Tombent les feuilles
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Tombent les feuilles
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Tombent les feuilles
Aujourd'hui c'est dimanche et par la fenêtre il regarde sa fille qui est grimpée dans l'arbre.
Elle lui fait signe : ohé ! Il répond distraitement et retourne remuer les pommes de terre dans la poêle. Il a une cigarette aux lèvres, et un verre de vodka dans la main. De temps en temps, il pose la cigarette, boit et se ressert. On est dimanche, non ? Magret, salade, pommes de terres, personne ne pourra dire qu'il ne s'occupe pas bien de sa fille. Même s'il est déjà cinq heures et que sa mère va venir la chercher dans moins d'une heure. D'ailleurs, il va se raser, et mettre une chemise propre, ranger un peu.
Il laisse la poêle sur feu vif, emporte la bouteille, les cigarettes et monte à la salle de bain. L'eau froide lui fait du bien, il se rase rapidement et choisit une chemise vert amande, qui illuminera un peu, pense-t-il, son teint gris. Viendra-t-elle seule, ou avec son gigolo ? Car comment appeler un type qui non seulement est plus jeune que sa femme, mais en plus ne travaille pas plus d'un ou deux jours par mois ?
Tu devrais faire un effort, a-t-elle dit l'autre jour, c'est un gars bien tu sais.
Ha ouais ? Et tu peux me dire ce qu'il fait dans la vie, à part se coucher dans mon lit avec ma femme ?
Il écrit.
Tu te fous de moi ?
Mais elle a dit cela : il écrit, avec un tel trémolo dans la voix, une espèce d'adoration béate, à lui qui n'écrit pas, qu'il a préféré donner un coup de poing dans le mur. D'ailleurs ce soir-là elle n'est pas resté manger alors que dans le four mijotaient deux tartes aux légumes, puisque maintenant elle est végétarienne. Il les a mangées tout seul dans le noir, il n'avait pas plus envie d'allumer que de mettre la radio, il a bien le droit de se promener à poil dans la maison mangeant et buvant ce qu'il veut dans l'obscurité. Il la revoit qui s'enfuit comme s'il l'avait menacée. Or il a juste crié "tu te fous de moi ?", et a cogné dans le mur. Bien sûr juste avant il serrait son petit visage blanc dans une seule de ses mains, et il sentait qu'il suffirait d'une pression un peu plus forte pour lui briser la mâchoire, mais il s'est contrôlé, il a tapé dans le mur.
Il est allongé sur son lit maintenant et la bouteille a roulé sous la table de nuit. Il sent vaguement une odeur de brûlé, une fumée noire qui colle au plafond. Il faut se lever, bon Dieu, quelle heure est-il ? Il se redresse difficilement, il fait noir à la fenêtre, où est lili ? Il ouvre, il hurle son prénom, il entend sa voix rauque qui déchire la nuit et seul le silence lui répond. Dans l'escalier, il faut faire de si grands pas, la houle est si forte qu'il préfère descendre à quatre pattes et à reculons. Pas si bête, murmure-t-il. Arrivé en bas il n'allume toujours pas. Que trouverait-il ? Le triste décor de ses dimanches. Pourtant un dimanche sur deux, il faut faire un effort et préparer un repas, mais que s'est-il passé ?
Il rugit encore : Lili ! Et navigue jusqu'à la cuisine. Elle est là, attablée dans la pénombre devant son assiette vide. Elle a éteint le feu sous la poêle, mais l'odeur de brûlé persiste et l'air est irrespirable. Il ouvre la fenêtre et chasse la fumée.
Merde Lili, faut répondre quand je t'appelle
Je suis tombée de l'arbre. J'ai mal là.
Et elle lui tend son bras, c'est bizarre il a l'air monté à l'envers.
Il allume. Le visage de Lili est tout blanc, des larmes coulent sur ses joues.
Bon sang Lili, et ta mère n'est pas venue ?
Non, tu as oublié, c'est le week-end de trois jours. Je dors ici.
Oh Lili.
J'ai mal, papa, tu dormais.
Oui bien sûr. Je t'emmène à l'hôpital.
Appelle maman.
