Mon voisin
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Ba
nine
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Mon voisin
Juste derrière chez moi, j’entends passer le train que je ne prends jamais.
C’est au rez-de-chaussée qu’habite mon voisin qui, dès le petit matin, invite le vin blanc à coté de son bol de café.
Moi, je loge au premier, mais j’ai quelque raison d’imaginer cela.
Sortant de la maison, descendant l’escalier extérieur de bonne heure dans le froid, je m’arroge le droit, quelquefois, d’un regard curieux, indiscret, à travers le carreau dont le verre embué dessine en un halo mystérieux la silhouette spartiate de l’homme en ses pénates.
Sa mine blette et déconfite, comme un fruit qui gèle en hiver, promène autour de la cuisine des prunelles glauques, incertaines, quittant vie par instant ainsi que l’on s’acquitte d’une dette souscrite ailleurs et autrefois.
… Lorsque les lois du temps étaient meilleures.
… Qu’un semblant de bonheur simulait un frisson, passant, fugace, sur une chair à l’abandon.
… Avant l’amère désillusion.
Ses gestes incertains.
Sa main.
Chassant de son front taciturne une poussière nocturne qui reste, tenace, dans les rides, et bride la raison.
Son pas pesant.
Traînant savates sur les lattes d’un parquet laissé à l’usure des saisons, comme pour balayer des fissures anciennes.
Sa main.
Encore.
Passée sur sa figure.
Pour effacer les plis que la nuit a laissé.
Et la débarrasser des bourrons de laine de la couverture.
C’est en vain que je tâche de ne pas me faire remarquer lorsque je passe et que j’observe ainsi le nid et les manières de monsieur mon voisin.
Car il est aux aguets.
Mais jamais ne s’énerve.
C’est bien tout le contraire : il semble presque heureux.
Je le regarde impunément et lui ne se met pas en garde.
Jeune femme élégante et racée, j’aime assez cependant m’encanailler parfois et taper la belote, au soir, avec les potes, aguerris et rompus, du voisin de palier du voisin de dessous.
Qui a bu tout son saoul et fait triste ripaille, amère et solitaire, avant que les copains, rimailles avinées, arrivent sur la rive où s’échoue d’ordinaire un rebut, dix de der, et tout dernier compère.
Double waters sur cour, j’hume bon les urines de l’homme, comme je vais, matin, faire un petit pipi au parfum de jasmin, tout d’organdi vêtue.
Je fume le cigare ainsi que George Sand.
Et quand je suis en panne un dimanche à midi, je ne fais pas la moue.
Ni ne recule devant rien, n’osant ma particule.
Ni ne me pare d’une armure, si, d’aventure, mon ami et voisin déclanche le verrou lorsque je toque, et me propose, sans un effet de prose, un Boyard maïs.
N’ai cure du dit-on et du qu’en dira-t-on.
Baroque en ma tenue, je me déhanche, jeune et moitié écervelée.
Me donne à regarder, volontiers, en pâture, à quelque locataire de la propriétaire.
Ainsi dans le logis qu’elle offre aveuglément, pourvu que ça rapporte, elle ferme les portes.
Encaisse en fin de mois les retards de loyer.
Laisse s’acoquiner les copains tard le soir.
Ou tôt petit matin.
Et s’en va se coucher.
Juste derrière chez moi, j’entends passer le train que je ne prends jamais.
Ayant un train de vie quelque peu incertain, il m’arriva un jour, en guise de merci, de m’allonger soumise, et ravie, un rien grise, par amour incertain, sous l’envie et le corps lourd, si lourd… du voisin.
Mais lequel ?
Le voisin de palier de celui du rez-de-chaussée ?
Ou celui du dessous du premier ?
Mais qu’importe après tout.
Juste derrière chez moi, j’entends passer le train que je ne prends jamais.
C’est au rez-de-chaussée qu’habite mon voisin qui, dès le petit matin, invite le vin blanc à coté de son bol de café.
Moi, je loge au premier, mais j’ai quelque raison d’imaginer cela.
Sortant de la maison, descendant l’escalier extérieur de bonne heure dans le froid, je m’arroge le droit, quelquefois, d’un regard curieux, indiscret, à travers le carreau dont le verre embué dessine en un halo mystérieux la silhouette spartiate de l’homme en ses pénates.
Sa mine blette et déconfite, comme un fruit qui gèle en hiver, promène autour de la cuisine des prunelles glauques, incertaines, quittant vie par instant ainsi que l’on s’acquitte d’une dette souscrite ailleurs et autrefois.
… Lorsque les lois du temps étaient meilleures.
… Qu’un semblant de bonheur simulait un frisson, passant, fugace, sur une chair à l’abandon.
… Avant l’amère désillusion.
Ses gestes incertains.
Sa main.
Chassant de son front taciturne une poussière nocturne qui reste, tenace, dans les rides, et bride la raison.
Son pas pesant.
Traînant savates sur les lattes d’un parquet laissé à l’usure des saisons, comme pour balayer des fissures anciennes.
Sa main.
Encore.
Passée sur sa figure.
Pour effacer les plis que la nuit a laissé.
Et la débarrasser des bourrons de laine de la couverture.
C’est en vain que je tâche de ne pas me faire remarquer lorsque je passe et que j’observe ainsi le nid et les manières de monsieur mon voisin.
Car il est aux aguets.
Mais jamais ne s’énerve.
