Halloween : Crise en thème

Je ne pensais pas que ça irait si loin, ou plutôt si, je le pensais, mais disons, pas aussi vite. Tout avait, comme à l’habitude, commencé par une conversation surréaliste et matinale.

- Alors, c’est ok, on part mardi soir ?
- Pour ?
- Quoi pour ?
- Ben on part pour aller où ?
- Mais, chez ma mère, comme prévu ?
- Et pourquoi on irait chez ta mère ?
- Attends, tu le fais exprès, là ?
- Ben non. Pourquoi on irait chez ta mère ?
- Je te l’ai dit la semaine dernière !
- T’as rien dit. T’as cru que tu l’avais dit, t’as imaginé que tu l’avais dit mais t’as rien dit !
- Putain, tu rigoles ou quoi ! Je l’ai même marqué sur le calendrier du couloir !
- Tu l’as marqué, je l’ai vu mais t’as rien dit !
- De toute façon, tu le savais. On va aller chez ma mère pour la toussaint, y aura toute ma famille et le 1er, on ira sur la tombe de mes grands parents.
- Non.
- Quoi non ?
- Non, on ne va pas faire ça.
- Ah bon ! Et alors on va faire quoi ?
- On va rester là, on va se déguiser et on va accompagner Margot et Romain pour faire la tournée d’Halloween.
- Margot et qui ?
- Les deux gosses de Sophie, la voisine. Elle bosse et sinon, ils ne pourront pas fêter Halloween. Sont très sympas, tu sais !
- M’en fiche de ses gosses ! Ils n’ont qu’à rester chez eux et regarder des films d’horreur toute la nuit, ça leur passera l’envie d’aller provoquer des crises cardiaques chez les vieux du quartier.
- En tous cas, moi, je reste.
- Tu restes ! Tu t’en fiches que j’arrive dans ma famille tout seul ?
- Complètement.
- Ah ben merci, merci.

Je vous épargne la suite, principalement composée d’insultes, onomatopées et baffes virtuelles. Voilà, à peu près, comment je me suis retrouvé en position de choisir entre mon couple et Halloween et deux jours « cimetières en famille ». Alors, évidemment, énoncé de cette manière, le choix ne semble pas si difficile. Sûr que je préférais largement chausser quelques canines pointues plutôt que de porter des chrysanthèmes. Ce qui m’embêtait plutôt, c’était la façon de me présenter tout ça comme une sorte de défi, un « c’est comme ça et je t’emmerde » qui en disait long sur mes actuelles relations avec celle qui tenait désormais plus d’une collocatrice que d’une concubine. Mais bon, on ne se refait pas et comme souvent, toujours dirons certains, j’ai cédé.

- Bon ! Alors, le mieux, c’est que tu t’occupes de la citrouille pendant que je vais chercher des costumes.
- Quelle citrouille ?
- Ben voyons, celle qu’il faudra que tu vides avant de placer une bougie à l’intérieur. La tête de Jack, quoi !
- Ah, super ! Et c’est moi qui fais ça ?
- Allez, on ne va pas recommencer à s’engueuler …

Non, non, pas tout de suite ! Et donc me voilà parti à la recherche d’une citrouille de taille raisonnable. Au marché, rien, plus de tête de Jack. Carrefour, Auchan, Leclerc … Rien, pas de citrouille !

- Bordel, comment ça se fait que vous n’ayez pas de citrouille pour Halloween ! C’est la saison, non ?
- Cette année, pas de citrouille ! C’est à cause de l’augmentation du prix des chrysanthèmes et aussi des chinois !
- Quoi ?
- Ben oui, les chrysanthèmes ont beaucoup soufferts du gel et pis …
- Ca gèle pas, les chrysanthèmes ! C’est pour ça qu’on les met dans les cimetières.
- Z’ètes sûr ?
- Oui, sûr.
- Mouais, enfin, les hollandais n’en vendent plus.
- Tu parles, n’importe quoi pour augmenter les prix. De toute façon, je m’en fiche ! Je veux une citrouille !
- Oui, mais, les chrysanthèmes étant trop chers, les gens préfèrent Halloween plutôt que la toussaint. C’est plus économique ! Sans compter que s’ils sont dehors, ils récupèrent des bonbons plutôt que d’avoir à en distribuer. D’où : tout le monde veut des citrouilles, d’où : j’ai plus de citrouille.
- Et les chinois ? pourquoi les chinois ?
- Ben, cette année, ils commencent à fêter Halloween. Et comme ils ne cultivent pas de citrouilles, ils importent. D’où : exportation des citrouilles, d’où : pénurie ici.
- D’où : augmentation du cours de la citrouille et retour aux chrysanthèmes ?
- Ça … Peut être l’année prochaine. Pour l’instant, le chrysanthème reste bien plus cher !
- Mouais, enfin, ça ne m’arrange pas vos histoires !
- Z’avez qu’à prendre un navet.
- Pardon ?
- Ben oui, un navet, comme pour la légende d’origine …


Alors oui, j’ai pris un gros navet rond, blanchâtre et un peu violacé, un navet, quoi … Et je me suis amusé à le creuser pour placer en son centre une minuscule bougie. Par contre, elle … Elle avait fait les choses en grand, tout prévu d’avance. Elle avait enfilé son costume de sorcière tendance SM, costume qui je l’avoue m’a fait un drôle d’effet juste avant d’être méchamment refroidi à la vue du déguisement prévu pour moi. Imaginez un épouvantail, un grand chapeau, un peu de paille … ça y est, vous l’avez ? Alors maintenant, mélangez tout ça avec l’accoutrement d’un clown qui serait SDF depuis au moins trente ans et vous aurez une idée de mes vêtements d’Halloween et de mon état d’esprit après avoir endossé ces loques.

