Le vélo de ma mère !
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silene82
CROISIC
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Le vélo de ma mère !
A cinquante-trois ans, veuve et sans moyen de locomotion, ma mère a fait l’acquisition d’une bicyclette au moins aussi âgée qu’elle et d’une couleur indéfinissable. Peut-être un vert un peu marron. Elle lui offre une belle paire de sacoches grises et des sandows jaune et rouge pour attacher solidement sur le porte-bagage le panier en osier indispensable pour aller au marché.
Cette bicyclette lui rend les mêmes services qu’un âne mais elle n’ose pas monter dessus.
Elle n’a jamais appris ni l’équilibre, ni le pédalage ni le freinage ; connaissances indispensables pour grimper sur cet engin pourtant muni d’un « col de cygne » comme elle le fait fièrement remarquer.
Ma mère trottine donc à côté de son triste et utile destrier mais, le plus souvent doit courir car elle n’a pas de notion très précise du temps qu’il lui faut pour aller de la maison jusqu’au lieu où elle est attendue.
Son mollet droit n’est que bleus et écorchures tant il fréquente durement la pédale gauche du sinistre et indispensable engin.
Du haut de mes onze ans et de ma grande aisance sur la « petite reine » je prétends pouvoir apprendre à ma mère à chevaucher son col de cygne… elle me prend au mot.
Une chaude après-midi de juillet, nous partons.
Elle, à côté de son vélo, moi pédalant sans forcer.
Destination choisie : les pistes du camp d’aviation abandonnées aux ronciers et autres arbustes peu attractifs depuis la fin de la guerre. L’endroit a l’avantage d’être discret et le ciment des pistes parfaitement plat.
Nous avons oublié les espaces creux qui séparent les plaques de ciment… de sacrés maçons ces allemands dit-elle.
Cette première leçon est douloureuse… pour ma mère.
Je cours derrière elle en essayant tant bien que mal de tenir la selle du vélo et les reins de la pauvre élève cycliste. Pas moins de cinq chutes. Les genoux en sang elle remonte sans gémir sur la machine indocile. C’est têtu et déterminé une femme du Limousin.
Le retour à la maison est lent et difficile.
Un jour sur deux nous retournons sur les pistes. Les progrès sont lents, très lents. Les chutes fréquentes, très fréquentes.
Dans les sacoches, en plus du goûter et de la gourde d’eau, nous emportons des pansements, de l’alcool et du coton hydrophile.
En septembre, nous nous aventurons sur des petites routes peu fréquentées.
Elle n’a appris que la ligne droite sur ces pistes, là, il faut aborder le chapitre virages et freinage imprévu pour cause d’obstacle ou de véhicule inattendu.
Elle prend un peu d’assurance et décide qu’elle est mûre pour aller à la ville sur sa bicyclette.
Je la regarde partir avec l’inquiétude d’une mère pour son enfant qui quitte le nid familial pour la première fois.
Elle revient longtemps plus tard, échevelée, transpirante, à pieds !
Je comprends que les leçons de freinage ont été insuffisantes.
La roue avant est voilée, le guidon tordu et la chaîne a sauté ; la rencontre avec le haut trottoir devant le marché lui a été fatale.
Trois décennies plus tard, ma mère court toujours à côté de son vélo dans les descentes, encore plus vite aux carrefours, grimpe dessus sur les plats ou dans les côtes et saute comme une chèvre, les deux pieds bien écrasés de chaque côté du fameux « col de cygne » au moindre obstacle.
Sont-ce ses origines anglaises ? Lorsqu’elle elle est en phase de pédalage, elle se tient aussi raide que si elle avait un parapluie glissé dans son corset…
Je ne lui ai jamais proposé de lui apprendre à conduire une auto !
Cette bicyclette lui rend les mêmes services qu’un âne mais elle n’ose pas monter dessus.
Elle n’a jamais appris ni l’équilibre, ni le pédalage ni le freinage ; connaissances indispensables pour grimper sur cet engin pourtant muni d’un « col de cygne » comme elle le fait fièrement remarquer.
