Visage

Visage


Et ton visage avait la douceur des campagnes
A l’heure où le soir tombe
A l’heure où les bergers dorment dans les montagnes
Dont le roc nous surplombe

Il avait la douceur de la harpe et du vent
Quand les oiseaux l’apaisent
Il avait la douceur de l’agneau que l’on pèse
Du tissu que l’on vend

La douceur de la mer quand la tempête cesse
La douceur des étangs
Il avait la douceur d’un cheval trop longtemps
Choyé par sa maîtresse

La douceur bienvenue de la brise il l’avait
Comme celle des sources
Comme celle apparue une nuit qu’il pleuvait
Auprès de la grande ourse

Il avait la douceur des étoiles blessées
Dont la vie s’évapore
Et qui seront avant de mourir remplacées
Par des yeux de phosphore

L’araignée la plus sage enviait cette douceur
Et bâclait son ouvrage
Désormais les greniers s’emplissent de fourrage
Les caves de noceurs

Mais il avait aussi le calme des villages
A l’heure où font la sieste
Des enfants turbulents le front dans le corsage
De leur maman qu’ils tètent

Il avait la douceur et le calme de l’onde
Après un bref orage
Il se prenait alors pour le nombril du monde
Il l’était sans ambages

Incontestablement il possédait le calme
De l’océan dompté
La rigueur des marées la grâce de la palme
Comme leur vénusté

Le calme de l’azur il l’avait de naissance
Pourquoi s’en inquiéter
Le temps ne viendrait pas souffler son innocence
Ni ternir sa beauté

Magnifique ! J'ai vraiment adoré, surtout les deux premières et deux dernières strophes.
J'ai aussi fort apprécié
"L’araignée la plus sage enviait cette douceur
Et bâclait son ouvrage
Désormais les greniers s’emplissent de fourrage
Les caves de noceurs",
insolite, au ton pernant on ne sait trop pourquoi.

Un ou deux vers qui m'ont paru un peu artificiels, où j'ai eu l'impression d'une torsion de l'expression pour la rime :
"La douceur bienvenue de la brise il l’avait"
"Et qui seront avant de mourir remplacées" (dommage, j'aime bien l'image ici)

Votre thème est inspiré et votre écriture agréable. De plus, sauf erreur, vos vers sont impeccables.

Malgré cela le texte ne m'a pas touché. Je l'ai trouvé pesant. La répétition des mots "calme" et "douceur" était un peu trop accentuée. Je l'ai surtout ressenti dans cette strophe:

Il avait la douceur et le calme de l’onde
Après un bref orage
Il se prenait alors pour le nombril du monde
Il l’était sans ambages

Bref, votre poème m'a semblé froid.

Je vous relirai avec plaisir.

Saint Georges

J'ai eu peur que l'accumulation de métaphores ne s'étire trop mais finalement la promenade aux côtés de ce doux visage m'a paru presque trop courte.
J'éprouve une minuscule réserve sur cette strophe qui me paraît maladroite, encombrée, peut-être à cause des relatifs, peut-être du fait de la forme passive, je ne sais pas :

Il avait la douceur des étoiles blessées
Dont la vie s’évapore
Et qui seront avant de mourir remplacées
Par des yeux de phosphore

En revanche la toute dernière strophe est somptueuse, expressive d'une quiétude, d'une certitude en dépit de l'éphémère. Une petite touche de Blake ? ;-)

En bonne paranoïaque je me demande ce qui se cache derrière, dessous cette anaphore de " douceur " trop irréelle.
" il l'avait " à force m'entraine vers une lessive de mauvais aloi.
Sinon le rythme de l'hexasyllabe casse bien le classique alexandrin sorte de rejet ironique ?

Hier, première lecture, je m'ennuie, je trouve ça longuet et empli d'images romantiques limite guimauve. Bref pas conquise par la si connue douceur des campagnes et ces bergers peu originaux qui dorment dans la montagne. Reste le rythme, régulier, mais il ne suffit pas à me conquérir.
Je laisse passer quelques heures et j'y reviens...

Cette douceur répétée juqu'à l'écoeurement a raison de moi, hélas, la harpe n'arrange rien, ni la brise ni les étoiles.
J'essaie pourtant d'extirper quelque chose de cette mélancolie un brin désuette, ne serait-ce qu'un peu de torpeur et d'apaisement mais rien à faire, quelque chose se bloque en moi.

Désolée, j'ai préféré d'autres textes, ça arrive :-)

C'est très joli, désuet; un parfum de bergamote. Un peu trop de douceur à mon goût: j'attendais un éclair de sabre, un act of god, une statue de Commandeur qui s'effondre; hélas, rien de tel.
Je ne suis pas très fort sur ce chapitre, mais le vers des araignées -excellentes professionnelles- ne boîte-t-il pas? Je compte et recompte, sur mes doigts, langue sortie, et ça ne cadre pas trop.

L'a-rai-gnée-la-plus-sa-geen-viait-cet-te-dou-ceur

Il colle.

en quel honneur en-viait? en-vi-ait

Juste.

Au temps pour moi.

Non, je ne vois pas pourquoi la diérèse serait obligatoire sur "enviait". Personnellement, je prononce en-viait et ne vois pas pourquoi cette scansion serait impossible ! Pour moi, le vers de Madeline colle, en effet.

le début me porte par son contraste de douceur et de terrible.. et dieu sait que le classicisme n'est pas ma tasse de thé, la note désuette et la facture de la seconde partie perd un peu de sa magie

Socque : encore merci.