- M’enfin, où t’as trouvé ça ?
- Ecoute, ils n’avaient plus de costume d’épouvantail alors avec Sophie, on a improvisé … Réussi, non ?
- Vraiment j’hésite … Est-ce que je préfère les deux grolls taille 47, trouées et dépareillées ou la veste vert pisseux avec l’auréole dans le dos… Oui, peut être la veste avec ce petit côté polar … On se demande si c’est le SDF qui l’avait qui s’est fait descendre ou si c’est le sang d’un autre gars et le SDF lui a piqué sa veste … Non, vraiment bien la veste …
- Putain, Sophie a bien raison …T’es vraiment con ! Tu me mérites pas.
- Ah ben tiens … On y vient ! C’est ta nouvelle copine qui fout la merde à la maison.
- C’est toi qui fous la merde ! Regarde moi ça, avec ton pauvre navet ! Pas fichu de rapporter une citrouille. T’es incapable d’assumer quoi que ce soit mon pauvre gars, incapable …
- Si c’est ce que tu penses vraiment, je préfère partir. Terminé les conneries. Je pars passer la Toussaint chez ma mère et dans deux jours, je reviens chercher mes affaires.

J’ai pris les clés de voiture et je suis parti, furieux … Alors bien sûr, j’ai ensuite beaucoup réfléchi pendant le voyage. Je l’ai revu dans son petit costume de sorcière, elle était bien mignonne. Je me suis dit qu’à mon retour, j’allais jouer ma carte maitresse, quitte ou double. J’allais lui proposer d’aller vivre en Provence comme on voulait le faire au début. Du même coup, exit Sophie la rombière … Et puis, comme on serait loin de chez ma mère, on fêterait Halloween tous les ans si elle voulait, et des marmots à accompagner, on aurait qu’à en faire plein. Mais à une seule condition : je choisirai les costumes ! Parce que bon, une soirée d’Halloween en clown SDF, ça passe, mais pour amener les chrysanthèmes sur la tombe à papi et à mamie, le lendemain, ça n’a pas fait sourire tout le monde …

Charles, j'ai adoré ton texte!
Hahaha, oui, j'ai vraiment beaucoup ri, il y a plein de très bonnes réflexions et tes dialogues sonnent très vrai, c'est vivant et tout, bravo!
J'ai ri face aux réflexions sur les Chinois et puis ce vendeur dans le magasin, plein de bon sens... hé hé hé!
Sans parler de la corvée famille et cimetière que tu restitues très bien.

Bon, le sujet n’étant pas le sujet mais prétexte au sujet, j’aurais aimé que tu développes le prétexte plutôt que le sujet : les rapports du couple. C’est à peine esquissé, dommage — d’autant que l’on sent que c’est bien là qu’il y aurait matière à… Sinon, lecture agréable et dialogues bien menés trouve-je.

J'aurais écrit "grolles" au lieu de grolls et "diront certains" au lieu de "dirons certains". Sinon, j'ai bien aimé. Il y a de l'humour et les dialogues sont naturels.

J'aime.

Oui, je peux m'extasier sur ta prose intimiste teintée d'humour , le petit bout de géo-économie au milieu, des dialogues aérés et de l'omniprésence du ridicule et du sarcasme,
de l'emploi du vulgaire qui donne une couleur certaine au texte. Je ne le fais pas. Parce que le résultat est très indigeste:
au fil de la lecture on se désintéresse de ton bonhomme et de ses préoccupations puériles.


De plus en initiateur des contraintes tu aurais quand-même pu éviter le mot "citrouille" et chercher une alternative.

Au final, je n'ai pas aimé.

J'ai lu ton texte avec plaisir, Charles, mais il m'a semblé manquer de liant, de souplesse. J'aurais aimé que blocs de textes et passages dialogués s'interpénètrent, ou je ne sais. En fait, je trouve qu'ainsi ça fait un peu patchwork.

pandaworks a écrit:De plus en initiateur des contraintes tu aurais quand-même pu éviter le mot "citrouille" et chercher une alternative.

- plus de citrouille/courge dispo, et donc inclure un autre légume ou fruit dans le texte.

voilà la contrainte énoncée. peux être comprise de plusieurs manières, la mienne, c'est que les personnages n'ont pas de citrouille à disposition. Je n'ai pas mentionner le "mot" citrouille.

Un texte teinté d'humour qui me donne l'impression que tu as voulu trop en faire.
J'ai pensé à certaines comédies théatrales un peu surjouées avec du comique de phrase (cf. le dialogue sur les chrisanthèmes et les citrouilles) du comique visuel et de situation (cf. la fin du texte et ce type encostumé au cimetierre) etc...
Bref, plein de bonnes idées dans ce texte mais sans doute pas assez soigneusement triées et mises en ordre.

Le premier dialogue est super extra, après j'ai hésité à plusieurs reprises sur qui était qui, bref me suis un peu mélangé les pinceaux. Un peu "fouillis" donc peut-être.

Drôle et très imagé. Je trouve que la lecture coule d'elle même. La relation tendue est caricatural mais ça fonctionne bien. Les deux sont gonflants, finalement...