Steak de cheval - Les épines de l'apocalypse

Les cavaliers de l’apocalypse artistique arrivent au galop, sur leurs air-poneys, traînant dans leur course un soleil usé de se lever pour éclairer ce genre de conneries.

Plus rapide qu’un Celeris agacé, le troupeau déferle sur le monde, hennit quelques notes sans envergure et broute sous les cuirs chevelus des restes de cerveaux déjà bien entamés.
La Corée du Nord découvre les joies de l’uranium. Celle du Sud, apparemment plus avancée, balance sa bombe acoustico-nucléaire aux oreilles des non-mélomanes. La pandémie équine se répand à la vitesse d’une flamme grignotant une trainée de poudre jusqu’au pain de C4. Après son indéniable suprématie économique, militaire et commerciale, l’Asie gagne les cœurs occidentaux par la voie, autrefois sacrée, de la musique. Toutes ces petites filles bien sages, qui, pour des raisons de crises sociales, n’auront pas de poneys pour noël, se voient offrir des mains d’un petit barbu bridé aux couleurs de coca-cola une démo de la géniale chorégraphie.
Il a bon dos le second degrés.

Il y a quelques années ils se dandinaient sur la danse des canards, guettaient la chenille qui redémarre, ont fait la poule dans de magnifiques costumes couleur jaune pisse. Faut il avoir l’innocence de s’étonner les surprendre trotter le long de plaines imaginaires ? A quel moment le comique empiète sur les plates bandes du grotesque ? Comment subvenir aux besoins alimentaires d’un milliard de chevaux qui, bien que factices, n’en restent pas moins des excités du ballot de foin ?

Le bestiaire chorégraphique ne connaît d’autres limites que celles de l’imagination frelatée. Les chevaux chient des lingots, le psy recueille sur le canapé de nos gouffres existentiels notre capacité avouée à manger autant de kilos de merde que l’on nous en propose. Les jockeys crient au scandale un peu comme si un joueur de air-guitare volait la vedette à Satriani. Le PMU se lèche les babines. Les paris sont astronomiques.

Pourquoi ne pas construire des air-écuries pour pousser le délire au paroxysme de son absurdité ? On pourrait aussi atteler les bêtes avec des air-calèches ou des air-diligences. Je coiffe la longue crinière de mon air-pur sang avec une air-brosse et je suis heureux dans ma air-existence parce que je brasse du vent.
Certain diront que c’est pas bien méchant, que ça détend. Mais mises bout à bout, ces démonstrations de flatulence artistiques ne laissent pas beaucoup de place à ceux qui ont quelque chose à dire. Les œillères sont bien dirigées vers le porte monnaie. Le fer à cheval ne porte plus chance.

La masse fait du cheval, les bourrelets des girondes ondulent en couches de cellulite, la zumba est mastiquée par les mâchoires puissantes de tornado. Dans ce drôle de manège, apparemment sans obstacles, Amy-Lee regarde tourner les cons en jetant aux culs des haridelles fatiguées un regard plein d’éperons. Ils vont graviter comme ça un moment autour de la sono, puis, lassés de ces folles chevauchées, vont se rendre compte que grimper sur le dos d’un ours c’est pas mal non plus. Et c’est reparti pour un tour.

Amy Lee préfère sa bicyclette pour aller faire des courses.
La boucherie sonne la fin de ce triste spectacle.

A midi c’est tartare de jument.

Saignant !

Un texte qui surprend, donc intéresse par son originalité, son ton incisif et ironique ainsi que par quelques belles trouvailles.
J'ai bien aimé.

Pour son côté déjanté aussi.

C'est bien vu. Je n'en raffole pas mais j'admets que c'est bien fichu, le champ sémantique s'y prête.
Je dois admettre être intriguée par l'angle du texte (intriguée, pas désapprobatrice), par ce coup de gueule très ciblé - l'auteur doit avoir ses raisons.
En tout cas, la voie est ouverte, et comment ! Le message force son chemin, reste plus qu'à espérer qu'il finira par passer.

Les disciples de ce trou du cul géant de la voyance qu'est Nostradanus préparent leur grande réjouissance. En filigrane sur le billet "aller simple pour la mort", le regard pénétrant de Buluc Chaptan, dieu des sacrifices et de la mort soudaine, menace les plus sceptiques. Il arrache la dernière page de l'éphémeride Maya, collé à même un frigo plein de cœurs frais d'enfants et se réjouit des catastrophes à venir. Pas pour le spectacle quasi hollywoodien des multiples tsunamis, volcans en éruption et autres manifestations de l'apocalypse, non, simplement pour se bidonner en regardant l'armée de paranoïaques bouffer de la merde lyophilisée une dizaine de mètres sous terre. D'autres illuminés vont crapahuter dans la montagne à priori sacrée de Bugarach, tenter par une série de rituels douteux de purifier une terre qui, à juste titre, n'a plus aucune autre envie que celle de nous cracher à la gueule.

Le voisin d'Amy-Lee sonne à son domicile sur les coups de 19h soit H-5 à la montre quartz de Buluc. Habillé d'une longue toge blanche et d'un imposant pendentif en forme de pentagramme, il frappe comme un sourd sur un gong en hurlant des conneries à propos de l'imminence du jugement dernier. Il est tellement hystérique que de longs filets de bave ruissèlent de ses lèvres crispées. Amy-Lee l'a déjà croisé en train de tondre sa pelouse ou d'ajuster la chemise de son fils en partance pour l'école. Des images innocentes et pures. À aucun moment elle n'aurait pu imaginer le surprendre sur le pas de sa porte, en transe, à baragouiner des inepties aussi grosses qu'une vague meurtrière sur le littoral japonais.

