On the sunny side

Fatalement, j’ai trébuché sur mon ombre. Elle s’est mise à râler, fatalement : « Imbécile ! Tu ne peux pas regarder où tu mets les pieds ! » J’ai bredouillé, je ne sais plus quels mots, mais c’est sûr, je l’ai heurtée, j’ai failli même lui rentrer dedans, l’habiter même, même la hanter, mais heureusement j’ai perdu l’équilibre. J’avais fait un faux pas. Faut pas faire de faux pas, ça coûte cher, on ne s’en remet pas, pas toujours. Il convient toujours d’avancer d’un vrai pas. Mais je ne sais plus aujourd’hui ce que c’est qu’un pas vrai, je ne mens pas ! J’ai chu, c’est sûr, en achoppant là où se situait l’ombre d’une difficulté, celle pour moi d’être là. J’ai tout tourné dans ma tête, je me suis tourné et retourné, j’ai zigué et j’ai zagué, et, par quelques pirouettes, j’ai basculé par-dessus mon profil sombre, j’ai sauté par-dessus mon ombre.
Depuis, je ne suis plus à moi, mais je ne suis pas un leurre, depuis, je ne me ressemble pas.
Je brûle ma vie, depuis, aux feux de tous les soleils, j’ai pris mon chapeau, enfilé mon manteau, laissé mes soucis sur le pas de la porte, et me suis dirigé on the sunny side of the street, côté soleil. Je ne marche dans l’ombre de personne, je marche de l’avant, mais à côté de mes pompes, sur la tête ; mes pompes qui ne veulent pas se prendre pour un chapeau s’en vont, droites, du côté sombre, avancent en gris sur terres austères, en grandes pompes ridicules, mais sans moi. Moi, je grimpe aux arbres, je danse les matassins et fais la sarabande sur les trottoirs ; du côté ensoleillé de la route, je suis équilibriste, funambule sur les bords des trottoirs, on the sunny side of the street, de ce côté de la route toujours en été, j’y suis, et je chantonne : summertime, and the living is easy ; et puis je bois toutes les liqueurs, j’avale tous les alcools, je descends toutes les rivières de téquila et les grands fleuves de mesqual, je rigole, je complimente toutes les femmes du côté ensoleillé de la vie, je les contemple, je les suis, oh ! pas comme une ombre, mais comme un amoureux transi qui aurait à leur dire comme tu es jolie, comme je suis impatient de ce moment qui nous rapprochera, de ce temps qui nous réunira.
« T’es pas clair » débagoulent les ombres, de l’autre côté de la route. Elles déblatèrent : « T’es pas net » avec leurs voix de tuba, et moi je joue de la clarinette, du côté ensoleillé de la route. Moi je poursuis mon chemin, en fanfare, loin de mes pompes et sur la tête, je cabriole, n’en fais qu’à ma tête, je ne joue pas les trouble-fête, je rehausse la joie, je fais une halte dans tous les bars, je chasse le cafard au fond des verres et des bouteilles de bière. Et dans mes cocktails multicolores, couleurs soleil, je ne mets pas l’ombre d’une amertume. Le soir, j’offre à boire un doux macadam à celles qui polissent le bitume. Je ris aux ombres quand elles hurlent, de l’autre côté de la rue : « Difforme dégingandé, marionnette déjetée, tu ne ressembles à rien ! » Je ne me ressemble pas, c’est vrai, je joue tous les rôles, tragédien déchaussé, à côté de ses pompes qui ont filé du côté noir de la chaussée, clown blanc à faire rire tous les déjantés, spécimen incontrôlé de caméléon protéiforme aux couleurs changeantes de la vie dans toutes les teintes du spectre solaire, qui n’est pas ombre, n’est pas un fantôme ultraviolet, une apparition infrarouge, non, et chaque jour je bouge, je change de rayon, du rayon comique au rayon bêta, je rayonne sur le trottoir, du côté ensoleillé de la route.

Si tu me cries : « Toi tu m'fous les glandes, t'as rien à foutre dans mon monde, arrache-toi d'là t'es pas d'ma bande, casse-toi et marche à l'ombre ! » moi, je me marre ; les écouteurs dans les oreilles, je suis branché Ella, je suis branché Billie, et moi je poursuis ma route du côté ensoleillé, où j’ai croisé Duke, où je ris avec Satchmo. Moi, je reste à l’adret, je n’irai pas à l’ubac, je ne traverserai pas. Je n’irai pas là où traînent les décombres de ma vie d’avant, non. Qu’elles répètent tant qu’elles voudront, les ombres en écho graphie d’un blues du monde gros d’un cafard : « Eh, tu ne ressembles à rien ! Viens de notre côté, on va te faire ton profil, on va te remettre en forme », moi je reste du bon côté de la route, je reste là où le soleil n’est jamais en déroute. Je chantonne :
Lorem ipsum, sum, sum, sum, dans des mots dits doux, dits doux, doux, désirs là, si doux, allez dis-le nous donc, dis, comment va la vie, dis-nous, dis, chic on s’en va, chocs aventures, on s’en va, ipsum, sic, sic, pas de vie en toc, j’observe le vol des coquecigrues, je m’en reviens à la saint glin-glin, hop, hop, hop, je soliloque, ad hoc, ad hoc, ad hoc.
J’ai dressé un rempart pour ne plus voir les ombres et les léopards, un écran de lumière pour les laisser derrière, et je cours comme une panthère pour ne pas qu’elles me rattrapent, et si les ombres attaquent gueulant en mille échos, je suis félin, je m’échappe toujours, malin, toujours du même côté, le côté ensoleillé de la route.