Oui. Je t'emmène et j'appelle.
Mets une chemise et des chaussures, papa.
Bien sûr.
La route est droite jusqu'à l'hôpital, en ce dimanche il n'y a pas de circulation, il peut ainsi tanguer sans danger. Bien sûr, maman ne répond pas au téléphone, trop occupée, on s'en doute. Il laisse un message sec, ta fille est tombée de l'arbre, je suis à l'hôpital, sans préciser la nature de ses blessures. Puis il rappelle, excuse-moi, c'est le choc, la vie est dure sans toi. Il hésite. Les nuits sont longues sous ta fenêtre. Les nuits sont longues. Ensuite il cherche un moyen d'effacer ce message.
Lili a un grand bleu le long de la jambe, et son coude s'est déboîté. Le médecin lui explique ce qu'on va lui faire, il s'évanouit. Son grand corps tombe dans les bras d'une infirmière petite et menue. Qu'a-t-il mangé aujourd'hui ? vodka et cigarettes. Pendant sa courte absence, il voit le visage de sa femme, elle lui sourit, elle lui dit tu es merveilleux, tu as fait exactement ce qu'il fallait. Il revient à lui, étendu sur un lit, une perfusion au bras. Sa femme est penchée sur lui et hurle, elle l'a attrapé par la chemise et le secoue. Il voit ses yeux bleus, avec la petite ride qui court juste en dessous et les étire. Il voit le grain de la peau, la bouche. Il dit mon amour. Mais peu à peu il prend conscience de ce qu'elle est en train de crier, espèce de salaud, qu'est-ce que tu lui as fait, rien elle est tombée de l'arbre; qu'est-ce qu'elle foutait dans l'arbre; tu sais, la cabane. Mais elle est pourrie ta cabane ! coupe l'arbre ! Il est centenaire, ce sont mes ancêtres qui l'ont planté, je m'en fous, je vais le faire couper. Et puis : les nuit sont longues sous ma fenêtre ? C'est toi qui vient beugler et menacer ? J'ai porté plainte, je te préviens.
Plus tard ils sont ensemble dans la maison. Lili passe la nuit à l'hôpital. Ils boivent du café en attendant le matin. Elle lui beurre des tartines et lui dit mange, tu as vraiment une sale tête.
Au petit jour une bande de bûcherons déboulent dans le jardin et toute la journée, ils s'occupent à couper l'arbre centenaire. Lili est retournée chez sa mère. Il fait des tas avec les bûches, les branches, du petit bois. Il a de quoi se chauffer pour au moins dix ans pense-t-il. Et il se voit, paisiblement assis devant la cheminée avec un verre et une cigarette, disant à Lili : ma chérie, va donc chercher une bûche ou deux.
Aujourd'hui c'est dimanche et par la fenêtre il regarde sa fille qui est grimpée dans l'arbre.
Elle lui fait signe : ohé ! Il répond distraitement et retourne remuer les pommes de terre dans la poêle. Il a une cigarette aux lèvres, et un verre de vodka dans la main. De temps en temps, il pose la cigarette, boit et se ressert. On est dimanche, non ? Magret, salade, pommes de terres, personne ne pourra dire qu'il ne s'occupe pas bien de sa fille. Même s'il est déjà cinq heures et que sa mère va venir la chercher dans moins d'une heure. D'ailleurs, il va se raser, et mettre une chemise propre, ranger un peu.
Il laisse la poêle sur feu vif, emporte la bouteille, les cigarettes et monte à la salle de bain. L'eau froide lui fait du bien, il se rase rapidement et choisit une chemise vert amande, qui illuminera un peu, pense-t-il, son teint gris. Viendra-t-elle seule, ou avec son gigolo ? Car comment appeler un type qui non seulement est plus jeune que sa femme, mais en plus ne travaille pas plus d'un ou deux jours par mois ?
Tu devrais faire un effort, a-t-elle dit l'autre jour, c'est un gars bien tu sais.
Ha ouais ? Et tu peux me dire ce qu'il fait dans la vie, à part se coucher dans mon lit avec ma femme ?
Il écrit.
Tu te fous de moi ?
