visage se lisent les années d’aigreur, les années de déplaisir de la chose artistique... Bénédicte touillait son petit café noir, pendant qu’elle pensait aux traits distendus de son visage. Les années étaient passées comme des flèches, frisant et ondulant à toute vitesse, maintenant leur cap, leur courbe apparemment rectiligne. Bénédicte n’avait plus vu Jérôme, ça s’était passé assez soudainement, au moment où il emménageait avec cette petite garce de Coline, qui n’avait goût à rien et n’espérait rien d’autre que son confort matériel.

Bénédicte ne pouvait se résoudre à penser que c’était de la jalousie ; elle analysait ses atermoiements de jeune fille comme des représentations de la jalousie ; elle jouait en permanence, de peur de se brûler vraiment. Elle nota ces idées au bord de la feuille où elle avait écrit son long monologue, qu'elle jugea aussitôt inutile et creux : il n'avait de valeur qu'à la marge. Elle nota encore cette pensée, et se relu, encore une fois, ratura quelques mots, les remplaça par d’autres, biffa largement toute une partie, un paragraphe entier. Elle se mit à imaginer à quoi pouvait maintenant ressembler Jérôme, quels points communs ils pourraient encore se trouver.

Elle était loin du compte quand il entra. Elle se figurait que le temps était passé sur lui aussi, mais n’avait pas prévu la calvitie, l’embonpoint, la rougeur d’amateur de vin. Mais elle était suffisamment surprise pour lui adresser un large sourire.

S’ensuivirent des relations humaines, des rencontres entre personnes d’âges différents, des petites hésitations. Un voyage silencieux dans une voiture inconfortable, les petits et les grands corps serrés les uns contre les autres. Elle se sentait une proximité avec cette petite famille, c’était différent des hordes de chiourmes qu’elle avait dû torcher en classe d’arts plastique, différent des relations professionnelles. Elle repensa à la marge, ce que ça commençait à vouloir dire.

Mais il fallait jouer un peu la comédie, cacher qu’elle n’avait aucune idée de ce qu’elle venait faire là, paraître heureuse, enjouée, ravie. Elle trouva ridicule le petit essai d’assimilation de Jérôme, ce nom de Toul qui ne lui disait rien, et fut déçue de trouver un terrain encore en jachère, les parpaings, les tas de sable et de gravier, pensa tout ça, n'en dit rien. Elle venait là pour combler un trou du temps, long de plusieurs décennies, mais n’avait aucune idée de comment s’y prendre, après tout.
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Message  Invité Ven 30 Mar 2012 - 19:03

OK, le récit suit son cours d'un point de vue différent, autre, moins enthousiaste, moins partial aussi peut-être, sur le projet de construction. Ce n'est que le début donc difficile de se prononcer mais je suis surprise par le nombre inhabituel de coquilles relevées en cours de lecture.

J'aime bien ce passage, la narration un peu distante mais pas suffisamment pour qu'on ne sente pas en quelques mots quelque chose de très humain dans la maladresse des personnages, une chaleur, presque une complicité entre eux : "S’ensuivirent des relations humaines, des rencontres entre personnes d’âges différents, des petites hésitations. Un voyage silencieux dans une voiture inconfortable, les petits et les grands corps serrés les uns contre les autres."

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Message  Invité Sam 31 Mar 2012 - 12:54

Je viens de rattraper un long retard : c'est vraiment très intéressant, et j'ai bien aimé lire ça d'une seule traite, je trouve que cela donne une ambiance plus perceptible que lorsqu'on lit fractionné.
J'ai adoré les passages du parapluie, de l'heure bleue, la justesse psychologique des relations un peu ratées, jamais figées, j'aime ce sens de la nuance.
En revanche, le passage sur l'art m'a carrément barbée : c'est filandreux, peu compréhensible et - opinion toute personnelle !- ça a aussi peu de consistance à mes yeux que l'"art" actuel, à quelques exceptions près. Il y a dans l'art actuellement quelque chose qui se cherche, mais qui se cherche dans trop de bruit et de médiatisation pour espérer faire naître une conception valable et viable...

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Message  Raoulraoul Sam 31 Mar 2012 - 13:50

Texte qui donne de l'espoir, de l'avenir, de la force. Uniquement par la description d'une action. Sans commentaire ; rien que les détails d'un acte, sa sensualité, son choix emblématique devenant Allégorie. Evidemment reste à écrire la suite... Sans décevoir. Mais on te suit.
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Message  elea Sam 31 Mar 2012 - 18:29

Intriguée par ce changement d'angle de vue et de personnage principal. J'attends la suite, voir ce que cela donne, pour me prononcer.

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Message  Invité Lun 2 Avr 2012 - 18:28

Pas encore lu la deuxième partie. Mais j'ai zappé un peu après de "Elle avait écrit le matin même quelques lignes un peu obscures à ce sujet" parce que quand "Ben édicte", c'est rasoir… Et se raser dans le noir (cf. ce qui précède), c'est pas le top.

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