Vienne la nudité

Vienne la nudité !

Et voici que les jours me sont une comptine
D’où s’est enfuie l’enfance,
Que même les étés déjà font grise mine
Au mois des nonchalances.

J’attendais mon juillet comme une femme aimée
M’étonnant dès l’aurore
Du rouge embrasement de l’azur enflammé
Quand le jour s’élabore.

J’adorais les midis tout frémissants de blé
Sous le vent paresseux
Quand ayant trop marché, de soleil accablé,
Je me croyais heureux

Et les nuits de douceur comme l’épaule nue
De ces filles timides
Qui soudain frissonnaient à la lune venue
Sous mes lèvres humides.

Mais je ne sais pourquoi, en la plaine ont surgi
Des rosées de froidure.
Dans ma proche forêt, quelques branches ont jauni
Au faîte des ramures.

Contre le vent d’hiver, je n’avais de manteau
Que l’espoir de l’été
Et cette envie d’aimer qui m’est partie trop tôt.
Vienne la nudité !

Une belle régularité on dirait.
Que de mélancolie dans ces vers, Hellian.
Apollinaire et le temps qui passe inexorablement ne sont pas loin.

Un Charles d'Orléans à l'envers. La nuit du temps qui s'avance sans que nous ne puissions l'éclairer.

superbe, tactile et visuel, nostalgique et beau...

beau comme les pas d'un homme seul, qui va cheminant au travers de forêts pentues et ignorées

quel beau poème encore une fois.

ma détestation des terminaisons en "I" secs ne se laisse cependant pas bercer (car ces vers sont, comment dire, constitués en majorité d'éléments féminins -plaine,forêt, branche- et je fais la moue là :

Mais je ne sais pourquoi, en la plaine ont surgi
Des rosées de froidure.
Dans ma proche forêt, quelques branches ont jauni
Au faîte des ramures.


Y remédier c'est démonter la versification pour encourager la poétique,
comme l'enseigne Bonnefoy.

L'axe de travail est celui ci :
des rosées de froidures surgies.
quelques branches jaunies.

Je ne vous propose pas de réécriture, je goûte très peu de mon coté les modifications de mes textes. Vous vous en chargerez très bien je crois.
Pour le geste.

J'aime ce poème au rythme régulier, empli de sensibilité, avec un brin de sensualité et qui débouche sur la nostalgie. Bravo !

Que les attentes sont toujours décevantes !
On se fait son histoire à soi, bien collée, toute contre son cœur.
On se languit... on est presque plus heureux avant que pendant et toujours déçu après.

Voilà un poème qui dit bien ce qu'il raconte !

Merci Hellian.

C'est un très beau texte.
Je ne suis pas fan des poèmes réguliers, mais quand leur écriture est fluide, leur musique m'emporte et ce texte m'a emportée !
Nostalgie...

Juste ceci :
je n’avais de manteau
Que l’espoir de l’été

J'aurais écrit : je n'avais pour manteau...

Je n'ai pas trop vérifié les histoires de régularité, etc, mais à l'oreille, je trouve que ça colle. très bien, même.
Sur le fond, c'est un beau poème, une belle attente. La chute de la dernière strophe est superbe.
Oui, j'ai aimé

Je réponds donc à l'esthétique attente de Panda qu'en l'occurrence, je fais mienne :

Je répudie cette cinquième strophe indigente pour la remplacer par celle-ci :

"Mais la plaine aujourd'hui de froidure est couverte.
Dans ma proche forêt,
Sous les cimes jaunies qui naguère étaient vertes,
L'ombre monte et m'effraie. "

Si je ne craignais d'abuser, je prierais la modération d'opérer la substitution ( le fil du commentaire conservant la trace - pédagogique ? - de l'élaboration )...

J'aime les poèmes d'Hellian car j'y trouve toujours ma dose de finesse, tendresse, humanité, poésie.
"J'adorais les midis tout frémissants de blé". Détournement donnant une tournure poétique (c'est le blé qui frémit...) qui me fait penser à Ferrat disant dans "Mourir debout": à l'ombre close des volets. Ce sont les volets qui sont clos, et non l'ombre. Bravo et merci pour le plaisir à te lire, et vive la poésie !

Beau texte Hellian, pudique et intime, exposant une souffrance mélancolique de manière élégante.

Personnellement, je préfère la première version de la 5e strophe, plus harmonieuse et musicale à mon oreille, mais cela n'est que question de goûts. D'autant plus que cette 5e est une de mes préférées, la 4e strophe me paraissant plus faible. Comme quoi... :-)

Zut, je commence à fatiguer, moi.. à défaut d'un commentaire construit, je ne dirai qu'un bravo, qu'un merci, qu'un encore. C'était beau à lire. J'y reviendrai.