Mais elle a dit cela : il écrit, avec un tel trémolo dans la voix, une espèce d'adoration béate, à lui qui n'écrit pas, qu'il a préféré donner un coup de poing dans le mur. D'ailleurs ce soir-là elle n'est pas resté manger alors que dans le four mijotaient deux tartes aux légumes, puisque maintenant elle est végétarienne. Il les a mangées tout seul dans le noir, il n'avait pas plus envie d'allumer que de mettre la radio, il a bien le droit de se promener à poil dans la maison mangeant et buvant ce qu'il veut dans l'obscurité. Il la revoit qui s'enfuit comme s'il l'avait menacée. Or il a juste crié "tu te fous de moi ?", et a cogné dans le mur. Bien sûr juste avant il serrait son petit visage blanc dans une seule de ses mains, et il sentait qu'il suffirait d'une pression un peu plus forte pour lui briser la mâchoire, mais il s'est contrôlé, il a tapé dans le mur.
Il est allongé sur son lit maintenant et la bouteille a roulé sous la table de nuit. Il sent vaguement une odeur de brûlé, une fumée noire qui colle au plafond. Il faut se lever, bon Dieu, quelle heure est-il ? Il se redresse difficilement, il fait noir à la fenêtre, où est lili ? Il ouvre, il hurle son prénom, il entend sa voix rauque qui déchire la nuit et seul le silence lui répond. Dans l'escalier, il faut faire de si grands pas, la houle est si forte qu'il préfère descendre à quatre pattes et à reculons. Pas si bête, murmure-t-il. Arrivé en bas il n'allume toujours pas. Que trouverait-il ? Le triste décor de ses dimanches. Pourtant un dimanche sur deux, il faut faire un effort et préparer un repas, mais que s'est-il passé ?
Il rugit encore : Lili ! Et navigue jusqu'à la cuisine. Elle est là, attablée dans la pénombre devant son assiette vide. Elle a éteint le feu sous la poêle, mais l'odeur de brûlé persiste et l'air est irrespirable. Il ouvre la fenêtre et chasse la fumée.
Merde Lili, faut répondre quand je t'appelle
Je suis tombée de l'arbre. J'ai mal là.
Et elle lui tend son bras, c'est bizarre il a l'air monté à l'envers.
Il allume. Le visage de Lili est tout blanc, des larmes coulent sur ses joues.
Bon sang Lili, et ta mère n'est pas venue ?
Non, tu as oublié, c'est le week-end de trois jours. Je dors ici.
Oh Lili.
J'ai mal, papa, tu dormais.
Oui bien sûr. Je t'emmène à l'hôpital.
Appelle maman.
Oui. Je t'emmène et j'appelle.
Mets une chemise et des chaussures, papa.
Bien sûr.
La route est droite jusqu'à l'hôpital, en ce dimanche il n'y a pas de circulation, il peut ainsi tanguer sans danger. Bien sûr, maman ne répond pas au téléphone, trop occupée, on s'en doute. Il laisse un message sec, ta fille est tombée de l'arbre, je suis à l'hôpital, sans préciser la nature de ses blessures. Puis il rappelle, excuse-moi, c'est le choc, la vie est dure sans toi. Il hésite. Les nuits sont longues sous ta fenêtre. Les nuits sont longues. Ensuite il cherche un moyen d'effacer ce message.
Lili a un grand bleu le long de la jambe, et son coude s'est déboîté. Le médecin lui explique ce qu'on va lui faire, il s'évanouit. Son grand corps tombe dans les bras d'une infirmière petite et menue. Qu'a-t-il mangé aujourd'hui ? vodka et cigarettes. Pendant sa courte absence, il voit le visage de sa femme, elle lui sourit, elle lui dit tu es merveilleux, tu as fait exactement ce qu'il fallait. Il revient à lui, étendu sur un lit, une perfusion au bras. Sa femme est penchée sur lui et hurle, elle l'a attrapé par la chemise et le secoue. Il voit ses yeux bleus, avec la petite ride qui court juste en dessous et les étire. Il voit le grain de la peau, la bouche. Il dit mon amour. Mais peu à peu il prend conscience de ce qu'elle est en train de crier, espèce de salaud, qu'est-ce que tu lui as fait, rien elle est tombée de l'arbre; qu'est-ce qu'elle foutait dans l'arbre; tu sais, la cabane. Mais elle est pourrie ta cabane ! coupe l'arbre ! Il est centenaire, ce sont mes ancêtres qui l'ont planté, je m'en fous, je vais le faire couper. Et puis : les nuit sont longues sous ma fenêtre ? C'est toi qui vient beugler et menacer ? J'ai porté plainte, je te préviens.