C’est bien tout le contraire : il semble presque heureux.
Je le regarde impunément et lui ne se met pas en garde.
Jeune femme élégante et racée, j’aime assez cependant m’encanailler parfois et taper la belote, au soir, avec les potes, aguerris et rompus, du voisin de palier du voisin de dessous.
Qui a bu tout son saoul et fait triste ripaille, amère et solitaire, avant que les copains, rimailles avinées, arrivent sur la rive où s’échoue d’ordinaire un rebut, dix de der, et tout dernier compère.
Double waters sur cour, j’hume bon les urines de l’homme, comme je vais, matin, faire un petit pipi au parfum de jasmin, tout d’organdi vêtue.
Je fume le cigare ainsi que George Sand.
Et quand je suis en panne un dimanche à midi, je ne fais pas la moue.
Ni ne recule devant rien, n’osant ma particule.
Ni ne me pare d’une armure, si, d’aventure, mon ami et voisin déclanche le verrou lorsque je toque, et me propose, sans un effet de prose, un Boyard maïs.
N’ai cure du dit-on et du qu’en dira-t-on.
Baroque en ma tenue, je me déhanche, jeune et moitié écervelée.
Me donne à regarder, volontiers, en pâture, à quelque locataire de la propriétaire.
Ainsi dans le logis qu’elle offre aveuglément, pourvu que ça rapporte, elle ferme les portes.
Encaisse en fin de mois les retards de loyer.
Laisse s’acoquiner les copains tard le soir.
Ou tôt petit matin.
Et s’en va se coucher.
Juste derrière chez moi, j’entends passer le train que je ne prends jamais.
Ayant un train de vie quelque peu incertain, il m’arriva un jour, en guise de merci, de m’allonger soumise, et ravie, un rien grise, par amour incertain, sous l’envie et le corps lourd, si lourd… du voisin.
Mais lequel ?
Le voisin de palier de celui du rez-de-chaussée ?
Ou celui du dessous du premier ?
Mais qu’importe après tout.
Juste derrière chez moi, j’entends passer le train que je ne prends jamais.
Re: Mon voisin
Voilà une femme omnibus qui mériterait de voyager en mémoire.
Ba- Nombre de messages : 4855
Age : 71
Localisation : Promenade bleue, blanc, rouge
Date d'inscription : 08/02/2009
Re: Mon voisin
J'ai bien aimé le ton léger, détaché et moqueur de ce texte inattendu.
Le passage des "waters" me semble un brin confus et j'ai l'impression qu'au début le texte partait dans une autre direction, j'ai presque regretté de ne pas en apprendre plus sur ce voisin ; mais c'est un moindre mal, la fraîcheur et la fausse ingénuité de la belle m'ont bien plu.
Le passage des "waters" me semble un brin confus et j'ai l'impression qu'au début le texte partait dans une autre direction, j'ai presque regretté de ne pas en apprendre plus sur ce voisin ; mais c'est un moindre mal, la fraîcheur et la fausse ingénuité de la belle m'ont bien plu.
Invité- Invité
Re: Mon voisin
J'ai vraiment beaucoup aimé la première partie du texte. J'ai pris du plaisir à le lire, je l'ai trouvé intelligent, bien vu, bien rendu.
Et puis, à partir de l'intervention de la "jeune femme", j'ai décroché. Pour moi, il s'agissait d'un autre texte.
Et puis, à partir de l'intervention de la "jeune femme", j'ai décroché. Pour moi, il s'agissait d'un autre texte.
Re: Mon voisin
J'ai l'impression que le style mériterait à s'affirmer plus. Je reste avec le sentiment qu'on me raconte sans me raconter et que le tout pourrait avoir de la force si l'idée centrale était plus facile à décrypter.
Mais j'ai bien aimé la légèreté et le train qui revient tout le temps comme quand on est près des voies.
V.
Mais j'ai bien aimé la légèreté et le train qui revient tout le temps comme quand on est près des voies.
V.
Re: Mon voisin
nine a écrit:, tout d’organdi vêtue.
Travesti, par conséquent? Transsexuel, peut-être?
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Mon voisin
Prose très poétique, avec une esquisse lente des gestes accomplis, des rêves inassouvis et des regrets murmurés. C'est une douceur qui me plaît. Tout comme cette transition entre le voisin, personnage central pour débuter, cédant le relais à la narratrice, femme étrange et étonnante, qui s'interroge beaucoup à travers lui.
Tu as réussi à créer des êtres attachants dans leur fragilité, avec des drames qui se jouent en coulisses.
J'ai aimé ce texte, même si par moments, il y a de ci de là quelques effets pesants et inutiles destinés à bien affirmer la torpeur et l'érosion du temps. Sans doute y aurait-il moyen d'alléger tout cela mais en même temps, ça crée une atmosphère particulière, donc pourquoi pas.
Tu as réussi à créer des êtres attachants dans leur fragilité, avec des drames qui se jouent en coulisses.
J'ai aimé ce texte, même si par moments, il y a de ci de là quelques effets pesants et inutiles destinés à bien affirmer la torpeur et l'érosion du temps. Sans doute y aurait-il moyen d'alléger tout cela mais en même temps, ça crée une atmosphère particulière, donc pourquoi pas.
Sahkti- Nombre de messages : 31659
Age : 50
Localisation : Suisse et Belgique
Date d'inscription : 12/12/2005
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