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LES IDIOTS : Un, deux, trois neurones !

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Message  claude Sam 28 Fév 2009 - 12:12

Ludo était heureux et enthousiaste. En règle générale et ce midi-là plus que tout autre. Depuis vingt-quatre heures il était propriétaire de sa vie et d’une grange, et venait d’arriver à Rencurel. Sur la place du village. Rien n’avait changé. Il passa devant la maison de son enfance. On lui avait dit qu’elle avait été vendue. Des biens immobiliers de sa famille, après déductions et arrangements entre le notaire et son tuteur, Ludovic n’hérita que d’une grange (la grange de son oncle Athanase) qu’il découvrit au milieu d’une végétation désordonnée. Il se fraya un chemin parmi les hautes herbes, ouvrit la double porte de garage avec beaucoup de difficultés et l’ampleur de la besogne pour faire de cet endroit une habitation ne le rebuta pas. Il déposa son sac dans un coin et se dit « ça serait bien que je commence par aller saluer les gens que j’ai connus enfant et aussi que j’aille me présenter aux autres ». Ludo n’avait pas mauvais genre, mais une drôle d’allure. Il avait peur d’être confondu de loin avec un voleur de poules. Le matin, à la gare routière de Grenoble, assis sous un abribus, il fut surpris d’attirer à lui la charité d’une passante qui lui donna une pièce de cinq francs alors qu’il attendait patiemment son autocar.
Il commença la tournée des voisins par la maison où il avait grandi.
Les gens qui l’occupaient maintenant l’accueillirent comme une vieille connaissance longtemps perdue de vue et contents de la retrouver après tant d’années. Ils le convièrent à partager leur apéritif. Ils lui servirent un grand verre de vin et à eux deux petits. Plus que d’ordinaire, Ludo se sentit à son aise, heureux et enthousiaste.
- Tchin !
- Merci pour votre accueil !
Ils burent. Ludo fit « hum ! », regarda son verre et demanda :
- C’est un H.E.C. ?
Comme Ludo souriait, le voisin crut qu’il s’agissait d’une plaisanterie et répondit en s’accordant sur le sourire candide de son hôte :
- Plutôt un vin de prairie !
- Ah bon ! en tout cas il a une jolie jupe !
- Et du mollet, ajouta la voisine.
- J’allais le dire, s’enthousiasma Ludo.
Le voisin se mit à rire, la voisine aussi et Ludo se joignit à eux. Tous les trois se crurent un moment sur la même longueur d’onde.
Son verre à la main, Ludo s’avança vers une photo de groupe accrochée au-dessus de la cheminée.
- C’est notre famille au grand complet, précisa la voisine.
Ils étaient une vingtaine. La photo avait été recadrée sur les bustes et encadrée comme de juste, sous verre. Sur le cliché, un membre de la famille faisait une grimace ; ce détail n’échappa pas à Ludo.
- Il y a un petit rigolo qui n’a pas pu s’empêcher de faire l’imbécile !
- Oui, c’est Marc, notre fils, dit la voisine. Il est trisomique.
Les voisins avaient cessé de sourire. Ludo n’était pas bien sûr de comprendre la situation. Ces gens avaient pourtant l’air d’être de bons vivants. Dans le doute, il effaça son sourire de sa figure pour dire :
- A moi aussi on me dit souvent que je suis très comique.
Comme dans un numéro en duo, les voisins écarquillèrent les yeux, s’interrogèrent du regard avec un léger recul gallinacé de la tête et conclurent certains éléments n’arrivaient pas à la compréhension de leur hôte.
Ludo se rapprocha du portrait d’une jeune femme posée sur le manteau de la cheminée dans un cadre métallique et ses yeux s’illuminèrent.
- C’est Élodie, notre fille… commença la voisine.
Toujours aussi heureux et enthousiaste, Ludo prit alors un air de « oui, mais si bien sûr » et se précipita :
- J’allais justement dire qu’elle vous ressemblait.
- C’est gentil, mais en réalité Élodie est notre fille adoptive, rectifia le voisin.
Des rougeurs montèrent aux joues de Ludo. Il regarda à gauche, puis à droite en quête d’une issue, et se résigna à baisser la tête en se mordant la langue. Il s’en voulait tellement d’être aussi bête.
- Ce n’est pas grave, Ludovic, c’est l’intention qui compte ! se surprit le voisin à prononcer et se demanda comment il avait pu dire une telle absurdité.
Ludo sentit en lui une chose agréable le quitter. Cette chose agréable portait un nom, on le lui avait déjà expliqué, il savait comment elle s’appelait, il aimait bien le mot qui la désignait, mais sur l’instant il n’arrivait pas à s’en souvenir. Il ne doutait pas que le mot lui revendrait. Il trouvait toujours lorsqu’il faisait l’effort de chercher. Un mot qui sonne un peu comme une maladie alors que c’est tout le contraire. Il sonda son esprit et enfin s’en souvint : « mince, je viens de perdre mon enthousiasme. »