Aux messieurs qui ont lu et commenté "Visage" :
Une diction archaïsante, que l'on conserve ou non en poésie (il semble que ce soit davantage pour des raisons liées à l'observation du mètre que par caprice) correspond à la prononciation dite en diérèse. Par ailleurs des synérèses peuvent se muer en diérèses, et inversement (exemple : hier).
Le "compte" des syllabes m'amuse. Moi je ne compte pas, j'entends.

Je suis toujours à la recherche du type en question.
Je m'étais réjoui d'avoir trouvé Surcouf, puis non, son profil ne collait pas (notamment son activité de négrier).
Puis j'ai abandonné, puis je vous ai lu répondra à Ba. Donc je repars à la recherche de cette silhouette. Il est évident que le tout commence à me casser sérieusement les burnes car la recherche éloigne de la poésie et votre texte finira au rang de devinette à la Julien Lepers fin 2012, quand j'aurai fini d'envisager qui est d'une telle beauté et se balade sur une palme. Auriez vous la gentillesse de me dire si je perd mon temps en même temps que votre texte ? Merci d'avance. Ma faible érudition m'éloigne beaucoup des indices que vous parsemez sans nul doute au dessus de vos entretiens avec les Véliens du coin. Un texte étonnant et questionneur. De toute évidence.

Un poème de toute beauté, Madeline.
Sauf le titre "Visage" qui me semble inutile et même un peu gênant (c'est un détail).

Sinon, je pense comme toi : il ne faut pas compter, il faut entendre.
Et je trouve que ça s'entend avec une cadence et une harmonie très agréable et très poétique.
Peut-être qu'il suffirait d'un peu affiner pour que ce soit parfait.
Je veux dire que certaines strophes sont un peu moins poétiques et le poème ne serait pas moins bien s'il était un peu plus court.

Athor a écrit:On cachera nos airs essoufflés d’un visage !

un texte à toi, Athor ?

C'est doux et très agréable à lire .

Ma strophe préférée :

Mais il avait aussi le calme des villages
A l’heure où font la sieste
Des enfants turbulents le front dans le corsage
De leur maman qu’ils tètent

Tiens, je n'avais pas noté la fausse rime "sieste"/"tètent"... Dommage, ce petit défaut, même s'il ne m'avait manifestement pas choquée à la lecture.

Allons, Socque, un peu de sérieux...
Dans l'un des plus celèbres (et des meilleurs) poèmes du XXème siècle, "La Chanson du Mal-Aimé", Apollinaire "fait rimer" "Londres", "Rencontre" et "Honte".
Presque toute la poésie après lui (Apollinaire) rime approximativement (quand elle rime). L'assonance prend le pas sur la rime (chez Supervielle, Delétang-Tardif, Aragon souvent, La Tour du Pin, Rousselot, Cadou, Renard, Thomas, Sabatier notamment). Sous "Visage", ai-je jamais mentionné qu'il s'agissait d'un texte respectant les "règles d'autrefois" ?
Vous donnez raison a Athor lequel prétend que tout le monde se moque (il emploie en autre verbe) de la poésie. Apparemment, vous n'en lisez pas. Sauf sur les sites qu'internet consacre à ceux qui souhaitent publier "en direct", donc à 99% d'individus qui feraient mieux de s'occuper d'un jardin potager que de poésie car ils n'y entendent rien et ne publient que des textes informes.
"Visage" n'a rien de "démodé"; certaines de ses images flirtent avec celles issues de l'imagination propre aux passionné(e)s qui se sont immergés dans le surréalisme. J'ai tenu à la mesure et à la rime parce que l'oreille ne s'ensable pas et qu'en poésie j'aime à ce qu'elle soit sollicitée.
La perfection n'existe pas - même chez Mallarmé. Faut-il s'en plaindre ? Je je le pense pas. Perfection égale mort.

Bonjour Madeline,

même si la perfection n'existe pas, votre hiatus

Comme celle apparue une

me semble plus que vilain dans ce poème assez bien maîtrisé, y'a hiatus et hiatus tout de même ;-)

Je rejoins les avis de St Georges et Sahkti.

Coquin, le Peter Pan !
L'hiatus, mon petit, on le trouve même chez Malherbe, notre poète le plus exigeant (avec Mallarmé).
J'ai lu "sous votre plume" des propos tellement obsolètes concernant ce qu'il conviendrait ou non de faire en poésie, que je me suis demandée si vous ne "trichiez" pas sur votre âge. A vous lire je vous "donnais" au moins 200 ans. Heureusement sur votre avatar vous êtes mignon tout plein et dans un cadre délicieux qu'une poupée serait ravie de partager avec vous.
Trêve de plaisanteries, vos efforts pour réussir des sonnets ou ce genre de poème très construit et très surveillé sont attendrissants. Je ne me moque pas de vous. D'une nature lente sinon molle plus portée à la contemplation qu'à l'action, il m'a fallu beaucoup de temps avant de réaliser que je savais assez maîtriser (et pas "à peu près" comme vous l'écrivez vilain garçon) l' instrument (hi hi hi)...pour en jouir.

Charles,
Ainsi vous rejoignez...? Allons bon !