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Au bout du quai

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Message  mitsouko Sam 28 Mar 2009 - 9:50

(Duo Cyclid / Mitsouko)

Cyclid que grâce te soit rendue pour avoir accepter de mélanger nos mots





Vertiges de mon âme
Dans ces puits insondables
Chaque lune accrochée
A mes ciels chimériques
Me rapproche du jour
De ma libération

Auschwitz, février 1945. Le bruit régulier du train, inciterait à sombrer dans un profond sommeil. Pourtant, après ces nuits de veille, je ne veux pas dormir. Par la fenêtre, le monde vivant défile devant moi, mais quand on revient du royaume des morts, en faire partie est un rêve inutile.

Il y a une semaine l’armée russe nous a libéré ; grande confusion, quelques tirs isolés, des cris, des chiens qui aboient et l’empreinte des chars dans la neige salie. Ceux qui sont partis sur les routes quelques jours auparavant, encadrés par les kapos, fuyant les bombardements alliés, sont sans doute morts à cette heure ci, pourrissant dans quelques basses fosses. Ma trop grande faiblesse et ma lassitude m’ont fait rester dans mon baraquement. Mon camp, mon tombeau furent ma résurrection.

Etoiles consumées
Par un venin féroce
Dans cette lourde attente
Le silence infernal
S’infiltre dans mes veines
Aurait-il survécu ?

Paris, février 1945. Je relis encore et encore le télégramme que l’on vient de m’apporter : « parent vivant, libération, retour Paris ». Le corps secoué de tremblements, je sens chaque larme qui contracte mon cœur comme autant de morsures. La plaie s’ouvre enfin, délivrant les sanglots trop longtemps retenus.
Dans la rue, quelques passants indifférents, accompagnent le bourdonnement de la ville.
Ici, la vie se prolonge sur les pavés éteints, suppurant sans relâche les traces de fusillades.
Chacun apprend à apprivoiser l’horreur, vécue ou croisée sur un bout de chaussée.
Paris ensanglantée… La terre se vide de ses cadavres.

Cette missive entre mes mains, si lourde d’incertitude, détourne l’horizon sous chacun de mes pas. Le trottoir n’est plus qu’un gouffre vertigineux dans lequel je tente de ne pas m’effondrer. Durant tout ce temps je te croyais mort.

Messager maudit
Des terres infâmantes
Ma bouche est muette
Et mon corps dévasté
Témoigner de l’Enfer
M’éloigne de la vie

Je revoie ce dernier voyage en train, il y trois ans, dans un wagon plombé. Nos corps glacés, nos yeux amplis d’effroi, mais ma farouche envie de vivre. A l’époque j’ignorais que mon salut me ferait côtoyer les confins de l’humanité, ces terres de désolation qui figent la mémoire et mutilent la foi en l’homme.
Pourtant, dans quelques heures j’arriverai Gare du Nord, à Paris. Mes mains tremblent, j’ai trop rêvé ton visage pour en conserver une image fidèle. Es tu encore vivante ? Seras tu là à espérer ? Si tu savais, je ne suis qu’un fantôme, affaibli, les yeux hagards, tatoué comme ces bêtes promises au sacrifice, qui vient hanter ta vie

Au plus loin de ma chair
Chaque vide s’achève
Et le tourment cruel
M’emportant vers ce quai
Sillonne mes élans

Sous les toits chargés de nuages, je revois le jour de ton arrestation.
A l’aube, dans les glaces de l’hiver, rue du Faubourg St-Denis.
Le jour se hissait lourdement au dessus des toitures. Le bruit d’un moteur, devant notre immeuble, accompagnait des éclats de voix autoritaires au travers de nos murs.
Au-delà de nos fenêtres, quelques rares témoins impassibles…
J’entends encore les hurlements de notre voisine, la porte du hall cédant sous les assauts rageurs, l’escalier résonnant du galop fou des miliciens.
Toi qui m’embrasse les mains, me murmurant de ne pas m’inquiéter tout en m’obligeant à entrer dans la cache exigüe, emménagée au fond de notre armoire.
Les cris se rapprochent…
Je me souviens de tout. La chaleur de tes bras, étreinte fugitive… Ton sourire crispé qui disparait de ma vue, lorsque tu refermes le panneau sur nos espoirs.
La peur et le froid qui déchirent ma poitrine, la sueur acide qui coule le long de mes épaules comme une traînée maléfique. L’obscurité qui m’avale et le silence qui roule à mes pieds.
Ils t’ont arraché à moi, mon amour…
Aujourd’hui tu me reviens et comme un oiseau blessé mon ciel tournoie au dessus de Paris.