À cinquante ans, quand son oncle, Athanase, voyait passer un avion dans le ciel, il s’écriait : « Ôh ! un navion ! » avec un air situé à l’orée de la débilité. Les gens disaient d’Athanase que le seul acte sensé de sa vie fut de s’être pendu. Ludo savait qu’il avait encore tout à apprendre de la vie et que sa naïveté lui jouait encore des tours, mais pas au point de vouloir mettre un terme à son existence. Il prétexta des travaux d’aménagement urgents dans sa grange, remercia, s’excusa et quitta ces gens charmants qui occupaient maintenant la maison de son enfance.
Arrivé dans sa grange, il trouva une vieille faux, une pierre à aiguiser, aiguisa la faux et faucha les hautes herbes qui envahissaient son terrain. La nouvelle de son retour s’était vite répandue. Quelques curieux étaient venus le voir, des gens qu’il avait croisés quand il était enfant, des grands oncles et des grandes tantes, des cousins éloignés, il leur accorda à tous un peu de son temps et raconta à chacun un extrait de sa vie et de sa journée. Certains lui proposèrent le gîte et le couvert. Il ne refusa pas leurs propositions pour le lendemain et les jours suivants, mais leur dit qu’aujourd’hui il voulait travailler dans sa grange tant que le soleil de juin le lui permettrait. Ensuite il mangerait la nourriture qu’il avait amenée avec lui pour ne pas la gâcher. Il passerait cette première nuit chez lui, après avoir déblayé la mezzanine où il avait l’intention de s’installer pour dormir.
La mezzanine occupait la moitié de la surface de la grange. Vu du sol, d’un côté, le plafond était composé d’un plancher pointé sur des chevrons à trois mètres cinquante de haut, et de l’autre, on voyait la charpente de la grange qui culminait à huit mètres. Ludo se mit à sourire en pensant que ce grand espace lui appartenait et de grands projets se bousculèrent dans sa tête. Par une échelle, il accéda à la mezzanine qui avait essentiellement servi à stocker le fourrage. Bien qu’ajouré et imparfait, le plancher était encore résistant. Il le consoliderait plus tard. Sur la mezzanine, un petit échafaudage composé de bouts de bois permettait d’arriver au faîtage. Là haut, autour d’une poutre du solivage, Ludo remarqua une drôle de forme. Il monta sur l’échafaudage pour y regarder de plus près. En équilibre, il saisit l’objet qui laissa s’échapper un essaim de poussière. Il s’agissait d’un bout de la corde restée accrochée à une chenille en bois. Un bout de la corde qu’Athanase avait utilisé pour se pendre. La corde avait dû être sectionnée pour qu’on puisse descendre le corps, mais un bout était resté coincé. Ludo se mit sur la pointe des pieds, à l’extrémité de l’échafaudage, et tira sur le bout de corde qui céda d’un coup. Le temps avait délité les fibres de Nylon. Ludo fut surpris pas l’absence de résistance qu’aurait dû offrir la corde, perdit l’équilibre et tomba.
Huit mètres plus bas, le haut de son corps avait touché le sol avant le bas.