Plus tard ils sont ensemble dans la maison. Lili passe la nuit à l'hôpital. Ils boivent du café en attendant le matin. Elle lui beurre des tartines et lui dit mange, tu as vraiment une sale tête.
Au petit jour une bande de bûcherons déboulent dans le jardin et toute la journée, ils s'occupent à couper l'arbre centenaire. Lili est retournée chez sa mère. Il fait des tas avec les bûches, les branches, du petit bois. Il a de quoi se chauffer pour au moins dix ans pense-t-il. Et il se voit, paisiblement assis devant la cheminée avec un verre et une cigarette, disant à Lili : ma chérie, va donc chercher une bûche ou deux.
Janis- Nombre de messages : 13490
Age : 63
Date d'inscription : 18/09/2011
Re: Tombent les feuilles
Bonsoir Janis,
Superbe !
Mais comment ? Tu nous balances ça et tu nous dit BONUIT !
Le présent et le futur, la réalité et le rêve, la clairvoyance tordue par les vapeurs russo-polonaises et un fil conducteur d'une tension à vous rendre écolo ! Et tout cela s'imbrique à la perfection pour que commenter ne soit pas toujours qu'un devoir !
Caresses et bise à l'oeil,
midnight
Superbe !
Mais comment ? Tu nous balances ça et tu nous dit BONUIT !
Le présent et le futur, la réalité et le rêve, la clairvoyance tordue par les vapeurs russo-polonaises et un fil conducteur d'une tension à vous rendre écolo ! Et tout cela s'imbrique à la perfection pour que commenter ne soit pas toujours qu'un devoir !
Caresses et bise à l'oeil,
midnight
midnightrambler- Nombre de messages : 2606
Age : 71
Localisation : Alpes de Haute-Provence laclefdeschamps66@hotmail.fr
Date d'inscription : 10/01/2010
Re: Tombent les feuilles
J'ai lu d'un trait sans m'arrêter : outch ! un coup de poing dans l'estomac et les larmes aux yeux, puis j'ai relu et relu pour savourer l'écriture ciselée qui en quelques lignes dit tout.
Merci Janis pour ce beau texte.
Merci Janis pour ce beau texte.
AGANIPPE- Nombre de messages : 39
Age : 65
Date d'inscription : 10/03/2012
Re: Tombent les feuilles
Tu l'as dit toi même Janis
la vie c'est un gaz hilarant
s'taussi un poison toxique
moi je m'addict à tes textes
c'est bon et ça fait mal
la vie c'est un gaz hilarant
s'taussi un poison toxique
moi je m'addict à tes textes
c'est bon et ça fait mal
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Tombent les feuilles
Tout est là. Paradoxale impression de plénitude en lisant ce texte.
en minuscules : "elle n'est pas resté manger"
en minuscules : "elle n'est pas resté manger"
Invité- Invité
Re: Tombent les feuilles
Un mec beurré, qui téléphone en roulant avec sa fille blessée à l'arrière (je suppose), on peut comprendre que son épouse l'ait quitté. Sans compter qu'il doit avoir une haleine de bouc (je n’ai pas essayé de savoir ce que ça sentait, mais j'imagine).
Un bon texte.
Un bon texte.
Invité- Invité
Re: Tombent les feuilles
Le texte nous place dans une disposition empathique, non pas avec celui qui écrit, mais avec celui qui n’écrit pas.
Un conflit classique entre un mari et un amant, mais c’est l’amant qui écrit. Amant lointain, sans présence, sans vie. Il est perçu comme celui qui « ne travaille pas plus d'un ou deux jours par mois », celui qui ne fait rien, ne vit pas vraiment, ne travaille pas. Tout juste bon à séduire la femme des autres !