C'est beau à faire pleurer. Nous ne reverrons plus ces étés flamboyants où les coeurs et les corps , dans leur belle maturité, vivaient pleinement sans songer à la vieillesse, pleurant seulement les amours qui se défaisaient et septembre qui fermait, pour un an, les volets de la maison de vacances.

J'ose me permettre une remarque concernant la strophe suivante:

Dans ma proche forêt, quelques branches ont jauni
Au faîte des ramures."

"quelques" est particulièrement dur à prononcer

Vous souhaitan, cependant, quelques belles journées d'été qui n'est pas fini.
Amicalement

Déchirante ambiguïté de ce dernier vers !
Sous leur sage et classique apparence tes poèmes, Hellian, m'ouvrent toujours la voie de réflexions multiples et celui-ci ne fait pas exception à la règle.

Une belle ampleur, comme souvent chez toi... Une ambiance un peu sage à mon goût, mais, évidemment, c'est mon goût.

Une mention spéciale pour cette strophe-ci, très évocatrice selon moi :
"Et les nuits de douceur comme l’épaule nue
De ces filles timides
Qui soudain frissonnaient à la lune venue
Sous mes lèvres humides."

Je ne sais si je peux oser, trop tard c'est déjà fait, dites moi surtout si je vous dérange,
j'envisage un voyage pour ce poème et cette voix, puis-je ?
d'autant que nous ne sommes (chacun sur nos sites) concurrents, juste passionnés à nos mesures par la belle écriture.

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?

Verlaine, bien sûr.

Ça m'y a fait penser.

J'ai trouvé ce poème magnifique. A cause de sa musicalité (si musical que je l'ai lu en chantonnant), à cause de cet équilibre parfait entre légèreté, candeur presque, et gravité. Bravo.

Tout me touche, le fond, la forme, tant tu réussis à insuffler à des thèmes universels ta propre musique.

J'aime ce texte tout frémissant ... de mots.
Des mots qui s'égrènent comme des épis.

C'est avec un plaisir toujours renouvelé que je lis vos poèmes.

"Contre le vent d’hiver, je n’avais de manteau
Que l’espoir de l’été
Et cette envie d’aimer qui m’est partie trop tôt.
Vienne la nudité !"[i]

Sobre, élégant, efficace .
encore un bravo!

Puisque ce poème remonté comme un bouchon est encore un peu à la surface de notre étang je veux remercier ceux qui m'ont fort gentiment fait à nouveau l'honneur de leur commentaire. Éclaircie, vous n'êtes pas raisonnable ( dit-il , en faisant sa coquette ), vous n'allez pas comme ça déterrer tous mes vieux os, quand même !

Hellian a écrit:Puisque ce poème remonté comme un bouchon est encore un peu à la surface de notre étang je veux remercier ceux qui m'ont fort gentiment fait à nouveau l'honneur de leur commentaire. Éclaircie, vous n'êtes pas raisonnable ( dit-il , en faisant sa coquette ), vous n'allez pas comme ça déterrer tous mes vieux os, quand même !

*rire*
Non, je laisse vos *vieux os* fermenter pour la belle expression actuelle, (la vôtre et celle d'autres). C'était un moyen de vous questionner.
Votre démarche d'ajouter la dimension vocale (si elle est dictée au départ, me semble-t-il, pas des raisons personnelles précises) donne un nouvel essor à l'expression. Un bond en avant qui serait retour en arrière.
Partie de l'oral et de l’oral seul, la poésie y revient, par nécessité (né-cécité) et permettrait aux mal voyants d'accéder sans avoir à geindre ou à pleurer à ce pan de l'art.
(il me semblait avoir vu la vidéo associée, hier, ai-je rêvé ? )

Merci pour tout.

J'aime beaucoup la musicalité de ce poème.
"Et voici que les jours me sont une comptine
D’où s’est enfuie l’enfance,"
me plaît particulièrement.

Toutefois je me méfierai à l'avenir de: voici que ... c'est un bon démarreur (moi-même peut être), mais voilà que...nous l'avons beaucoup vu.

Enfin je déplore qu'un auteur si habile n'ait pas renouvelé le thème. Ne peut on se passer des blés, de l'aurore et de l'azur, de la rosée et des épaules nues?
Est ce que nous vivons dans un monde champêtre, blond et rose, ou dans un monde de routes, d'autoroutes, de télécommunication, de bruit et de fureur?

Oui, Verlaine, mais Verlaine ...

"le voici que" et " je ne sais pourquoi" râpent un peu à l'oreille

après.............on pense à ces petites échappées vers la beauté de Paul V

alors j'aime

Version vocale :