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Message  claude Sam 28 Fév 2009 - 12:15

J’ai trouvé Ludovic étendu sans connaissance sur le sol de sa grange.
Mes parents m’avaient envoyée chez leur visiteur du midi pour lui proposer toute l’aide dont il pourrait avoir besoin. Ils m’avaient assuré que ce garçon était un ange. Après qu’ils m’eut raconté leur rencontre du midi, je l’aurais pourtant juré simplet. Car même s’ils me vantèrent son attitude touchante et la beauté de son regard où brillait une envie d’évoluer, nous rîmes tout de même ensemble de la naïveté de ses propos. Ils me dirent également que Ludovic avait été subjugué par la photo qu’il vit de moi posée sur la cheminée de notre maison, puis sa gêne après avoir gaffé avant de perdre totalement son charmant enthousiasme au point qu’il dût précipiter son départ.
J’avais pour mission de le ramener à la maison pour le dîner et me rendais chez lui avec un sentiment de supériorité qui me déplut, mais qui se dissipa bien vite.
Je m’étais avancée en foulant les herbes fraîchement coupées et en appelant « il y a quelqu’un ? ». Les portes de la grange étaient grandes ouvertes et du seuil je vis un corps désarticulé allongé sur le sol. J’ai dû m’exclamer « Ô mon dieu ! » et me suis précipitée pour évaluer la situation. Avec quelques habitants de Rencurel, j’avais suivi le stage de secourisme proposé par la mairie. Quand on habite à une heure de route de l’hôpital le plus proche, savoir administrer les premiers soins n’est pas une fantaisie. Cet accident était ma première intervention. J’ai appliqué ce qu’on m’avait appris, fait les gestes censés sauver. Mais diagnostiquant rapidement un traumatisme crânien ou un déplacement des cervicales, je n’ai pas osé bouger le corps. J’ai juste pris son pouls. Il était très faible. Mes compétences médicales s’arrêtaient là. Je courus chez mes parents chercher du secours et appeler le 18.
Quand je suis revenue dans la grange, les voisins entouraient le corps de Ludovic les bras ballants. Je me suis accroupie à côté de lui. Il tenait un bout de corde. Je l’en ai débarrassé et ai jeté cette chose dans un coin. Puis machinalement j’ai pris sa main et j’ai attendu. Peut-être trop longtemps. Comme les secours n’arrivaient toujours pas, j’ai repris son pouls et ne sentis plus rien. Sous la jugulaire ? Rien ! J’ai crié « il ne respire plus » et je l’ai installé pour lui faire un massage cardiaque et du bouche-à-bouche. Je comptais « Un, deux, trois » et m’arc-boutais sur sa poitrine, entre ses côtes flottantes, les mains l’une sur l’autre. « N’ayez pas peur de casser les côtes de la personne que vous devez ramener à la vie, nous avait dit l’instructeur, vous êtes sa seule chance de pouvoir vous en faire un jour le reproche ». « Un, deux, trois », pression de tout mon corps à lui fracturer les côtes. J’ai recommencé la manœuvre plusieurs fois avant de passer au bouche-à-bouche en veillant à bien lui pincer le nez et à ce que sa trachée soit bien dégagée. Une sirène a retenti en bas du terrain. Quelqu’un a dit à l’attention des secouristes « il ne respire plus ». Deux hommes du Samu sont arrivés près de moi. L’un m’a mis une main sur l’épaule, l’autre m’a soufflé : « on s’en occupe ». J’avais la tête qui tournait. Le défibrillateur fit repartir son cœur. L’un des deux urgentistes a dit « c’est bon ! » et ils l’ont emmené sur un brancard.

Après leur départ, les gens ont parlé et se sont demandés qui prévenir. Il ne restait à Ludovic que de très lointains cousins. Mon père prit les choses en mains. Il récupéra les affaires de Ludovic et prévint son tuteur en Ardèche. « Durant toutes ces années à la ferme, lui dit-il, il n’est jamais rien arrivé à Ludo, et le jour où il prend son indépendance, il a un accident. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ? Il n’y a pas eu moyen de le retenir. Ces derniers temps il avait bien changé ; et franchement, je croyais qu’il était prêt pour vivre sa vie. Enfin j’espère que ce n’est pas trop grave. » Mon père lui promit de se renseigner et de le tenir informé.
Le lendemain au C.H.U. de Grenoble, au service de réanimation, papa présenta les papiers d’identité et de sécurité sociale du patient, et s’inscrivit comme personne de référence pour obtenir les comptes-rendus médicaux. Un interne lui fit un premier bilan de la situation : « La chute a entraîné un traumatisme crânien et une fracture du rachis cervical. La perte de connaissance a certainement été instantanée. Le corps s’est retrouvé dans une position très inconfortable pour les poumons et le coeur. La respiration du patient en a été affectée et la compression du muscle cardiaque a provoqué une bradycardie. Jusqu’à l’arrêt cardiaque. » L’interne aussi marqua un temps d’arrêt comme s’il avait voulu que les choses s’en fussent arrêtées là. « Puis le défibrillateur a fait repartir le cœur. » L’interne désigna l’électroencéphalogramme. « Privé d’oxygène sûrement pendant plus de cinq minutes, l’activité cérébrale a été endommagée de manière irréversible. » et bien qu’ayant compris que son jeune visiteur de la veille se trouvait maintenant dans un état plus proche du yucca que du bulot, mon père demanda « ça correspond à quoi les petites crêtes sur la ligne ? » L’interne retint un sourire et répondit en mettant un doigt dessus « un, deux, trois neurones ! c’est le nombre de neurones qui restent à ce jeune homme. Dans son cas le risque de tétraplégie comme conséquence de sa fracture des cervicales n’est pas un souci, dans la mesure où il est cliniquement impossible qu’il sorte de la léthargie où il se trouve actuellement. »