Ma mère trottine donc à côté de son triste et utile destrier mais, le plus souvent doit courir car elle n’a pas de notion très précise du temps qu’il lui faut pour aller de la maison jusqu’au lieu où elle est attendue.
Son mollet droit n’est que bleus et écorchures tant il fréquente durement la pédale gauche du sinistre et indispensable engin.
Du haut de mes onze ans et de ma grande aisance sur la « petite reine » je prétends pouvoir apprendre à ma mère à chevaucher son col de cygne… elle me prend au mot.
Une chaude après-midi de juillet, nous partons.
Elle, à côté de son vélo, moi pédalant sans forcer.
Destination choisie : les pistes du camp d’aviation abandonnées aux ronciers et autres arbustes peu attractifs depuis la fin de la guerre. L’endroit a l’avantage d’être discret et le ciment des pistes parfaitement plat.
Nous avons oublié les espaces creux qui séparent les plaques de ciment… de sacrés maçons ces allemands dit-elle.
Cette première leçon est douloureuse… pour ma mère.
Je cours derrière elle en essayant tant bien que mal de tenir la selle du vélo et les reins de la pauvre élève cycliste. Pas moins de cinq chutes. Les genoux en sang elle remonte sans gémir sur la machine indocile. C’est têtu et déterminé une femme du Limousin.
Le retour à la maison est lent et difficile.
Un jour sur deux nous retournons sur les pistes. Les progrès sont lents, très lents. Les chutes fréquentes, très fréquentes.
Dans les sacoches, en plus du goûter et de la gourde d’eau, nous emportons des pansements, de l’alcool et du coton hydrophile.
En septembre, nous nous aventurons sur des petites routes peu fréquentées.
Elle n’a appris que la ligne droite sur ces pistes, là, il faut aborder le chapitre virages et freinage imprévu pour cause d’obstacle ou de véhicule inattendu.
Elle prend un peu d’assurance et décide qu’elle est mûre pour aller à la ville sur sa bicyclette.
Je la regarde partir avec l’inquiétude d’une mère pour son enfant qui quitte le nid familial pour la première fois.
Elle revient longtemps plus tard, échevelée, transpirante, à pieds !
Je comprends que les leçons de freinage ont été insuffisantes.
La roue avant est voilée, le guidon tordu et la chaîne a sauté ; la rencontre avec le haut trottoir devant le marché lui a été fatale.
Trois décennies plus tard, ma mère court toujours à côté de son vélo dans les descentes, encore plus vite aux carrefours, grimpe dessus sur les plats ou dans les côtes et saute comme une chèvre, les deux pieds bien écrasés de chaque côté du fameux « col de cygne » au moindre obstacle.
Sont-ce ses origines anglaises ? Lorsqu’elle elle est en phase de pédalage, elle se tient aussi raide que si elle avait un parapluie glissé dans son corset…
Je ne lui ai jamais proposé de lui apprendre à conduire une auto !
Re: Le vélo de ma mère !
Une écriture un peu raide à mon goût pour ce genre d'anecdote, mais elle est amusante !
J'aime la phrase "Trois décennies plus tard, ma mère court toujours à côté de son vélo dans les descentes, encore plus vite aux carrefours, grimpe dessus sur les plats ou dans les côtes et saute comme une chèvre, les deux pieds bien écrasés de chaque côté du fameux « col de cygne » au moindre obstacle.", plus vive, où je ne sens plus le côté un peu guindé (pour moi, hein) du texte.
Mes remarques :
« Ma mère trottine donc à côté de son triste et utile destrier mais, le plus souvent doit courir car elle n’a pas de notion très précise du temps qu’il lui faut pour aller de la maison jusqu’au lieu où elle est attendue » : je trouve la phrase un peu lourde et, surtout, me dis qu’il serait préférable de compléter par une autre virgule l’incise « le plus souvent »
« de sacrés maçons ces Allemands dit-elle »
« échevelée, transpirante, à pied (et non « à pieds », je sais, c’est pas logique) »
J'aime la phrase "Trois décennies plus tard, ma mère court toujours à côté de son vélo dans les descentes, encore plus vite aux carrefours, grimpe dessus sur les plats ou dans les côtes et saute comme une chèvre, les deux pieds bien écrasés de chaque côté du fameux « col de cygne » au moindre obstacle.", plus vive, où je ne sens plus le côté un peu guindé (pour moi, hein) du texte.