Celui que l’on voit vivre, par les yeux du texte, c’est le mari délaissé. On en voit ses ratés, sa douleur, sa colère.
Il voudrait être un père exemplaire pour sa fille, et n’y réussit pas. Il prépare un repas à cinq heures de l’après-midi, « Magret, salade, pommes de terres, personne ne pourra dire qu'il ne s'occupe pas bien de sa fille. », il s’endort pourtant, et laisse son enfant sans surveillance, oublie le repas sur le feu. Mais il s’assoupit parce qu’il a beaucoup bu, et boit beaucoup parce qu’il souffre de la situation. Il accumule les échecs, et chaque défaite renforce sa douleur, et sa douleur provoque de nouveaux fiascos. Il est pris dans un cercle infernal.
La petite fille est grimpée dans l’arbre. Elle y cherche sa famille, désormais brisée, désunie. L’arbre est bien sûr l’image de la famille, de ses branches, de ses racines. Elle y trouve sa « cabane », sa maison. Il a d’autant plus cette image pour le père, parce qu’ « Il est centenaire, ce sont mes ancêtres qui l'ont planté », comme il le déclare.
Macho, sa fille n’est plus la sienne dans la difficulté, « Il laisse un message sec, ta fille est tombée de l'arbre », « ta fille » écrit-il, et non « notre fille ».
L’arbre coupé, c’est la fin de la famille. L’arbre coupé, tombent les feuilles. Non seulement les feuilles de l’arbre, mais aussi les feuilles écrites, celles de l’amant qui écrit. La fin des feuilles vertes est le début des feuilles de papier.
Le mari rêve pourtant de faire du bois coupé, non de la pâte à papier, mais des bûches pour un foyer.
Macho, il rêve d’une épouse qui alimente ce foyer.
Beau texte, Janis.
Un conflit classique entre un mari et un amant, mais c’est l’amant qui écrit. Amant lointain, sans présence, sans vie. Il est perçu comme celui qui « ne travaille pas plus d'un ou deux jours par mois », celui qui ne fait rien, ne vit pas vraiment, ne travaille pas. Tout juste bon à séduire la femme des autres !
Celui que l’on voit vivre, par les yeux du texte, c’est le mari délaissé. On en voit ses ratés, sa douleur, sa colère.
Il voudrait être un père exemplaire pour sa fille, et n’y réussit pas. Il prépare un repas à cinq heures de l’après-midi, « Magret, salade, pommes de terres, personne ne pourra dire qu'il ne s'occupe pas bien de sa fille. », il s’endort pourtant, et laisse son enfant sans surveillance, oublie le repas sur le feu. Mais il s’assoupit parce qu’il a beaucoup bu, et boit beaucoup parce qu’il souffre de la situation. Il accumule les échecs, et chaque défaite renforce sa douleur, et sa douleur provoque de nouveaux fiascos. Il est pris dans un cercle infernal.
La petite fille est grimpée dans l’arbre. Elle y cherche sa famille, désormais brisée, désunie. L’arbre est bien sûr l’image de la famille, de ses branches, de ses racines. Elle y trouve sa « cabane », sa maison. Il a d’autant plus cette image pour le père, parce qu’ « Il est centenaire, ce sont mes ancêtres qui l'ont planté », comme il le déclare.
Macho, sa fille n’est plus la sienne dans la difficulté, « Il laisse un message sec, ta fille est tombée de l'arbre », « ta fille » écrit-il, et non « notre fille ».
L’arbre coupé, c’est la fin de la famille. L’arbre coupé, tombent les feuilles. Non seulement les feuilles de l’arbre, mais aussi les feuilles écrites, celles de l’amant qui écrit. La fin des feuilles vertes est le début des feuilles de papier.
Le mari rêve pourtant de faire du bois coupé, non de la pâte à papier, mais des bûches pour un foyer.
Macho, il rêve d’une épouse qui alimente ce foyer.
Beau texte, Janis.
Louis- Nombre de messages : 458
Age : 68
Date d'inscription : 28/10/2009
Re: Tombent les feuilles
Un vrai plaisir à lire. En un texte court, le lecteur connaît ces personnages sur le bout des doigts. On entre dans leur vie sans effort. On y resterait bien un peu, encore.