Mon père avait remis l’ensemble des documents concernant Ludovic à l’assistance sociale du C.H.U. Le patient étant jeune, il pouvait rester dans un coma végétatif pendant plusieurs années et fut orienté vers un centre de soins long séjour.
L’été aussi s’annonçait long. Long et incertain. J’éprouvais le besoin de faire vivre le souvenir du garçon sur les lèvres duquel j’avais posé les miennes. En interrogant les voisins, j’exhumais avec le souvenir du petit Ludo une partie de l’histoire de notre village. Rencurel était situé sur la rondeur d’un mont, à environ huit cent vingt mètres d’altitude, protégé à l'est par les falaises de Méaudre et à l'ouest par le massif des Coulmes, entre les gorges tumultueuses de la Bourne et le col de Romeyère qui domine le canyon des Ecouges. Avant l’arrivée des engins de déneigement de la D.D.E., ses habitants y étaient bloqués de la fin de l’automne au début du printemps. Réduits à l’isolement, pour la plupart analphabètes, ils partageaient une sève commune, et les grands parents de Ludo était l’un pour l’autre neveu et tante, à demi. La mémé était la demi-sœur du père de celui qui devint son époux. Et bien qu’étant son neveu, le grand-père avait deux ans de plus que la grand-mère. De leur union avunculaire deux enfants survécurent. L’un d’eux souffrit plus que l’autre de la carence en iode de l’atmosphère et portait un vieux prénom, Athanase, qui ne plaidait pas en sa faveur. Athanase perpétuait la légende du crétin des Alpes. Athanase était l’oncle de Ludo et fut jugé trop stupide pour qu’on prenne le risque de lui confier un fusil, alors que le père de Ludo l’avait été assez pour être envoyé à la guerre ; il en revint avec une blessure, une médaille et une pension. Des souvenirs qui lui permirent vingt ans plus tard de séduire une jeune bergère qui lui donna, avant de s’enfuir avec un vagabond en partance pour d’autres horizons, un fils unique : Ludovic.
Je pus également rencontrer les rares personnes qui vinrent voir à quoi ressemblait le village auquel Ludovic n’avait jamais cessé de penser. Il y eut d’abord un ouvrier agricole qui avait connu Ludovic ces quatre dernières années et assisté à sa métamorphose la dernière année. Les autres visiteurs ardéchois furent sa famille d’accueil accompagnée d’un jeune homme prétentieux. Il était de la race de ces petits sots qui croient tout savoir de la vie parce qu’ils en connaissent trois fois rien. De ceux qui confondent arrogance et intelligence, qui croient le bonheur réservé aux simples d’esprit, aux imbéciles heureux, qui font de la lobotomie leur seul espoir d’accession au bonheur. Ces imbéciles prétendument cultivés feraient bien de lire Montaigne.
Pour compléter mon investigation, j’ai retrouvé à partir du livret scolaire de Ludovic la trace de l’enseignante qui s’était prise d’affection pour ce jeune candide. Elle avait compris que Ludovic n’était pas un benêt. A sa demande et avec l’accord de son tuteur, une psychologue l’avait soumis au test psychométrique de la WISC. Au global, Ludo obtint une note qui le situait en dessous de la moyenne, avec une forte distorsion dans les résultats. Sur l’intelligence fluide relative à la compréhension des abstractions, manipulation de cubes, orientation dans l’espace, résolution de problèmes, Ludovic avait eu une note le situant dans la moitié supérieure du panier, alors que sur l’intelligence cristallisée relative à l’éducation, au vocabulaire, à la culture générale, sa note le plaçait au seuil de la déficience. Elle commenta à Ludo ses résultats en commençant par la célèbre phrase de Benjamin Disraeli, être conscient que l’on est ignorant est un grand pas vers le savoir : « Ludovic, tu es tout à fait capable de suivre un apprentissage, et avec un petit effort, tu pourrais même devenir plus intelligent que la moyenne. Tu comprends ? » Sans doute comprit-il, mais Ludo était en proie à une idée fixe : « Vous savez, Madame, si on m’aurait demandé, je serais pas parti de Rencurel. » Ignare, certes, mais pas benêt. Il était une terre à l’état sauvage. Une terre non encore cultivée, mais fertile. Une terre où les chardons faisaient des fleurs comme son enthousiasme des sourires. Ludo était un bonheur.