Mes remarques :
« Ma mère trottine donc à côté de son triste et utile destrier mais, le plus souvent doit courir car elle n’a pas de notion très précise du temps qu’il lui faut pour aller de la maison jusqu’au lieu où elle est attendue » : je trouve la phrase un peu lourde et, surtout, me dis qu’il serait préférable de compléter par une autre virgule l’incise « le plus souvent »
« de sacrés maçons ces Allemands dit-elle »
« échevelée, transpirante, à pied (et non « à pieds », je sais, c’est pas logique) »
Invité- Invité
Re: Le vélo de ma mère !
Quelque chose du parapluie à corset a dû passer dans le stylographe ; tous les ingrédients y sont pour quelque chose d'irrésistible. Comment ? Peut-être en faisant parler les protagonistes, avec de vrais mots. Limousine ? Elle doit bien avoir des mots à elle. Une manière de penser, de comprendre le monde. La monitrice aussi.
J'aime l'atmosphère, et tout ce qui est suggéré. Mais j'ai l'impression d'une évocation, pas d'une restitution. Peut-être est-ce le but que tu poursuis, une bobine en 8 mm, un peu striée, avec des couleurs irréelles, des bribes aboutées, une bande muette... dans ce cas, peut-être qu'en voix off ça fonctionnerait mieux. Et tu pourrais mettre le son après la fin, sous forme d'échanges un peu indistincts, comme dans le vent.
Ce ne sont que suggestions. Tel qu'il est, il dit déjà beaucoup.
J'aime l'atmosphère, et tout ce qui est suggéré. Mais j'ai l'impression d'une évocation, pas d'une restitution. Peut-être est-ce le but que tu poursuis, une bobine en 8 mm, un peu striée, avec des couleurs irréelles, des bribes aboutées, une bande muette... dans ce cas, peut-être qu'en voix off ça fonctionnerait mieux. Et tu pourrais mettre le son après la fin, sous forme d'échanges un peu indistincts, comme dans le vent.
Ce ne sont que suggestions. Tel qu'il est, il dit déjà beaucoup.
silene82- Nombre de messages : 3553
Age : 66
Localisation : par là
Date d'inscription : 30/05/2009
Re: Le vélo de ma mère !
Ah oui il y a déjà des images drôles et touchantes. Faudrait rajouter la bande son pour y mettre plus de vie.
Qu'on soit de plein pied avec les personnages, qu'on quitte le côté "documentaire" certes bien rendu ...avec des extraits dialogués comme si ça se passait au présent, on rentrerait encore mieux dans le film.
Qu'on soit de plein pied avec les personnages, qu'on quitte le côté "documentaire" certes bien rendu ...avec des extraits dialogués comme si ça se passait au présent, on rentrerait encore mieux dans le film.
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Le vélo de ma mère !
Vous avez raison tous les trois, tout cela manque de vie, de verve, de dialogues. J'ai hérité du parapluie de ma mère !
Merci Socque pour vos précieuses corrections et pour votre regard.
Merci Socque pour vos précieuses corrections et pour votre regard.
Re: Le vélo de ma mère !
T'sais, plus on sent qu'il y a du potentiel, plus on est exigeant :-)))
Rebecca- Nombre de messages : 12502
Age : 65
Date d'inscription : 30/08/2009
Re: Le vélo de ma mère !
Dans les sacoches, en plus du goûter et de la gourde d’eau, nous emportons des pansements, de l’alcool et du coton hydrophile.
:-)))
petite chronique familiale bien sympatoche
on y passerait bien le tonton, et puis le papy, et puis... non ?
;-)
:-)))
petite chronique familiale bien sympatoche
on y passerait bien le tonton, et puis le papy, et puis... non ?
;-)
Re: Le vélo de ma mère !
Un côté J.K.J., style "deux femmes sur un vélo" bien sympa !