Ma belle, mon tendre amour
En mon corps douloureux
Assailli de chagrin
Ton sourire fut pour moi
Ma promesse de vie

Dans le gémissement des freins sur l’acier mouillé, le train vient de s’immobiliser. A travers la vitre embuée, j’aperçois cet étrange ballet en ombres chinoises, d’une foule qui se presse, horde déferlante et bruyante comme une vague sombre. Je descends, figé devant cette effroyable bigarrure, ces effusions charnelles, ces rires et ces pleurs emmêlés, et ces regards perdus.
Je me sens presque étranger à ce bouleversement. Soudain, au bout du quai, je te vois. Comme une vierge pâle auréolée d’amour, ta silhouette qui flotte dans ce manteau trop grand, tes yeux brûlant des fièvres qui consument les âmes.
Tu avances vers moi, onde légère, à ta main agrippée comme une ombre perdue, un enfant déjà grand que je n’ai pas connu

La vie cogne mes tempes
Je sens le vent léger
Pour la première fois
Que ferons-nous mon tendre
Du bonheur à venir


Dans la foule, les quelques mètres qui me séparent de toi s’essoufflent au bout du monde.

Enfin, tu me fais face.
Le tumulte de la gare traverse nos paroles. Nous nous taisons.
Je lis dans ton regard ces souffrances silencieuses, ces plaines de l’enfer où la folie des hommes efface chaque rêve. Je lis dans ton regard chaque étoile sacrifiée.
Je découvre ton corps décharné, comme échappé du ventre de la terre.
Je cherche ton visage dans les traits du passé, je caresse tes joues, le pli de tes lèvres, tu me sembles si faible. Je sens l’odeur de mort, la poussière d’Auschwitz envahir mes poumons lorsque tu me serres contre toi.
Dans tes bras, j’écoute le chant de ton cœur d’homme libre, et je pleure….
Je pleure toutes ces nuits froissées par ton absence, serrant si fort les poings, que mes paumes gardent la marque de mon chagrin.

Notre fils, hésitant, se rapproche de toi et je vois un sourire irradier ton visage.
Autour de nous marche l’humanité tout entière.
Et pourtant à trois nous sommes déjà le monde.

Je t’aime
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Message  Invité Sam 28 Mar 2009 - 11:01

Bon, je vais jouer une fois de plus la salope de service : je pense que le sujet méritait mieux. Certes le texte est bien écrit, fait de son mieux pour éviter le pathos, est vibrant d'espoir... mais son lyrisme me gêne, je le trouve par moments artificiel.
La toute fin ("Autour de nous (...)") est très belle.

Quelques fautes de langue que je signale, comme ça c'est fait :
"Le bruit régulier du train, inciterait à sombrer dans un profond sommeil." (pourquoi la virgule entre sujet et verbe dans une phrase toute simple ?)
"l’armée russe nous a libérés"
"Dans la rue, quelques passants indifférents, accompagnent le bourdonnement de la ville." (je ne crois pas que la deuxième virgule se justifie)
"terres infamantes" (pas d'accent circonflexe sur le premier "a")
"Je revois ce dernier voyage en train"
"nos yeux emplis d’effroi"
"Es-tu encore vivante ? Seras-tu là à espérer ?" (il faut mettre les tirets dans l'inversion sujet-verbe)
"Toi qui m’embrasses les mains"
"la cache exig, aménagée" (je pense qu'"emménagée" est une impropriété de terme)
"Ton sourire crispé qui disparaît"
"au-dessus de Paris" (il y a un tiret à "au-dessus")
"à ta main agrippé comme une ombre perdue, un enfant" (c'est l'enfant qui est agrippé ; par ailleurs, cette inversion dans l'apposition me paraît participer de ce lyrisme qui a gêné ma lecture)