Amy-Lee, rapidement fatiguée par ce spectacle affligeant, lui propose sans aucune formule de politesse de se casser fissa. Il pose alors d'un geste plein de cérémonies son gong par terre, trace un cercle autour en marquant d'une croix les points cardinaux et commence en murmures une prière raélienne.

Face à ce grand n'importe quoi, Amy-Lee éclate le gong avec le talon de sa Doc Marten's. Le deuxième coup de latte frôle d'à peine quelques centimètres la gueule ravie du pseudo prophète qui s'enfuit en poussant des cris de menace nucléaire. Un genre de sirène stridente sur la partition démoniaque d'un couvre feu sans conditions.
"Rentrez chez vous pauvres fous. Fermez portes et fenêtres, verrouillez toutes les issues, ne respirez que pour survivre, bunkerisez-vous, immolez-vous, emmurez-vous."

Curieuse de savoir ce que le bougre va faire de ses dernières parcelles de vie, Amy-Lee empoigne sa paire de jumelles et les braque sur son voisin. Après une rapide mise au point grâce à la molette prévue à cet effet, elle le voit entrer chez lui en furie, sortir femme et enfants dans le jardin et disparaître derrière un haut massif de rosiers.
C'était donc ça. L'apparente passion pour le jardinage cachait en fait une prise de précautions en vue de l'hypothétique fin du monde.
L'épineuse question de l'après...
Si pour certain la solution se trouve au milieu des taupes ou des os enterrés par le chien, pour Amy-Lee, elle se situe dans la nécessité de faire passer à cette catégorie de crétins un IRM minutieux et intransigeant.

Pour le bien de l'humanité, dans un improbable élan de générosité, elle sort de son placard la solution au problème et se dirige vers le bunker voisin. Derrière les rosiers, une petite trappe semblable à celle qui enferme les passagers d'un sous marin, est mal dissimulée sous un nain de jardin. Après un coup de latte dans ravi, Amy-Lee fait passer le cadenas dans la poignée d'ouverture du submersible et jette la clé un peu plus loin.

Le lendemain matin, devant sa fenêtre, elle se marre en voyant un camion de serrurier se garer dans l'allée de la résidence voisine et en imaginant le discours débile que l'autre va devoir servir. Au bout de vingt minutes, toute la petite famille sort du trou, presque surprise de ne constater aucun raz de marée.

Amy-Lee fait jaillir du fond de la cuvette de ses toilettes un redoutable tsunami, allume un incendie planétaire sous sa casserole d'eau chaude, perce un tremblement de terre sur le mur du salon pour y accrocher la nouvelle carte du monde. Identique à l'ancienne bien évidemment.
Toute pomponnée, elle sort de chez elle et se dirige vers la maison du prophète.
Tout sourire, elle toque à la porte.
"Alors cette fin du monde ?"
Presque honteux et repentant, son voisin ne trouve rien de mieux à lui répondre qu'un pathétique
"Allez vous faire foutre. Vous verrez dans quelques temps vous regretterez vos moqueries..."

Rendez vous donc dans dix, vingt ou je sais pas combien d'années pour de nouvelles aventures apocalyptiques, riches en effets spéciaux et en démesures climatiques.

Sur "Steak de cheval" :

Je suppose que ton coeur de cible pour parler le jargon en vogue est cette infâme vidéo qui parait il draine des millions de connexions dans les foyers facebookés et youtubés, où l'on peut voir un guignol épileptique chevaucher d'invisibles montures en ahanant quelque débris de texte délicatement orné d'une musique de prisunic ( et je présente mes excuses à prisunic) fédérant ainsi et à peu de frais la jeunesse européenne (celle dont les neurones nécrosés confondent ironie dérision et vertige avec vide abyssal et nullité) autour d'une merde bruyante, malodorante et tape à l'oeil , tout en prétendant en quelque sorte que ruer dans les brancards du bon goût est une preuve d'intelligence subtile et que hennir est l'avenir de l'homme quoiqu'on pense des Organismes Génétiquement ou non Modifiés, me trompé-je ?
Eh bien nous serons quelques uns à refuser "d'aller à la selle" quitte à se faire traiter de constipés, trot c'est trop et je m'éloigne au triple galop de ces sinistres lieux d'aisance , les nouveaux dance floor, où l'on prétend me faire marcher au pas en me menaçant d'une cravache.

En attendant je piaf de gratitude à l'ombre de ta charge héroïque :-))))))

C'était donc ça !
A force de me désintéresser de la chose, je vais finir par passer complètement à côté de l'évènement...
N'empêche, ceci : "Rentrez chez vous pauvres fous. Fermez portes et fenêtres, verrouillez toutes les issues, ne respirez que pour survivre, bunkerisez-vous, immolez-vous, emmurez-vous." m'a ramené en un flash un vieux Tintin, L'Etoile mystérieuse je crois ou peut-être Les 7 boules de cristal, je ne sais plus, où un prédicateur effrayant avait à peu près les mêmes mots.
La relecture du synopsis de l'un et l'autre album, confirme une fois encore que l'histoire réelle, imaginée ou espérée ne fait jamais que se répéter.
(pour réagir, si besoin, c'est ici : http://www.vosecrits.com/t11914-discussions-autour-de-nos-textes)