Ah ben comme quoi ça vaut la peine de faire gardien de nuit de VE :
Je puis avoir l'honneur de vous souhaiter la bienvenue sur un forum où vous et votre ombre vous sentirez chez vous !

J'ai beaucoup aimé votre premier texte, avec tout plein de couleurs et de rythme dedans, avec son refus radical du morose et du pas drôle, du sombre et du gris, des Talwegs et des Ubacs et on y croit presque...
A la vie comme à une fête éternelle, à un jour qui se lève et qui n'en finirait jamais de briller, à une ombre qui se prends un coup de tatane et qui finit définitivement de nous faire chier dans le caniveau d'où elle ne se relèvera pas...
Vous n'aimez pas Renaud ? Bah...ce renard affirme "marche à l'ombre" mais il est plus rusé que ça...

Une belle énergie, oui ! Quelque chose de solide, qui se dresse et gueule, un défi. J'ai aimé aussi, mais serai moins enthousiaste que boc21fr : je trouve que l'ensemble part un peu trop dans tous les sens (c'est mon côté rationnel à toute blinde), manque d'une ligne directrice. Et puis j'ai du mal avec les jeux de mots...

Un ton revigorant en tout cas, pêchu, qui me plaît.

Bienvenue sur Vos Écrits, à vous lire bientôt !

Tu as trébuché sur ton ombre, prétexte original pour nous clamer ta joie de vivre. J'aime ton style.
Par contre, moi, je trébuche sur les anglicismes. D'emblée, j'ai grimacé sur le titre.
Mais j'ai trouvé ton texte très bon, écrit gros (merci pour les pépés et mémées du site) et je compte bien te relire avec autant de plaisir. Merci.

Bienvenue à celui qui 'surveille le vol des coquecigrues'. Jolies trouvailles, joli texte et comme le dit Embellie, merci pour le choix de la police d'écriture.

A une telle diatribe endiablée et angélique, à la tribu toute honte bue des félins pas félons, à Billie et Ella, les voix lactées, les voix café de nos nuits blanches, je ne répondrai que

glop glop

sous le soleil exactement

Objectivement, je vois les faiblesses : répétitions, texte étouffant, fautes d'orthographe, manque de rigueur général.
Subjectivement, j'adore. Je me retrouve toute entière dans tes mots, j'aime cette renaissance que tu décris, la folie douce, la subversion de celui qui finit par jeter son bonnet par-dessus les moulins pour clamer : rien ne vaut la vie !!! (c'est du Souchon, pas du Renaud cette fois :-)). Merci et bienvenue ici Louis.

Difficile à suivre.
J'attends de lire autre chose.

Un monde dinguo, swing, jazz. Il me plait définitivement sauf que je ne suis pas très invité à participer. Alors je regarde et passe mon chemin. Tiens , un texte heureux ! Et puis voilà.

Pas fan des mots anglais disséminés ci et là, je trouve que ça apporte peu, voire ça superficialise une partie.

Ceci mis à part, j'ai aimé l'allure générale de ce texte, dans le sens où je la trouve vivace et pleine de répartie; il y a une énergie vivifiante dans tout ceci qui permet au texte de suivre un rythme dense et efficace.
De plus, les multiples pistes ouvertes et suivies apportent un chouia de confusion qui n'est pas pour me déplaire dans le cas présent, ça tient en éveil et donne à créer de son côté.

Un texte qui pourrait sans doute y gagner en qualité si tu solidifiais quelque peu le fil conducteur, histoire de pouvoir ensuite te concentrer sur ces graines d'abusrdité que tu as plantées ci et là.

Au plaisir de te lire ailleurs, Louis !

J'aime cette écriture qui joue, il n'y a rien de plus important que le jeu, c'est la source de toute connaissance, celle qui fait tourner le moulin-travail.
Tes textes m'évoquent les Aruspices qui étudiaient les chutes, pas si aléatoires pensaient-ils, de petits cailloux, ordonnant des significations à partir de ces jets désinvoltes, les reliant pour faire appararaitre des trajets, des chemins cachés, des directions à prendre. Tes mots sont les cailloux du petit poucet, pas une stèle, pas un obélisque, juste vivants...

Un peu perdue, j'ai cherché un fil auquel me raccrocher. Oui, mais voilà, faut aussi accepter de se laisser embarquer dans l'univers des autres, en perdant pieds.
Là :

les ombres en écho graphie d’un blues du monde gros d’un cafard

Je vous suis. Elles sont sympas ces " ombres en écho graphie ".

Les chaussures sont peut-être l'élément vestimentaire qui marque avec le plus d'évidence la différence fondamentale entre le civilisé et l'indigène, entre le blasé chronique et celui qui sait encore faire resplendir les mille facettes de l'enchantement.  

Puisses-tu garder encore longtemps en toi cette part de rêve infiniment précieuse, Louis !

C'était quel octobre de quelle année ? Pourquoi pense-t-on à la fois à Devos et Magritte en pistant cette ombre follet ?

Heureux de te relire Louis. Ton texte est un manifeste pour le positif. Comme une décision, une volonté. Les effets de verbe ludiques illustrent bien le propos. Je pense parfois au disparu Christian Gailly, son style jazzy. Toutefois la relation entre soleil et ombre n'est-elle pas un peu binaire ? Un peu convenu. L'éloge de l'ombre reste à faire. C'est elle qui valorise la lumière. Est-il possible que nous soyons divisés aussi proprement ? Mais ton texte n'est pas réaliste ni psychologique. Aucune crédibilité n'est à rechercher. C'est avant tout un texte de divertissement au sens pascalien. Se divertir pour ne pas mourir. Pour s'illusionner. Donc le reste n'est qu'interprétation et humeur de ma part.