Lucy- Nombre de messages : 3411
Age : 46
Date d'inscription : 31/03/2008
Re: Tombent les feuilles
Pourrait être le petit frère de Noces de porcelaine, celui-là !
J'aime bien quand on comprend qu'un personnage ment, ( ou se ment) comme ici.
Et c'est pas si facile à faire !
Bravo, Janis, c'est du raide !
J'aime bien quand on comprend qu'un personnage ment, ( ou se ment) comme ici.
Et c'est pas si facile à faire !
Bravo, Janis, c'est du raide !
Invité- Invité
Re: Tombent les feuilles
Superbe texte, tout y est, à sa place même quand ça ne devrait pas, les petits détails qui grippent les rouages, les déchirures, l’abandon, rien à dire sinon merci.
elea- Nombre de messages : 4894
Age : 51
Localisation : Au bout de mes doigts
Date d'inscription : 09/04/2010
Re: Tombent les feuilles
Féroce mais léger, amusant mais profond! Rien n'est oublié, et quelle subtilité dans ces phrases au scalpel...
Ton écriture, en général et particulièrement dans ce texte, m'évoque l'art des ombres chinoises découpées de Michel Ocelot. Ciselée, elliptique, fine, riche, avec plein de tendresse en filigranne.
Quand je te lis, le stylo me tombe des mains...et je ne t'en veux même pas...Merci.
Ton écriture, en général et particulièrement dans ce texte, m'évoque l'art des ombres chinoises découpées de Michel Ocelot. Ciselée, elliptique, fine, riche, avec plein de tendresse en filigranne.
Quand je te lis, le stylo me tombe des mains...et je ne t'en veux même pas...Merci.
Polixène- Nombre de messages : 3287
Age : 61
Localisation : Dans un pli du temps . (sohaz@mailo.com)
Date d'inscription : 23/02/2010
Re: Tombent les feuilles
Formidable, vraiment formidable. Tout a été dit, mais ça ne m'empêche pas de le redire : ce texte contient tous les détails, tout ce qu'il faut pour profondément comprendre les personnages et vraiment, j'en suis troublé !
Phoenamandre- Nombre de messages : 2423
Age : 33
Date d'inscription : 08/03/2009
Re: Tombent les feuilles
Beaucoup aimé, j'en dis pas plus car secouée.
Un texte par semaine, c'est trop court quand c'est toi Janis qui écrit, tu devrais être l'exception.
Un texte par semaine, c'est trop court quand c'est toi Janis qui écrit, tu devrais être l'exception.
Remus- Nombre de messages : 2098
Age : 34
Date d'inscription : 02/01/2012
Re: Tombent les feuilles
Je me surajoute aux compliments. Les mots sont en place, décochés avec élégance. (Je crois qu'il manque un point quelque part, une majuscule à la petite fille, peut-être quelques virgules). Un vrai plaisir à la lecture, qui pour ma part s'est faite en musique, sur du Moriarty.
Hop-Frog- Nombre de messages : 614
Age : 35
Date d'inscription : 11/04/2012
Re: Tombent les feuilles
Très beau texte sur l'amour, l'absence, la confusion, la solitude, les regrets, tout ça distillé au quotidien.
La vraie vie en somme, dans un format concentré.
La vraie vie en somme, dans un format concentré.
Invité- Invité
Re: Tombent les feuilles
Génial ce texte.
L’écriture est excellente. Tout a été dit à ce sujet, et je suis d’accord.
Et puis, le type qui laisse sa petite sans surveillance, qui a failli faire cramer la maison, qui conduit bourré etc, on a de l’empathie pour lui : vrai tour de force tout en subtilité.
L’écriture est excellente. Tout a été dit à ce sujet, et je suis d’accord.
Et puis, le type qui laisse sa petite sans surveillance, qui a failli faire cramer la maison, qui conduit bourré etc, on a de l’empathie pour lui : vrai tour de force tout en subtilité.
Titia_____- Nombre de messages : 140
Age : 44
Date d'inscription : 08/10/2009
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