Hellian- Nombre de messages : 1858
Age : 74
Localisation : Normandie
Date d'inscription : 14/02/2009
Re: Le vélo de ma mère !
Bien aimé le ton, la simplicité du récit. Bien sûr, ça donne l'impression d'être un peu brut de décoffrage, un premier jet qui demande à être étoffé, vivifié ... Ce serait bien de ménager des transitions avec des échanges entre les deux protagonistes. Parce qu'on aimerait l'entendre cette mère apprentie vélocipédiste, en plus de la voir ; on aimerait aussi que la fille prenne plus de relief. Il ne manque pas grand-chose pour donner de l'ampleur au récit.
Invité- Invité
Re: Le vélo de ma mère !
Oui, super, très amusant.
Je pense, comme tout le monde ci-dessus, que quelques dialogues, courts, accompagnant la progression dans l'apprentissage, ajouteraient de la saveur à cette évocation. Merci du plaisir, Croisic.
Je pense, comme tout le monde ci-dessus, que quelques dialogues, courts, accompagnant la progression dans l'apprentissage, ajouteraient de la saveur à cette évocation. Merci du plaisir, Croisic.
Invité- Invité
Re: Le vélo de ma mère !
Ce ton un peu guindé, je le retrouve dans nombre de tes textes, Croisic, et ça me plait toujours autant, parce qu'il est rarement dénué d'humour.
Parfois, il s'émaille d'une insolence ingénue qui me ravit (je n'ai pas oublié la vendeuse moustachue qui sentait sous les bras ou les pieds selon la saison!)
Quant à l'émotion, si elle est discrète et étrangement rendue, elle n'est jamais bien loin.
Parfois, il s'émaille d'une insolence ingénue qui me ravit (je n'ai pas oublié la vendeuse moustachue qui sentait sous les bras ou les pieds selon la saison!)
Quant à l'émotion, si elle est discrète et étrangement rendue, elle n'est jamais bien loin.
Re: Le vélo de ma mère !
J'avais un petit bémol à signaler et je l'ai oublié :
On s'attend un peu à une surprise ou la chute d'une bonne blague alors que ce n'est rien d'autre qu'une évidence, c'est décevant.
Les points de suspension et le pour ma mère sont superflus, à mon avis.Cette première leçon est douloureuse… pour ma mère.
On s'attend un peu à une surprise ou la chute d'une bonne blague alors que ce n'est rien d'autre qu'une évidence, c'est décevant.
Re: Le vélo de ma mère !
La scène, les scènes sont très bien narrées. Et mis à part, peut-être, quelques expressions limousines de la mère (juste pour un peu de folklore), je ne vois pas ce qu'un dialogue ajouterait au texte. C'est vrai que les dialogues autres que ceux du théâtre et des films, m'ennuient souvent.
Tout est bien croqué, on imagine facilement les difficultés d'un tel apprentissage à l'âge mûr...
Le seul bémol : pourquoi un point d'exclamation dans le titre ?
Tout est bien croqué, on imagine facilement les difficultés d'un tel apprentissage à l'âge mûr...
Le seul bémol : pourquoi un point d'exclamation dans le titre ?
Invité- Invité
Re: Le vélo de ma mère !
Retour de vacances... ravie de vos commentaires à tous, qui me sont une aide précieuse.
Ma mère parle toujours un excellent français avec parfois des expressions fort drôles, mais pas de patois limousin, désolée pour les amateurs.
Rebecca merci pour le compliment implicite.
Dusha, je sais, j'abuse du point d'exclamation, Embellie me l'avait déjà fait remarquer sur un autre texte.
Heureuse de te retrouver Lunatik... ton absence m'a semblé bien longue.
Ma mère parle toujours un excellent français avec parfois des expressions fort drôles, mais pas de patois limousin, désolée pour les amateurs.
Rebecca merci pour le compliment implicite.
Dusha, je sais, j'abuse du point d'exclamation, Embellie me l'avait déjà fait remarquer sur un autre texte.
Heureuse de te retrouver Lunatik... ton absence m'a semblé bien longue.
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