Sinon, j'indique ce qui m'a paru trop appuyé, trop "joli-beau" pour un sujet empli d'horreur :
"Le trottoir n’est plus qu’un gouffre vertigineux dans lequel je tente de ne pas m’effondrer."
"une traînée maléfique"
"Comme une vierge pâle auréolée d’amour, ta silhouette qui flotte dans ce manteau trop grand, tes yeux brûlant des fièvres qui consument les âmes."
"comme un oiseau blessé mon ciel tournoie"
"onde légère, à ta main agrippé comme une ombre perdue, un enfant déjà grand"
"les quelques mètres qui me séparent de toi s’essoufflent au bout du monde"
"ces plaines de l’enfer où la folie des hommes efface chaque rêve. Je lis dans ton regard chaque étoile sacrifiée."
"ces nuits froissées par ton absence"
"je vois un sourire irradier ton visage" (un sourire qui irradie, cela me paraît bizarre)

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Message  Invité Sam 28 Mar 2009 - 12:03

J'ai trouvé aussi que la forme prenait le pas sur le fond dans une grande partie de ce texte grave mais empli d'espoir ; l'impression parfois de lire des phrases sinon vides de sens, du moins affaiblies par la recherche de la forme...

Cela n'empêche pas que l'idée d'un texte à deux voix se faisant écho fonctionne bien ; une espèce de tension s'installe, on se demande comment la rencontre va se faire et la simplicité de la fin mérite un coup de chapeau.

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Message  Sahkti Jeu 23 Avr 2009 - 16:20

Commenter de tels thèmes est délicat parce que le risque est grand de penser qu'on critique le thème lui-même et non pas la forme qui y est appliquée. Pour avoir vécu de similaires malentendus, je ne m'y risquerai donc pas trop.

Et puis que dire… que par moments, cela sonne trop pathos à mes yeux, presque trop gentil, rempli d'émotion et que voilà, je partage moyennement ces effets? Le dire, oui, mais je sais que cela est dû à une telle force de sujet, qu'il ne peut en être autrement, que fatalement en pareille situation les cœurs battent et les larmes coulent.

Difficile, donc…
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Message  Romane Dim 26 Avr 2009 - 17:05

Pas facile d'en parler ou d'écrire sur le sujet. Mais je pense que c'est très bien d'oser le faire.
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Message  Anne Veillac Mar 28 Avr 2009 - 17:46

Je ne sais pas trop qui penser de ce texte. Ce n'est pas à cause de ton écriture mais à cause du sujet. A voir ton âge, il est évident que ce n'est pas un texte autobiographique et cela me semble impossible de faire de la littérature-fiction sur un tel sujet. Ton texte est bien réussi mais je n'ai pas pu m'empêcher de me dire, de toute façon, ce n'est pas une histoire vécue, et cela m'a semblé vain. Je ne sais pas si tu comprends ce que je veux dire.
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Message  cyclid Mar 5 Mai 2009 - 13:23

Bonjour à toutes et tous, merci d'avoir donné votre vision ainsi que votre avis sur notre texte commun.

La shoah en littérature fiction est longtemps restée tabou, il semble au vu de ce que je lis qu'elle l'est encore ou que du moins l'on ressent un malaise lorsqu'elle est évoquée sous forme romancée.
L'objectif d'un tel texte n'est pas de heurter les lecteurs encore moins de les divertir...
L'imaginaire peut-il servir ou non la mémoire?
Parce que c'est une fiction mais que cela aurait pu exister dans l'inimaginable a t-on ou non le droit de l'écrire?
A t-on finalement le droit d'écrire sur la shoah lorsque nous ne l'avons pas vécu?

Je pense que oui, c'est une forme d'engagement.

Amicalement

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