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Message  claude Sam 28 Fév 2009 - 12:16

L’été de l’an deux mille, quand l’équipe du film « une hirondelle a fait le printemps » est venue à la mairie de Rencurel pour obtenir des autorisations de tournage et un lieu pour entreposer du matériel, j’ai aussitôt pensé à la grange de Ludovic.
Seize ans s’étaient écoulés depuis son absurde accident. Treize ans depuis son décès. Il avait succombé aux conséquences d’un trop long alitement ou, entendit-on, d’une maladie nosocomiale. Pour moi, il était mort le jour de sa chute dans la grange, que certains appelaient la « grange maudite », ou la « grange du pendu » ou encore la « grange casse-gueule » ; j’aimais moins la « grange des abrutis », mais je l’ai également entendu nommer ainsi. Le fait est qu’elle fut saisie et vendue par l’administration en remboursement d’une partie des frais d’hospitalisation de Ludovic. Sur la demande de ma mère, la mairie avait exercé son droit de préemption et la grange appartient maintenant à la municipalité de Rencurel. Elle a été transformée en hangar par les agents municipaux. Nous y entreposons trois bricoles et un chasse-neige acheté d’occasion à la municipalité de Méaudre. Comme ma mère avant moi, je fais à mon tour partie du conseil municipal. Aussi adoptive soit-elle, de sensibilité je me reconnais tellement en ma mère que j’aurais pu sortir de son ventre et me nourrir à son sein. C’est peut-être cette sensibilité-là que Ludovic avait vue quand il a dit à mes parents devant ma photo qu’elle et moi nous nous ressemblions.
En accompagnant les techniciens du film « une hirondelle » comme on l’abrège familièrement chez nous, dans sa grange transformée en hangar, je réalise que Ludovic et son absurde accident n’ont jamais quitté mon esprit.
Une anecdote me revient sur lui. Elle m’a été rapportée par une secrétaire de mairie aujourd’hui à la retraite. Ludo n’était qu’un enfant. Il venait d’absorber une livre de framboises qui poussaient sur un terrain appartenant à la municipalité quand elle décida d’intervenir. Elle se mit à la fenêtre du bureau qu’elle occupait à l’époque et l’interpella : « Hé, toi ! T’exagères ! » Ludo la regarda avec un angélisme désarmant. La secrétaire insista : « Oui, c’est à toi que je parle ! T’exagères ! ». Alors Ludo lui répondit sur le ton d’une innocence non feinte « Non, madame, je suis pas Gzagère ! Je suis Ludo ».

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Message  Menestroll Sam 28 Fév 2009 - 12:27

Un texte plaisant à lire !

Dans ce climat de petit village coupé du monde, on a l'impression de faire face à une autobiographie, à tel point que je me suis demandé tout le long du récit si Ludo n'avait pas existé réellement et fini sa vie au pied de la mezzanine.
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Message  Invité Sam 28 Fév 2009 - 12:40

Oui, ce texte sonne vrai et est plaisant à lire, mais j'ai l'impression qu'il a manqué de relecture : le premier paragraphe offre un régime des temps bizarres, et des maladresses se glissent par-ci par-là dans la narration. La plus criante pour moi est celle-ci :
"se surprit le voisin à prononcer", qui arrête la lecture.
Ces maladresses me semblent se faire de plus en plus rares à mesure que le texte avance, comme si vous aviez pris à un moment une vitesse de croisière et trouvé un mode de narration plus assuré...

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Message  Invité Sam 28 Fév 2009 - 18:11

Une longueur nécessaire pour bien asseoir l'ambiance et le personnage. Des détails qui sonnent réels et ajoutent à la crédibilité du récit.
Bien pour les indications de la scène du début chez les voisins qui mettent la puce à l'oreille du lecteur.
Des maladresses ici et là, un texte qui aurait dû être (re)relu ....

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Message  Roz-gingembre Sam 28 Fév 2009 - 19:21

Je trouve que les idées sont bonnes, bien dosées sans tomber dans l'excès. Ce qui n'est pas si simple.

Là où je serais moins "enthousiaste" c'est sur la narration qui nous ballotte un peu dans des maladresses ou des lourdeurs. Mais tout ça de manière très irrégulière. Par exemple le paragraphe qui commence par :
L’été aussi s’annonçait long. Long et incertain. ...
est vraiment bon.

Encore une chose* : on peut aussi apprendre à faire un massage cardiaque sans casser de côtes (et donc surtout pas au niveau des côtes flottantes), ces fichues fractures posaient tellement de problèmes que dorénavant le massage cardiaque n'est plus enseigné lors des soins de premiers secours. Vive le défibrillateur! quoique pour Ludovic, pas sûr que ce fut une trouvaille

* si je me permets ce détail technique c'est uniquement dan l'intérêt d'éventuelles victimes...
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Message  grieg Lun 2 Mar 2009 - 9:17

Malgré le zeugme de l’incipit, j’ai eu un peu de mal à entrer dans ton texte.
Notamment, le passage :

claude a écrit: Ludo n’avait pas mauvais genre, mais une drôle d’allure. Il avait peur d’être confondu de loin avec un voleur de poules. Le matin, à la gare routière de Grenoble, assis sous un abribus, il fut surpris d’attirer à lui la charité d’une passante qui lui donna une pièce de cinq francs alors qu’il attendait patiemment son autocar.

M’a semblé incongru… Trop et trop tôt.

La suite de la lecture n’a pas été plus facile… Maladresses, apartés « cheveux sur la soupe », je n’ai cessé de me dire, « ya quequechose », et le pense toujours, mais je n’ai pas trouvé.

Au delà d'une relecture nécessaire ; un traitement plus long, un développement de toutes les anecdotes auraient, peut-être, donné au texte une construction moins anarchique ?

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Message  Sahkti Mer 4 Mar 2009 - 10:19

Les descriptions hospitalières me semblent un brin trop longues.
La rupture entre la première partie, de l'arrivée de Ludo à la chute, et le reste du texte, lorsque la fille adoptive le narre en je, me paraît trop brutale, comme si deux morceaux étaient collés ensemble, avec des changements de registres. J'ai préféré cette première partie, plus sensible et plus humaine que le reste qui m'a paru par moments trop technique et trop détaillé, trop froid aussi.
Ce qui n'empêche pas l'histoire d'être plaisante à lire dans l'ensemble, mais ja la trouve inégale dans sa force et son rythme. C'est irrégulier, dommage, mais avec un bon potentiel et une base qui mériterait d'être développée.
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Message  Arielle Jeu 5 Mar 2009 - 15:49

Une chronique villageoise qui paraît effectivement racontée d'après des faits bien réels.
Quelques dialogues supplémentaires auraient été bienvenus dans le corps du texte. Ceux du début étant plutôt savoureux. Les qualificatifs sur ce vin de prairie m'ont fait sourire.

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Message  Lucy Sam 7 Mar 2009 - 6:26

Un peu long par moments, mais il demeure un bon texte avec une histoire qui se tient. Je la verrais presque plus longue, cette nouvelle - oui, c'est un peu contradictoire. Reprendre tout ça et en faire un récit plus dense. M'est avis que ça le mériterait.
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Message  Krystelle Mer 18 Mar 2009 - 18:17

J'ai trouvé pas mal de qualités à ce récit, tu poses une atmosphère particulière, tes personnages sont dépeints sans fioritures ni parti pris, j'ai aimé aussi la dimension presque cynique des réflexions qui ponctuent parfois le texte.
Néanmoins, le tout manque un peu de mordant et j'ai eu l'impression de lire le texte d'une un façon un peu trop passive, comme si tu n'impliquais pas suffisamment le lecteur dans ton récit...

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